Fantasmes sur la fécondité musulmane

Un amalgame entre des problèmes réels et l’ignorance des données de base a conduit à répandre des fantasmes sur la fécondité musulmane, qui serait débridée et déclencherait une telle marée humaine que l’Europe en serait submergée.

La crainte du « grand remplacement » par une majorité de musulmans en Europe tient plus du fantasme que de la réalité.

NDLR : Je suis l’auteur original de cet article initialement été publié par l’Institut Turgot sur son blog, devenu inaccessible aujourd’hui : http://blog.turgot.org/index.php?post/Fantasmes-sur-la-f%C3%A9condit%C3%A9-musulmane (lien Internet Archive) 

Certains annoncent la prise de pouvoir « démocratique » d’une majorité musulmane avec imposition de la charia à la clé. Ces fantasmes se diffusent au Nord dans un contexte de crainte et au Sud dans un contexte triomphaliste, ces sentiments se renforçant mutuellement.

Tout le monde est d’accord pour dire que certains musulmans posent un problème grave à l’Europe. Mais pour traiter un problème il faut en connaître les données. Or, celle évoquée ci-dessus ne donne pas une idée pertinente de la question.

Il y a environ 500 millions d’habitants en Europe, dont environ 20 millions de musulmans. De plus ces musulmans sont profondément divisés, par exemple entre Turcs, Pakistanais et Arabes. Ils le sont aussi par leur rapport à la religion, qui va de l’athéisme à l’extrémisme.

Pour que 20 millions deviennent une majorité, et même compte tenu d’un dépeuplement probable de plusieurs pays européens, il faudrait un taux de fécondité de 8 enfants par femme pendant 150 à 200 ans. Et supposer qu’il y a « un gêne de l’islam » et que les arrières petits-enfants seront toujours musulmans et hyper féconds.

Or le taux de fécondité varie de 1,5 à 3 enfants par femme pour la plupart des communautés musulmanes du Nord comme du Sud, à part quelques exceptions subsahariennes (cf Echos du Monde Musulman n°88 et les vidéos de Youssef Courbage directeur de recherches à l’INED (Institut national des études démographiques) sur YouTube).

Hors d’Europe, une telle fécondité n’existe désormais que dans de rares campagnes ou montagnes reculées, aussi bien chrétiennes, animistes ou bouddhistes que musulmanes. Or on vit en ville, surtout dans le cas des immigrants en Europe.

Il faut certes rajouter une immigration non négligeable. Mais elle est probablement très inférieure à 500 000 personnes par an pour l’ensemble de l’Europe, et comprend des gens de tous niveaux, des médecins dont nous avons besoin aux analphabètes. Et l’immigration apporte aussi d’autres personnes, des Africains chrétiens aux Chinois.

Certes encore, des excités proclament sur certaines télévisions arabes qu’ils vont « conquérir l’Europe avec le ventre de leur femme », proclamations qui sont soigneusement relayées par ceux qui vivent du commerce de la peur. Il faut renvoyer tous ces gens à un cours d’arithmétique élémentaire.

Cela n’empêche pas qu’une minorité, même faible, puisse être extrêmement dangereuse. Elle est d’ailleurs également dangereuse pour la grande majorité des musulmans d’Europe, et pour une grande partie des musulmans du reste du monde.

Mais la lutte contre une minorité agissante se fait par d’autres moyens que contre une forte minorité en voie de devenir majoritaire. Notamment par une action énergique en matière de respect de l’ordre public, toute minorité active essayant de compenser par l’intimidation sa faiblesse numérique.

La première chose à faire est de l’empêcher d’être « comme un poisson dans l’eau » dans une partie de la population.

D’où ma conviction, pour moi qui connais bien les pays musulmans, qu’il faut s’allier à cette grande majorité, et non pas l’ostraciser pour la renvoyer chez l’ennemi.

Yves Montenay
auteur des Échos du Monde Musulman

1 commentaire sur “Fantasmes sur la fécondité musulmane”

  1. Cet article date de 2010 (donc fondé sur des chiffres de 2008), mais la situation démographique musulmane n’a pas beaucoup changé depuis : la fécondité est remontée en Algérie (autour de 3 enfants par femme contre autour de 2,2 au Maroc et en Tunisie, ce qui est très loin des 7 à 8 de départ), et baisse dans beaucoup de pays musulmans subsahariens, tout simplement du fait de l’urbanisation. Elle y est encore très élevée par rapport à l’Europe et diminue moins vite que prévu par l’ONU, mais on est en dessous des chiffres de 2008).

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