La loi Fioraso : nouvelle bataille d’Hernani ?

Je m’exprime en tant que ancien directeur d’une grande école de management, ancien dirigeant d’une entreprise internationale attentive à la question de la langue de travail et en tant qu’universitaire spécialisé dans la situation du français dans le monde. C’est dans ce contexte que je voudrais compléter l’éditorial de la directrice du Monde par ce qui suit.

Le débat lancé à l’occasion de ce projet de loi est important. Mais il n’est pas toujours  clairement posé : les partisans de la loi insistent sur la nécessité pour les étudiants français de se perfectionner en anglais, et  sur l’utilité pour la France d’accueillir un maximum d’étudiants étrangers. Si on se borne à cela il n’y a pas grand-chose à  objecter.

Mais les opposants  à la loi craignent

– d’une part que l’usage de l’anglais aille bien au-delà  des un deux cours utiles pour se perfectionner dans cette langue,  et qu’une  part importante voire la totalité de l’enseignement se fasse en anglais ; cela sous la pression des élèves ou de leurs parents, et plus généralement pour l’ensemble des raisons qui font que toute organisation bilingue (par exemple l’ONU ou la Commission européenne) devienne en pratique monolingue anglaise, même lorsque les deux langues sont théoriquement à égalité ; à court terme cela handicaperait les élèves lorsqu’ils auront à s’exprimer en français dans ces matières, et à long terme cela reléguerait notre langue à la communication courante et donc au niveau d’un patois destiné à disparaître
– d’autre part que la chasse aux étudiants étrangers, si elle réussit trop bien, et en particulier mène à un recrutement d’enseignants presque tous étrangers, ne finisse par orienter l’enseignement vers des préoccupations ignorant les réalités françaises. Ce serait le cas par exemple dans les écoles de management s’agissant des spécificités du climat social français.

Donc si les objectifs affichés  par la loi peuvent être acceptables, elle devrait borner strictement l’usage de l’anglais et poser comme principe que l’objet principal de l’université est de former les citoyens dans leur langue maternelle, ce qui est de toute façon beaucoup plus efficace, et éviterait une fracture sociale supplémentaire.

Article publié sur le Blog ICEG Le Monde le 14 mai 2013

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