Campus de l'Université Legon du Ghana

Sur les traces de la francophonie du Togo au Ghana

L’avion est plein de Chinois. Nous faisons escale à Niamey avant d’arriver à Lomé, capitale du Togo. Tous les Chinois descendent. Mystère : Niamey est certes la capitale du Niger, mais ce n’est pas une très grande ville et son activité économique n’est pas celle d’Abidjan. Je m’en souviendrai quand un collègue africain traitera les beaucoup plus rares Français de néo-coloniaux.

Maintenant, je vais vous dire ce que j’allais faire à Lomé. D’abord c’est mon travail de tester la francophonie tout autour de la planète. Mais il y avait deux raisons de plus : voir ce que devenaient les Ewés et participer à un colloque avec des Africains linguistes ou enseignants de français dans tous les pays de la région.

Le peuple des Ewés, entre Ghana et Togo

Les Ewés, d’abord : il était une fois un peuple africain colonisé par les Allemands, puis divisé entre les futurs Ghana et Togo par les Anglais et les Français, les uns scolarisés en anglais et les autres en français mais (encore ?) majoritairement de langue maternelle éwé. Ce scandale colonial doit cesser, diront les bonnes âmes.

Peut-être, mais souvenons-nous d’une autre histoire : il était une fois un peuple européen, les Allemands à cheval sur le Rhin en aval de Bâle. La rive gauche devint française grâce à Louis XIV (je simplifie), la rive droite allemande grâce aux Prussiens.

En 1871, les Allemands réunifièrent ce peuple : « Vous êtes allemands de langue et civilisation, pas français » dirent-ils aux Alsaciens. Leurs députés à Berlin protestèrent néanmoins contre ce viol de leur sentiment national jusqu’au rétablissement de la situation antérieure en 1918.

Aujourd’hui, les scolarisations française d’un côté et allemande de l’autre, ainsi que et l’arrivée des deux côtés d’autres populations, effacent l’ancienne unité linguistique. Resteront des noms de famille et l’architecture.

Conclusion ? La situation des Ewés se retrouve un peu partout dans le monde. Et ni les Ewés, ni les Alsaciens, ni les Badois ne semblent obsédés par cette question, à part quelques militants.

Lomé, capitale du Togo

Place de l'indépendance à Lomé
Place de l’indépendance à Lomé

Donc me voici à Lomé, capitale du Togo dans un décor 100 % francophone (contrairement à Paris) avec le contraste classique en Afrique entre de beaux bâtiments modernes, en général des banques ou des institutions internationales, et les commerces informels sous la tôle ondulée avec chant du coq au petit matin. Et une magnifique et immense plage de sable orangé, piquetée de chaises en plastique et de petits restaurants à 4 euros, boisson comprise.

Comme le Ghana voisin, le pays est d’abord protestant, histoire oblige, et Jésus vous appelle par des affiches innombrables, ou par la voix de pasteurs zélés et de leurs puissants mégaphones.

En cherchant un peu, on trouve des musulmans souvent venus du Nord et des catholiques. En quelle langue se font les prêches de toutes ces religions ? En éwé, en langue d’origine pour les migrants, ou en français (en anglais au Ghana voisin), voire en plusieurs langues à la file, ça dépend des quartiers.

Les panneaux en français à Lomé
Affichage en français à Lomé

En attendant, ça permet aux Ewés de lancer un colloque francophone en terre anglophone.

En route pour Accra, capitale du Ghana

Marché à Accra au Ghana
Marché à Accra au Ghana

Pour le rejoindre, à Accra la capitale du Ghana, il faut louer un minibus. Pour cela aller à la gare routière, qui est en même temps un marché gigantesque et où les propriétaires de minibus plus ou moins sommaires prennent d’assaut le client potentiel, chacun tirant des valises de son côté. On trouve finalement une place (cinq euros pour 300 km) et on peut admirer les campagnes.

Le Ghana est visiblement en bonne voie de développement, en juger par l’État des villages, des petites villes et surtout de la banlieue de la capitale, qui ressemble vaguement à certains endroits de notre Seine Saint Denis avec de multiples entrepôts et de longues files de camions. Une vérification rapide de l’histoire économique confirme cette impression.

Et on est royalement accueilli par une université à l’anglaise, vaste campus verdoyant piqueté de bâtiments assez mignons, dont « La maison française » et le département de français, le pays étant attentif au bilinguisme des cadres (et au multilinguisme avec les multiples langues locales).

…Fini d’explorer, au travail !

La suite du Colloque ghanéen sur cette page :
Faut-il enseigner le français en Afrique ?

Yves Montenay

 

Légende photo en ouverture : le campus de l’université Legon du Ghana.

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