Président la reprise, c’est le changement !

Président : la reprise c’est le changement !

Emmanuel Macron, dans son discours du 14 juin, a appelé à « travailler et produire davantage » et à la « reconstruction » de l’économie.

Il a raison, à ceci près que la reconstruction ne se fera pas à l’identique.

La reprise de l’économie se fait de façon spontanée et naturelle : le matériel, les infrastructures et surtout les hommes sont toujours là et il n’y a pas de blocage financier.

Mais attention à ne pas casser cette reprise par des décisions maladroites, inspirées par les magiciens de l’économie que je dénonçais récemment, par nos propres travers franco-français et surtout par les défenseurs du passé.

Dès le mois d’avril, en plein confinement, je pariais pour une reprise « en V » c’est-à-dire vigoureuse, sauf décision malheureuse. Depuis, des analyses pessimistes se répandent, mais je maintiens mon avis.

Nous avons entamé une reprise « en V »

La décision de confiner a été brutale et l’exécution instantanée. Comme il est normal, le déconfinement a généré une reprise vigoureuse, pour l’instant incomplète.

Disons à titre symbolique que si nous avions un point bas à 70 % de la normale, nous dépassons maintenant les 80%. Une reprise « en V » – c’est à dire une forte baisse suivie d’un gros rebond derrière, la courbe formant un « V » – est donc amorcée.

Reviendrons-nous à 100%, c’est à dire au niveau de départ, et surtout quand ?

Retrouverons-nous le niveau de départ ?

Je pense que nous remonterons au moins à 100% du début 2020, sauf à prendre aujourd’hui de mauvaises décisions.

L’activité perdue pendant le confinement est en partie non rattrapable (les nuits d’hôtel ou les vols aériens des voyages annulés, par exemple), mais aussi en partie rattrapable pour de nombreux biens durables.

J’estime donc que l’on devrait passer momentanément au-dessus de 100%, du fait du rattrapage partiel de la consommation, avant de retomber au niveau antérieur, sans effacer une partie du creux, ce qui donnera une moyenne de 2020 inférieure à 2019.

Cette moyenne à la baisse sera comprise par les médias comme étant une récession, alors que nous aurons retrouvé le niveau normal !

Vous remarquerez que je suppose que la production physique suive la consommation nationale et que je néglige le commerce extérieur. En effet nos principaux clients et fournisseurs sont nos voisins qui ont été touchés de la même façon que nous et à peu près aux même dates. Le commerce avec eux ne devrait donc pas entraîner de bouleversement. 

Les marchés plus lointains, notamment ceux des pays producteurs de matières premières, sont plus incertains mais, en sens inverse, la baisse de leurs prix et notamment du pétrole, sera un gros ballon d’oxygène.

Quelle reprise après le confinement ?

La croissance, c’est le changement

Les optimistes, dont je suis, envisagent même un scénario encore plus favorable du fait de « la destruction créatrice », c’est-à-dire de l’élimination accélérée des « mauvaises » entreprises et leur remplacement par de meilleures.

Attention « mauvaises » ne veut pas forcément dire mal gérées mais tout simplement plus ou moins dépassées. C’est le cas, au moins partiellement, pour l’automobile ou l’aviation.

Et là, les choses commencent à se gâter : « Vous n’imaginez pas laisser tomber Renault ou Airbus ! ».

Pourtant, avant le confinement, le marché automobile les principaux pays étaient déjà en berne. Depuis le télétravail et peut-être une réglementation plus sévère de la circulation en ville ne feront qu’accélérer cette évolution. Donc pourquoi bloquer de l’argent et des hommes qui seraient plus utile ailleurs ?

Parallèlement, le nombre d’avion inutilisés est actuellement très important, tandis que la clientèle touristique ne reviendra pas avant longtemps dans de nombreux pays où l’épidémie ne fait que commencer, et la clientèle d’affaires souffrira longtemps de la réorganisation des chaînes de production mondiales.

Souvenons-nous que la croissance, c’est le changement et non la dilatation de chaque secteur et de chaque entreprise.

Très grossièrement, depuis environ deux siècles en Occident, l’emploi dans l’industrie a remplacé celui dans l’agriculture, puis les services celui dans l’industrie. Et de même, à l’intérieur de chaque secteur, l’informatique remplaçant par exemple la sidérurgie.

En Asie, cela a été encore plus rapide : les paysans sont devenus ouvriers chez les sous-traitants d’Apple, en attendant que leurs enfants soient employés dans les services.

La reprise, c’est une croissance en accéléré, donc c’est également le changement.

Or les victimes du changement ne l’acceptent pas et menacent la reprise

La réalité ne confirmera pas forcément mon optimisme, car tout le monde va se cramponner aux positions acquises, c’est le cas du patronat et de certains cercles dirigeants, ou à un emploi inchangé, c’est le cas des syndicats et d’autres cercles influents.

Donc une partie de l’argent apportée par l’État français ou par la Banque centrale Européenne sera gaspillé en soutien à des entreprises qui devraient, au moins partiellement, disparaître.

Un autre obstacle à la reprise viendra de nos mauvaises habitudes en France.

L'action publique face à la crise du Covid-19
Institut Montaigne

Par exemple celles de l’administration centrale qui pense spontanément « verticalité », c’est-à-dire des consignes détaillées venant d’en haut, au lieu d’une décentralisation des décisions avec la responsabilisation des acteurs locaux sur le terrain, d’où une perte de temps et des blocages.

Des informations navrantes sur ces blocages remontent de partout, amplifiées par les réseaux sociaux, et sont notamment citées par l’Institut Montaigne dans son rapport « L’action publique face à la crise du Covid-19 ».

Les lourdeurs que nous avons constatées en matière de santé existent dans tous les secteurs.

Pensons au millier de formulaires pondus par le CERFA, organisme dont un des objets était à la base… la simplification administrative !

En matière sanitaire, nous avons vu que le temps de concevoir ces formulaires – forcément inadaptés à la plupart des cas particuliers – et de les faire appliquer, le privé avait avancé tout seul, avec la réallocation rapide de nombreux outils de fabrication par des start-ups (impressions 3D), PME ou grandes entreprises afin de fabriquer des gels, masques et respirateurs artificiels.

Et cette verticalité administrative n’a pas seulement freiné notre action sanitaire, mais aussi d’autres branches de l’économie qui ont tardé à avoir « les consignes » sans lesquelles elles n’avaient pas droit d’ouvrir ou de fonctionner.

Revenir à l’échelon local pour plus d’efficacité

Heureusement, sous la pression de la crise sanitaire, nous avons progressé vers une déconcentration au niveau départemental en concertation avec les élus.

C’est un progrès, et notre président affirme l’avoir bien noté : « L’organisation de l’État et de notre action doit profondément changer. Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris, il faut libérer de la créativité et l’énergie du terrain ».

La déconcentration a fait ses preuves avec le travail entre préfet et élus. Irons-nous jusqu’à la subsidiarité, donc à la décentralisation ?

C’est probablement sur ce plan que l’Allemagne a le plus d’avance sur la France.

Un test sera la sortie du chômage partiel et la productivité

La sortie du chômage partiel se dessine sous conditions, notamment relatives à l’emploi et au « dialogue social ».

Cela paraît naturel aux Français… qui oublient un peu vite les délais et le coût de ces procédures de contrôle et de dialogue, à un moment critique pour la survie de beaucoup d’entreprises. Par exemple monter « un accord de performance collective » et le faire signer par des syndicats aussi variés que les nôtres, ne sera certainement pas rapide et toujours coûteux.

Outre la perte de temps, celle de perte de productivité par des mesures de protection probablement exagérées n’arrange rien. Or la tendance des uns (l’État) est de réglementer d’en haut et celle des autres (la CGT) d’exercer leur pouvoir de blocage.

En Allemagne, il n’y a pas de conditions et on fait confiance aux entreprises.

La reprise sera donc plus rapide en Allemagne et probablement meilleure qu’en France, où, quand on parle des « entreprises », nombreux sont ceux qui entendent « capitalistes à combattre ».

Nous avons tous constaté ces blocages, comme celui de la CGT à Sandouville : Renault n’avait vraiment pas besoin de perdre des jours de production !

Sans oublier ceux pour qui le chômage partiel est confortable, « plus sûr » et qui ne veulent pas « prendre le risque » de reprendre le travail. Cette paresse est d’autant plus tentante que non seulement on est de toute façon payé, mais on ne risque pas de « couler la boîte » et de perdre son emploi !

Vous reconnaissez ici le cas du « prof disparu » – la part des enseignants n’ayant assuré aucun cours est estimée à 5% et, d’après les nombreux témoignages recueillis, les autres ont généralement assuré un service réduit – qui bloque chez eux des parents dont le travail est nécessaire à tous. De même pour de nombreux bureaucrates du privé comme du public.

Un autre obstacle est celui des casseurs volontaires.

Il s’agit de tous ceux qui pensent que « la société est mauvaise » et estiment qu’il faut la casser en commençant par entraver le retour à la normale, pour plusieurs motifs :

– soit pour des raisons « supérieures » : écologie politique, réduction des inégalités …

– soit pour des raisons « révolutionnaires » : rejet du capitalisme, affaiblir la France au bénéfice de tel autre pays, bref tous les « mouvements » qui bouillonnent actuellement sur les réseaux sociaux.

Pour rester entre Français, disons que la CGT de 2020 devrait se souvenir de la CGT de 1944, autre sortie de guerre, proclamant qu’il fallait « produire d’abord, revendiquer ensuite ».

Quant à la protection de l’environnement, elle suppose un système économique qui marche, et celui qui marche le moins mal c’est le capitalisme, qui a notamment le mérite de s’adapter aux demandes des clients les plus écologistes.

Par contre une action « verticale » comme la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim est un pur gâchis, sans diminution de la pollution, qui pourrait mener cet hiver à un freinage économique, faute d’électricité !

COP 21 : on ne sauvera pas la planète par la bureaucratie !

Pour un retour au bon sens

Heureusement, le bon sens reste encore répondu, comme en témoigne l’exaspération de ceux qui travaillent ou voudraient travailler, et qui ont l’impression justifiée de nourrir les autres.

En termes techniques, notre niveau de vie reflète notre productivité. Il faut donc « travailler mieux ».

Dans l’immédiat, en attendant que les gains de productivité soient au rendez-vous, peut-être faudra-t-il augmenter donc la durée du travail : deux jours de travail supplémentaires rapporteraient au pays un surcroît de richesse, et à l’Etat l’équivalent de l’ISF nous dit Jean-Marc Daniel, dans Les Echos du 27 mai.

Après un repos de quelques semaines, on ne devrait pas être choqué de devoir travailler davantage. Malheureusement ceux à qui on le demandera et ceux qui se sont reposés ne sont pas forcément les mêmes personnes !

Mais surtout ne lançons pas de débat national sur ce sujet, nous n’en sortirions pas.

Laissons faire les entreprises et que les vrais travailleurs veillent à ce que l’on n’impose pas de décisions bloquantes

Président : la vraie reprise, c’est le changement. Résistez au retour en arrière.

Yves Montenay

 

14 commentaires sur “Président : la reprise c’est le changement !”

  1. « on ne devrait pas être choqué de devoir travailler davantage….Mais surtout ne lançons pas de débat national sur ce sujet, nous n’en sortirions pas ». Je crains que si, nous aurons peut-être un débat sur le sujet, puisque les fameux citoyens tirés au sort pour proposer au Président de la République des solutions (pour notre avenir) ont bel et bien suggéré la réduction du du temps de travail comme solution. Et comme M. Macron a beaucoup utilisé la démagogie depuis qu’il est élu (exemple: priorité donnée aux quelques zadistes minoritaires de Nantes contre le résultat électoral d’un référendum local élargi à toute la population de l’agglomération), il risque d’avoir du mal à déjuger une assemblée (non élue)…qu’il a désirée ! Donc, on va peut-être voir revenir la question des « 35h » (ou des 30 h) qui a tellement nui aux travailleurs (salaires bloqués, vacances et autres avantages d’entreprises supprimés, stress et productivité accrus dans les ateliers, etc). Comme souvent, les Français vont penser comme s’ils étaient seuls au monde, et réclamer des solutions comme si leur pays dominait le monde…

    1. Vous avez tout à fait raison, voir mon article qui vient de sortir sur le Front populaire.
      J’ai entrevu, mais pas encore lu que les « 28 heures » avaient été écartées

  2. « travailler et produire davantage » est un slogan nécessaire qui ne dépend pas du covid… Arrêtée brutalement, l’économie déjà malade, écrasée de fiscalité et de règlements saura encore mieux montrer sa faiblesse et son inefficacité en tentant de se relever dans un monde occidental globalement mis en difficulté mais à un moindre degré qu’elle.

    Néanmoins votre optimisme fait plaisir à voir.

    Quelques remarques: y a-t-il une quelconque allusion dans le débat public à ce qu’il fallait déjà faire AVANT le covid et qui traine depuis vingt ans sans l’ombre d’une prise en compte et qu’on pourrait raisonnablement envisager de mettre en oeuvre? NON ! Bien au contraire, on sort cette semaine d’une délirante litanie de songes creux écologistes tous consacrés à dépenser et à réglementer. Cela va-t-il tempérer votre optimisme ?
    Temps de travail, fiscalité, nombre de fonctionnaires, règlementations de tous ordres sont la folie écologiste, tout est assumé, et renforcé, le sommet de la folie étant l’augmentation générale des salaires pour relancer l’économie… A pleurer.

    Rien ne fera donc comprendre à cette société effondrée profondément malade qu’elle doit se réformer. Et sans doute pas le déclin accéléré et sans doute catastrophique qui va se produire dans les prochains mois et années.

    1. À propos de l’avant Covid, voir mon tout dernier article qui remonte au Front populaire, et diffusez-le si vous êtes d’accord. Nous avons tous les programmes d’enseignement de l’histoire contre nous !

  3. Pardon une remarque au sujet de l’état effondré. Vous mentionnez la « réallocation rapide » des moyens du secteur privé pour produire les matériels nécessaires. Je me permettrais et dieu sait si je suis libéral de mentionner que c’est précisément ce secteur et ces circonstances où par essence le « marché » est totalement inadapté, ayant besoin et vous le savez, d’anticipations sur la durée. Les stocks de masques inutiles qui maintenant nous encombrent en sont la preuve…

    1. Merci de prendre en compte mon humble suggestion que dans ce cas précis, mettre en oeuvre le marché est tout simplement impossible, la preuve en étant faite sous vos yeux (du fait du manque de temps). Remarquez que faire confiance en l’état s’est révélé aussi un échec, du moins avec cet état là, incapable d’anticiper et de mobiliser…

  4. « Président : la reprise, c’est le changement ! » Espérons que le changement n’ira pas jusqu’à introduire dans la Constitution française l’obligation faite à l’Etat de lutter contre le changement climatique ! Il y a apparemment des Français qui croient pouvoir affirmer que le réchauffement climatique actuel (et réel) n’est du qu’à une seule et unique cause (l’industrialisation), et que l’humanité (voire…la France seule) est en mesure de contrôler l’évolution non anthropique du climat de notre planète ! Le quasi-autisme de certains Français est consternant. La France est seule au monde, et LA Terre (représentée par…la petite France) est en mesure de changer les évolutions de l’Univers ! D’autant que, dans quelques générations, si notre Constitution nous oblige à lutter contre le changement climatique, les Français auront l’air malin à vouloir empêcher une possible nouvelle aire glaciaire qui sera (alors) appréciée des autres nations ou continents. Hallucinante, cette dérive mentale des personnes auto-étiquetées « bien-intentionnés »: mais l’enfer est pavé de bonnes intentions, et ça promet. Rappelons quand même qu’aujourd’hui, le réchauffement de notre planète est apprécié dans certaines régions….Souhaitons que la reprise ne se fasse pas avec ce type de simplisme gravé dans le marbre d’une Constitution.

  5. Cette analyse s’apparente au darwinisme économique. Prenons-garde de ne pas tomber dans l’eugénisme économique (versant politique du darwinisme ecomisue).
    Produire et travailler plus, oui, à condition de répondre à la nouvelle Demande. Car c’est la Demande qui commande tout en économie, en déplaise aux tenants de l’économie de l’offre (i.e. l’augmentation de la productivité par la baisse des coûts). Or, quelle sera la nouvelle Demande ? Celle exprimée par le rapport de la Convention citoyenne sur le climat ( produire moins et mieux en travaillant moins), auquel s’interesse de près le président de la République ?
    Heureusement, la crise du Covid-19 à démontré les dangers de la croissance zéro (voire de la décroissance).

    1. Il ne faut pas confondre la demande au sens courant du terme (les dépenses de consommation et d’investissement), et la liste des demandes des « 150 ». Pour l’instant, c’est de l’encre sur du papier. On verra ce que feront les consommateurs et les investisseurs.

  6. Vous avez tout à fait raison.
    Et effectivement, pour survivre, il faut savoir s’adapter aux changements de notre environnement économique (au sens large, et pas seulement au sens climatique bien sûr). Faisons confiance aux acteurs économiques pour trouver la bonne voie. Il faut laisser le temps aux entreprises d’investir et de s’adapter.

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