CHINE : que pensent les jeunes Chinois ?

Chine : que pensent les jeunes Chinois ?

L’arrivée des Chinois à l’étranger, touristes, étudiants, entreprises a longtemps fait penser que la séduction de l’Occident opérerait sur ces voyageurs, et que notre influence ferait évoluer la Chine vers un régime plus humain. Si ça s’est vérifié dans un premier temps, ce n’est plus le cas aujourd’hui et on constate un repli des jeunes Chinois sur leur pays et les valeurs officielles de leur gouvernement.

Que pensent donc ces jeunes Chinois à qui le parti répète qu’ils sont l’avenir de la Chine ?

Dans ce qui suit je parlerai des jeunes chinois dans la tranche d’âge de 15 à 30 ans.

Quelles sont mes sources ?

J’ai vécu la guerre froide, et je sais que les informations en provenance des pays communistes sont à prendre avec des pincettes.

Et je reconnais effectivement dans la « communication » du gouvernement chinois les vieilles recettes de cette époque. Je suis donc un peu sceptique à la lecture des proclamations officielles comme des récits enthousiastes de la vie en Chine, sincères ou « sponsorisés ».

Cela dit, on y trouve toujours des éléments factuels à retenir. Notamment dans l’excellente BD documentaire « Une vie chinoise » qui a un grand intérêt historique de la Révolution culturelle à nos jours.

J’ai essayé de multiplier mes sources de témoignages venant de Chine. J’ai notamment piloté moi-même des étudiants chinois. Puis j’ai consulté des études faites par les sociétés spécialisées, dont les équipes comprennent souvent des Chinois de l’étranger ou de naissance, pour minimiser les malentendus dus aux différences linguistiques et culturelles.

Ces études sont d’ailleurs reprises dans le « Rapport spécial, la génération Xi » de 8 pages sur les jeunes Chinois publié par The Economist le 23 janvier 2021 , et d’autres articles du même journal. Une partie des chiffres et appréciations du présent article viennent de ce rapport.

Comme expliqué dans mon article d’il y a quelques années, The Economist est un journal extrêmement sérieux, dont les journalistes ne cultivent pas le vedettariat puisque que les articles ne sont pas signés, pour bien montrer qu’ils synthétisent des travaux faits en amont, notamment par les organismes de recherche qu’il cite.

The Economist est d’ailleurs bien rodé sur cette question, car il traite largement de la Chine depuis une vingtaine d’années.

Il y a donc les informations brutes venant de Chine, informations officielles et « communication » à objectif d’influence. C’est déjà une source intéressante, même si certains textes me rappellent « les idiots utiles », terme par lesquels les Soviétiques qualifiaient entre eux leurs relais sympathisants en Occident. Le plus célèbre de ces « idiots utiles » a été Jean-Paul Sartre qui a mis un temps assez long à s’en rendre compte.

Parallèlement, la Chine médiatise ses réussites, qui sont impressionnantes, même si elles ne sont pas miraculeuses.

Croissance : il n’y a pas de miracle chinois

Par ailleurs le parti communiste chinois est conscient que la chute de l’URSS a été précipitée par un début de liberté intellectuelle. Il ne veut donc pas faire la même erreur, alors que l’évolution technologique lui donne les moyens d’un bien meilleur contrôle de sa population.

Comme toujours, l’histoire, notamment démographique, explique largement la jeunesse chinoise d’aujourd’hui.

Le poids de l’histoire et de la démographie

Jusqu’à très récemment, les Chinois subissaient « la politique de l’enfant unique » mis en œuvre par une administration toute-puissante pouvant entrer dans l’intimité des couples et punir les contrevenants en leur faisant subir des pénalités financières, voire les forçant à l’avortement.

Les jeunes d’aujourd’hui sont donc d’abord des « enfants uniques ».

Ce sont des enfants gâtés, que leurs parents appellent « petits empereurs » en leur rappelant sans cesse qu’ils ont, eux, vécu plus difficilement. Mais, devenus adultes, ces enfants gâtés doivent prendre en charge leurs parents et grands-parents, dans un pays où la retraite est rare et faible.

Comme toutes les générations vivent ensemble, les enfants sont soumis à la pression des anciens, dont la tradition de confucianisme légitimise le pouvoir. Ils exigent donc de leur unique enfant d’être un excellent élève pour avoir un poste sécurisé de fonctionnaire, se marier et avoir des enfants… le tout avant l’âge de 30 ans. Ils le font donc travailler comme un forcené à l’école, puis lui demandent de suivre des cours complémentaires le soir.

Toutefois, devenus adultes, ces enfants gâtés n’écoutent plus leurs parents pour trouver un conjoint. Et ils veulent un logement séparé de leurs parents… ce qui est hors de leur portée dans les grandes villes, du fait du niveau des loyers ou des prix d’achat (comme à Paris, Londres ou New York); Du coup, ils se marient plus tard (29 ans pour les femmes à Shanghai, ce qui relativement courant en Occident mais nouveau en Chine).

De plus, on manque de femmes : le ratio de masculinité qui a atteint 120 en gros de 1995 à 2005 est retombé à 112, le ratio normal dans le monde étant de 105 hommes pour 100 femmes. Cela signifie que, suivant les années de naissance, 7% à 15% des hommes seront hors du marché du mariage, soit 40 millions d’actuels ou futurs célibataires à vie. L’Université de Hong Kong estime que les migrants internes dépensent une forte partie de leur salaire dans les bordels.

Ma casquette de démographe me suggère que cette relative rareté aidera les femmes à progresser vers l’égalité, une égalité proclamée par le régime, mais qui restait très théorique.

La montée des filles est aussi une conséquence de la politique de l’enfant unique : quand ce dernier était une fille, elle a été aussi soutenue qu’un garçon. Elle a donc fait de bonnes études, veut continuer à travailler et prendre son indépendance, comme les garçons

Ce nouveau comportement féminin est source de tensions au moment où l’État fait pression pour redresser la natalité et respecter les traditions patriarcales pour conserver « l’harmonie » de la société. Deux raisons qui poussent le parti à vanter « la femme au foyer ».

Les perspectives économiques

Jusque vers 2015 – 2018, le système économique était clair : les entreprises étrangères puis nationales s’installaient dans les villes de la côte, puis du centre de la Chine, tandis que les vieilles régions industrielles chinoises du Nord dépérissaient. Les villes étaient prospères et eurent rapidement des équipements de qualité.

NB  sur la carte ci-dessous, au centre Nord, la relative richesse de la « Mongolie intérieure » vient des matériaux précieux que sont « les terres rares » (principal producteur mondial) et autres métaux indispensables à l’ industrie moderne et ne reflète pas du tout l’état de la paysannerie locale, notamment mongole.

Carte de Salvatore Babones (fev 2018) : Les régions côtières de Chine étaient 5 fois plus riches que les provinces intérieures les plus pauvres en 2017, d’après les chiffres communiqués par le Bureau national des Statistiques de Chine.

 

La masse de la main-d’œuvre venait de la campagne, allait travailler en ville dans des conditions d’horaires et de salaires très dures dans un premier temps, mais n’avait pas droit d’utiliser les services urbains, chacun restant à vie attaché à sa commune de naissance. Y compris les enfants de ces migrants internes qui restaient avec leurs grands-parents à la campagne, en attendant l’argent des parents ouvriers en ville.

Cette phase concerne plutôt les parents des jeunes aujourd’hui, car la situation a profondément changé. D’abord le réservoir de main-d’œuvre rurale est maintenant presque vide. Cela, combiné à l’arrivée des classes creuses dans la population active a considérablement renchéri les salaires, ce que la croissance de la productivité a permis d’absorber jusqu’à présent.

Maintenant, la méfiance envers les mesures gouvernementales chinoises et le coût de la main-d’œuvre plus élevé que dans les pays des environs renvoient les investisseurs, chinois comme étrangers, vers le Vietnam et les autres pays de la région.

Parallèlement les jeunes migrants venant de la campagne, où le système scolaire est nettement moins performant et qui donc ont souvent eu une moins bonne éducation, se lancent dans l’économie informelle. Ces migrants représenteraient 25 % de la population urbaine, tandis que les enfants des 75 % restants ont les diplômes nécessaires pour décrocher de bons postes dans les grandes entreprises privées ou publiques.

Une alternative à l’informel est « l’ubérisation », c’est à dire un travail théoriquement indépendant, la livraison par exemple, mais en pratique totalement aux ordres du « patron » tant pour les horaires (qui n’ont pas de limites) que pour les tarifs. En Occident, le juge peut décider de requalifier en contrats de travail ces activités de prestations de services « indépendantes », suivant les conditions de travail et notamment de subordination. Mais en Chine où tout groupement spontané, même syndical, est interdit, l’opinion publique estime que c’est de l’esclavage.

Globalement, une majorité des jeunes Chinois veulent créer leur entreprise, les autres veulent monter dans la hiérarchie du Parti Communiste Chinois (PCC) pour leur avenir, ce qui est plus facile pour les urbains.

Mais ils sont beaucoup plus nombreux à avoir fait des études que la génération précédente, et du coup subissent la concurrence des autres diplômés pour des postes intéressants dans la fonction publique… quitte dans un deuxième temps à proclamer que ces postes sont « merdiques et ennuyeux ». « Enfants gâtés », rappellent alors les parents…

De ce fait, beaucoup de jeunes , à côté de leurs études, ont une activité bénévole, souvent grâce aux réseaux sociaux. On les retrouve dans les domaines non censurés tels que la solidarité le féminisme, l’écologie… Le parti pousse les jeunes communistes à aider au retour à la campagne des migrants intérieurs. 100 000 d’entre eux auraient déjà bénéficié de cette aide.

Les militants se plaignent toutefois du contrôle policier : « on soupçonne mon association de vouloir s’attaquer au régime ».

Un début de retour à la campagne

Cette action de « relocalisation » des migrants intérieurs de Chine s’ajoute à un mouvement qui a également lieu en Occident, le retour au village… qui d’ailleurs a souvent été entretemps rasé et remplacé par des immeubles, dans le cadre de « l’éradication de la grande pauvreté » dont se félicite le gouvernement… mais pas forcément les anciens.

Certains actifs reviennent d’autant plus facilement à la campagne que la situation s’y améliore : la dépopulation a poussé les salaires à la hausse, les infrastructures et les logements neufs se sont multipliés.

Et surtout il y a Internet, qui permet de rompre l’isolement, et de lancer des entreprises notamment en produisant de la nourriture de qualité, ce qui n’est pas le cas général, puisque les riches Chinois font venir la leur de l’étranger.

Comme partout dans le monde, des diplômés laissent tomber leur poste de cadre pour retrouver la verdure, l’air pur et le travail manuel… et oublier les loyers stratosphériques des villes.

Une jeunesse très nationaliste

Les programmes scolaires sont très orientés : les jeunes Chinois nés depuis 1991 ont été scolarisés dans le culte du président Xi et de sa pensée. Cet endoctrinement est appuyé par « le tourisme rouge », voyages organisés vers les hauts lieux de la naissance du communisme, et où l’on s’extasie devant la modestie des logements des cadres communistes à l’époque de leur repli dans la montagne avant la deuxième guerre mondiale : « n’oubliez pas d’où vous venez ».

Un Occidental décrirait autrement l’œuvre du parti, qui a mené le pays à la catastrophe dans les années 1950 et 60. Mais sur place il s’agit de montrer aux jeunes « qui ne manquent de rien » que le parti leur a évité la vie dure de leurs ancêtres et les venge d’un siècle d’humiliations.

Cela pousse les jeunes au boycottage de marques occidentales, surtout si les médias rappellent que tel dirigeant de l’entreprise concernée a eu des propos insultants pour la patrie, par exemple sur le manque de liberté. Généralement le nationalisme est présenté comme indissociable de la solidarité avec le parti.

En particulier il est bien évident pour les jeunes Chinois que Hong Kong et Taïwan font partie de la Chine, donc que l’action de leur gouvernement dans ces pays ne regarde pas l’étranger. Et pas davantage s’agissant du Sinkiang et de ses Ouighours ou du Tibet.

Les programmes universitaires ont été purgés des termes obscènes que sont « des valeurs universelles », « la société civile » et la « presse libre ». Par contre il y a des cours sur la « pensée Xi » et les œuvres de Marx et Mao.

La clôture de l’Internet chinois sur l’étranger date de 2010, et ceux qui sont nés dans les années 1990 n’ont jamais pu utiliser Google. Le régime compense en multipliant les blogueurs donnant une impression de diversité d’opinions.

Par ailleurs le parti s’est révélé irremplaçable pour juguler le virus, et les témoignages décrivant sa réaction tardive en décembre 2019-janvier 2020 (retard qui est une des causes de la présente diffusion mondiale) sont étouffés au bénéfice de l’action vigoureuse qui a suivi.

Le virage est net : début 2020 on se ruait sur les messages des témoins de la pandémie à Wuhan, aujourd’hui on estime que ces témoins font de la propagande anti chinoise encouragée par les Etats-Unis !

Quant à Tiananmen, toute allusion sur les réseaux sociaux est censurée et les parents se taisent pour éviter des problèmes à leurs enfants.

La Chine perçue comme plus efficace, propre et organisée

Les étudiants Chinois aux États-Unis ont été frappés par le désordre sanitaire, individuel, mais aussi officiel du fait des divergences résultant du fédéralisme et de l’autonomie des villes, impression de désordre encore accentuée par le fait que les grandes villes étaient en général « anti Trump ».

En comparaison avec l’étranger, la Chine leur paraît efficace, propre et bien organisée.

Ceux qui dans un premier temps admiraient les États-Unis pour leur liberté, les trouvent maintenant laxistes, notamment vis-à-vis des minorités raciales ou sexuelles qui défient les autorités universitaires, policières ou politiques. Une « harmonie sociale », même un peu forcée, est tellement meilleure !

De plus, les jeunes Chinois ont maintenant l’impression que l’on peut réussir professionnellement comme entrepreneur dans les nouvelles technologies en Chine et pas seulement aux États-Unis. Il faut donc revenir au pays, d’autant qu’on y a des relations, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis.

Les jeunes chinois sont individualistes, mais avec une responsabilité sociale

Par rapport à leurs parents, les jeunes sont terriblement individualistes en ce qu’ils ignorent la société patriarcale. Par ailleurs, travailler 9 à 12 heures par jour, six jours par semaine commence à lasser « les petits empereurs », ainsi que le fait que la très dure compétition scolaire et universitaire ne mène plus automatiquement à un emploi.

Une échappatoire est de prendre des responsabilités sociales ou charitables, mais le parti se méfie des associations et de la société civile en général. Les syndicats indépendants sont interdits. Des étudiants d’une université spécialisée dans le marxisme ont tenté d’en soutenir un et ont disparu depuis.

Reste l’environnement. Ça tombe bien car la Chine est le principal pollueur mondial et s’est engagé à atteindre la neutralité carbone vers 2060. Cette attitude est donc encouragée par le parti. On achète des vêtements d’occasion, on se met à la viande végétale …

Mais ce qui intéresse les Occidentaux, c’est de savoir si ces jeunes rêvent de liberté, ce qui pourrait faire évoluer le régime.

La liberté ?

Le premier « Tienanmen » date de 1919, qui est un peu l’équivalent chinois de nos états généraux de 1789, contre l’ancien régime, avec le souhait de conquérir liberté et démocratie. Le parti communiste dit bien sûr être l’héritier de ce mouvement, et l’explique dans un musée près de cette célèbre place. Si l’ancien régime a bien été renversé, l’occidental est évidemment dubitatif sur la réalisation des objectifs de liberté et de démocratie…

Le deuxième Tienanmen en 1989 a été compris par les Chinois comme « les jeunes doivent se taire et laisser le parti développer le pays ». C’est ce qui s’est effectivement passé et les jeunes aujourd’hui savent très peu de choses sur cet événement, tandis que leurs parents insistent sur le développement rapide du pays. 

Les jeunes chinois resteront ils fidèles au régime ?

L’adhésion des jeunes au PCC et au nationalisme est pour l’instant très forte, malgré les quelques points de frottement que nous avons vus au fil de cet article.

Ces problèmes sont étouffés pour l’instant et devraient le rester tant que le régime parvient à satisfaire ces « petits empereurs » et à les détourner du monde extérieur, en leur trouvant des objectifs motivants.

Pour l’instant, cette propagande gouvernementale chinoise est bien reçue par les jeunes parce que l’économie tourne bien et que le monde extérieur, contaminé et brouillon, leur donne une mauvaise image.

Mais, comme nous l’avons vu dans de précédents articles, il y a des menaces qui pèseront peu à peu sur la croissance : l’évolution démographique, le manque de liberté intellectuelle et la crainte de voir des personnalités capitalistes faire de l’ombre au parti.

Donc l’avenir des jeunes, qui n’est déjà plus assuré pour tous aujourd’hui, pourrait devenir encore plus incertain  affecter la solidité du régime. La réponse de ce dernier est la montée de la répression et l’exacerbation du nationalisme.

Deux issues sont possibles :

  • L’indépendance croissante des jeunes permettra la victoire au sein du parti d’un clan réformiste sur le clan « maoïste », ce qui est la grande crainte de l’équipe actuelle. Mais c’est déjà arrivé après la mort de Mao.
  • Une crispation croissante du pouvoir, pouvant déboucher sur une guerre pour masquer les autres problèmes. On entre alors dans l’imprévisible.

Vous pouvez rejeter ces deux hypothèses en pensant que le problème ne posera pas puisque le développement rapide va continuer. Mais vous sentez que je suis un peu sceptique, car pour que ça marche, il faudrait que la fermeture aux « idées malsaines » ne freine pas l’ouverture aux nouvelles idées techniques et économiques. Or, comme le disait Deng Xiaoping : « il est difficile d’ouvrir la porte sans faire entrer des mouches »…

Quant à l’Occident, à lui de prouver son attractivité !

Il faut cesser de faire des complexes devant un système chinois qui « marcherait mieux » que le nôtre. En effet, ce qui fait marcher la Chine depuis quarante ans, ce n’est pas tellement le parti communiste, qui l’avait ruinée les 30 années précédentes, mais c’est la science et l’organisation occidentale.

Les amateurs de paradoxe ajouteront que le marxisme du régime est lui aussi une invention occidentale…

Yves Montenay

11 commentaires sur “Chine : que pensent les jeunes Chinois ?”

  1. Excellent article. Une illustration de « Une jeunesse très nationaliste »: il y a quelques années (3 ou 4 ans) des touristes chinois, dont le voyage est souvent payé par l’Etat, débarquent à Nha Trang (Vietnam) avec TOUS, un Tee-Shirt sur lequel est dessinée la carte de la Chine: sur ces Tee-Shirts, la carte inclut toutes les îles conquises récemment par la Chine au détriment de ses voisins asiatiques immédiats. Le tourisme est un instrument (chez les jeunes ou les moins jeunes) de propagande du nationalisme expansionniste et impérialiste chinois actuel. Les choses changeront peut-être quand ces consommateurs chinois, dociles et rassasiés par le capitalisme d’état en cours, seront confrontés à une guerre avec les Philippines, le Vietnam ou la Malaisie (voire avec les USA ou le Japon): ils comprendront alors le prix qu’ils payent à ce consumérisme sous contrôle et téléguidé. Mais, sans ce cataclysme non souhaitable, une crise économique et démographique en Chine ne changera rien: au contraire, elle ne fera que consolider le totalitarisme du PCC (Grosso Modo, Hitler a fondé son pouvoir et sa fuite en avant guerrière et raciste sur la crise économique contemporaine de l’Allemagne).

  2. Ce qui est intéressant, c’est de constater, à travers votre article remarquable , qu’un mouvement identique semble se dessiner partout dans le monde (ou presque, n’exagérons rien) : plus le niveau d’éducation et de formation s’élève, plus l’accès au savoir est partagé et démocratisé, plus la concurrence pour l’accès aux emplois valorisants s’accroit, tandis que le nombre de ces derniers demeure relativement stable. Découragés par cette lutte rude pour trouver sa place au soleil, les nouveaux prétendants renoncent à leurs ambitions premieres, dénigrent ce qu,’ils ont adoré, et retournent au village pratiquer les métiers manuels Assistent-on à un renversement des valeurs (comme actuellement pour les comportements sexuels déviants), a la fin de la primauté arrogante des métiers pseudo-intellectuels ? La Chine est bien occidenralisee puisqu’elle suit le même mouvement.

    1. Merci pour ce complément, qui correspond bien à ce que je vois autour de moi. Dernière exemple un docteur en littérature française à qui on avait imposé un sujet de thèse particulièrement « intellectuel » (au mauvais sens du terme) est ravi d’être devenu ouvrier boulanger et de participer au « miracle » de la naissance du pain : « je sers enfin à quelque chose »

      1. Ces changements de vie se multiplient en effet. Bien entendu, j’ai utilisé le terme « pseudo-intellectuel » pour marquer la différence avec les « vrais » intellectuels , que j’admire et respecte.
        Je souhaiterais répondre à Bihn ( qui, je crois, a voulu tirer les leçons du passé plutôt que prophetiser). Face à la crise économique , Hitler avait choisi la fuite en avant en créant une économie socialiste fondée sur les industries d’armement. L’économie nazie était planifiée , bureaucratique et centralisée. En attendant d’exploiter les pays soumis au Reich, il était par conséquent obligé de prolonger l’état de guerre . En revanche, la Chine communiste a choisi d’organiser une économie libérale techno-autoritaire. Elle n’a donc pas besoin d’une économie de guerre pour régler ses problèmes intérieurs. En cela , elle a été plus intelligente que l’Allemagne national-socialiste. Albert Speer avait bien compris ce problème , puisque qu’il s’est secrètement rangé du côté du libéralisme tout en faisant sa cour auprès du Führer (qui avait un  » faible » pour lui et ne se rendait pas compte de la duplicité de son ministre). Résultat : Albert Speer est le seul oligarque nazi à ne pas avoir été condamné à mort par le tribunal de Nuremberg et à avoir fini sa vie en toute tranquillité.

  3. Juste un petit commentaire sur les affirmations de notre ami Peyronnet.

    1) La Chine n’aurait pas  » besoin d’une économie de guerre pour régler ses problèmes intérieurs ». C’est trop tard, c’est déjà en cours. La Menace intérieure (Tibétains + Ouïghours) + la menace extérieure (on nous a pris les îles du Pacifique Sud + on est agressé par Taïwan + Hong Kong). Les Chinois sont dopés à ces discours nationalistes et expansionnistes (ils se passe d’ailleurs un peu la même chose avec la Russie de Poutine qui a chauffé à blanc le nationalisme russe pour justifier l’invasion de la Crimée). Toutes ces manœuvres guerrières ou policières évitent les introspections intérieures…Mais, pour être plus précis, mon propos est plus ciblé: je pense que ce serait une erreur de croire que l’affaiblissement économique (voire démographique) de la Chine la contraindrait à se calmer un peu (et à respecter le droit international). Au contraire. J’espère me tromper, mais j’ai bien l’impression que, en ce moment (avec l’équipe au pouvoir en Chine), c’est la force qui va stopper l’expansionnisme et la dictature intérieure chinoise. Et j’apprécie que l’US Navy et la Marine Nationale fasse, ces jours-ci, comprendre à la Chine que les Eaux Internationales du Pacifique ne lui appartiennent pas…Cette réaction militaire (minimale) s’impose, en ce moment. Et si elle n’a pas lieu, alors Xi Jin Ping sera « encouragé » à continuer.

    2) Sur Albert Speer. Ce ne sont pas ses supposées convictions libérales qui lui ont évité la mort à Nüremberg: Speer était un nazi convaincu, et s’il avait été sincèrement libéral et hostile au nazisme, il aurait fait comme beaucoup d’autres: fuir ou résister (comme les Scholl, entre autres). Speer a bénéficié de la clémence et du droit occidental (avec l’accès à des bons avocats maniant avec dextérité le droit sur la responsabilité administrative), comme beaucoup d’autres anciens nazis (l’ingénieur Von Braun, par ex, qui faisait des fusées meurtrières pour tuer des Occidentaux, à London par ex). Les Alliés n’allaient quand même pas massacrer tous les nazis faits prisonniers…! On a eu le même problème en France avec certains Collabos (Bousquet, Papon n’ont pas été exécutés…!). Résumé: si les Libéraux vainqueurs n’ont pas exécuté tous les nazis faits prisonniers, ce n’est pas parce qu’ils ont estimé que ces Nazis étaient des libéraux cachés: c’est tout simplement qu’ils ont souhaité cibler des haut-responsables seulement et ne pas se transformer en bourreaux. En +, la capacité de récupération du capitalisme libéral (plutôt à son honneur…) l’a conduit a préféré profiter du talent de certains anciens nazis moins responsables que d’autres (dans l’architecture comme dans l’aviation), mais nazis quand même !

  4. Je réponds brièvement à Binh. Sur la Chine, je précise que mon commentaire concernait uniquement la situation antérieure à celle d’aujourd’hui (depuis la mort de Mao). Je ne peux pas juger de la situation actuelle, encore moins de celle à venir. Je suis incapable d’affirmer si la Chine est d’ores et déjà entrée, ou entrera, dans une économie de guerre. Concernant Albert Speer, il était un dignitaire nazi et, à ce titre, ne pouvait pas ignorer la mise en oeuvre de la solution finale. Il a notamment utilisé pour la production de guerre une main d’oeuvre prélevée sur les camps de concentration, il est responsable de milliers de morts par le travail forcé. Mais il s’est débrouillé pour faire croire qu’il défendait en secret le capitalisme (se serait trop long d’entrer ici dans les détails de ses manipulations, qui ont été décrites par plusieurs biographes et historiens) pour préparer l’après-guerre et échapper à une condamnation à mort (il a d’ailleurs fait partie du gouvernement provisoire mis en place après la mort de Hitler). Himmler s’en méfiait et aurait voulu l’éliminer, et Goering n’était pas dupe. Speer a été condamné par la tribunal de Nuremberg à vingt ans de détention en prison (et ce sont les soviétiques qui ont exigé à plusieurs reprises qu’il purge toute sa peine).

  5. Petite info qui peut intéresser: les premières annexions territoriales de la Chine en « Indo-Pacifique » date de 1973 (les accords de Paris, en cours, entérinent, de fait, le désengagement américain au Vietnam). Mao meurt en 1976, il était donc acteur de cette invasion. L’État chinois a estimé que c’était le bon moment pour déclencher son processus nationaliste expansionniste en Asie: la stratégie de la paix intérieure est possible à cette époque, mais j’en doute un peu (La population était peut-être ignorante de ce qui se passait). L’hégémonie chinoise, de type Grand Han, a plutôt repris sa mécanique historique séculaire, désormais ré-ouverte par le départ des USA de cette zone. Et depuis ce temps là, tout continue, et tout s’accélère. L’invasion chinoise de l’Indo-Pacifique est quasiment acquise (à la fin des années 90 la Chine a demandé le statut d’Archipel à l’ONU, afin de consolider légalement ses acquis territoriaux en mer internationale !), et rien ne semble pouvoir l’arrêter (Taïwan est clairement ciblée, aujourd’hui) sauf…le retour à ce qui existait avant 1973, c’est à dire: une opposition militaire crédible, avec pourtant une différence majeure aujourd’hui: la Marine et l’Armée chinoises sont super-équipées en matériel et en soldats. Seule une coalition mondiale serait capable de calmer ce nouvel Empire du Milieu menaçant qui ressemble fort au Japon du 20ème siècle. Et comme il y a de fortes chances que la population chinoise approuve (pour l’instant) l’expansionnisme territorial de leurs dirigeants, on peut raisonnablement se faire du souci pour les prochaines années, car le processus en cours est clairement une « guerre chaude » lente (je ne vois pas comment l’appeler autrement).

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