Un observatoire du français en Afrique à Villers-Cotterêts ?

Le château de Villers-Cotterêts, où François Ier a signé l’ordonnance faisant du français la langue juridique du royaume, est en cours de rénovation pour en faire une cité de la Francophonie.

Ce projet a suscité un grand nombre de propositions.

En tant qu’observateur attentif de la situation du français dans le monde, de sa géopolitique et de sa géo-économie, j’ai formulé ma propre proposition que vous allez trouver ci-dessous.

Bien sûr, cela dépasse mon action individuelle, et il faudrait donc que cette proposition soit soutenue par le plus grand nombre de personnes ou d’institutions possibles. Dans un deuxième temps l’institution qui serait la plus intéressée serait chargée de sa mise en place.

Voici donc l’appel à toute personne, institution ou entreprise qui souhaiterait la réalisation de ce projet

Appel pour la création d’un observatoire du français en Afrique à Villers-Cotterêts centré sur l’économie et les entreprises

Avec le soutien :

  • du pôle francophonie  du Carrefour des Acteurs Sociaux,
  • de l’association Avenir de la langue française,
  • du Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF)
  • d’Alain Arnaud, expert international et chef d’entreprise,
  • de Joël Broquet (Partenariat Eurafricain),
  • de Jacques-Nicolas de Weck, chef d’entreprise,
  • de Yvon Pantalacci, auteur du Petit dictionnaire de la Francophonie
  • et de tout autre qui répondrait à cet appel.

L’évolution rapide de la situation en Afrique nous semble justifier la création d’un observatoire du français sur ce continent, à but principalement professionnel.

Le contexte

Dans le cadre des projets d’activités à Villers-Cotterêts, le Carrefour des acteurs sociaux a rassemblé quelques dizaines de propositions, dont la présente d’un observatoire du français en Afrique.

Cette proposition répond à plusieurs constatations :

1. La chance extraordinaire pour le rôle mondial de la langue française et pour les entreprises françaises en particulier, d’avoir un espace d’environ 500 millions d’habitants où l’on peut travailler en français,

2. Une certaine ignorance par les Français de l’importance du travail en français à l’étranger (ayant travaillé dans une douzaine de pays, j’ai été sensibilisé aux questions de langue de travail et de la langue des relations avec l’extérieur), ignorance qui se traduit souvent par des affirmations du genre : « Dans mon entreprise, j’ai suffisamment de personnes parlant moyennement anglais et ça suffit pour travailler n’importe où ».

3. La remise en cause de la francophonie dans certains milieux africains médiatiques et culturel importants, notamment en matière de programmes scolaires et de langue d’enseignement. Cela dans le cadre de mouvements « décoloniaux », voire directement anti-français.

D’où la nécessité d’un observatoire NON UNIVERSITAIRE de la situation du français dans ces pays, pour faire connaître l’importance que le français a pris non seulement comme langue officielle et de travail mais aussi comme langue maternelle, familiale, d’usage professionnel et de langue commune « dans la rue » dans beaucoup de villes africaines.

Un des objectifs est d’éviter la catastrophe qu’a été au Maghreb l’arabisation de l’enseignement, en faisant mieux connaître que le français est devenu une langue africaine largement diffusée, tout aussi légitime que les autres langues locales ou nationales, et souvent plus utile.

Le tout diplomatiquement et en bonne connaissance des autres idées qui ne sont pas toutes à écarter, notamment concernant la pédagogie des premières années du primaire.

Que faire ?

Concrètement, mettre en place un centre de documentation et d’échanges (colloques, documentation sur les formations utiles, contacts professionnels locaux…)

Confier cette mise en place à une institution solide compétente en économie, ayant déjà des réalisations dans ce domaine. Cette institution doit avoir une bonne expérience des entreprises. D’où mon affirmation ci-dessus du caractère impérativement non universitaire.

Pourquoi ? Beaucoup d’universitaires sont certes très compétents en matière africaine, mais ils le sont moins en matière d’entreprise, et sont surtout spécialisés dans des domaines de recherche étroits.

Soit ils sont linguistes et se passionnent pour une langue africaine pour laquelle ils rêvent d’un rôle inaccessible du fait des moyens financiers et surtout humains nécessaires. Ces moyens humains qui seront exigés des politiques seront très difficiles à former et à mettre administrativement en place, ce qui pèsera sur le développement.

Soit ils ont une attitude politique, comme ce fut le cas au Maghreb, et comme c’est le cas aujourd’hui dans certains états du Sahel avec des tentatives de promotion de l’arabe, ou, dans d’autres milieux, de l’anglais, deux langues inconnues de la masse de la population, malgré l’usage de mots isolés.

Cette catastrophe maghrébine est aujourd’hui reconnue par ses promoteurs d’hier, mais semble difficilement réversible pour des raisons de pression religieuse.

Il ne faudrait pas qu’elle se répète en Afrique subsaharienne : sous prétexte d’enseigner en langue maternelle, on enseigne en fait une langue normalisée qui n’est la langue maternelle de personne.

Par ailleurs définir un vocabulaire économique et de gestion dans beaucoup de langues africaines serait un travail de longue haleine, toujours en retard sur l’usage. Et surtout il n’existe pas de personnes compétentes pour enseigner dans toutes les langues locales, ni de formation de formateurs dans ces domaines.

Bref, il ne faudrait pas commence par casser ce qui existe avant s’apercevoir que c’est quasi impossible à remplacer.

On risque enfin de dévaloriser les élites des classes qualifiées dont le français est la langue maternelle ou d’usage.

Cet observatoire aurait donc aussi pour objectif d’une part de ramener le débat linguistique à la réalité concrète du travail, et de montrer aux entreprises françaises tout le bénéfice qu’elles pourraient tirer d’un environnement francophone.

Appel

En conséquence, j’appelle toute personne qualifiée attentive au développement économique et humain de l’Afrique à appuyer cette proposition.

Écrivez-moi à ymontenay@gmail.com

Yves Montenay,
Auteur de La Langue Française, une arme d’équilibre de la mondialisation (2015)

Sur ce site : articles sur la Langue française et la Francophonie 

7 commentaires sur “Un observatoire du français en Afrique à Villers-Cotterêts ?”

  1. – Les immortels seraient tout désignés pour assumer cette responsabilité hormis la partie économique et entreprises
    – Le MEDEF lui serait peut-être intéressé pour la partie éco et entreprises ?
    – encore un château un peu excentré qui va coûter plus que rapporter (encore des dépenses supplémentaires)?

  2. En tant que langue commerciale, hélas le français n’est plus crédible. Toutes les entreprises françaises, publiques ou privés communiquent en anglais ou subtilement en un charabia phonétique anglo-compatible, exemple: IZI by EDF est le dernier en date. Il y a eu la banque Postale et la SNCF avec ouigo. Il faudrait déjà que le français redevienne une langue commerciale en France avant de vouloir la préserver en Afrique francophone. Les pays francophones doivent sentir que le français est une langue attractive, sinon ils se détourneront d’elle, comme le font les entrepreneurs français.

    1. Vous avez partiellement raison et le courant va dans le sens ce que vous dites. Cela dit on est très loin de « toutes les entreprises », car d’après la CCIP, une grande partie des entreprises exportatrices françaises continue à faire des échanges avec l’extérieur en français. Dans les grandes entreprises, plus on s’approche du sommet plus il y a effectivement d’anglais même entre francophones.

      Et si vous avez raison pour la détestable habitude de mettre des mots anglais, souvent mal définis, à la place de termes français, la communication reste néanmoins en français, même si ce dernier est maltraité.

      Cela ne fait que renforcer l’intérêt de travailler en français avec des francophones étrangers. Le Maroc le fait avec succès en Côte d’Ivoire par exemple

  3. Il n’y a pas que les grands groupes qui vont chercher du pétrole en Afrique, ou le BTP…
    Je ne demande pas mieux que de travailler en français avec les étrangers, et en particuliers africains, mais la technologie un peu pointue, c’est en Europe, Amérique du Nord, Japon, Chine, il n’y a quasiment rien en Afrique, où sont maintenant la majorité des francophones. Et donc depuis que je suis en activité, j’ai quasiment toujours travaillé en anglais avec les étrangers, hors quelques cas particuliers évidents (Québec, Belgique, Suisse – et encore, tous les Suisses ne sont pas francophones à un niveau suffisant pour des échanges de niveau professionnels, dernièrement j’ai dû travailler en anglais avec des suisses).
    Parmi les pays non anglophones qui produisent de la technologie, il m’est déjà arrivé de discuter en français avec des israéliens, mais c’est assez anecdotique, une fois tous les dix ans. Avec les asiatiques, on parle anglais, tout comme avec
    russes, les scandinaves, etc.
    S’il y avait un marché en Afrique, je serais enchanté de parler français avec des africains, mais pour l’instant, dans mon domaine, ça n’existe pas.

    1. Bien d’accord, j’ai moi-même travaillé à ou avec l’étranger en français, anglais ou allemand suivant les circonstances.
      Je pensais plutôt aux entreprises qui s’implantent en Afrique, qu’elles soient françaises, canadiennes ou africaines (exemple : les entreprises marocaines en Côte d’Ivoire).
      Par ignorance ou snobisme certaines choisissent l’anglais comme langue de travail (je l’ai vu !), se compliquant inutilement la vie !

  4. Je ne demande qu’à vous croire et c’est vrai, ce n’est pas une raison pour ne pas commencer en dehors de la France. On peut faire le parallèle (un peu optimiste) entre l’Espagne, autre pays de l’UE rongé par les anglicismes, et les pays hispanophones. Le français n’est pas la propriété de la France mais une langue internationale. Si le rôle de cet observatoire est d’aider à cela, très bien mais il faut que la France soit elle-même partie prenante.

    1. Bien d’accord, mais « la France », c’est vague. J’essaye de susciter l’intérêt, et passerai le manche à la personne, ou, de préférence, l’institution, qui serait intéressée

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