L’administration contre le terrain - La Traversée du Siècle #16

L’administration contre le terrain – La Traversée du Siècle #16

Poursuite de La Traversée du Siècle, l’histoire depuis les années 50 et suivantes, évoquée à partir des souvenirs personnels d’Yves Montenay, féru de politique et d’économie depuis son plus jeune âge.

Pour ce 16e épisode, je vais évoquer le souvenir, parfois cuisant, de mes relations avec l’administration publique et privée. Avec Michel Crozier (*) et beaucoup d’autres, j’ai en effet constaté la vigueur du « phénomène bureaucratique » et sa diffusion générale, parce qu’humainement tout à fait normale.

L’administration française et le pétrole

Dans les années 1960, au début de ma carrière professionnelle, je faisais mes armes dans une moyenne entreprise de distribution de combustibles en France (charbon et produits pétroliers). Le pétrole était alors un monopole d’État délégué pour de brèves durées renouvelables au secteur privé, ce qui a évité aux Français de remplir des formulaires pour faire le plein de leurs voitures et de leur chaudière.

Les prix étaient fixés canton par canton, heureusement à un niveau élevé, car l’administration se fondait sur les chiffres un peu gonflés fournis par les entreprises. Il y avait donc en parallèle des rabais et on retrouvait un prix de marché. C’est ce qui a permis d’éviter les pénuries souvent générées par un prix fixé trop bas par l’administration.

Parmi mes souvenirs de l’époque, cette discussion avec notre ministère de tutelle : « La France manque de stockage dans les Pyrénées, faites-en un si vous voulez que je renouvelle votre délégation ». « Mais nous n’avons pas de clients là-bas ! Avec quelles recettes pourrions-nous le payer ? ». « C’est votre problème, le mien est la sécurité nationale ». Ce monopole d’État a disparu plus tard et les entreprises privées, y compris celles travaillant dans les Pyrénées, ont jusqu’à présent bien assuré la sécurité nationale.

Sur le marché de l’énergie, peu de gens se rappellent que le fleuron national français TOTAL a pour ancêtre la Compagnie Française des Pétroles née en 1924 du partage du pétrole du Moyen-Orient avec les Anglais après la première guerre mondiale. Introduite en bourse en 1929, la première société du CAC 40 d’aujourd’hui doit ainsi son existence à une décision de la puissance publique il y a un siècle.

Mais Total a été ressentie un temps comme « trop privée« , et il semble que le général De Gaulle, alors président de la république, voulait un outil national utile notamment en politique étrangère.  De 1960 à 1965, une série de rachat d’entreprise moyennes et de regroupements aboutit à la création d’ELF-Aquitaine. L’entreprise a fini par être absorbée par TOTAL en l’an 2000, après avoir été utilisée comme tirelire par certains gouvernants français et africains des années 1980, et qualifiée d’agent de la « Françafrique ».

Cette première étape de ma vie professionnelle s’est passée dans des PME décentralisées accordant une grande autonomie à chacun. Ce qui m’a fait regarder avec étonnement le fonctionnement des grandes entreprises privées et, plus tard, celui d’une « grande école de commerce » publique.

Grandes entreprises et secteur public, mêmes dérives !

Ces grandes entreprises n’étaient pas des modèles d’efficacité : certains hauts cadres attendaient qu’on leur précise leur mission et leurs pouvoirs… et certains employés se faisaient tout petits pour continuer à ne rien faire ! Il s’agissait de TOTAL, mentionnée plus haut et de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, très grande et très ancienne entreprise dont des restes se trouvent aujourd’hui chez VEOLIA et VIVENDI.

Dans le même genre, vous avez peut-être lu le témoignage de Corinne Maier, ce cadre d’EDF qui en était réduit à arpenter les couloirs avec un dossier sous le bras car elle n’avait rien à faire ? Elle a fini par écrire un livre, Bonjour paresse .

De même, l’introduction de la Carte vitale depuis 1998 a considérablement diminué le travail des Caisses d’Assurance maladie pour le traitement des feuilles de soins. Les directeurs sérieux ont en conséquence réduit les effectifs en ne remplaçant pas les départs volontaires ou en retraite. Les autres ont préféré dormir tranquille sans rien changer. Résultat, je me suis retrouvé à approvisionner en lecture une amie salariée d’une caisse qui s’ennuyait terriblement…

Un ministre efficace, pour quoi faire ?

Autre exemple, cette fois au gouvernement : Alain Madelin a été nommé ministre de l’industrie en 1986. Dans les associations libérales qu’il avait lancées, il proclamait que les entreprises privées utilisaient plus efficacement leur argent que l’administration, notamment parce que cette dernière n’était pas au contact des besoins et des ressources du terrain. Il s’attaqua aux subventions et dépenses de de son ministère, et fut très fier des sommes économisées. Mais le personnel fut au contraire choqué de ses résultats : « Le ministre est là pour augmenter notre budget, pas pour le diminuer ». Les plaintes des grands directeurs remontèrent au premier ministre, Jacques Chirac, et Alain Madelin fut « remercié » !

Mais le sommet de l’ubuesque fut atteint dans les années 1990, dans une grande école de commerce publique que l’on m’avait demandé de redresser.

Un engrenage rocambolesque

Je fus nommé comme contractuel à la tête de cette administration d’environ 200 personnes. Au-dessus de moi il y avait le « grand chef » qui coiffait plusieurs unités de cette taille.

Ma nomination s’est faite sur dossier et dans le respect des règles de publicité, ce qui n’a pas empêché la rage d’un candidat interne, pourtant peu qualifié, mais soutenu par « les sous-chefs ». Dès le départ il était évident que les peaux de banane allaient se multiplier.

Et comme par hasard des extraits très tendancieux de ma carrière précédente se mirent à traîner dans les couloirs. Après une plainte en diffamation, l’enquête se termina par un « Désolé, personne ne sait qui est l’auteur de ces écrits ». Bref que ceux qui ont laissé faire dorment tranquilles.

Le ministère m’avait fixé des objectifs, dont le principal était de remonter dans le classement des autres écoles. Ils furent tenus, et pour cela, accompagné par quelques volontaires quasi suicidaires, je ne pris pas de vacances pendant le premier été, pour dialoguer avec les futurs étudiants et leurs parents, ce qui fut mal vu : « Celui qui ne prend pas de vacances cherche à se faire remarquer et à humilier les autres »…

Autre offense aux usages : je me mettais sagement au fond de la classe pour écouter quelques cours, sans jamais faire de remarques ni pendant ni ensuite pour ne pas attenter à l’autonomie pédagogique, mais simplement pour mieux comprendre les données de ma mission. Ce fut également très mal vu !

Je constatais assez rapidement que la moitié du personnel faisait « tourner la boutique », tandis que l’autre moitié traînait dans les couloirs pour se plaindre des conditions de travail et exiger des congés supplémentaires. Au rythme d’une petite concession sur ce sujet tous les ans, l’horaire était tombé très en dessous des normes juridiques.

Un sous-chef battait tous les records de travail en pointillé, ce qui paradoxalement arrangeait son personnel « de terrain » qui, sans lui, travaillait plus efficacement. Cela jusqu’au jour où le service fut bloqué par l’absence de logiciels qu’il était le seul à connaitre. Pour trouver une solution, je le convoquais pour le surlendemain dans mon bureau. Il ouvrit de grands yeux effarés et bredouilla : « Ne faites pas ça ! Sinon les syndicats… ». Plus tard, je compris qu’ignorant les procédures de licenciement, il s’était imaginé que je préparais le sien ou du moins une sanction grave.

Mais le lendemain, j’étais à l’hôpital, inconscient, après avoir subi un grave accident de la route.

Beaucoup plus tard, une fois en état de recevoir des appels téléphoniques, on me passa mon supérieur, « le grand chef », très ennuyé : « Nous avons eu une réunion syndicale. On m’a dit que tu avais gravement menacé un membre du personnel (…) on exige que tu ne reviennes plus sur les lieux et ton licenciement, faute de quoi tout dialogue social sera indéfiniment bloqué. Tu comprendras que j’ai dû céder ».

Il était presque comique de comprendre le discours sous-jacent de mon supérieur alors âgé de 63 ans : « je veux continuer à dormir tranquille jusqu’à ma retraite qui est proche. Je subodore que tout cela est totalement illégal, mais ce n’est pas mon problème, l’administration te paiera ce qu’il faudra ».

Le dossier était tellement mal ficelé de leur côté qu’on m’envoya un prestigieux cabinet d’avocats « qui ne perd jamais », comprenez « qui demande à l’administration de payer un maximum pour que l’affaire s’arrête là, et comme il s’agit de l’appréciation d’un grand cabinet, ses conclusions sont indiscutables et le service qui doit payer est donc couvert ».

De toute façon l’absence totale de respect des procédures légales – vous souvenez que j’étais à l’hôpital – et, en parallèle, la lettre de félicitations pour avoir tenu mes objectifs rendaient assurément la position de l’administration employeuse très difficile ! Cette dernière fut donc sévèrement condamnée… mais la tranquillité du grand chef fut sauvegardée.

Plus tard, pour mon remplacement, le poste de direction échappa pour la deuxième fois au malheureux candidat non qualifié : allons, tout ne marche pas si mal !

L’opposition entre hiérarchie et terrain

Ce genre de comportement a humainement tendance à se répandre dans le privé comme dans le public. Mais dans le privé, d’odieux capitalistes assoiffés de dividendes font régulièrement des « audits » et remettent les intéressés dans des postes plus actifs, ou, quand ce n’est pas possible, s’en séparent. Les strates inactives ne peuvent donc s’accumuler comme dans les institutions à emploi garanti, qu’il s’agisse de l’administration proprement dite ou d’entreprises publiques. D’où la crainte des privatisations, qui pourtant améliorent en général les responsabilités et finalement les salaires.

L’administration elle-même n’est pas homogène.

Comme nous l’avons vu, une partie de son personnel est « sur le terrain », face aux élèves, aux étudiants, aux malades, aux clients, aux délinquants et plus généralement au public.

L’autre partie du personnel, souvent nommé « administratif », de « gestion », « support » etc. est beaucoup plus au calme et passe une grande partie de son temps à rédiger des directives (procédures, programmes scolaires, instructions de comportement…) qui exaspèrent le personnel de terrain. Ce dernier est particulièrement irrité par la part croissante de temps requis pour la production de rapports analysant son activité, rapport que le personnel de terrain soupçonne de servir de justification de poste « aux bureaucrates ». Cela au lieu d’accorder une pleine autonomie aux opérationnels, quitte à les sanctionner a posteriori, le cas échéant.

Et maintenant ?

Étant retraité depuis longtemps, en dehors de mes activités d’enseignement et de conférences à la demande, j’espérais vaguement que ce genre de pratique avait disparu.

Apparemment pas partout, comme l’illustrent en 2021 ces péripéties à la Mairie de Paris où l’accumulation séculaire de petits allégements du temps de travail à ramené la moyenne annuelle à beaucoup moins de 35 heures par semaine : ses 55.000 agents travaillent en moyenne 1.552 heures par an au lieu des 1607 heures annuelles requises, selon un rapport de la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France de 2017, soit la bagatelle de 55 heures ou 9 jours de congés payés supplémentaires.

Les récentes directives gouvernementales pour remonter à la durée légale avaient fait lever une fronde syndicale pour bloquer « la suppression d’avantages acquis ». Madame Hidalgo trouva une parade juridique : la définition de catégories « pénibles » justifiant un emploi du temps réduit « pour des raisons objectives ». Vous en trouverez le détail dans cet article des Echos au titre un peu trompeur : Comment la Mairie de Paris va faire passer ses agents aux 35 heures

La première vague de la pandémie du coronavirus a également illustré les retards et les blocages dû aux « gestionnaires » des hôpitaux et des administrations en amont.

Outre les directions régionales (DARES) souvent épinglées, j’ai noté l’existence :

  • du Centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales (CORRUSS),
  • du conseil restreint de défense,
  • de la réunion interministérielle sur la recherche et la coordination sanitaire,
  • de la réunion interministérielle pour la mobilisation économique,
  • de la cellule interministérielle de crise…

Il est difficile d’imaginer que ce nombre de cellules favorise la vitesse de réaction…

Par exemple, la coopération avec les cliniques n’était pas prévue, ni celle avec les vétérinaires qui disposaient pourtant les unes de lits, les autres de matériel. Heureusement il semble que le bon sens et l’urgence aient dans certains cas assez rapidement surmonté ou court-circuité les obstacles.

J’ai moi-même passé des séjours assez longs dans les hôpitaux à différentes époques de ma vie. N’ayant pas pu me défaire de ma déformation professionnelle d’analyse du travail, j’ai constaté, dès que j’ai été capable de marcher dans les couloirs, le fossé entre des soignants affairés et des administratifs bien plus tranquilles par ailleurs ignorants ou complices de petits abus de fournisseurs maîtrisant bien les procédures. 

Bref dans une entreprise privée, on essaye de maîtriser les coûts. Dans l’administration, « un bon directeur » est celui qui accroît le nombre de postes, et tout le monde est content : « Il a bien vendu son service » : le coût est une vente, donc une recette ! Pensez à la mésaventure d’Alain Madelin racontée plus haut !

Au lieu de l’Ecole Centrale, j’aurais dû faire l’ENA, j’aurais trouvé que tout cela fonctionne logiquement et harmonieusement, au lieu d’aller bêtement sur le terrain essayer d’être efficace…

Yves Montenay

(*) Michel Crozier est un sociologue français, et, à mon avis, un père de la sociologie moderne « sérieuse », je veux dire loin du militantisme idéologique déguisé en recherche pour recevoir l’argent public. Il est le principal concepteur de l’analyse stratégique et de l’action collective en sociologie des organisations. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont « Le phénomène bureaucratique »  (1964), « La société bloquée » (1970), « L’entreprise à l’écoute » (1989).

 

La Traversée du Siècle, L’histoire depuis les années 50 et suivantes, évoquée à partir des souvenirs personnels d’Yves Montenay, féru de politique depuis son plus jeune âge.

Si vous avez manqué les épisodes précédents :
#1 – De la Corée au Vietnam (1951-54) : la géopolitique vue par mes yeux d’enfant
#2 – Algérie, Hongrie et Canal de Suez : 1954-56, tout se complique !
#3 – L’école, les Allemands et les Anglais des années 1950
#4 – Des gouvernants calamiteux et l’affaire algérienne achèvent IVe République 
#5 – URSS, 1964 : un voyage rocambolesque
#6 – 1963 et la francophonie américaine
#7 – Le Sahara
#8 – Une aventure au Laos (1974-1984)
#9 – Mon Chirac (1967-1995)
#10 – Le président Senghor, français et africain
#11 – La Roumanie, loin derrière le mur de Berlin
#12 – Le Moyen-Orient autour de 1980
#13 – Entreprendre au Moyen-Orient : la catastrophe évitée de justesse
#14 – La disparition des vieilles civilisations du Proche Orient
#15 – Ma Corée 

18 commentaires sur “L’administration contre le terrain – La Traversée du Siècle #16”

  1. Je suis revenue en France en 2003 après une absence d’un quart de siècle. J’ai trouvé une société de type socialiste alors que je venais de vivre le désengagement de l’Etat, dans le pays où j’avais vécu les 12 années précédentes, pays très lié à l’ancien bloc des pays de l’est.. J’avais, en outre, vécu les 13 années antérieures dans un pays « en voie de développement »…
    J’avoue que ça été en choc, entre mon souvenir de la France de mon enfance et de ma jeunesse et la réalité du début des années 2000.
    Cette réalité socialisante, dans les administrations et les grandes boites privées, s’est encore accentuée depuis 2003.
    Les communistes ont cessé, depuis longtemps, d’être une force politique en France. En revanche quelques-unes de leurs idées ont prospéré dans les mentalités tout en favorisant les égoïsmes. C’est franchement paradoxal et inquiétant pour l’avenir de notre pays.

  2. Effectivement, entre l’administration et le terrain, il y a parfois entre eux un vrai big bang cosmique !
    Une petite expérience personnelle (parmi d’autres..), svp: la politique des 35h.
    Au départ (niveau « administration »): une volonté de lutter contre le chômage + soulager les travailleurs et améliorer la qualité de leurs vies. Que des bonnes intentions.
    A l’arrivée (sur le « terrain »): de fait, 400.000 emplois crées selon Jospin (Dans le même temps, sans 35h, on créait 2 fois plus d’emplois, ailleurs, en Europe) + surmenage et stress accru au travail (faire la même chose en moins de temps, car les consommateurs n’ont pas réduit leur exigences de biens et de services en « équivalents 35h de travail !!!) + salaires bloqués (seuls les cadres ont peut-être apprécié cette mesure en ayant de bons salaires et en ayant un WE de 3 jours) générant une inégalité de traitement évidente, donc, entre les travailleurs (Un comble pour une politique dite « socialiste »).
    En ce qui me concerne, les 35h ont débouché sur la suppression d’un avantage acquis dans mon service (avantage acquis par …les syndicats,!) : 8 jours OUVRABLES de congés annuels supprimés (soit 2 semaines) pris en dehors de l’été.

    Plus globalement, on voit aussi, actuellement, l’effet délétère de l’infantilisation bureaucratique des Français: ils réclament sans cesse des aides de l’Etat (école, santé, transports, logements, etc), mails refusent d’être impliqués personnellement dans cette solidarité nationale. Les Antivax ne se sentent pas concernés par l’urgence nationale d’une immunité collective qui est pourtant impérative si on veut éviter l’explosion des hôpitaux, entre autres raisons).
    L’abstention aux dernières élections régionales démontre que les Français ont du mal à voter car on leur fait comprendre que leurs bulletins n’est pas entendu (Les Nantais étaient favorables, par référendum, un nouvel aéroport chez eux, mais le gouvernement a donné la priorité à un petit groupe de Zadistes. Et les Français étaient défavorables à la Constitution européenne de 2005, mais on leur a imposé quand même): illustration, là aussi, du fossé entre administration et terrain.

  3. Alain Madelin, dont il est question dans cet article, serait totalement oublié s’il n’avait pas laissé son nom à un type de contrat de retraite par capitalisation bien connu des travailleurs non salariés (et qui est d’ailleurs en train de disparaitre).
    Comme disait un ex président, le libéralisme en France, ça fait 4% aux élections (score d’Alain Madelin à la présidentielle en 2002).

  4. Oui, bien sûr, merci d’avoir cité Alain Madelin, c’était l’occasion de rappeler qu’il a existé un modeste courant libéral en France.

    Pour ce qui est de l’administration, il y a quand même quelques évolutions favorables perceptibles sur la durée, et en fait il faudrait y regarder d’un peu plus près au cas par cas.
    Point de vue d’utilisateur : je me souviens que vers 2000, les déclarations de TVA étaient une corvée, un formulaire papier à remplir et à renvoyer par la poste avec le règlement par chèque. Je devais porter le formulaire au comptable qui me le renvoyait par courrier pour que je le signe avant que j’envoie aux impôts par courrier.
    Trois échanges de courrier. Il fallait donc du personnel pour traiter tout cela, au centre des impôts, et aussi à la banque.
    De nos jours, c’est de la télédéclaration et du prélèvement automatique pour tout le monde, même la moindre TPE. Pareil pour les déclarations et paiements de cotisations sociales. On accède aussi facilement à toutes ses données par des sites Internet, donc il faut moins de personnel pour répondre au téléphone, ou traiter des courriers.
    Les évolutions techniques finissent par produire quelques effets même sur les organisations les plus conservatrices.
    Et il me semble que les effectifs des centres des impôts sont plutôt orientés à la baisse.
    Mais ce n’est qu’une administration parmi d’autres, et ça ne parait pas suffisant pour produire une décrue globale très importante.

    1. Je suis tout à fait d’accord et en tant que président d’association et de TPE, je confirme que la fiscalité s’est beaucoup modernisée. La prise de rendez-vous dans d’autres administrations également. D’ailleurs les agents du fisc sont relativement « de terrain » puisqu’ils ont les réactions des contribuables. Mon article épinglé plutôt ceux qui « pondent » des consignes dans des bureaux loin du terrain.

  5. Oui oui c’est dans la définition du PIB. Les administrations ne faisant pas de ventes on compte à la place leurs coûts!!! Tant pis pour la (non) productivité…

    1. Exact. Les chiffres officiels sont faits ainsi et cela renforce le sentiment que la croissance des dépenses et du nombre de postes est positif… sentiment pas forcément partagé par les contribuables

      1. Autres progrès. Il fut une époque où dans les administrations les ingénieurs et techniciens bénéficiaient d’une prime calculée en fonction des dépenses engagées. Résultat : pour maintenir au même niveau leur rémunération, ils reportaient les crédits restants dès qu’ils avaient atteint le niveau de prime souhaitée. Et comme on reconduisait automatiquement le même montant de crédits l’année suivante, ceux-ci augmentaient sans arrêt d’année en année, aux frais du contribuable (puisque des travaux étaient alors gelés et les sommes non utilisées non placées).A ma connaissance, ce régime est maintenant supprimé, et les services techniques doivent justifier leurs demandes de crédits nouveaux et les engagements non soldés. C’est l’introduction de méthodes de gestion inspirées du secteur privé qui a permis ce genre de progrès (au grand dam des syndicats, qui protestent contre ce « New ménagement « ). De même, l’introduction d’une nouvelle administration basée sur la fixation d’objectifs de performance et de maîtrise des risques (cf. la loi LOLF). Mais ces nouvelles méthodes ne font qu’accroître la méfiance (voire la mésentente) entre les agents de « terrain »(on dit agents d’exécution) et les cadres supérieurs chargés de ces nouvelles responsabilités ! Au final, la nouvelle bureaucratie a appris à se nourrir de l’impératif de recherche de performance importé du secteur privé ! D’où d’ailleurs le recours de plus en plus fréquent à des contractuels issus du monde de l’entreprise.

  6. Je complète le commentaire suivant de Peyronnet  » la nouvelle bureaucratie a appris à se nourrir de l’impératif de recherche de performance importé du secteur privé ! « . En effet, si la LOLF a induit (dans la Fonction Publique) une gestion des fonds publics plus adaptée aux missions réellement réalisées par les administrations, les rigidités administratives (et leur déconnexion avec le terrain, c’est à dire avec les usagers, voire avec les autres services de fonctionnaires) se sont maintenues. En effet, le statut du fonctionnaire, tel qu’il existe actuellement (on peut imaginer qu’il évolue…) rend tous les fonctionnaires solidaires (à tort) du maintien d’une situation qu’ils croient avantageuse pour tous: chefs et subalternes se serrent les coudes pour garder ce qui existe, c’est à dire garder (sinon accroître..) les dotations budgétaires qui existent, au besoin en simulant certains besoins ou certaines nécessités dépensières. Il n’est pas dans l’Intérêt des chefs fonctionnaires de critiquer publiquement (officiellement) le travail accompli par les agents de leurs services. Exemple: dans certains services de la fonction publique, il y a 2 fois plus de chefs que d’employés d’exécution, preuve que la LOFL n’a pas compris l’essentiel…. Autre exemple: dans l’Éducation Nationale, les rigidités du statut des enseignants, aussi bien en termes de salaire que de mobilité, conduit à cette situation ubuesque que les postes à pourvoir dans les établissements difficiles (qui nécessitent de l’expérience et une meilleure récompense en revenus) ne sont attribués qu’a des jeunes sortant de l’université (sans pratique professionnelle et avec le petit salaire rigide que la grille salariale des profs impose): les Anciens, expérimentés et mieux payés, s’octroient donc (en raison de la rigidité corporatiste de la gestion des carrières et des mutations des profs) les plus belles affectations et les meilleurs bahuts (on est là dans une situation ou la gestion des profs fonctionnaires n’a rien à voir avec les besoins du terrain, c’est à dire des enfants, des territoires et de la nation).

    1. Je voudrais apporter quelques nuances à vos déclarations sur l’Education Nationale, connaissant (un peu) le fonctionnement de cette administration de l’intérieur en tant qu’enseignant et syndicaliste.
      Vous parlez de rigidité du statut des enseignants mais, bizarrement, on ne parle jamais de la rigidité de pensée des néolibéraux, tous issus pour la plupart de classes aisées et qui refusent de prendre en compte les idées des autres classes sociales.
      Vous affirmez que les enseignants les plus aguerris refusent les postes difficiles. Pourtant dans les zones difficiles, des avantages financiers et de déroulement de carrière sont déjà proposées ; elles pourraient encore être amplifiées pour attirer effectivement les enseignants les meilleurs. Le statut actuel des enseignants n’a pas besoin d’être changé pour cela !
      Le statut actuel des enseignants leur permet d’être à l’abri des pressions locales (notamment de la part des collectivités locales ); c’est une sécurité importante si on veut enseigner dans de bonnes conditions. Supprimer ce statut, c’est exposer un métier déjà maltraité, exposé à la vindicte populaire (sous prétexte que tout le monde est allé à l’école ), mal payé (j’ai déjà évoqué la perte énorme de pouvoir d’achat depuis l’an 2000 ) à un rejet encore plus massif de la part des jeunes : vous êtes au courant que les postes proposés aux derniers concours n’ont pas été tous pourvus et qu’il va falloir faire appel à des contractuels mal formés (pour beaucoup)?
      Si l’on veut vraiment améliorer le niveau des élèves, soyons ambitieux pour les enseignants :
      – on les forme tout au long de leur carrière. Personnellement, je n’ai eu aucune proposition de formation continue depuis 20 ans…. comme mes collègues !
      – on les paye correctement . Je vous rappelle que nous sommes les presque derniers de l’OCDE au niveau salarial et cela se confirme d’année en année.
      – on peut les contrôler régulièrement. cela me paraît normal puisque ce sont nos enfants les premiers concernés et il s’agit d’argent public.
      Proposer aux plus aguerris de prendre les postes les plus difficiles ne servira à rien s’ils sont mal formés. L’enseignement s’acquiert certes avec l’expérience mais la formation théorique reste indispensable pour suivre les évolutions.
      Dernier point : arrêter de méprise les professeurs des écoles. C’est en grande partie pendant les premières année que l’on « décide » de l’avenir scolaire de nos enfants. Et faire passer des notions comme la syllabe à des enfants de 5 ans est au moins aussi difficile que d’apprendre la Révolution française en 3 ième !

      1. Je suis tout à fait d’accord sur le dernier point, et très largement à partir de « si l’on veut vraiment ». Et bien sûr que l’on veut vraiment ! Tant les parents que les enseignants ou le gouvernement. Alors pourquoi ça ne se fait pas ? À mon avis, mais je sais que c’est incompréhensible pour la plupart des enseignants, parce que l’EN est trop rigide, et parce qu’elle est une énorme masse financière (en partie pour payer des non-profs), où la moindre augmentation coûte cher. Donc une décentralisation par académie, sans obligation de prendre les mêmes mesures de l’une à l’autre, serait un grand progrès, une décentralisation à un niveau encore plus local le serait encore davantage (voir la Suisse), voire au niveau de chaque école, et bien s^r, à l’extrême, la privatisation. Mais n’en parlons pas parce que ça déclenche des réactions allergiques, alors que les profs du privé ne sont pas si malheureux (je parle du non–financier, car j’ignore dans quelle mesure leur vie financière est calquée sur le public)

        1. Décentraliser l’Education Nationale jusqu’au niveau local doit être un choix de société, non une mesure dictée par la classe sociale aisée. Cela voudrait dire revenir à la situation des enseignants il y a plus de 200 ans , quand ils étaient, pour les instituteurs en tout cas, recrutés par le maire (ou son « équivalent » de l’époque), avec tous les abus associés : pression possible sur l’enseignant qui se retrouve seul et démuni, salaire qui dépend du niveau de richesse de la commune, influence des parents et des autorités locales sur le contenu de l’enseignement, élargissement des taches sans fin, par exemple. Surtout, décentraliser comme vous le proposez, c’est tuer l’Ecole Républicaine. Car l’essence de l’Ecole Républicaine, c’est d’assurer par l’Etat un enseignement pour tous et partout pareil (ou du moins de tenter de le faire), indépendamment des pressions locales et d’autres influences extérieures. Et pour cela, il faut des enseignants indépendants de toutes ces pressions et influences, ce qui est possible actuellement grâce à leur statut ( pour les titulaires).
          Il faut donc poser clairement la question aux Français: doit-on supprimer l’Ecole républicaine? Si la réponse est oui, alors aux enseignants de s’adapter .Mais posons au moins la question!
          Enfin, les résultats du privé, toutes proportions respectées,ne sont pas meilleurs que dans le public. J’écris « toutes proportions gardées » car n’oublions pas que le privé peut sélectionner ses élèves et écarter les plus faibles, ce qui biaise les résultats « bruts ». Je précise aussi que depuis déjà assez longtemps, par des accords passés, la formation des professeurs des écoles ( je ne sais pas pour le second degré) est assurée par l’Etat et que ces mêmes enseignants sont aussi payés par l’Etat !

          1. Même si tout ce que vous dites était exact, il faudrait mettre en balance la catastrophe actuelle. Par déformation professionnelle, je suis d’abord un homme d’entreprise, et je suis catastrophé par le niveau des jeunes qui nous arrivent. Vous parlez « grands principes » et moi je vous parle de quelque chose qui ne marche pas !
            Par ailleurs, le privé que je connais accueille largement des enfants issus de l’immigration, et favorise donc l’insertion. La sélection, là où elle existe vraiment, est une conséquence de l’échec du secteur public : les parents, de milieux populaires ou non, cherchent une meilleure école pour leurs enfants. Or comme le nombre de professeurs dans les écoles sous contrat est plafonné à 20 % au niveau national, le privé sous contrat ne peut recevoir tout le monde. Des écoles discrètement islamistes vont en profiter sous prétexte d’enseignement à la maison faute de de bonne école dans le voisinage.

          2. Vous écrivez ceci: « il faut des enseignants indépendants de toutes ces pressions et influences, ce qui est possible actuellement grâce à leur statut ( pour les titulaires) ».
            Pour ma part, en tant que prolétaire et contribuable, attaché au syndicalisme et à la liberté d’expression, je considère qu’il faut des enseignants (et des fonctionnaires) dépendants des contribuables qui les emploient (en tant que fonctionnaires). Et, de surcroît, je pense que le statut (des titulaires) qu’on leur accorde ne les protège absolument pas des pressions ou autres influences qu’ils subissent. Vous dîtes n’importe quoi: ce sont des slogans pour manifs que vous répétez inlassablement. Je sais ce qui se passe dans la Fonction Publique, et les influences politiques existent et elles sont lourdes et quotidiennes ! Les salariés qui travaillent dans les services publics sans avoir le statut de fonctionnaires (dans les délégations de service public, dans les EPIC ou EPA, etc) ne sont pas + sous influence que les titulaires: ils ont un contrat de travail, c’est ça la seule différence, et ce contrat leur donne des droits et des devoirs). Vous confondez défense du service public (justifiée) et défense des fonctionnaires (ce qui n’a rien à vois avec la défense du service public). Ne confondez pas « servir le public », et « se servir du public ! »
            Un Service Public (souhaitable) peut très bien fonctionner sans le statut actuel des fonctionnaires français (en Suède, par exemple, les fonctionnaires n’ont pas le statut de leurs homologues français, et le service public suédois fonctionne bien).

  7. Ce que dit Binh est hélas le reflet de la réalité. Les rigidités et les réticences ,souvent alimentées par la peur et l’ignorance , contrarient en effet la marche du progrès. Mais restons optimistes, l’évolution va dans le bon sens.

  8. La différence est flagrante dans les hôpitaux.
    Le personnel soignant est aussi compétant dans le public que dans le privé toujours prévenant et à votre écoute..
    Par contre pour ce qui de l administratif c est le jour et la nuit.
    Dans le service public il faut souvent attendre aller d un guichet à l autre pour récupérer ses bons transport ,ses ordonnances ect…
    Dans le privé souvent un seul guichet pour tout.
    Je précise que ce n est pas la faute du personnel mais bien des ordres qui leurs sont transmis .

  9. @ VARLEY:
    1) « on ne parle jamais de la rigidité de pensée des néolibéraux »: il y a des idéologues rigides (voire fanatiques) dans tous les courants de pensée. De plus, la critique des penseurs libéraux est le b.a. ba culturel de tous les lycéens ou étudiants de France, et (forcément) d’une majorité de nos responsables politiques. La France est un pays catalogué comme « socialiste » par la plupart des gens qui souhaitent vivre mieux, sur notre planète (y compris dans les pays étiquetés « socialistes » !)
    2) Les Libéraux sont « tous issus pour la plupart de classes aisées ». Vous faites du déterminisme social (voire du darwinisme social) à une sauce marxiste mal comprise (relisez Marx et son analyse sur le 18 Brumaire et sur sa critique de la classe ouvrière). Il y a des ouvriers qui peuvent être libéraux tout simplement quand ils voient ce que la rigidité de l’étatisme (socialiste ou pas) donne. On peut être pauvre (je sais de quoi je parle) et être critique de l’étatisation qui, DE FAIT, favorise une caste aux intérêts rigides.
    3) Arrêtez de parler de « défense du service public » quand on sait (de l’intérieur, par les témoignages de fonctionnaires eux-mêmes) que cette expression sert souvent (chez beaucoup de fonctionnaires) à cacher une défense corporatiste, égoïste (et même…libérale !) d’une niche professionnelle avantageuse et fermée.
    Et ce sont justement les collègues fonctionnaires qui pâtissent de ce détournement militant et démagogique.
    5) Les Profs sont mal payés: c’est tout à fait exact. Mais cette situation est justement la conséquence de l’étatisation (statut rigide, mammouth bureaucratique) de ce métier. Si le financement privé entrait dans la rémunération des profs, ces derniers seraient sans doute mieux payés. Et il faut aussi arrêter de croire que c’est en augmentant les impôts, sans fin, que les Profs seront mieux payés: la population finira un jour par faire grève des impôts, et par demander que les professeurs (et même les fonctionnaires) soient mieux contrôlés, sur leurs présence, sur leur travail, sur leur mutation.
    6) Vous avez raison sur les Instituteurs dont le travail est (selon moi) beaucoup plus dur et plus fondamental que celui des profs de collèges ou lycées: mais qui a voulu l’unification dogmatique et « RIGIDE » de ces enseignants ? Les…antilibéraux ! Tout comme la mise en place du « collège unique ». Et je ne parle pas du bazar idéologique et « rigide  » de la réforme des rythmes scolaires de Vincent Peillon. Les Instituteurs ont été sacrifiés par les syndicalistes « rigides » de l’Éducation Nationale. Ce sont, DE FAIT, les antilibéraux qui ont nui aux instituteurs (et même aux profs). J’ai été prof de lycée et j’ai quitté ce milieu malsain, mal payé mais aussi rigide, corporatiste et méprisant à l’égard des catégories sociales modestes. L’aristocratie professorale n’a rien de tendre, ni rien de généreux..
    7) Quant à votre glorification du statut des Profs (ou des fonctionnaires), il ne protège absolument pas des pressions politiques: c’est exactement l’inverse qui se passe, DANS LES FAITS. Ce sont les propriétaires RIGIDES du statut de la Fonction Publique qui font des pressions permanentes sur l’État et sur la population pour obtenir ce qu’ils veulent (grèves à répétition, surtout au moment des vacances scolaires !)
    8) Je peux vous citer plein d’exemple de fonctionnaires, ou de profs, en permanence absents, ou qui ne font rien de leur journée de travail, qui ne sont pas sanctionnés et qui sont même récompensés (ils obtiennent leur mutation immédiate ou leur promotion immédiate, parce que leur chef ne peut pas faire autrement pour s’en débarrasser). En tant que citoyen contribuable, vous trouvez ça juste, social, « de gauche », « progressiste, voire « socialiste » de payer des impôts pour payer un statut si protecteur à votre voisin « statué », sinon « statufié » ?

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