Musulmans « modérés » et sécularisation

Le débat entre Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour vient de relancer le débat sur l’immigration, notamment musulmane. L’un prône le métissage physique et culturel généralisé, « la créolisation », l’autre en appelle à « la vieille France ». Ces positions opposées donnent une idée fausse de l’évolution générale des populations musulmanes tant en Occident que dans leurs propres pays.

Il y a un terme qui est mal vu par ces deux camps, celui de « musulmans modérés ». Les musulmans « non modérés » ironisent : « On est musulman ou on ne l’est pas », comme le répète notamment le président islamiste turc, Recep Tayyip Erdoğan.

Dans le camp d’en face, chez les islamophobes, français par exemple, on doute que ces musulmans modérés existent « puisqu’ils ne se manifestent pas ».

Les musulmans ne se « modèrent » pas, ils se sécularisent

Et pourtant, si le terme « modéré » n’a effectivement pas grand sens concernant la foi, il en a un en matière de comportement. Dans les textes de spécialistes de la question, on parle de « sécularisés », par opposition à la fois à « laïques » et à « islamistes ».

Est sécularisé un croyant qui n’applique pas de règles religieuses à une partie importante de sa vie courante.

Par rapport à la laïcité, il y a d’abord une différence de connotation, puisque la laïcité est ressentie comme un éloignement de la religion, voir une hostilité, notamment parce qu’elle est utilisée en France contre les manifestations extérieures de l’islam. Il y a une autre différence : il ne s’agit pas d’arborer ou non des signes religieux, mais de prendre des décisions concrètes.

La manifestation de la sécularisation la plus massive et la plus importante concerne la démographie

La sécularisation démographique

Dans la plupart des pays musulmans on ne dit plus « J’aurai autant d’enfants que Dieu m’en enverra », mais « J’aurai 2 enfants » (ou zéro, un ou trois : bref c’est moi, la femme, qui commande -en général en accord avec son mari- et non Dieu). Et c’est ce que l’on constate effectivement : en Tunisie, Maroc, Turquie, Iran … on a, comme en France, 2 enfants par femme, voire moins et la plupart des autres pays musulmans non subsahariens sont entre 2 et 3.

On est très loin de la fécondité « naturelle » longtemps en usage au Sud, musulman ou pas, qui est de 7 à 9 enfants, moyenne qui intègre des femmes en ayant souvent plus de 10, et celles qui meurent en couche dès les premiers enfants. Un panorama mondial montre que la fécondité n’est pas liée à la religion, voyez la très forte fécondité jusqu’à récemment des chrétiens subsahariens, mais à d’autres facteurs dont le principal est l’urbanisation.

Vu d’Occident, ce ralentissement démographique est bienvenu, car l’explosion qui a précédé a eu des conséquences géopolitiques importantes.

Quand Napoléon est entré en Égypte, il y avait environ 10 fois moins d’Égyptiens que de Français, alors qu’aujourd’hui ils sont beaucoup plus nombreux que nous.

Cette différence va encore s’élargir un peu, puis se stabiliser. Cette stabilisation est une conséquence directe de la sécularisation, sous la pression des difficultés de logement, d’emploi et du modèle occidental de cellule familiale.

Nous ne sommes plus dans le domaine de la foi, et c’est en vain que le premier ministre turc adjure ses citoyennes d’avoir 3 enfants.

La foi modèle de moins en moins les comportements

Or beaucoup d’islamophobes occidentaux sont persuadés au contraire que la foi modèle les comportements. Pourtant, chez les catholiques, les femmes ont ignoré les appels des papes à ne pas utiliser de contraceptifs ou à ne pas divorcer. Mais, dit-on, c’est différent en islam où le Coran est la parole divine et où le fait d’être musulman implique la soumission à Dieu.

L’observation pratique le dément pourtant, et pas seulement en démographie.

Les musulmans sécularisés prennent quotidiennement les décisions qu’ils pensent logiques sans avoir l’impression de trahir leur foi. Cela commence par ne pas appliquer la charia, au sens que ce mot a pris dans le vocabulaire courant.

Et cela va souvent jusqu’à fêter Noël autour du sapin et à réveillonner le 1er janvier et à boire du vin, voire du whisky jusqu’au fond de l’Arabie comme j’ai pu le constater en y travaillant : on appelle ça « du thé froid ».

Alcool et restaurant pendant Ramadan – la loi et la pratique
Source O-Maroc : « Alcool et restaurant pendant Ramadan – la loi et la pratique »

On rencontre chez les sécularisés aussi bien des athées que des déistes (« Dieu est le même chez les chrétiens, les juifs et les musulmans ») ou des musulmans très pieux. Précisons que pour des raisons sociales ou identitaires, les déistes et les athées gardent l’étiquette de « musulmans », surtout dans les pays du Sud.

« Ils ne manifestent pas » …

Passons maintenant à l’aspect qui intéresse les Occidentaux non musulmans : l’attitude envers la démocratie et, ce qui est largement lié, celle envers les extrémistes. Là aussi les islamophobes font appel au Coran (je passe sur les interprétations diverses de ce texte, voir mes autres articles) et à la notion de soumission pour en déduire que « le jour du choix » la masse des musulmans rejettera la démocratie et suivra les extrémistes. Et comme « preuve » est brandi le fait qu’ils ne manifestent pas pour les dénoncer, donc qu’ils sont à deux pas de les approuver.

C’est une position de plus en plus difficile à tenir lorsque l’on voit les manifestations anti-islamistes en Tunisie et en Égypte, souvent au risque de la vie des intéressés. car extrémistes ont identifié ces musulmans démocrates sécularisés, comme leurs pires ennemis. Et il ne s’agit pas d’une petite minorité comme le montre le résultat des élections : une majorité en Tunisie et au Maroc, une révolte populaire en Égypte (qui a malheureusement ramené l’armée au pouvoir).

Vous me direz que ces manifestations n’ont pas lieu en France. C’est normal : on ne manifeste que dans les situations extrêmes, ce qui n’est heureusement pas le cas chez nous comparé à ce qui se passe ailleurs.

Combien de fois les Français modérés ont-ils manifesté en masse ? Fin mai 68, puis sous Mitterrand contre les menaces visant l’éducation catholique, et, plus récemment, mais en moins grand nombre, contre « le mariage pour tous ». C’est-à-dire seulement 3 fois en plus de 50 ans alors que c’était infiniment moins risqué !

Vous me direz aussi que les musulmans français pourraient manifester contre leurs coreligionnaires extrémistes des pays du Sud. Mais les Français ont-ils manifesté en masse contre les terroristes de l’ETA ou d’Irlande du Nord, pourtant catholiques comme eux ?

Encore une fois on ne manifeste massivement que pour un problème touchant directement le pays où on réside.

… mais ils se manifestent !

Et si on passe maintenant à l’expression par d’autres moyens que les manifestations, il suffit de lire la presse et l’Internet fréquentés par les musulmans de France et d’ailleurs, ou leurs descendants, pour s’apercevoir qu’en matière de démocratie, ils sont dans le même camp que les occidentaux. 

Une offensive des musulmans contre les activistes

Mais personne ne le remarque et on préfère citer les sites djihadistes parce que « c’est plus vendeur » :  un journaliste ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure !

Pourquoi croyez-vous qu’il y ait si peu d’attentats en France, alors que des dizaines d’équipes ou d’individus isolés en préparent sans arrêt ? Parce que leurs proches (les voisins, parfois la famille) signalent les suspects aux autorités françaises !

J’ai entendu le juge Bruguière s’inquiéter de la stigmatisation des musulmans de France, car elle pourrait entraîner un repli sur soi et donc l’arrêt des renseignements. Déjà les sondages montrent qu’une proportion croissante des musulmans de France estiment que « les Français ne nous regardent plus comme avant ».

Au-delà de la sécularisation, il y a la conversion ou l’athéisme

L’apostasie étant en principe passible la peine capitale, les islamophobes imaginent qu’elle ne peut avoir lieu.

Au contraire c’est un phénomène massif, et la réaction à l’islamisme multiplie les athées dans le monde musulman comme le montre des sondages internationaux (cf les études et sondages du centre de recherche Pew et de l’Arab Barometer).

Cela touche une bonne partie de la diaspora musulmane en Occident, mais aussi de l’Iran et de la Turquie ou encore de la bourgeoisie et de la jeunesse frondeuse du Maghreb. On remarque aussi des conversions à l’évangélisme notamment au Maroc et en Algérie.

Cette double évolution vers l’athéisme ou l’évangélisme touche la plupart des pays du monde et même les États-Unis, jusqu’à présent très religieux et où les Églises catholique, protestantes parfois hétérodoxes comme les Mormons ou à la limite du sectaire sont partout, tandis que les pays massivement catholiques d’Amérique latine ont une proportion rapidement croissante d’évangélistes.

Cette mondialisation ne s’arrête pas aux frontières des pays musulmans.

Ne pas se tromper d’ennemi !

En ne parlant que des extrémistes, qui savent parfaitement qui il faut enlever ou tuer pour se faire remarquer, les médias nourrissent toute cette frange d’Internet qui insulte, et le mot est faible, les musulmans de France, dont la grande majorité sont pourtant des alliés précieux. On voudrait pousser cette majorité à rejoindre les extrémistes, puis à la guerre civile, qu’on ne s’y prendrait pas autrement !

Les musulmans qui se sécularisent sont nos alliés. Ne les rejetons pas vers islamistes !

Yves Montenay

17 commentaires sur “Musulmans « modérés » et sécularisation”

  1. Votre article est convaincant. Pour ma part, je n’utiliserais pas le mot « islamophobe », car il a été manipulé par des groupes islamistes ou prétendus « progressistes » pour faire croire que toute peur de la religion musulmane serait raciste ou hostile aux musulmans. C’est la fameuse technique de la victimisation militante qui transforme toute critique, toute peur, toute nuance, etc, en agression. Je crois au contraire que, même si la peur est mauvaise conseillère, elle est parfois bénéfique sinon nécessaire. Il est plutôt conseillé d’avoir peur (un minimum) quand on s’approche d’un précipice plutôt que de continuer à avancer tel un somnambule (certaines peurs sont nécessaires pour gérer sa santé. Ou pour gérer les épidémies…). La Phobie des idéologies ou des religions (pas que l’Islam) est assez saine et recommandée, je trouve. La sécularisation des Musulmans est une réalité: on peut en dire autant des Catholiques ou autres courants religieux. Je ne suis pas certain, néanmoins que ce constat optimiste et rassurant soit le produit d’une évolution sociale automatique, naturelle, ou systématique, ou acquise: je pense quand même qu’il est le fruit d’un environnement culturel français qui invite à la sécularisation (la France est profondément laïque, voire agnostique). Si notre pays était peu sécularisé ( avec ses Catholiques, par exemple), je ne suis pas sûr que les Musulmans se séculariseraient à leur tour: un cadre social religieux incite à la religion. Je fais cette remarque parce que je trouve utile de rappeler, quand même, que cette sécularisation des Musulmans (et des des autres citoyens religieux) ne se fera plus si la France abdique sa laïcité ou qu’elle l’arrange (ou l’accommode) aux pratiques ou revendications religieuses des Croyants. Il y a donc une certaine « islamophobie » ou ‘christianophobie », ou ‘bouddhismophobie », etc, plutôt utile, voire nécessaire, pour pousser la sécularisation. Je n’ai pas le mot exact pour remplacer le mot « phobie »: méfiance ? vigilance ? Etc….

    1. Je suis d’accord sur le mot « vigilance ». Je pense également que l’influence laïque française a touché une bonne partie de la bourgeoisie maghrébine, qu’elle soit en France ou restée sur place

  2. Je suis d’accord globalement avec vous. Sous la réserve, comme M. Binh ci-dessus, que le mot islamophobe est à la fois faux et inutilement insultant. La phobie, ça se passe au-dessous du ventre. Ceux que vous appelez islamophobes pensent , das leur tête et non dans leurs tripes, comme M.Erdogan , qu’il n’y a pas de solution de continuité entre l’adhésion totale à l’islam , jusque pour certains le terrorisme , et une simple adhésion de tradition et d’héritage comme c’est le cas dans nos banlieues chez la majorité des musulmans français de vieille souche qui ne demandent qu’à vivre tranquille
    Il arrive cependant que les enfants de ces musulmans intégrés ( ou assimilés) à la suite d’une crise d’adolescence, reviennent à l’islamisme pur et dur – cela arrive aussi à des Français indigènes convertis.
    Surtout , il faut prendre en compte le fait national. Manifester contre les intégristes en Tunisie, c’est un choix politique. En France, ce serait trahir son groupe d’appartenance , l’islam comme communauté et non comme foi.
    Il me semble que vous n’avez pas pris en compte le reprise récente de la fécondité en Algérie, en Tunisie et en Egypte et l’arrêt de la baisse au Maroc. Je n’en ai vu aucune explication sérieuse. Ce phénomène ne touche pas l’islam asiatique, seulement l’africain.

    1. Je suis assez d’accord avec le début de votre commentaire.
      Pour la fécondité, il n’y pas pour l’instant de conclusion nette des spécialistes sur la fin de sa baisse ou sa reprise. De toute façon on reste très en dessous des niveaux d’avant la transition (huit à neuf comme je le rappelais, contre deux à trois aujourd’hui). L’âge au mariage est une variable importante et elle peut être influencée par des facteurs très variés. Dans le sens de la diminution il y a la recherche d’une sécurité () d’une jeune fille par ses parents … ou le désir de s’en débarrasser . Dans le sens de l’augmentation, il y a le libre choix du conjoint par les femmes qualifiées et la crise du logement. Mais il en a aussi bien d’autres.

  3. Pour ma part, je ne suis pas certain que le mouvement de sécularisation soit général et continuel, même en France . Je pense, au contraire, que le XXI siècle verra s’affronter les tenants du spiritualistme et les matérialistes athées (les religions se transforment aussi, elles ne meurent pas). C’est ce qui d’ailleurs explique en grande partie la crise civile qui se profile aux Etats-Unis (pour ne pas dire la guerre civile larvée). Et l’exemple de l’Afghanistan, après trente ans de tentative pour le sécularisiser,, devrait nous faire réfléchir. // Le terme « islamophobie » me paraît par ailleurs trop connoté, voire trop associé aux discours idéologiques des mouvements gauchisants qui prônent le métissage universel. Or, on assiste plutôt à une révolte des peuples contre l’atteinte à leurs identités, partout dans le monde, y compris en Europe. Et ce qu’on appelle islamisme est une des formes des revendications identitaires qui, à mon avis, travaillent toutes les sociétés.

    1. Il y a beaucoup de choses dans votre commentaire. D’abord le mouvement de sécularisation n’est certes pas général mais il est massif. Voir les organismes de recherche que j’ai cités. Ensuite je suis d’accord sur le fait que l’islamisme est souvent un mouvement identitaire, mais ça ne veut pas dire qu’il est sympathique ni qu’il est majoritaire. En sens inverse un nombre croissant de musulmans estiment que l’islamisme est au contraire une atteinte à leur identité. C’est net pour de nombreux Berbères, pour parler de ce de ce que je connais bien, mais aussi de beaucoup de soufis et de musulmans suivant les coutumes locales.

      1. Merci pour votre réponse. Il y a effectivement beaucoup de choses dans mon commentaire, mais c’est parce que tout de tient. // Le mouvement de sécularisation est certes très avancé, si on le comprend comme l’extension de l’application du principe de laïcité dans les sociétés. Cependant la laïcité politique n’empêche pas la résurgence des spiritualismes et des sentiments identitaires dans les populations.// . La distinction que vous faites entre islamisme et musulmans n’est pour moi pas évidente. Je n’ai pas encore trouvé, dans les écrits des personnes bien informées, une explication suffisamment claire pour être convaincante. Si l’islam est une religion (ce que je ne sais pas),et que les musulmans en font partie, alors qu’est-ce l’islamisme, sinon le nom de cette religion ? Et dans ctte hypothèse, en quoi l’islamisme porterait atteinte à l’identité de certains musulmans, si ces derniers font partie de l’islam ? // En tout cas, vous n’evacuez pas la question identitaire puisque vous dites que certains musulmans estiment que » l’islamisme est une atteinte à leur identité ». On voit bien là que la laïcité nne peut être vue comme l’antidote des spiritualismes. C’est pourquoi, je pense que le sentiment identitaire est une forme d’expression du spiritualisme post-moderne.

          1. Personnellement, je préfère la définition voltairienne : l’islamisme, c’est la religion des musulmans ( versus le judaïsme, le christianisme, le protestantisme, le bouddhisme…). La confrérie des frères musulmans, selon moi c’est une forme d’islamisme radical, comme il existe des catholiques traditionalistes ou fondamentalistes. Ils peuvent certes être représentés par un parti civil, mais il s’agit avant tout d’un mouvement religieux. Ensuite, il existe des mouvements religieux ultra ou extrémistes, dont l’objectif politique est de nature totalitaire. Ainsi, ceux qui ont recours à la violence d’Etat ou comme instrument de conquête politique pour imposer la charia dans la société, sont des islamistes radicaux totalitaires. C’est comme si un mouvement catholique usait de la violence pour imposer à l’Etat français le retour du tribunal de l’inquisition de la congregation pour la foi, des mises à l’index des œuvres de l’esprit, des excommunication pénales, de la confession et du carême obligatoires. Et on peut dire aussi qu’il existe des islamistes modérés. // La laïcité est par ailleurs une forme de religion d’Etat. Vincent Peillon parlait de religion de la République ( ce que pensent de nombreux socialistes). Pour moi, la laïcité est un spiritualisme post-moderne. Son origine ? Les révolutionnaires de 1789, après avoir détruit l’ancien régime et son clergé, se sont rendus compte qu’ils avaient créé un vide spirituel, et pour combler ce néant philosophique, ils ont inventé la Nation ( le jour de la fête de la Fédération) et le culte de l’Etre suprême. La laïcité est l’enfant de ce nouveau culte. La laïcité est donc l’avatar du fait religieux (comme l’est le communisme avec son paradis prolétarien). C’est pourquoi, certains considère la laïcité comme une oppression de l’Etat, autrement dit une loi de soumission comme une autre.// Le terme « islamophobe » n’a donc pas grande signification, à mon avis. Il y a seulement d’un côté ceux qui veulent bâtir un monde métissé pour garantir une paix éternelle (autre utopie post-moderne) et de l’autre ceux qui veulent défendre la préservation de leurs coutumes, mœurs, habitudes de vie et croyances, qu’ils estiment menacées par les premiers, que ces dernier soient musulmans ou non musulmans (ce que l’on pourrait appeler le fait identiraire universel).

          2. Je suis assez d’accord sur vos exemples, mais pas avec la première ligne pour ne pas embrouiller un vocabulaire qui l’est déjà trop. La religion c’est l’islam. Elle a un grand nombre de variantes, qu’il faut appeler par un nom précis (Chiisme, soufisme …). Quand elle se traduit en action politique, particulièrement en demandant que le droit musulman devienne officiel et supprime les autres, c’est de l’islamisme comme idéologie et en pratique cette idéologie est portée par un parti politique : les Frères musulmans et leurs affiliés plus ou moins officiellement (Ennhadha en Tunisie, le parti du président en Turquie…), les salafistes là où ils sont organisés (par exemple en Arabie ou en Égypte lorsqu’ils étaient les rivaux des Frères). Je précise que pour les pays où l’islam est religion d’État, une partie du droit est occidental et le fiqh (droit musulman, terme plus approprié que charia) n’est que partiellement appliqué, ce que dénoncent les islamistes

      2. Je découvre votre article et je m’y arrête car créer un sujet qui vient de prendre une place importante dans ma famille. En effet , mon fils de 20 ans m’apprends qu’il s’est convertit et suit les préceptes du Coran et va se marier avec une jeune demoiselle de son âge voilée.
        Je dois vous avouer que ça m’inquiète
        Suis je victime de toute cette diabolisation des musulmans ?
        Nous sommes français, moi chrétienne non pratiquante ( je n’ai pas besoin d’un endroit pour communiquer avec Dieu ) et j’ai choisi que mes enfants soient assez grands et instruits pour qu’ils puissent eux même choisir si ils en éprouvait la nécessité un guide spirituel.
        Mon aînée a choisie d’être baptisée et maintenant mon fils suit les paroles du prophète.
        Il me dit que cela a répondu à un manque qu’il ignorait avoir et se sent mieux maintenant.
        Sa future épouse porte le voile de son plein gré ( Sa mère ne le porte pas et personne ne l’oblige) .
        Est ce des sécularisés ?

        1. Je ne peux pas répondre publiquement à une question personnelle. Je me borne à dire ici qu’on appelle « sécularisée » une personne dont le comportement quotidien ne dépend pas de la religion. Dans la photo de présentation de mon article c’était par exemple boire du vin. Garder le voile montre qu’on n’est pas complètement sécularisée, mais il n’y a pas que voile : la nourriture, le choix des lectures, le choix de loisirs est-il le même ou non que celui des non-musulmans ? Si vous voulez aller plus loin, écrivez-moi à ymontenay@gmail.com

  4. L’islam en France a de multiples aspects. Le dimanche matin l’A2 nous fait participer à des émissions religieuses remarquables. Il y a peu on y voyait le monde Soufi s’expliquer sur sa spiritualité. L’islam est très complexe, est très divers dans ses idées, dans ses pratiques et dans son enseignement . Le monde chrétien, dans toute don histoire, le lui rend bien et les découvertes récentes au Canada de petits martyrs Huron nous fait frémir d’indignation. Ce monde a bien changé, alors que l’islam est pratiqué principalement dans des pays qui n’ont pas terminé leur évolution vers nos « Droits de l’Homme » dont ils profitent pour exiger chez nous en les condamnant chez eux. Mais le temps n’est pas en faveur d’une dynamique de lecture moyenâgeuse et si les résistances sont parfois très fortes, pouvant aller jusqu’au meurtre de masse, de multiples courants se dessinent ça et là, bien souvent à titre individuel, voire familial à la création d’une nouvelle famille,, pour appliquer nos principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Nier qu’il y ait des difficultés serait absurde, tout autant que nier qu’il y ait des réalités, ce qui nous place dans la situation difficile de devoir accepter quand cela va dans le bon sens et de refuser ce qui nous ramène en arrière. Séparer le bon grain de l’ivraie n’est pas facile car les cœurs ne s’ouvrent pas au grand jour dans une ambiance de promiscuité trop souvent difficile. Le terme islamisme est devenu le synonyme de l’extrême et l’on ne peut transiger avec ses pratiquants, mais les jeunes générations ne lui donnent pas forcément le même sens et y voient souvent comme un simple retour à des traditions séculaires diverses à retrouver, dans un concert de voix, souvent d’intellectuels bien connus qui leur donnent raison en rappelant l’abominable colonisateur que fut la France et appelant au respect de l’autre et de ses traditions. Le long chemin qui nous mènera sans aucun doute inévitablement vers une véritable assimilation de l’islam en France ne sera pas un chemin de tout repos.

  5. Le commentaire de Louis Badelon est intéressant. Pour ma part, il m’est arrivé souvent de regarder cette émission sur l’Islam, certains dimanches, sur France 2 (avec les autres: sur le Judaïsme, sur le Bouddhisme, etc), et je l’ai toujours trouvé intéressante.Paradoxalement, il faut le dire, c’est l’émission sur le Christianisme que j’ai toujours trouvé la moins…spirituelle, et la pus…dogmatique. Sensation personnelle, je le concède. Ceci dit, on est là dans des émissions qui font la promotion de certains courants de l’Islam (par exemple, le soufisme a été évoqué dans cette émission, alors que c’est un courant honni des islamistes). M. Badelon nous écrit avec raison: « Le long chemin qui nous mènera sans aucun doute inévitablement vers une véritable assimilation de l’islam en France ne sera pas un chemin de tout repos ». Oui, c’est vrai, et il faudra faire un effort pour cela, et cet effort sera forcément celui de la résistance laïque (dans l’intérêt des Musulmans, d’ailleurs, entre autres).

  6. Parler de sécularisation ou même de laïcisation au sujet de l’Islam me semble très prématurée. Il suffit de prendre l’exemple du Pakistan dont parle Lévi-Strauss, en 1955, a la fin de son livre « Tristes tropiques » pour se rendre compte qu’il n’y a pas vraiment d’évolution. En outre l’utilisation politique de la religion musulmane – chez les Sunnites, principalement – permet de justifier les retards de civilisation (sur le plan économique, juridique, des mœurs, etc.) et le ressentiment des populations envers l’Occident « décadent » selon beaucoup d’entre eux. Les musulmans occidentalisés restent une infime minorité. Certains autres prennent a l’Occident ce qui les arrange (en particulier les boissons alcoolisées) mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils seront prêts a adopter nos normes – vis a vis des femmes, des homosexuels, etc. pour prendre des exemples assez évidents. J’ai pu le constater a Dubaï et au Maroc.

    1. Les musulmans ne sont pas un bloc. Certes, le Pakistan est de plus en plus islamiste, et l’État y cède de plus en plus aux manifestations islamistes. Ça n’empêche pas l’élite pakistanaise de vivre à l’anglaise dans les quartiers chics
      Mais il n’y a pas que le Pakistan : je connais surtout le Maghreb et la diaspora en France, et comme je l’ai écrit je consulte les sondages des grandes organisations internationales qui analysent les pays arabes. Il y a aussi de nombreuses analyses des discussions sur les réseaux sociaux. Tout cela converge vers une sécularisation pour les uns, vers l’athéisme pour les autres

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