pénurie de main d'oeuvre

On manque de bras et de cerveaux, où sont-ils ?

En France, il faut davantage de profs, il faut davantage de juges, il faut davantage de policiers, il faut davantage d’informaticiens, davantage de plombiers et on pourrait allonger la liste…

Et cela pour d’excellentes raisons que nous allons rappeler, car des problèmes à résoudre sont très importants. Mais ces revendications se terminent des demandes de moyens financiers… alors que la question n’est pas là !

Les raisons de recruter sont excellentes

Il n’y a pas assez de profs ? C’est vrai, il y a encore des classes surchargées, il y a des absences dues à la pandémie, et pas assez de remplaçants. Une partie des élèves souhaite passer dans le privé, mais le nombre de profs y est limité par la fameuse règle des 80/20 : une ouverture de poste dans le privé pour quatre dans le public.

Il n’y a pas assez policiers : une partie de la population a peur et ne se sent pas protégée. D’où la demande aux maires de créer des polices municipales, ce qui se fait de plus en plus.

Il n’y a pas assez de juges, de greffiers etc. : la justice prend du retard et certains verdicts arrivent avec deux ans de retard.

Il n’y a pas assez de médecins, ni de soignants à tous les niveaux : dès qu’un virus pointe son nez, il faut demander aux collègues de renoncer aux vacances, de faire des heures supplémentaires, et rappeler les retraités.

Sans les médecins maghrébins, roumains, et j’en oublie, notre hôpital ne fonctionnerait pas. Idem pour les infirmiers et les infirmières s’il n’y avait pas « la deuxième génération ». Pour des soins importants mais pas urgents ni immédiatement vitaux, il faut attendre des semaines ou des mois pour décrocher un rendez-vous.

Un candidat à la présidentielle vient de proclamer qu’il fera ouvrir 500 000 places dans les crèches. Pour cela encore faudrait-il trouver plus de 100 000 personnes pour les encadrer…

Il n’y a pas assez d’informaticiens : les besoins en protection explosent face aux pirates de l’Internet, au déploiement  de la 5G, à la numérisation accélérée de l’administration, au besoin de perfectionner les algorithmes pour éviter que des internautes « se montent le bourrichon » dans les groupes d’extrême droite, d’extrême gauche, d’antivax, de complotistes…

Donc tout le monde demande « des créations de postes », c’est-à-dire de l’argent.

Il en va de même en dehors du monde salarial : il n’y a pas assez de plombiers, de peintres, de carreleurs, d’artisans en tous genres. Tous les travaux prennent du retard.

Ce dernier exemple illustre que ce n’est pas une question d’argent.

Ce sont les hommes qui manquent

On n’y arrive pas, tout simplement, parce que les personnes recherchées n’existent pas.

La population active française n’est que d’un peu plus de 30 millions de personnes, y compris les 3 millions de chômeurs. Ce qui est peu pour une population d’environ 68 millions.

Ce chiffre ne comprend pas les étudiants, les femmes préférant rester au foyer et les individus frappés par des problèmes de santé. Ce sont donc les 27 millions de personnes employées qui doivent faire vivre, non seulement elles-mêmes, mais environ 41 millions de retraités, d’enfants et d’autres non travailleurs. C’est une première raison du manque de bras et de cerveaux ressenti.

Comme nous allons le voir, on peut « grignoter » quelques travailleurs supplémentaires, mais on sera toujours très loin des quelques millions qui sont le total des besoins évoqués plus haut. Sauf à faire quelques petites révolutions qui seront très mal vues et risquent de coûter cher et leur poste aux élus téméraires qui s’y lanceraient.

Où trouver ces bras et ces cerveaux qui manquent ?

Pour commencer, il ne faut pas trop compter sur les chômeurs.

Mettre les chômeurs au travail ?

C’est l’argument le plus fréquent : on ne manque pas de personnel puisqu’il y a 3 millions de chômeurs. (source Pôle Emploi, au 3e trimestre 2021

Je suis un ancien chef d’entreprise et j’ai souvent utilisé l’ANPE, aujourd’hui Pôle emploi. Il est très difficile d’y trouver quelqu’un : soit il habite loin et ne veut pas déménager, parfois parce que son mari ou sa femme a un emploi sur place, soit il est très loin du profil demandé. Je me souviens m’être vu proposer des quasi-analphabètes pour conduire les poids-lourds et un dépressif profond pour être un financier agile !

Plus généralement, on ne transforme pas un ouvrier d’une fonderie (problème d’actualité) en médecin ou en directeur financier. En informaticien ? Exceptionnellement oui, pour des postes très simples, mais le plus souvent non, pour des raisons d’âge ou d’allergie à tout ce qui est plus ou moins mathématique. En infirmier ? Là aussi, très exceptionnellement, car il faut quand même une bonne base scientifique.

Et puis il y a des métiers « dont personne ne veut » : pardon pour la formule, mais j’ai entendu d’un spécialiste des EHPAD : « les chômeurs refusent et disent : je ne veux pas torcher les vieux »

Retarder l’âge de la retraite ? Oui !

Un autre réservoir d’actifs beaucoup plus concret, serait obtenu en retardant l’âge de la retraite ou en employant des retraités.

Chaque année de travail de plus au-delà de 62 ans ajoute 800 000 personnes en âge de travailler. En soustrayant les femmes désirant rester au foyer et les cas particuliers, disons qu’il y a là environ 600 000 actifs potentiels pour chaque année de recul de l’âge de la retraite à partir de 62 ans.

Il faut y ajouter un gisement de possibles actifs de moins de 62 ans, puisqu’une partie du secteur public prend sa retraite bien avant. Mais la dernière grève de la SNCF montre que ce sera difficile à changer !

Bref, par rapport à l’âge européen de 67 ans vers lequel tendent la plupart des pays, la différence est d’environ 3,5 millions d’actifs supplémentaires potentiels.

Les freins à l’embauche des seniors

Mais, là aussi ce n’est pas simple : les employeurs hésitent à embaucher des seniors, voire même s’en séparent en premier puisqu’ils sont plus chers ou moins formés au numérique et plus généralement aux techniques nouvelles. Longtemps les employeurs français ont demandé et obtenu le financement de retraites anticipées qui ont pesé lourd sur l’économie nationale. C’est en principe maintenant interdit, mais il me semble, à l’occasion de fermeture d’usines, que la tentation n’a pas disparu.

L’exemple suédois

Comparons avec la Suède où la question des retraites a été prise très sérieusement, et où il y a des discussions concrètes entre patronat, syndicats et gouvernement. Précisons que c’est un pays sans coupure idéologique à la française : la gauche n’est pas socialiste, mais social-démocrate, c’est-à-dire économiquement libérale et socialement redistributive, tandis que la syndicalisation touche l’ensemble des salariés ce qui signifie que les troupes syndicales comprennent aussi les libéraux.

Résultat : un âge de départ qui sera bientôt de 67 ans, et des employeurs qui veillent à faire évoluer les emplois des 10 dernières années de carrière (moins de pénibilité physique, éventuellement horaires réduits), ce qui permet de garder tout le monde au travail jusque là.

L’immigration ? Un peu

L’immigration peut apporter une partie des bras ou des cerveaux manquants. Elle est déjà largement utilisée, mais imparfaitement puisque le chômage est plus fort chez les immigrés que chez les natifs.

On dit souvent que les immigrés ne sont pas assez qualifiés. C’est oublier d’abord qu’une bonne part de nos soignants et ingénieurs vient du Maghreb et d’ailleurs. En témoignent les excellentes performances des Marocains dans nos grandes écoles.

C’est oublier ensuite qu’on manque également de non qualifiés dans les innombrables métiers dans lesquels leur formation serait rapide : pas seulement les fameux éboueurs maliens, d’ailleurs moins présents aujourd’hui, mais pour les emplois dans l’hôtellerie, la restauration, le bâtiment, la surveillance… et les nounous, que je cite souvent parce que c’est un métier dont on néglige la grande utilité économique : ce sont elles qui permettent à des mères de famille très qualifiées d’apporter leurs compétences à l’économie nationale !

Cela dit, l’immigration a des limites. Psychologiques d’abord, puisque qu’une partie de la population y est hostile. Et surtout parce qu’il y a une concurrence mondiale : la terre entière s’arrache non seulement les médecins, mais aussi les femmes de ménage ou les nounous philippines.

Et puis son efficacité est limitée en France du fait d’un accueil indécent, et souvent assorti de l’interdiction de travailler, ce qui renvoie des intéressés à des activités illégales. Il vaudrait mieux organiser la formation à un meilleur français et à la vie concrète dans notre société souvent très différente de celle du pays départ, et surtout permettre de travailler ! Les succès allemands d’intégration des Syriens ignorant complètement l’allemand et même l’alphabet latin devrait nous montrer que nous ne savons pas nous y prendre !

Par ailleurs, d’un point de vue planétaire, l’immigration n’est pas une solution puisque que ceux arrivent manquent au pays départ. Et là, la responsabilité en revient à ce dernier : l’expérience de la Corée du Sud et de la Chine (pour prendre deux systèmes économiques très différents) montre qu’on peut se développer très vite pour peu que le gouvernement soit moyennement sérieux. Mais souvent les gouvernants préfèrent piller le pays que de s’occuper de la scolarisation ou de l’ordre public.

Le développement n’est pas une question d’argent

Les médecins malgaches que nous avons en France ont fui « la révolution » dans leur pays, et y manquent cruellement. Les Italiens qui émigrent en Allemagne font de l’Italie un pays de retraités impossibles à nourrir. La logique voudrait que les caisses de retraite allemandes viennent les aider, mais les problèmes allemands sont tellement importants, du fait de leur faible fécondité, que cela paraît impensable aujourd’hui.

Un autre exemple détaillé dans Le Monde daté du 18 janvier est celui de la Roumanie : les Roumains émigrent vers l’Espagne et l’Italie dont les langues sont voisines de la leur. L’Italie, se vidant au profit de l’Allemagne a besoin de ces Roumains. Le vide ainsi créé en Roumanie est comblé par une immigration mondiale indienne, pakistanaise, philippine…

La formation ?

La formation est bien sûr une piste logique pour pallier au manque de cerveaux. Le gouvernement a d’ailleurs lancé en septembre un plan ambitieux en la matière : 1,4 milliards pour former les chômeurs et faire monter en qualification les salariés.

C’est excellent, mais ne change pas de problème de base : un salarié qui monte en qualification laisse souvent un vide à son ancien poste. Théoriquement un chômeur formé pourrait remplir ce vide. Ce serait un progrès, mais ce que nous avons vu sur les chômeurs amène à penser que l’impact sera limité à quelques dizaines de milliers de personnes… J’espère me tromper !

Et puis cela nous mène au problème redoutable et insoluble politiquement à court terme : la baisse de niveau de la formation scolaire et l’inadéquation à l’emploi d’une partie des diplômés de l’enseignement supérieur. Ce problème est trop vaste pour être traité ici mais il me paraît fondamental.

En tout cas, tout effort dans ce domaine est louable, et par exemple l’action semble-t-il couronnée de succès du développement de l’apprentissage : vers les 700 000 contrats en 2021 après 495 000 en 2020 contre moins de 300 000 les années précédentes. Mais, attention, ce n’est pas un gain net puisqu’une partie des nouveaux apprentis sont par exemple des élèves de grandes écoles, ce qui est excellent, mais ne crée pas un cerveau de plus. En fait le gain net sera la diminution du chômage due à cet accroissement d’apprentissage, mais je ne sais pas si c’est calculable.

En résumé, quelques pistes encourageantes mais qui ne donneront pas les millions de personnes nécessaires à court ni même à moyen terme.

La productivité, un remède mal vu

Si les besoins massifs en main-d’œuvre (je dirais plutôt les rêves vu le décalage avec la réalité) ne pourront être couverts que marginalement, reste la solution d’augmenter la productivité de chacun. Parler formation et apprentissage vous a mis sur la piste : une solution au manque de bras et de cerveaux est évidemment que chacun produise davantage.

Je me souviens d’une réunion entre parlementaires et syndicats patronaux et ouvriers sur les retraites, où j’avais été invité en tant que démographe. Pendant la réunion tout le monde était d’accord pour conclure que la seule solution était l’augmentation de productivité, le recul de l’âge de départ étant exclu par les syndicats présents. Mais cette augmentation de la productivité n’était pas un slogan « vendeur » pour certains syndicats « ouvriers » qui avaient tendance à la présenter comme une augmentation de « l’exploitation capitaliste ». Donc lors de la conférence de presse qui suivit la réunion, ils préférèrent un thème plus populaire : « le patronat veut voler nos retraites ». C’était il y a plus de 20 ans et je pense que les positions ont évolué, mais je rencontre encore des « salariés de base » qui en sont persuadés !

Bien sûr, augmenter la productivité ce n’est pas « faire travailler plus intensément pour augmenter l’exploitation capitaliste ». C’est appuyer les travailleurs actuels par des machines plus perfectionnées ou des logiciels et en encourageant la mobilité pour que chacun puisse accéder à un autre métier plus utile et donc, en principe, mieux payé.

Réussir cela est un travail d’ingénieurs et d’organisateurs et les politiques n’y peuvent pas grand-chose. D’ailleurs la fonction publique et le secteur nationalisé ne sont pas des modèles en l’occurrence (voir le fret SNCF et le gouffre financier qu’est cette entreprise), même si cela commence à bouger avec la numérisation de certaines administrations, dont celle, enfin, de la justice.

Un des grands problèmes est la limitation des taches bureaucratiques. Les médias nous rappellent actuellement à quel point elles pèsent sur l’activité des médecins et des chercheurs, mais le mal est général. Les ordinateurs devraient pouvoir aider mais en pratique c’est le contraire qui s’est passé : on demande beaucoup plus de renseignements et de rapports qu’auparavant puisque c’est possible avec l’informatique !

Je rappelle que la bureaucratisation est un phénomène naturel très puissant et international qui paralyse largement les pays socialistes.

Dans le privé il est limité par la nécessité : l’entreprise meurt si elle se laisse envahir, et est remplacée par une autre entreprise moins bureaucratique.

Cette menace n’existant pas dans l’administration, chacun rajoute de nouvelles règles, chacune parfaitement logique et donc approuvée, sans se rendre compte que l’ensemble pèse sur le niveau de vie de tous. C’est contre cette dérive que Gaspard Koenig se présente à notre présidentielle. J’espère que les débats qu’il va soulever vont sensibiliser les autres candidats…

En conclusion, la pénurie n’est pas une question d’argent

Nous avons tendance à tout attendre de l’État et notamment qu’il verse des milliards dans l’hôpital, l’école, la justice, la police.

Notre conclusion est que cette distribution d’argent, quand elle a lieu, ne résout rien. Ce n’est pas l’argent qui soigne, qui invente des logiciels ou qui produit du pain. Ce sont les hommes. Ils n’existent pas en nombre suffisant pour faire face aux besoins tels qu’ils sont ressentis. Nous avons vu quelques remèdes partiels (formation, immigration…) mais qui ne sont pas suffisants, ne serait-ce que parce qu’ils demandent eux-mêmes des hommes pour les concrétiser !

Reste l’augmentation de l’âge de la retraite, auquel une partie de la population est hostile, et l’augmentation de la productivité par personne, qui est également souvent mal vue. Cette augmentation de la productivité passe en partie par la débureaucratisation. Mon expérience du secteur public montre qu’on se heurte au « ne touchez pas aux avantages acquis » sans se rendre compte que ces derniers pèsent sur votre voisin, et finalement sur soi-même, via les impôts ou la hausse des prix.

Bref il faut revenir à l’analyse des réalités concrètes : l’économie c’est l’ensemble des hommes au travail et le bénéfice de ce travail réparti le moins mal possible. Ce n’est pas une question d’argent !

Yves Montenay

15 commentaires sur “On manque de bras et de cerveaux, où sont-ils ?”

  1. Je ne sais pas ce qu’il en est pour les médecins, l’hôpital, etc., mais pour ce qui est des ingénieurs, j’ai une autre théorie : on manque cruellement d’ingénieurs (en particulier informaticiens, mais pas seulement) à bac+5 qui accepteraient de travailler en technique et r&d pour 1500 euros/mois, et qui préfèrent plutôt la finance ou des postes d’administratif et management. Des activités la plupart du temps assez stériles, mais beaucoup mieux rémunérées, et même mieux valorisées socialement.
    Néanmoins, certaines de ces activités techniques, comme le développement logiciel par exemple, se délocalisent bien, en Inde par exemple, avec des tarifs imbattables. Avec l’extension des réseaux de communication, il n’est même plus nécessaire de faire venir physiquement les immigrés.

    1. Merci pour ce complément. Effectivement j’ai oublié le travail à distance, et je vais peut-être modifier l’article. Mais ce n’est pas valable pour tous les métiers. Quant aux ingénieurs, s’il y en a physiquement suffisamment, ce dont je doute, c’est aux employeurs de donner les bons salaires au bons endroits. Je pense que ce comportement erroné ne fait qu’aggraver une pénurie « physique », qui s’aggravera peut-être vu la baisse du niveau en mathématiques. Cela dit autour de moi les ingénieurs débutants gagnent beaucoup plus que 1500 €. Pouvez-vous préciser votre exemple SVP ?

      1. Ma phrase était au conditionnel… Il y a peu d’ingénieurs à ce niveau en France, le gros du bataillon est plutôt entre 2000 et 3000 euros, en fonction de l’école et du secteur d’activité. Ceux qui acceptent de travailler à bas coût sont en Inde, à Madagascar, etc.
        Le système éducatif forme au moins trois fois plus d’ingénieurs qu’il y a 30-40 ans, la croissance a été beaucoup plus rapide que celle de la population active. Mais il y a aussi plus de fuites, des ingénieurs qui n’exercent jamais leur métier et vont faire de la finance, du conseil, etc., ce qui est plus lucratif (il y a quelques années, mon ex-école avait même finit par refuser les stages de fin d’étude dans la finance pour enrayer ce phénomène).
        Je me méfie donc un peu des explications globalisantes centrées sur la démographie,il faudrait bien y regarder au cas par cas.

        1. Merci pour ces données. Mais ça ne change pas l’objet de mon article qui est que le nombre d’hommes est limité en France (et dans beaucoup d’autres pays). S’il y a davantage d’ingénieurs, il y a moins de monde dans d’autres professions.

  2. « Ce n’est pas l’argent qui soigne, qui invente des logiciels ou qui produit du pain ». Illustration exemplaire dans l’administration et sa bureaucratisation paralysante: Dans certains services, il y a + de chefs que de subalternes ! Avec la conséquence inévitable suivante: des ordres contradictoires qui bloquent le travail ou les initiatives en cours. Et si on prend l’exemple de l’Éducation, c’est pareil: plus de profs, dans la France actuelle et son culte de l’État Providence, c’est + de fonctionnaires, avec leurs statuts et leurs rigidités (sur les mutations, sur les remplacements, sur les absences, etc). Bref: blocage permanent. Ce qui manque à la France, c’est + d’esprit de responsabilité. Il faudrait rajouter ce mot au triptyque de notre République ! On le voit avec la crise du covid19 et ses contraintes de soins ou de protection collective: une bonne partie des Français ne veut que des droits offerts par la Nation sans aucun devoir personnel à assumer à l’égard de cette même Nation. Donc donner de l’argent en permanence à cette France là, c’est aggraver le problème. On est dans la mécanique qu’évoque le fameux proverbe « aide toi et le ciel t’aidera » ! Avant de donner de l’argent sans compter, il va bien falloir un jour que l’État français résolve son problème de fond: responsabiliser les Français ! Et malheureusement, certains politiciens prônent l’inverse (baisse du temps de travail, recrutement de fonctionnaires, refus de reculer l’âge de la retraite, gratuité de tous les soins, gratuité de certains transports, etc…

    1. Vous avez largement raison. Comme dit dans mon article je n’ai pas voulu me lancer dans l’analyse de l’éducation nationale, j’ai simplement constaté sa relative inefficacité (je dis « relative » parce que je connais bien pire dans les pays du Sud, mais ce qui compte c’est la comparaison avec les autres pays développés). Pour effleurer rapidement ce sujet je dirais que l’éducation nationale est une machine trop lourde et qu’il faut absolument la couper en morceaux. Il y a beaucoup de moyens de faire cela, il n’y a qu’à regarder ce qui fait l’étranger. En France c’est très difficile politiquement parce que beaucoup de gens crieraient à la privatisation !

  3. Merci de cette excellente analyse, comme les autres d’ailleurs. Il faut tout simplifier. La Justice croule sous des procédures d’un autre âge. Les comptables des entreprises passent plus de temps à calculer les multiples impôts qu’à gérer la comptabilisation et les paiements de l’ensemble des fournisseurs.
    Depuis peu je travaille dans un laboratoire pharmaceutique : qui a eu cette idée insensée de morceler les paiements des hôpitaux ? Leurs fournisseurs reçoivent chaque jour des milliers de paiements de 1 cent, 2 cents, 3 cents… Vous imaginez le travail de traitement et rapprochement, des deux côtés ! sans compter le coût électronique et bancaire.
    L’immigration n’est pas une solution si chaque immigré travailleur amène son cortège d’inactifs dans la proportion déséquilibrée déjà existante.

    1. Merci pour cette illustration. Entre-temps j’en ai une nouvelle : les experts-comptables sont paralysés par les nouveaux paramétrages découlant des dispositions en matière de charges et autre calculs, notamment des aides annoncées. Leurs clients n’y comprennent rien. Un temps considérable et gaspillé.
      Pour l’immigration j’ai eu tort d’employer ce mot qui regroupe sous un même chapeau des situations totalement différentes. En particulier l’opinion est impressionnée par les immigrants irréguliers qui se cramponnent pour rester et traînent ou chapardent pendant les mois voire les années que dure l’examen de leur dossier, alors que leur nombre est très limité par rapport aux entrées régulières, notamment celles des étudiants qui à mon avis sont les bienvenus : c’est grâce à eux que l’Amérique développe alors que son enseignement secondaire, comme le nôtre, est très imparfait !

  4. Un point essentiel est effectivement l’inadéquation d’une partie du système de formation de l’Éducation nationale :
    – je suis d’accord avec l’identification des manques exposée dans votre article, sujet que l’on pourrait développer et compléter : cf. par exemple le manque de techniciens qualifiés dans la chaudronnerie lourde et d’autres métiers industriels, ce dont souffrent en aval des industries stratégiques comme le nucléaire ;
    – il faudrait généraliser le système du numerus clausus afin de diminuer le nombre d’étudiants, notamment dans des filières où ils le nombre d’inscrits est 10 à 20 fois supérieur aux emplois correspondants, même en admettant une part d’  » inadéquation  » (il est rare qu’une formation corresponde à 100 % à un emploi et c’est aux nouveaux travailleurs de s’adapter en conséquence) ; juriste, j’ai constaté lors de mes études que moins de 30 % des inscrits en 1ère année obtenaient le DEUG (grade universitaire alors conféré au bout de 2 années d’études suite à des examens) : c’est une déperdition énorme et un gâchis humain et financier indéfendable ; et que dire des études de sociologie, psychologie et autres sciences humaines ? Il est normal que certains étudiants inscrits dans une filière abandonnent ces études par renonciation totale ou suite à une réorientation : mais ce  » taux de perte  » ne devrait pas excéder un chiffre  » raisonnable « , par exemple 30 % en 3 ans.

    Bref, il faut mettre fin à l’aberration selon laquelle les titulaires du Baccalauréat (devenu un faux diplôme puisqu’il est donné à plus de 90 % des candidats : ce n’est plus qu’une sorte d’attestation de présence au lycée) ont un  » droit sacré  » à entrer à l’Université : il faut filtrer à l’entrée des établissements de formation, ce qui se fait dans de nombreux pays et pas seulement les États-Unis ou leurs imitateurs. Encore un  » droizaki  » à  » dézinguer  » sans faiblesse : mais il faut être prêt à affronter des mouvements bruyants, voire violents, des milieux estudiantins et universitaires.

    Un numerus clausus est d’autant plus nécessaire que, en France, la plupart des études sont peu coûteuses, ce qui incite les gens à s’inscrire  » de toute façon  » en faculté, même s’ils n’ont aucune esquisse de projet de formation cohérent ni le niveau de connaissances ni les capacités pour étudier. Un tel système de filtrage permettrait de réaliser de substantielles économies, ce qui permettrait de mieux orienter les personnes à former et d’investir dans des filières plus utiles, comme l’apprentissage qui devrait avoir la même importance qu’en Allemagne ou en Suisse, pays dans lesquels c’est un parcours de formation normal et assez souvent une  » voie d’excellence « .

    Si on refuse de généraliser le numerus clausus, on continuera dans la direction actuelle :
    – des filières sélectives (et coûteuses), à l’entrée comme au cours des études, prendront une importance croissante et deviendront de plus en plus des passages quasi-obligatoires pour accéder à des emplois de qualité et bien payés ;
    – les autres filières continueront à se paupériser et à dispenser des formations souvent sans aucun rapport, même partiel, avec le marché de l’emploi.

    Mais tout cela demande de la lucidité et de l’honnêteté intellectuelle pour constater l’évidence et du courage pour réformer profondément le système : un des préalables serait certainement, comme vous l’écrivez justement, de morceler le mammouth de l’Éducation nationale dont la masse monstrueuse représente un facteur d’inertie et d’incapacité par nature d’évoluer.

  5. Bonjour à tous,
    *
    Si DEUX personnes travaillant à 1/2 temps ne coutaient PAS UN CENTIME DE PLUS à un employeur que UNE seule personne travaillant à temps plein sur le même poste de travail, j’ai un sentiment profond que des milliers de mères de famille seraient extrêmement heureuses
    – d arrondir les fins de mois immédiatement et
    – de pouvoir reprendre ou conserver un poste à temps plein plus tard.
    *
    Pour l’employeur il me paraît assez évident que la PRODUCTIVITE DE DEUX personnes à mi temps est SUPERIEURE à celle d’UNE seule personne à plein temps sur le même poste de travail (pas de cantine , pas de pause café … intérêt, énergie et concentration plus facile à maintenir 4 heures que 8 , ou 2/3 jours par semaine que 5/5 jours.
    *
    Mais pour cela il faudrait RETIRER LES SEUILS non proportionnels au salaire perçu sur les feuilles de paye
    *
    Pourrait on lancer cette approche
    – auprès des MEDECINS, ERGONOMES, démographes , économistes du travail, syndicats, patronaux et salariés, pour ce qui est du bien fondé ,
    – les journalistes, les réseaux sociaux pour la vente à l opinion
    – les juristes pour la mise en musique
    – et les élus pour légiférer ?

    1. Merci pour cet apport intéressant, mais d’une part je ne suis pas suffisamment qualifié et d’autre part je ne suis qu’un analyste isolé qui ne connaît que son bureau et le terrain (plus rarement ce dernier depuis les restrictions de voyage), et n’a pas les relations pour lancer ce genre d’études.
      Je vais donc me borner à ce que je constate : il y a déjà beaucoup de temps partiel choisi par des mères de famille, les étudiants etc. quant à savoir si de 2000 personnes sont plus productifs qu’une, il n’y a que des cas particuliers. Ce que vous dîtes est exact mais en sens inverse gérer deux personnes est plus lourd administrativement et souvent hiérarchiquement

  6. « il faut davantage d’informaticiens » : C’est en effet ce que prétendaient les médias, ou plus exactement les SSII interviewées par les médias. Il n’en est rien.
    Pole-emploi en pleine hystérie sur cette pénurie a fini par donner les chiffres en 2013 : 12.8% de chômeurs dans le secteur de l’informatique ! un taux de + de 50% supérieur à la moyenne nationale. Depuis le nombre de chômeurs dans ce secteur a encore augmenté, et les ingénieurs de ce secteur sont les plus mal payés de France, après les ingénieurs agronomes …

    1. Merci pour cette information, mais il y a un informaticien et informaticien. Dans cette profession le savoir se périme vite, et il n’est pas contradictoire d’avoir à la fois des chômeurs et une pénurie de certaines qualifications

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