Notre politique familiale n’a pas à être sociale

Terra Nova, club de réflexion cité comme « boite à idées » du PS a publié une analyse et des propositions touchant notre politique familiale. Si les données en sont exactes, les conclusions sont très discutables, car ne distinguent pas le démographique du social.

Terra Nova dénonce notre politique familiale comme non redistributive, n’offrant pas assez de services en nature, et propose de supprimer le supplément de retraite aux mères de 3 enfants et plus.
S’il est exact que la politique familiale française est peu redistributive, c’est tout simplement parce que ce n’est pas son but ! Tout ne doit pas être jugé selon un critère égalitariste. Notre politique familiale a un objectif démographique, ce n’est pas une politique sociale. Son but est de  maintenir la fécondité française à un bon niveau. C’est important et indépendant de tout aspect redistributif. La relative faiblesse de notre fécondité de 1973 à 1999 a directement aggravé le problème des retraites et indirectement bien d’autres, dont l’emploi et l’immigration.

Cette politique doit se poursuivre : le niveau actuel de deux enfants par femme a beau être le meilleur d’Europe, il est encore insuffisant, car le nombre de parents va diminuer avec l’arrivée des classes creuse à la trentaine. N’oublions pas que la Russie et le Japon sont en train de sombrer, et que l’Allemagne et la Chine subiront le même choc dans quelques années. Les succès économiques actuels de ces derniers pays ne pourront rien contre ce mouvement de fond. Donc gardons à notre politique familiale son objectif démographique et séparons bien ce problème d’une éventuelle politique sociale.

Terra Nova souligne également à juste titre que la politique française offre peu de services aux parents et que les crèches sont rares. Mais a-t-on cherché à chiffrer ce que donnerait une généralisation des crèches, non pas en argent -problème déjà gigantesque- mais en personnes qualifiées qu’il faudrait retirer d’autres secteurs ? Bref là aussi manque l’analyse démographique.

Enfin la proposition de Terra Nova de mettre fin aux majorations de pensions de retraite pour les parents de trois enfants et plus, est, elle, terriblement injuste, car les parents en question -en général la mère- ont sacrifié une bonne part de leur carrière et donc de leur retraite, pour élever des enfants qui vont servir la retraite des autres ! Il n’est que justice de le rendre une partie de leur sacrifice. Et par ailleurs cette perspective de voir une retraite un peu moins diminuée par les maternités est cohérent avec l’objectif nataliste de l’ensemble de politique familiale française.

Donc deux analyses exactes, mais déconnectées de la réalité, et une proposition terriblement injuste. Chez Terra Nova comme ailleurs les données démographiques n’ont pas encore été vraiment assimilées.

Les lecteurs intéressés peuvent se référer à mon livre Retraites, familles et immigration en France et en Europe, et à la revue Population et Avenir.

Yves Montenay

Article publié dans Le Cercle Les Echos, 26 août 2011

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