Pourquoi et comment l’africanisation du monde est en marche
Pendant longtemps, et encore très largement aujourd’hui, ce sont des pays arabes, puis l’Occident qui ont influencé l’Afrique subsaharienne, alors que ses habitants étaient peu connus à l’extérieur, sauf comme esclaves dans les Amériques et dans les pays arabes.
La situation est actuellement en train de s’inverser, pour les raisons que nous allons voir. C’est ce que j’appelle « l’africanisation du monde », mouvement qui devrait s’accentuer dans l’avenir.
La principale raison est démographique
Vers 1900, la population de l’Afrique était estimée à environ 100 millions de personnes, en stagnation depuis plus d’un siècle, elle était de 275 millions dans les années 1950, 814 vers 2000 et probablement 1,4 milliards en 2023, soit la population de la Chine ou de l’Inde.
Les prévisions de 2,5 milliards d’africains en 2050 et entre 4 et 5 Milliards en 2100 supposent une forte baisse de la fécondité, à l’image de ce qui s’est passé dans le reste du monde.
C’est vraisemblable, mais pas certain. En effet, pour l’instant, la fécondité décroît régulièrement, mais beaucoup plus lentement que prévu, traduisant notamment les retards en matière de scolarisation, particulièrement au Sahel. On est aujourd’hui à 2 à 3 enfants par femme en Afrique du Nord où la baisse est lente ou stoppée et à 4 à 7 enfants par femme en Afrique subsaharienne.
Les deux premiers enfants remplaçant les parents, en avoir quatre ou six signifie que le nombre de parents va doubler ou tripler à chaque génération au sud du Sahara, phénomène qui va être amplifié par le fait que les générations se succèdent plus rapidement que dans le reste du monde, le premier enfant arrivant souvent entre 13 et 18 ans contre 30 ans dans les pays du Nord.
Exemple extrême inspiré du Niger : en 30 ans (deux générations), une fécondité de 6 enfants par femme entraîne à chaque génération un triplement du nombre de parents, soit une multiplication par 9 (3×3) de la population, à fécondité constante.
Bref 20% de l’humanité vit en Afrique aujourd’hui et ce sera au moins 30% en 2050 et plus de 40 % en 2100 dans la mesure où, simultanément, la population des autres pays, tous continents confondus, baisse hors immigration. Et cette immigration est largement africaine en Europe.
L’histoire démographique africaine est liée à sa géographie
La géographie de l’Afrique a déterminé l’histoire des rapports avec les Arabes et les Occidentaux, rapports pour lesquels je me limite ici à leur impact démographique.
L’Afrique est en effet un continent massif et difficilement pénétrable, divisé entre deux grandes aires culturelles : le nord de peuplement arabo-berbère et l’Afrique subsaharienne (je passe sur les pays géographiquement intermédiaires comme l’Éthiopie, la Mauritanie ou la Somalie)
Partout il y avait une grande différence entre les villes côtières et l’intérieur inaccessible. Les villes côtières d’Afrique du Nord ont des contacts depuis la plus haute Antiquité avec des autres civilisations méditerranéennes, alors que ce ne fut pas le cas de celles de l’Afrique subsaharienne.
Pour cette dernière, il a fallu attendre le XVIe siècle pour voir arriver les Portugais puis les autres Occidentaux. Mais ces derniers n’avaient que peu de contact avec l’intérieur jusqu’à la colonisation dans la deuxième partie du XIXe siècle.
Un continent jadis considéré comme vide
Au Moyen-Age, les principaux contacts avec l’intérieur du continent se limitent aux razzias des esclavagistes arabes sur la côte orientale et aux marchands maghrébins qui allaient livrer au Sahel des produits manufacturés contre de l’or et des esclaves.
Ces razzias ont continué, en s’accentuant (meilleurs fusils arabes) jusqu’à la colonisation. Certaines régions d’Afrique en ont été largement dépeuplées.
Cette raison s’ajoutant à un profond sous-développement, lui-même cause d’une mortalité élevée, explique que l’Afrique subsaharienne était un continent perçu comme vide par les Européens.
Au sud du Sahara, sauf en Afrique du Sud, la colonisation s’est faite avec un tout petit nombre de militaires, souvent en majorité africains.
Au Maghreb en revanche, il fallut d’importantes opérations militaires, particulièrement au Maroc et en Algérie.
La colonisation a déclenché la croissance de la population
L’arrivée des Occidentaux, contrairement à celle des Arabes, a commencé par réduire considérablement la mortalité.
D’une part, les Occidentaux avaient interdit l’esclavage dans leurs propres colonies dans la première moitié du 19e siècle et l’ont donc interdit dans les territoires colonisés. La traite interne ainsi que la traite arabe se sont arrêtées.
Seule la traite arable a continué de manière discrète dans la corne de l’Afrique vers le Moyen-Orient et dans le Sahara vers le Maroc. Elle s’est pratiquement arrêtée avec l’arrivée des Français au Maroc à partir de 1911 et des Anglais au Moyen-Orient à partir de 1918. Elle resterait présente sous d’autres noms vers la péninsule arabique.
La colonisation a en général apporté la paix civile, deuxième raison de la baisse de la mortalité. Les conflits actuels au Sahel, au Soudan, en Somalie et ailleurs contrastent avec une paix coloniale un peu oubliée aujourd’hui.
Plus tard, et progressivement, les règles de base de l’hygiène, puis la vaccination se sont répandues et cette évolution a continué après les indépendances.
Le fait que la colonisation ait déclenché la croissance démographique a été observé aussi bien en Afrique du Nord qu’en Afrique subsaharienne.
De la démographie africaine aux craintes migratoires
Si les diasporas rendent l’Afrique, aussi bien du Nord que subsaharienne, de plus en plus visible, leur installation a précédé l’explosion démographique actuelle. Donc la situation actuelle ne préjuge pas du tout de la situation future.
Il faut distinguer les diasporas maghrébines de celles de l’Afrique subsaharienne.
La diaspora maghrébine
Elle pose des problèmes qui ne sont pas le sujet de cet article et qu’il ne faut pas minimiser.
Néanmoins, démographiquement, sa fécondité n’est que peu supérieure au reste de la population, elle se francise rapidement dès la deuxième génération sur le plan linguistique et une grande partie d’entre elle se fond dans le reste de la population en trois générations : la religion s’atténue, malgré le ressenti inverse venant d’une minorité, et la partie qui réussit socialement devient presque invisible.
L’immigration subsaharienne
Nous n’avons pas le même recul pour l’immigration subsaharienne qui est récente, beaucoup moins nombreuse mais en croissance. Par exemple, des familles très intégrées gardent néanmoins une très forte fécondité.
Ce constat s’ajoute à une meilleure connaissance, par l’opinion occidentale, de la rapide croissance de la population africaine, de son sous-développement et de la visibilité de cette immigration. Visibilité encore accrue par les drames subis par les migrants, qui déclenchent des réactions diamétralement opposées.
Je peux témoigner que, dans mon quartier parisien, si les subsahariens sont très minoritaires contrairement, par exemple, à la ville de Montreuil, leur nombre est en accroissement rapide, avec chaque matin une marée de travailleurs, migrants récents ou descendants, venant de banlieue : employés de sécurité, employés de banque, vendeuses, nounous, cadres moyens, soignants.
Et parmi les résidents, donc des bourgeois, j’observe une très forte fécondité. Je peux citer l’exemple de mères de famille avec trois ou quatre jeunes enfants et enceinte du suivant, ce qui montre bien que ce n’est pas seulement un effet de la pauvreté ou d’une scolarisation insuffisante. Lorsque je les interroge en me présentant comme démographe, elles me répondent que «c’est la tradition » et que « on adore les enfants ».
Par ailleurs je remarque de plus en plus de couples homme blanc/femme noire, ce qui est nouveau et témoigne d’un niveau scolaire croissant chez les intéressées.
C’était jadis l’inverse, les Noirs ne trouvant pas d’Africaines à leur niveau. On constate d’ailleurs que nombre de chefs d’État africains ont une femme européenne.
L’immigration et le développement des pays de départ
Bref, si cette immigration subsaharienne est relativement limitée jusqu’à présent – 1,5 % de la population française d’après François Héran – ancien directeur de l’INED (Institut National des Études Démographiques), titulaire de la chaire Migrations et Sociétés au Collège de France – elle est néanmoins l’objet d’une forte crainte pour l’avenir, crainte exprimée par l’africaniste Stephen Smith qui a publié: « La ruée vers l’Europe, la jeune Afrique en route pour le Vieux Continent » (Grasset, 2018). Ce dernier y évoque la possibilité que 25 % de la population européenne ait des origines subsahariennes en 2050.
Évoquons tout d’abord un consensus des spécialistes ignoré du grand public : on émigre peu quand on est très pauvre. Il faut en effet beaucoup d’argent pour migrer (cf les écrits de l’économiste britannique Paul Collier en 2013).
Donc le développement de l’Afrique ne diminuera pas la pression migratoire, d’autant que d’autres facteurs vont dans le même sens, et notamment une amélioration de l’information internationale lorsque le niveau de vie augmente.
Les discussions sont donc vives sur l’immigration africaine, maghrébine et subsaharienne en Europe.
Remarquons qu’il y a des discussions analogues en Grande-Bretagne pour l’immigration indo-pakistanaise et aux États-Unis pour l’immigration d’Amérique latine. Contrairement par exemple au Canada qui cherche à accueillir un maximum d’immigrants.
Cette augmentation de la population africaine a été précédée sur le plan intellectuel par l’action des diasporas africaines dans le monde.
Le rôle culturel des diasporas dans l’africanisation
Les diasporas africaines ont largement contribué à un début d’africanisation culturelle du monde, bien avant l’apparition de la pression démographique.
Les Afro-américains
La population afro-américaine n’est pas une diaspora récente puisqu’elle date de l’époque esclavagiste qui s’est terminée avec la guerre civile américaine (1861-65). Elle est aujourd’hui d’environ 50 millions et a joué un rôle culturel très important dans tout l’Occident.
En France, les artistes noirs américains ont commencé à arriver à Paris entre les deux guerres mondiales, où ils trouvaient une ambiance beaucoup moins raciste qu’aux États-Unis. il n’y a pas eu que Joséphine Baker ! Ils y ont notamment apporté le jazz, puis ont été relayés beaucoup plus tard par les migrants nord-africains puis subsahariens.
Cette diaspora « étatsunienne » se veut non seulement noire mais africaine, comme on a pu le vérifier avec le succès du roman “Racines” (1976) décrivant la succession des générations dans les familles américaines à partir de leurs ancêtres africains. Ce roman fut adapté pour la télévision en 1977 et la série américaine Racines (Roots en vo) a connu un véritable succès avec plus de 100 millions de téléspectateurs, soit environ la moitié de la population américaine de l’époque.
Les Afro-américains lancent également le hip-hop à la fin des années 70, puis le rapp au début des années 90, avec des textes de plus en plus revendicatifs : on est passé de la musique à la politique, notamment pour la défense de la communauté et des valeurs proclamées comme « africaines ».
Les Antillais
Ils ont également cultivé et médiatisé leurs origines africaines.
On peut citer les Jamaïcains du mouvement Rasta et le Français Aimé Césaire (1913–2008). Ce dernier, martiniquais, écrivain mondialement connu pour son concept de « négritude » réhabilitant la culture africaine. avec Léopold Cédar Senghor qui deviendra plus tard président du Sénégal.
Le président Senghor français et africain – La traversée du siècle #10
Notons que ces deux hommes ont eu parallèlement une brillante carrière électorale dans le système politique français, qui n’était donc pas si fermé que certains le proclament aujourd’hui.
En France
Jusqu’à présent, la diaspora subsaharienne est relativement récente et peu nombreuse. C’est surtout la diaspora maghrébine qui a eu une influence culturelle, particulièrement en France et en Belgique, du fait de sa francophonie. Et cette influence ne se développe pas seulement en cuisine !
En France, au début des années 1980, débarque le rap américain où la France aurait pris la 2e place mondiale via les radios pirates, puis la télévision à partir de 1984. Une quinzaine d’années plus tard, MC Solaar et bien d’autres détachent le rap de son ancêtre américain, et il devient un genre littéraire où le texte est plus important que la musique.
Aujourd’hui, le rap s’est démocratisé et il est même devenu incontournable, en tête des téléchargements sur les plateformes musicales et la principale écoute des jeunes…
Dans mon domaine, je constate qu’il joue un rôle important dans la francisation linguistique de la diaspora africaine.
Et plus généralement, il suffit de se promener dans les couloirs du métro pour voir la présence importante dans les affiches publicitaires des artistes africains, d’Afrique du Nord comme d’Afrique subsaharienne.
L’impact de la culture africaine dans le monde
L’art contemporain africain
Conséquence ou non de la démographie, de plus en plus d’artistes d’art contemporain africains sont reconnus et salués à l’échelle du continent ou plus largement.
C’est le cas par exemple d’El Anatsui, sculpteur ghanéen qui a régulièrement exposé en Europe et sur le continent américain.
On peut aussi citer Kehinde Wiley, afro-américain de la côte Ouest, ou l’artiste peintre zimbabwéenne, Kudzanai-Violet Hwami, et bien d’autres.
Les biennales d’art contemporain africain se multiplient un peu partout.
La plus célèbre d’entre elles est bien sûr Dak’Art, la Biennale de Dakar au Sénégal consacrée à l’art contemporain africain depuis 1996. Dans sa foulée, la Biennale du Bénin s’est mise en place à partir de 2012.
Notons aussi que la ville de Montpellier lancera en octobre de cette année une première Biennale de l’art africain dans ses murs.
Le monde de musées offre également une place de plus en plus large à l’art africain contemporain : citons le Musée Jacques Chirac du Quai Branly à Paris qui s’était initialement dédié aux arts primitifs et qui détient maintenant une belle collection d’art africain contemporain ou encore le ZeitzMuseum of Contemporary Art Africa au Cap, en Afrique du Sud.
Au cinéma
Enfin les festivals du film africain fleurissent un peu partout sur le continent noir (Ouagadougou, Marrakech, Burkina Faso) mais aussi ailleurs comme par exemple à Cordoue, en Espagne, qui accueille un Festival du Film Africain ou à Paris avec « L’Afrique fait son cinéma ».
Les super-héros noirs
Jusqu’il y a quelques dizaines d’années, au cinéma comme en littérature, il y avait peu de grands héros, et encore moins d’héroïnes, noirs. Ce statut était majoritairement réservé aux blancs.
Aujourd’hui, les choses ont changé. Sans être majoritaires, les héros et héroïnes noirs sont de plus en plus présents dans les films et les livres.
Le cinéma américain inspiré de l’univers des comics s’habitue à mettre en avant des super héros / héroïnes noirs : l’incontournable Black Panther, Halle Berry dans les X-Men pour ne citer que ceux-là.
On peut aussi constater que le cinéma français sacre plus de vedettes d’origine africaine subsaharienne qu’auparavant : Omar Sy, Aïssa Maïga, Eriq Ebouaney, par exemple.
Les séries africaines
Les pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale financent ou cofinancent de plus en en plus de séries réalisées sur place avec des acteurs africains. Celles-ci sont largement diffusées, sur le continent, mais aussi au-delà, grâce à des chaines de télévision telles que TV5, RFO ou Canal+ et grâce à Internet.
Le Nigéria est aujourd’hui le troisième centre mondial de production cinématographique après Hollywood et Bollywood en Inde.
Le géant Netflix, par exemple, produit des séries tv en Afrique (du Sud, notamment) et les diffuse largement sur sa plateforme de vidéos à la demande. Il affirme avoir investi 160 millions d’euros dans la production cinématographique en Afrique depuis 2016 (source Jeune Afrique – 12 avril 2023).
Le sport et son rôle médiatique
Il y a maintenant très longtemps que les sportifs africains ou d’origine africaine se font remarquer dans les compétitions internationales, dans les équipes de football de tous les pays et dans bien d’autres domaines.
Cela a eu un double effet : donner une image valorisante des Africains sur les autres continents, et diminuer les complexes ou les agacements des Africains qui se sentent défavorisés sur le plan économique et militaire.
Il est probable que ce poids de l’Afrique dans le sport va augmenter d’une part pour des raisons démographiques (en 2050, 1 jeune sur 3 sera africain), et d’autre part parce qu’il est maintenant reconnu comme un moyen de développement, notamment par les Nations Unies.
Le financement des sports nationaux va donc augmenter et avec lui le nombre des sportifs de haut niveau.
On sait combien les rencontres sportives sont médiatisées et les sportifs mis en valeur par les médias. La présence africaine se diffuse donc par les images et retransmissions sportives des athlètes africains.
Par ailleurs, si l’Afrique demeure extrêmement en retard sur le plan économique et que les guerres civiles bloquent le développement d’une grande partie de ces pays, il y a aussi des bonnes nouvelles, en particulier dans le domaine numérique.
Le tournant du numérique et les perspectives de développement
Le téléphone portable a fait faire un grand bond en Afrique, subsaharienne surtout. En effet, comme beaucoup de services de base (médecins, banques, clients pour la production locale) n’étaient pas présents sur place, cet outil était beaucoup plus nécessaire que dans les pays du Nord. D’où sa diffusion rapide malgré les grandes imperfections des réseaux.
Ensuite un foisonnement d’applications est apparu, par exemple en matière de paiement à distance.
Plus tard encore les start-up d’usage du numérique se sont multipliées. L’Afrique a donc sauté plusieurs étapes du développement, comme c’est le cas en général dans les rattrapages, et notamment en Chine.
C’est le Kenya qui a d’abord été en pointe, mais le mouvement s’est généralisé, notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire.
L’Afrique, future place technologique majeure ?
Dans son rapport annuel sur le développement économique de l’Afrique, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) estime dans son rapport 2023 que le continent a une opportunité historique de s’inviter dans les chaînes d’approvisionnement technologiques mondiales – qu’il s’agisse de l’automobile, de la téléphonie, du photovoltaïque…
Elle recommande par ailleurs d’attirer des investisseurs étrangers pour mettre en place les infrastructures nécessaires à la transformation des matières premières brutes issues des sous-sols.
Cela suppose bien sûr des progrès en matière de sécurité.
Des atouts à ne pas gaspiller
Le sous-sol africain est très riche, ce qui a attiré jusqu’à présent les prédateurs russes, chinois… et africains. Il est encore aujourd’hui la cause de guerres civiles.
L’Afrique recèle en effet une petite moitié des réserves mondiales de cobalt et de manganèse, notamment nécessaires à la fabrication de batteries. Elle est également riche en argent, titane, nickel, lithium, graphite… Et en pétrole et gaz qu’elle entend développer, malgré le changement climatique
Sur ce dernier point, on peut résumer les réactions africaines par : « Vous, gens du Nord, vous avez bourré l’atmosphère de CO2, et vous voulez qu’on cesse d’exploiter le pétrole sous nos pieds, alors que nous manquons d’argent et d’électricité ? Laissez-nous nous développer, et on verra après »
Par ailleurs, si la démographie est actuellement une lourde charge, elle devrait théoriquement être un atout par le grand marché qui va s’offrir aux investisseurs étrangers.
Dans leur époque de croissance rapide, le Japon, la Corée ou la Chine ont largement profité de leur boom démographique d’alors.
Mais les industriels, africains ou non, s’interrogent sur leur sécurité et les risques de détournements.
L’insécurité et la montée des dictatures
Nous retombons sans cesse sur le plus grand des obstacles au développement de l’Afrique, l’insécurité : physique (guerres civiles, banditisme enlèvement …) et juridique : un étranger sera-t-il jugé équitablement, pourra-t-il poursuivre un mauvais payeur proche du gouvernement ?.
Cette insécurité pèse d’abord sur la population locale, et l’exaspération qui en découle mène au pouvoir des dictateurs, dont le règne est souvent plus catastrophique que les gouvernements civils qu’ils remplacent. On vient de le voir au Niger, qui était auparavant une démocratie relativement efficace.
L’africanisation du monde est comprise comme une menace pour la sécurité, tant sur place que partout dans le monde du fait des diaspora. C’est un problème réel et important qui nuit à l’image de l’Afrique.
Il faut cependant rappeler que ce n’est pas un phénomène spécifiquement africain, mais mondial. Dans le monde entier, la violence et le non-respect des règles gagne du terrain.
En Europe c’est par exemple l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Un autre exemple est le pourrissement du Mexique par des gangs, ou encore le poids de plus en plus important dans les pays occidentaux de mafias non africaines.
Conclusion : l’africanisation du monde est un fait
Inutile de le craindre ou de s’en féliciter. Il faut l’analyser et en tirer des conséquences géopolitiques.
C’est apparemment ce qu’essaie de faire la Chine, en étendant l’association BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) à de nouveaux membres, notamment africains. Pour l’instant, il se borne à jouer au G7 en paradant sur une photo officielle.
Je suis un peu sceptique sur son efficacité opérationnelle en voyant la grande hétérogénéité de ce groupe en matière de développement et de comportement géopolitique. Et surtout en voyant les rivalités qui le divisent, dont celle entre la Chine et l’Inde. Certains l’ont même qualifié de “ machine à laver pour (la réputation des) dictateurs”.
Un mouvement totalement différent me semble avoir plus d’avenir : les mouvements de femmes africaines qui pourraient à long terme faire évoluer l’autorité patriarcale, conservatrice et machiste qui plombe tellement l’Afrique et de nombreux autres pays.
Yves Montenay
Bonjour Yves, j’ai deux commentaires et un souhait par rapport à cette chronique. Mes deux commentaires, l’effet de la religion islamique dont tu ne parles pas et le patriarcat que tu verrais remplacé par le matriarcat alors que ce dernier existe bien déjà et beaucoup en Afrique subsaharienne. Mon souhait, que tu puisses participer avec « Reconquête ! » à expliquer ton point de vue sur l’immigration alors que celui d’Eric Zemmour me paraît malheureusement trop uniquement réactionnaire.
Très cordialement
Bonjour Jacques, l’article est déjà très long, c’est du du moins un reproche qu’on me fait souvent. La question de l’islam n’est pas purement africaine, et elle nécessite un discours équilibré, donc long. De plus il y a des centaines de millions de chrétiens en Afrique, donc il aurait fallu parler aussi. Quant aux animistes on n’en parle plus beaucoup mais pourtant ils n’ont sûrement pas tous disparu. J’ai déjà beaucoup écrit sur l’islam, et je vais continuer.
Je suis disponible pour expliquer mon point de vue à qui voudra
Amitiés, Yves
Le matriarcat que j’évoquais me paraît un point important, voir en particulier toutes les entreprises petites et souvent très petites crées par des femmes en Côte d’Ivoire. Ce sont elles qui font marcher le pays.
J’ai oublié ta question sur le matriarcat. Je n’en suis pas spécialement partisan, je remarque seulement que les gouvernements africains actuels sont presque tous machistes au sens négatif du terme, et notamment se privent de l’apport économique des femmes, soit directement, soit par une moins bonne scolarisation.
Le matriarcat est un fait en Afrique Noir, mais concernant les gouvernements tu as raison ils sont dictatoriaux patriarcaux.
L’expression « africanisation du monde », en raison du critère démographique, me semble un peu floue ou « décalée »: le peuplement de la terre, aujourd’hui encore, est massivement asiatique, mais y a t-il une » asiatisation du monde » ?
Reste le phénomène migratoire: en Europe (par exemple), il est africain, certes. Son incarnation culturelle est bien décrite (l’incarnation épidermique, sinon raciale, n’a aucun sens, sauf pour les partisans du Racialisme, qui frôlent le discours raciste). Mais qu’est-ce qu’une culture africaine ?
Bien sûr, on peut « topologiser » un fait culturel (c’est une réalité historique : le christianisme, par ex), musique peinture littérature sport etc, mais au bout que 3 ou 4 générations ce fait culturel devient local.
Le Rap est devenu vietnamien et (pour ma part) je le trouve particulièrement efficace et agréable et il marche très bien au Vietnam.
Tout comme le Pizza (entre autres) qui est devenue (de fait) française.
Si des centaines de pratiques culturelles africaines sont acceptées et appréciées des Français, y aura t-il « africanisation » de la France ?
On a le même problème avec le terme « occidentalisation du monde » qui laisse croire (surtout aux militants décoloniaux, prétendus anti-colonialistes) que l’Occident imposerait de force ses traits culturels au monde entier à des populations jugées débiles (par ses militants) qui goberaient n’importe quoi : comme vous l’avez rappelé, il y a beaucoup de Chrétiens en Afrique, et beaucoup d’Africains qui adorent ce qui se fait en Occident sans se sentir (pour autant) occidentalisés.
Donc « africanisation du monde », oui mais alors dans le même sens qu’il y a eu (si je me restreint à la France), latinisation puis germanisation de la Gaule, arabisation et normandisation de la France (et de l’Angleterre aussi) , etc.
La vie culturelle, nationale ou internationale, normale, en quelque sorte.
Oui, vous avez largement raison, c’est un mot vague. J’avais envisagé : « la montée démographique et culturelle de l’Afrique », mais c’était plus technique et moins lié aux diasporas, dont l’influence a précédé l’évolution démographique. Et puis, c’est un titre qui déclenche des réactions, et même des désabonnements, peut-être parce que le lecteur imagine que c’est un article raciste. C’est dur d’être purement factuel !
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9opold_S%C3%A9dar_Senghor Cedar ? étonnante typo
Vous avez raison, c’est une faute de frappe.
100 millions => 5 milliards en 200 ans pour 30 millions de km2 = 160 h / km2 . ça va être dur de les nourrir et de les employer-loger. Pour un climato réaliste, en plus de la chine et de l’inde, il en découle qu’il n’y a aucune chance que les émissions mondiales de CO2 diminuent. Les européens fous vont devoir réviser leurs obsessions qui vont devenir invendables aux électeurs (+/-40% de sceptiques selon pays et coûts croissants des énergies chauffages et industries). La vie c’est d’abord l’énergie abondante et bon marché => le nucléaire est déjà ou bientôt moins cher pour produire de l’électricité et éclairer les petites écolières pour leurs leçons et leurs lectures vers un premier contrôle des naissances et une capacité à investir . Quel sera le déclic ? quand ?