De passage à Bucarest fin mars 2015 pour une conférence, je vous livre mes impressions sur la situation de la francophonie roumaine.
Depuis l’ouverture du pays en 1990, ce que l’on peut appeler l’interface visuelle s’est considérablement anglicisée. Les menus, certaines enseignes ou plaques professionnelles, dont celles des bâtiments publics (donc une décision politique), et une partie de la publicité sont bilingues roumain-anglais, voire en anglais seulement pour les publicités techniques ou « mode ». Les conversations avec les employés de base se font spontanément en anglais, mais il faut immédiatement préciser que les intéressés ne parlent pas cette langue et n’en connaissent que les quelques mots nécessaires à leur activité, et encore… Bien entendu, c’est plus sensible chez les jeunes, les « anciens » parlant plus souvent français.
Ayant connu le pays à l’époque communiste où le français était un refuge contre l’enseignement du russe et où l’anglais n’était pas diffusé, puis immédiatement après la révolution de 1989, où l’équilibre des langues n’avait pas eu le temps de changer, je constate un recul considérable du français.
Notre langue serait étudiée en première langue par 20 % des élèves du secondaire, et en deuxième langue (deux heures par semaine) par 68 autres pour cent (donc un total de 88 %) ; il doit y avoir ensuite une déperdition considérable car on estime que seuls 2 millions de Roumains (13 % de la population de plus de 20 ans) sont capables de parler français, dont une bonne part sont des gens de plus de 40 ans.
La coopération linguistique semble active entre l’administration française, certaines entreprises, françaises également qui offrent des stages et des débouchés aux francophones, et les départements de français des universités roumaines, ainsi que quelques enseignements spécialisés comme une partie des filières médicales. C’est important, mais cela ne touche qu’une minorité.
C’est donc une situation à l’égyptienne ou à la libanaise, où le français est socialement bien considéré, reste présent dans un certain nombre de filières d’enseignement et d’activité, mais n’est plus la première langue de contact tant qu’on ne le recherche pas. Par contre, si on s’en donne le mal, on peut échanger en français avec des gens très variés.
Une explication très partielle vient de ce que la Roumanie, comme la France, a laissé les communications avec Bruxelles se faire en anglais alors qu’il n’y avait aucune raison à cela. Or l’aide de l’Union Européenne est économiquement et politiquement très importante pour le pays, et cela contribue donc largement à répandre l’impression que tout ce qui est extérieur doive se faire en anglais.
Il faut toutefois préciser qu’il s’agit d’impressions du centre de Bucarest, donc de la partie la plus mondialisée du pays, avec quelques zones ultra touristiques.
Mes amitiés à tous
Yves Montenay
site yvesmontenay.fr
twitter @ymontenay
1 commentaire sur “Billet de voyage : de retour de Bucarest”