L’impérialisme juridique et monétaire américain

Depuis 1947 « l’impérialisme américain » est un vieux diable de la gauche internationale dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud.

Pour la gauche, l’impérialisme américain représentait le capitalisme dans toute son horreur et était responsable de la pauvreté du monde.

Pour les gaullistes, c’était également l’ennemi, mais pas pour les mêmes raisons. Le gaullisme ne pense pas « lutte des classes », mais égalité des nations et veillait en particulier à maintenir le rang la France malgré la disproportion des forces.

À droite, on ne se souciait pas beaucoup de cet impérialisme, car les Américains étaient des alliés à la fois économiques et politiques contre l’URSS. Alliés économiques tant sur les principes, le libéralisme, que celui des réalités concrètes : bienvenue aux produits américains en France, et au vin français aux États-Unis !

Accessoirement, il y a eu quelques passes d’armes sur la culture : côté américain l’imposition des westerns et autres produits culturels en contrepartie du plan Marshall pour la reconstruction européenne et la riposte française, très mal comprise, de « l’exception culturelle ».

Mais aujourd’hui, la France et bien d’autres pays se sont ouverts au monde et y croisent un peu partout les Américains. Et l’agacement devant leur comportement a gagné les milieux d’affaires.

Je vais traiter ici de deux aspects peu connus du grand public de cet impérialisme, son côté fiscal et son côté financier.

Le long bras du fisc américain

Si vous, Français ou tout simplement non américain, avez un jour de gagné quatre sous à l’occasion d’un colloque aux États-Unis, ou ailleurs si vous avez été payé en dollars, voire si vous avez touché des dividendes d’une société américaine, vous devez remettre aux autorités américaine une documentation fiscale importante qui peut se traduire par un impôt.

En général votre banquier fera le travail pour vous, mais dans certains cas vous devrez signer une partie de la masse de documents qu’il aura préparée.

Si vous êtes un Américain résidant à l’étranger, vous aurez éternellement à remplir de longs dossiers pour payer aux trois administrations fiscales américaines vos revenus touchés hors des États-Unis, avec des correctifs complexes pour tenir compte des impôts de votre pays de résidence.

De rage, des milliers d’Américains prennent maintenant la nationalité du pays où ils vivent.

Dans les deux cas, le fisc américain vous poursuivra jusqu’au bout du monde s’il manque une virgule.

Le dollar comme instrument de contrôle

Rappelons que « l’extraterritorialité du droit américain est l’application de lois votées aux États-Unis à des personnes physiques ou morales de pays tiers en raison de liens parfois ténus avec les États-Unis – utilisation du dollar des États-Unis par exemple –, elle couvre des champs aussi diversifiés que le contrôle des exportations sur les pays interdits, la fiscalité des personnes et la lutte contre la corruption. »

C’est ainsi que la simple utilisation du dollar américain dans une transaction leur permet de soumettre à la loi américaine ladite transaction, fut-elle réalisée en dehors des États-Unis entre 2 acteurs de pays étrangers aux États-Unis !

Un embargo décidé unilatéralement par les États-Unis finit par s’imposer à des entreprises ne relevant normalement pas de leur juridiction… simplement parce que les transactions internationales se font en dollars.

Or en général, la conversion d’une devise à une autre passe par le dollar : vous changez la devise A en dollars puis les dollars dans la devise B. C’est le système Swift en vigueur dans le monde entier.

Du coup la transaction tombe sous le coup de la loi américaine du fait de l’utilisation de dollars.

Cela a été rappelé aux entreprises françaises à leurs dépens lorsque les États-Unis sont sortis de l’accord nucléaire avec l’Iran et ont interdit des transactions avec ce pays alors que la loi française ne prévoyait rien.

En cas d’infraction à l’embargo avec l’Iran, le risque pour l’entreprise française est de voir saisis ses avoirs aux États-Unis.

Pourrait-on contourner le dollar ?

Pour contourner le problème, il suffirait théoriquement le mettre en place un autre système informatique ne passant pas par le dollar.

Mais, même en laissant de côté les réactions politiques prévisibles, se posera alors un problème de liquidités.

Un marché des changes efficace dois vous fournir la devise que vous voulez en un temps bref et à un cours aussi voisin que possible du cours précédent.

Pour cela il faut qu’il y ait beaucoup d’offre et de demande entre les deux devises, ce qui est en général très rare (il y a peu d’offre et de demande d’euros en monnaie iranienne), alors qu’il y en a beaucoup plus entre chaque devise et le dollar, puisque ce dernier est une monnaie du paiement mondiale

Certes, il y a d’autres monnaies. La livre sterling a longtemps été la principale monnaie mondiale, mais il y a plus de 50 ans que c’est fini. L’Euro progresse, mais très insuffisamment, la monnaie chinoise tente une percée mais elle n’est pas convertible, le Yen a un rôle honorable mais secondaire.

Certains pensent à l’or que la Chine et d’autres pays stockeraient en énormes quantités, mais au-delà d’un refuge incertain, je ne vois pas ce métal, aussi précieux soit-il, tourner à toute vitesse comme intermédiaire entre les énormes mouvements commerciaux en devises.

Pressions au bénéfice de sociétés américaines

Tout cela est déjà désagréable pour les entreprises non américaines, mais ça peut aller plus loin comme le montre l’affaire General Electrics–Alstom.

Alstom a reconnu auprès de la justice américaine la corruption d’officiels en Arabie saoudite, Indonésie, Egypte, ou Tawaïn, entre 2000 et 2011. À l’issue de ce procès, Alstom se voit infliger une amende de 772 millions de dollars. Et cela aurait pu être pire : aux États-Unis, le « plaider coupable », par lequel on reconnaît sa culpabilité, permet de diminuer le quantum de la condamnation, en l’occurrence l’amende.

Une enquête de The Economist du 19 janvier 2019 se conclut par une quasi-certitude que le pouvoir judiciaire américain a fait des pressions intéressées sur Alstom pour qu’il vende à General Electrics le cœur de l’entreprise, chargé notamment de la maintenance des centrales nucléaires françaises.

Ces pressions ont consisté en des menaces d’énormes amendes et l’incarcération d’un cadre français aux États-Unis qui n’ont pas laissé le choix à l’entreprise française.

Cette affaire avait fait couler beaucoup d’encre en France et donné lieu à des théories du complot.

La réalité semble plus simple et plus brutale : une pression judiciaire internationale américaine sur toute entreprise ayant des actifs hors de France ou utilisant le dollar (donc la quasi-totalité des entreprises françaises) est suffisante.

Le gouvernement français (ou tout autre non américain) n’y peut rien. Pas besoin de complot.

Gare si vous n’êtes pas américain

De même l’assureur AXA a été prise à partie par une association juive à l’occasion de sa prise de contrôle d’une entreprise américaine soupçonnée d’avoir eu un rôle dans la Shoah. Après une dizaine d’années de défense juridique et de lobbying couteux, l’entreprise française n’a finalement rien eu à payer.

La BNP Paribas, elle, a été condamnée en 2014 à payer 8,9 milliards de dollars d’amende, par la justice américaine pour avoir contourné entre 2000 et 2010 les embargos imposés par les États-Unis à Cuba, à l’Iran, au Soudan ou à la Libye. Cette ingérence dans la politique de la banque française s’appuyait là encore sur l’usage du dollar.

On peut citer aussi Francois Pinault qui a été mis en cause dans l’Affaire Executive Life. Il a fini par gagner, mais a dû payer 15 ans de procédure.

La Deutsche Bank, Siemens, HSBC, BAE Systems, Société générale, Total, ont subi des mésaventures analogues.

La clé pour faire payer est la pression sur les actifs américains de ces entreprises qui pourraient être saisis.

L’autre clé est le risque de condamnation pénale, qui interdit souvent a une institution financière de concourir à des appels d’offres publics (et fait mauvais genre dans ceux du privé) ce qui est dissuasif également

Des commentateurs de toutes tendances politiques, y compris des Américains, sont d’accord pour qualifier cela d’impérialisme juridique. Mais tant que l’entreprise visée a des actifs saisissables par la justice américaine, aux États-Unis ou éventuellement ailleurs suivant des accords internationaux, elle est bien obligée de se soumettre.

Bien sûr la justice américaine ne fait en principe qu’appliquer de manière neutre la loi américaine.

Mais si des entreprises américaines ont pu elles aussi être condamnées pour avoir violé l’embargo envers certains pays sous embargo, leurs amendes étaient 5 à 10 fois moins élevées que celles infligées à leurs concurrentes européennes. Et dans le cas de l’affaire Alstom, la justice américaine a eu au moins « de la sympathie » pour l’entreprise américaine General Electrics.

Sans compter que les lois américaines peuvent aussi être tout à fait officiellement partiales, comme celle visant l’Iran ou Cuba.

C’est évidemment une sorte de vassalisation.

Les gouvernants s’indignent, cherchent des parades, mais on ne peut toujours pas commercer avec l’Iran.

Une pression supplémentaire pour l’uniformité linguistique et culturelle du monde

Le juridique va de pair avec la langue.

Vous savez qu’il y a deux grandes familles juridiques dans la vie économique internationale. Du moins pour l’instant, car le droit musulman et certaines habitudes chinoises se veulent d’avenir.

Il y a les droits dérivant du droit romain comme le droit français ou le droit allemand, qui se réfèrent à des textes structurés, et il y a le droit coutumier anglo-américain, la « Common Law» qui se réfère à des précédents.

Cette différence est concrètement illustrée par la longueur des décisions de justice : quelques pages en droit français, des centaines de pages en droit anglo-saxon. On se ruine donc plus vite en avocats aux États-Unis qu’en France.

Le travail juridique n’est donc pas du tout le même et la formation des acteurs non plus.

Il est rare qu’un avocat américain parle un français professionnel dans son domaine d’autant que, sauf exception, il est en position dominante. En général, c’est son client américain qui va racheter une société française, et non l’inverse. Ou encore qui va guider une entreprise française s’implantant aux États-Unis… ou dans un pays tiers ou l’influence des États-Unis ou la Grande-Bretagne est importante.

Bref des habitudes mentales, les manuels, les références sont en anglais… et pour cause puisque le droit français ou allemand est fondamentalement différent.

C’est une autre face de l’impérialisme juridique : les professionnels non anglo-saxons doivent se former en anglais à un système totalement différent et à une vie économique beaucoup plus judiciarisée qu’en France… où l’évolution dans ce sens est pourtant déjà sensible.

Le rêve injustifié d’un monde uniforme

Tout cela ne heurte pas les partisans de l’uniformisation linguistique et culturelle du monde. Beaucoup soutiennent qu’il y aura beaucoup moins de problèmes quand tout le monde parlera anglais et suivra la Common Law.

Or l’uniformité culturelle n’est pas forcément souhaitable, et en tout  cas se heurte l’opposition de nombreux peuples, et peut prendre une forme violente. Quant à la « Common Law »,  l’intervention corrélative d’un avocat et de textes compliqués dans tous les rouages des affaires et de la vie courante n’est pas forcément un progrès.

Enfin l’uniformité culturelle n’apporte par elle-même la paix et la sérénité : pensons au monde arabo-musulman, en principe uni par une même langue, une même religion et un même droit interne, et qui passe son temps à s’entre-déchirer tant entre États qu’à l’intérieur de chaque pays.

Yves Montenay

26 commentaires sur “L’impérialisme juridique et monétaire américain”

  1. Une fois de plus, vous traitez avec clarté et compétence un sujet effectivement méconnu auquel je suis sensibilisé, notamment du fait que je suis juriste : mutatis mutandis, l’impérialisme juridique actuel des États-Unis rappelle l’usage que firent les Capétiens de leur qualité de  » Justicier  » au nom duquel ils firent remonter jusqu’à leur jugement de multiples causes dont l’objet se situait hors des limites du Royaume, ce qui leur permit de soumettre des vassaux parfois plus puissants qu’eux. Sauf que, de nos jours, la puissance qui se livre à cet impérialisme juridique et fiscal est déjà la première puissance du monde dans de multiples domaines, comme vous l’avez très bien expliqué dans de nombreux articles, y compris les volets linguistique et culturel.

    Comme à toute époque dans l’Histoire, il est impératif de lutter à tous les niveaux possibles contre cet impérialisme. Mais il y faut une détermination, un courage, une constance et une ténacité du niveau des qualités dont fit preuve le Grand Cardinal (de Richelieu) quand il luttait contre l’impérialisme des Habsbourg  » qui s’en va, seigneurisant l’Europe  » selon ses propres termes… Jamais la politique d’un de nos plus grands hommes d’État n’a été aussi actuelle. Et je ne parle même pas de celle du Général parce que c’est – ou cela devrait être – une référence évidente.

    Bien sûr, les États sont en première ligne dans ce combat : pour la France, il faut déjà éviter de se faire engluer dans ce sous-machin inconsistant qu’est l’UE, machine à castrer toute politique étrangère résolue et qui a poussé la soumission jusqu’à faire de l’OTAN (donc des États-Unis) sa référence en matière de défense.

    Mais c’est aussi le devoir de chacun, entreprise, association, particulier, …) de lutter contre cet impérialisme, par exemple en excluant l’usage de l’anglo-étasunien chaque fois que possible ou, à défaut, en exigeant le bilinguisme avec le français. On doit aussi veiller à ôter tout prétexte à l’Empire de s’ingérer dans nos affaires : notamment dans les contrats, il faut totalement refuser que le droit des États-Unis soit applicable et aussi exclure la compétence de toute instance (tribunal, organisme d’arbitrage ou de médiation, …) située aux États-Unis ou régie par le droit de ce pays. Aux banquiers et financiers d’éviter le recours au dollar même si c’est apparemment ce qu’il y a de plus efficace et de moins cher : le célèbre exemple de l’amende monstrueuse infligée à la BNP par la  » justice  » des États-Unis que vous rappelez justement prouve à quel point c’est une fausse bonne idée. En bref, non par anti-étasunisme mais tout simplement par anti-impérialisme, il faut tout faire pour bloquer ou au moins compliquer l’expansionnisme de l’impériaslisme actuel qui reste essentiellement celui des États-Unis. Si on réfléchit quelque peu, patriotisme et intérêt bien compris font bon ménage…

    Encore merci de tous vos articles à la fois si clairs et si pertinents.

  2. La lecture de la première partie de l’article consacrée au Dollar me fait me poser une question. Les monnaies virtuelles, telles que le Bitcoin, évitent-elles ce passage par le Dollar dans les transactions et les dissimulent-elles au regard du fisc américain ou pas ?

      1. Il fait trop chaud pour une telle recherche. Je suis certaine que vous avez des tas de contacts qui peuvent nous expliquer tout ça avec tous les renseignements utiles et pédagogie en prime !

        1. Il fait trop chaud pour moi aussi (je suis actuellement à Strasbourg). Logiquement il y aurait encore beaucoup moins de liquidité qu’avec l’euro. Ce n’est pas un problème de logiciel (blockchain ou autre) mais de nombre d’interlocuteurs acheteurs ou vendeurs et de montant : un « tanker » de brut de 200 000 tonnes a une cargaison de 50 à 100 millions de $ à vendre.

          1. Tout est donc question de quantités de devises disponibles… Bon séjour strasbourgeois, ville de mes études supérieures…

  3. L’article n’est pas encore une suggestion de pistes pour faire cesser cette situation intolérable… le prochain ?

    1. La Chine y réfléchit certainement, mais ce n’est pas forcément rassurant. Le « responsable » de la zone euro devrait … mais qui est-ce ?

    2. @Moulin : bonne question.

      Comme j’ai tenté de l’esquisser, la lutte contre cet impérialiste est de la responsabilité de chaque personne qui a un pouvoir de décision, d’information ou d’influence dans ces domaines. Éroder le conformiste consensus de soumission à l’hyperpuissance fait partie du combat.

    1. Bonjour Marie-Franc~e, merci de lire mes articles. Je n’ai pas remarqué l’avis de François Fillon. Vous a-t-il fait des confidences ?

      1. Fillon (et Juppé à l’époque) ont suggéré de partir en guerre vers 2016 contre la suprématie du dollar (et d’ailleurs du renminbi). Il s’agissait de rendre complètement réciproque l’ouverture des marchés publics. Étonnant comme un simple principe est difficile à appliquer…

        1. Mon avis un peu brutal : ni Fillion ni Juppé n’avaient été directeur financier ayant à gérer une trésorerie internationale, comme ça m’est arrivé. On s’aperçoit alors d’un problème très pratique : la liquidité (voir explications dans mon article). Cela n’empêche pas de chercher des solutions, mais il faut que ces solutions s’attaquent aux problèmes concrets.

  4. Exposé clair et limpide d’une situation où les Etats-Unis sont le marteau et la France l’enclume. Cette réalité est ancienne mais la France malgré ses discours anti-américains restait modérée dans ses actes. Quand il y a réelle épreuve de forc -quand la France passe aux actes – les Etats-Unis ripostent sec. La faute originelle pour le dollar revient aux accords de Bretton Woods (1944) puis au fait que personne n’a trouvé critique à faire quand les Américains n’ont plus rattaché le dollar à l’or (modification des accords de Bretton Woods).
    Le problème de la langue se retrouve aussi dans le domaine diplomatique. Quand l’anglais est devenu la langue utilisée dans les traités, langue moins précise que le français, des divergences d’interprétation sont nés (par ex entre Israël et Palestiniens, un que je connais mais il doit y avoir d’autres cas)

  5. Cela s’appelle tout simplement l’impérialisme. Comme l’avait si bien dit un célèbre fabuliste la raison du plus fort est toujours la meilleure. Tous les empires sont passés par là. N’est-ce pas ainsi que le droit romain s’est imposé ou encore le système juridique de la codification napoléonienne ? Demain ce sera peut-être le tour du système juridique chinois qui sait ? Wait and see

  6. Je ne sais pas si un jour l’Europe aura les moyens de contrer l’impérialisme monétaire et juridique des USA.
    Il y a un autre impérialisme rampant, celui d’Internet.
    Trop peu d’Européens sont suffisamment vigilants afin de ne pas laisser trop de traces utilisables et monnayables sur la toile.
    Nous commençons pourtant à développer certains outils utiles. Les Américains eux-mêmes développent des solutions alternatives moins goulue de renseignements exploitables notamment pour le développement des Intelligences Artificielles qui sont un enjeu important pour notre futur.
    Il existe une vie sur Internet en dehors de Google et de Face Book. Il est de l’intérêt de chacun de s’y intéresser afin de contrer la surpuissance des géants du Net. Et cette démarche est à la portée de chacun.

  7. Nouvel abonné à ce blog que je suivais plus ou moins régulièrement depuisun an ou deux, j’en salue courtoisement l’auteur mais aussi les lecteurs et contributeurs.
    Sur l’impérialisme américain, une anecdote plus une chose qui m’avait complétement échappée.
    L’anecdote: dans la 2eme moitié des années 90, j’étais à Madagascar, détaché dans une banque à Antananarivo dans le cadre de la réhabilitation du système bancaire . L’un de nos clients, une compagnie d’assurance locale nommée « Ny Havana » a eu à effectuer dans le cadre de son activité un virement aux USA. Aussitôt fonds bloqués, demande d’explications, après moult justifications, l’administration US a finalement bien voulu admettre que ce n’est pas parce qu’on s’appelle Ny Havana qu’on a quelque chose à voir avec Cuba.
    La chose qui m’avait complétement échappée: le déclenchement, sous contrainte de menaces de représailles des États Unis, par l’Europe du mécanisme de sanctions pour violation des accords nucléaires contre l’Iran.
    Enfin il fait un eu moins chaud au bord de l’atlantique qu’à Strasbourg ou qu’à Paris. A tout hasard j’ai tapé sur Internet « Eurodollar » parce que dans les années 60 à 80 on en parlait beaucoup et qu’il se disait que le concept avait été imaginé par l’Urss pour contourner le risque de blocage de leurs fonds au EU, puis de manière plus « neo-liberale » obtenir de meilleurs rendements, histoire de voir si cela pouvait donner des idées. J’ai tapé ensuite « mécanisme européen de compensation Iran ». vous pouvez essayer.
    Bien cordialement.

    1. D’abord merci pour votre double témoignage : la confirmation de l’interventionnisme tous azimuts des Américains, et leur ignorance du reste du monde qui les mène à des erreurs parfois graves : deux ans après l’intervention en Irak, « on » s’est aperçu que les Irakiens ne parlaient pas anglais et qu’il fallait donner aux militaires américains une liste de quelques mots basiques en arabe du genre « haut les mains », « n’approchez pas », « mines » …

      Concernant l’eurodollar, j’ai entendu énormément de bêtises au plus haut niveau, puis ça s’est banalisé : voir la fin de l’article https://www.yvesmontenay.fr/2017/09/02/comprendre-laction-des-banques-centrales-la-monnaie-vue-de-dessous/

  8. Bonjour, je viens de lire votre article et les premiers commentaires. Etant entièrement profane dans cette matière (l’économie), je me suis toujours naïvement posé la question : Mais de quoi se mêlent-ils (les américains US) pour interdire à la France (et à d’autres) de commercer avec l’Iran ? Il y a quelques années, l’un de mes cousins (lointains, dans tous les sens du terme), Lawyer (Attorney) en Alabama, m’a informé que sa fille était partie à Téhéran pour son travail. Donc « eux » continuent à commercer avec l’Iran. Comme disait Daumier sur une de ses caricatures d’avant 1789, espérons que « ça n’durra pas toujours » !

  9. Le G20 de 2008 devait preparer une evolution vers un nouveau systeme monetaire international, a la suite des consequences de la crise financière et économique. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Toujours sous l’empire des accords de Bretton-Woods réformés et de son FMI, qui font du dollar la monnaie de référence internationale. Les acteurs économiques, les particuliers (ex : les touristes) et les États préfèrent toujours échanger et commercer en dollar plutôt qu’ avec une autre monnaie. C’ est encore une fois une question de confiance, donc de puissance.

  10. Merci Yves, pour cette belle analyse. Les éléments en sont aujourd’hui bien documentés. C’est un constat objectif qui devrait traverser toutes les tendances de l’échiquier politique.
    Comme tu le soulignes d’entrée, ce sont des instrument des dominations qui se sont très développés au cours de deux dernières décennies, mais qui prennent leurs racines dans la Seconde guerre mondiale à l’occasion de laquelle, l’Europe étant exsangue, les États-Unis ont pu déployer toute leur puissance, avec des alliés vassalisés. On pourrait croire que l’emploi du mot « vassal » est la marque d’un antiaméricanisme primaire, mais pas du tout. Il est employé par Zbigniew Brzezinski, ex conseiller du président Carter et autorité américaine et internationale en géopolitique, grand concepteur de la stratégie américaine, dans son ouvrage « Le Grand Échiquier » publié en 1997, livre dont la lecture est toujours actuelle.
    Pendant très longtemps et pendant de courtes périodes, avec De Gaulle, puis avec Pompidou et Michel Jobert, puis Chirac et Villepin, la France a fait de la résistance seule (pour la guerre d’Irak, l’Allemagne a été avec la France, ce qui n’est pas rien).
    Faut-il rappeler que lors du dernier élargissement en 2005 de l’Union européenne aux dix pays sortis du joug soviétique, ces pays ont adhéré à quelques jours d’intervalles à l’OTAN et à l’Union européenne, celle-ci n’ayant aucun rôle stratégique. Donc la vassalisation de l’Europe est due à la volonté de la quasi totalité des pays européens, l’UE n’ayant pas de volonté politique en dehors de celle des États constitutifs. Les choses ont commencé à bouger avec les manifestations d’impérialisme juridique et monétaire qui ébranlent les gouvernements, les élites économiques et les opinions publiques. Toutefois quand on apprend que La Pologne est prête à payer la majorité des coûts pour recevoir les forces américaines sur son sol, on se dit que ce n’est pas gagné.
    Sur le diagnostic, il est assez facile de se mettre d’accord. Sur les solutions, il faut trouver les moyens de contrebalancer d’une manière ou d’une autre l’énorme pouvoir de contrainte que se sont acquis les États-Unis particulièrement à l’égard des pays que l’on continue de nommer par habitude et convenance leurs alliés.

    1. Merci Christian pour toutes ces précisions. Le très pâle gaullisme de la France est encore trop pour le reste de l’Europe traumatisée par le souvenir de l’époque soviétique. L’Allemagne me semble évoluer doucement, mais la fin de l’ère Merkel et sa démographie l’affaiblissent. C’est encore pire en Italie où la disparition des jeunes adultes (peu de naissances depuis longtemps, émigration massive) s’ajoute aux défauts politiques … qui en sont la cause… Bref des cercles vicieux donc je ne vois pas du tout l’issue pour l’instant, et dont profite la Chine … qui heureusement a aussi ses faiblesses … mais à long terme seulement.

Laisser un commentaire