Je ne suis pas un partisan de la colonisation, au contraire : en tant que libéral, je m’y serais opposé au XIXe siècle. Mais nous sommes au XXIe siècle, la colonisation a eu lieu et elle appartient à l’histoire. Le problème est que cette histoire est pour l’instant totalement fantasmée. L’objet de cet article est de rétablir certains faits historiques pour pouvoir raisonner aujourd’hui.
J’insisterai sur deux points essentiels particulièrement oubliés de l’époque coloniale : la suppression de l’esclavage et la paix civile, avant de rappeler que « le pillage économique » de l’Afrique par la France est une légende.
Je m‘adresse plus particulièrement à mes amis subsahariens, victimes d’une vision historique biaisée par leurs responsables politiques, qui s’en servent pour masquer les vrais problèmes d’aujourd’hui.
Je précise que si j’évoque parfois l’Afrique anglophone, mes exemples s’appliquent surtout à l’ancienne « Union française », et non, notamment, à la RD Congo.
Une histoire paralysée par l’idéologie « décoloniale »
Personnellement, je m’efforce de recueillir les témoignages des personnes encore vivantes ayant vécu la colonisation et la période néo coloniale qui a suivi, qualifiée aujourd’hui de « fausse indépendance« .
Hélas, ils n’ont que rarement laissé des traces écrites sur leur analyse de la situation coloniale et les rapports qu’ils ont fait à l’administration française sont purement techniques, c’est-à-dire limités à leur action en matière sanitaire ou agricole par exemple.
D’où le portrait suivant : le « colon » français type en Afrique subsaharienne était un fonctionnaire colonial, civil ou militaire. Il est souvent seul dans « le bled » ou avec une poignée de « tirailleurs » africains s’il est militaire. Il est donc la merci des populations locales et il n’aurait pas manqué d’être tué s’il avait rencontré l’hostilité de la population, comme le prétend aujourd’hui la légende.
Et s’il était accepté, c’est bien parce que son action apportait « un plus » aux locaux : la fin de l’esclavage et la paix civile, l’arbitrage des litiges et surtout une expertise technique, notamment dans le domaine sanitaire ou agricole.
Mais quand je rappelle ces faits historiques, je me heurte au politiquement correct d’aujourd’hui, qui diabolise ces fonctionnaires.
Même dans les milieux politiques de droite, tout article sur l’Afrique subsaharienne se doit aujourd’hui d’évoquer « l’horreur coloniale » et d’exprimer « un repentir » et « des excuses » sur l’action des Français à cette époque. Sans cette précaution, l’article sera tout bonnement censuré, y compris dans la presse orientée à droite.
Tandis qu’à gauche, cette horreur coloniale est de plus en plus revendiquée comme incontestable, au mépris total de l’histoire !
Dans ce qui suit, je vais parler de l’Afrique subsaharienne ex française, l’actualité étant focalisée sur le Sahel où le sentiment antifrançais se développe, au moins dans certaines sphères gouvernementales locales.
Cela crée une mode intellectuelle suffisamment puissante pour que tout le monde se sente obligé de la suivre.
Un bref rappel de l’histoire de cette colonisation
La colonisation de l’Afrique subsaharienne et d’une une grande partie de l’Afrique par les Anglais et les Français, a commencé dans les années 1880 : elle n’aura donc duré que 3/4 de siècle.
Pendant ce temps, à l’autre bout de la planète, d’autres colonisateurs se sont répartis certains territoires : Taiwan et la Corée deviennent des colonies japonaises, tandis que sont officialisées des quartiers ou des bases japonaises, russes et européennes en Chine, pays trop peuplé pour être véritablement colonisé.
A l’époque, les Anglais, et dans une moindre mesure les Français, les Hollandais et les Espagnols sont alors installés en bien d’autres endroits de la planète.
Il s’agit de la deuxième vague de la colonisation européenne, à laquelle s’est joint le Japon, la première ayant commencé à la Renaissance et ayant amené notamment au peuplement des Amériques par les Français et les Anglais au nord, les Espagnols et Portugais au sud.
Parallèlement avait lieu la colonisation d’une partie de l’Asie par les Portugais, bientôt remplacé par les Anglais et les Hollandais, avec quelques miettes pour les Français.
La colonisation de cette partie de l’Afrique par les Français n’est donc qu’un épisode d’un mouvement très général ayant des causes profondes que je n’aborderai pas ici.
Je rappelle qu’elle ne faisait pas l’unanimité en France et que notamment les libéraux s’y opposaient.
Néanmoins la géopolitique l’emporta.
En effet la France était alors traumatisée par la défaite de la guerre de 1870, avec la perte de l’Alsace-Lorraine et la conscience de la puissance de l’empire allemand.
Il y avait aussi la vieille rivalité avec l’Angleterre, que la mise en place de la colonisation va finir par calmer en 1898, du fait de la nécessité d’une entente franco-anglaise face à l’Allemagne, alliance concrétisée en 1904.
Donc la priorité stratégique de la France était d’empêcher les Allemands de s’implanter outre-mer. Il fallait donc arriver avant eux, ainsi qu’avant les Anglais, du moins jusqu’en 1898.
Ainsi, contrairement à ce dont beaucoup d’Africains sont persuadés aujourd’hui, il n’y avait pas de motif économique à la colonisation française.
D’ailleurs les Français sont un peuple d’administrateurs et non de commerçants, contrairement aux Anglais ou aux Hollandais. Je mentionnerai notamment le rôle déterminant de Cecil John Rhodes, grand homme d’affaires anglais et homme politique, qui inspira et parfois pilota la colonisation britannique en Afrique. Alors que, côté français, les principaux personnages sont des militaires connus pour leur attention aux populations locales, tels Lyautey ou Faidherbe.
D’ailleurs, l’Afrique a coûté cher au trésor français, seules certaines entreprises privées y ont prospéré… et bien d’autres ont coulé.
Je vais maintenant insister sur un point sur lequel la confusion est grande : la colonisation, ce n’est pas l’esclavage, mais au contraire sa suppression.
C’est la colonisation de l’Afrique subsaharienne qui a supprimé l’esclavage
L’esclavage a été supprimé par les deux principales puissances coloniales, la France et l’Angleterre AVANT la colonisation, en 1807 et 1838 pour l’Angleterre (respectivement fin de traite et libération des esclaves) et en 1848 pour la France, après une première suppression à l’occasion de la Révolution française.
Or la colonisation de l’Afrique subsaharienne date les années 1880 et la première préoccupation des nouvelles autorités de l’Afrique subsaharienne a été d’interdire aussi bien l’esclavage local que la traite arabe.
En effet, il y avait depuis toujours un esclavage local. La traite occidentale, abolie donc depuis la première moitié du XIXe siècle, n’avait fait qu’utiliser, et bien sûr développer, ce marché de la traite locale.
Un témoignage parmi de multiples autres est celui d’Ernest Kakou Tigori dont des ancêtres ont été esclaves d’une tribu voisine.
Parution : « Haine du Blanc et Monde Noir » de Kakou Ernest Tigori
Par ailleurs et surtout, le Sahel et l’Afrique orientale étaient ravagés par la traite arabe. Cette traite avait commencé aussi loin que l’on peut remonter dans l’histoire arabe, et donc bien avant l’arrivée des Européens.
Au moment de la colonisation européenne, les Arabes, avec leurs fusils modernes, raflaient des villages entiers et certaines régions étaient largement dépeuplées.
Ce sont les armées françaises et anglaises qui arrêtèrent ces razzias.
Bref, la confusion entre colonisation et esclavage empoisonne à tort le débat. En Afrique subsaharienne ex française, ainsi que de nombreuses colonies anglaises, on semble avoir oublié que c’est la colonisation qui a supprimé l’esclavage.
C’est bien sûr un point positif, mais le mot « positif » semble interdit quand on parle aujourd’hui de la période coloniale.
La colonisation a apporté la paix
Je ne vais pas me lancer dans l’analyse de l’époque coloniale, il faudrait des volumes pour cela. Et surtout il faudrait la situer par rapport à « l’avant » et « l’après », ce qui est malheureusement tabou aujourd’hui.
Un point seulement, mais fondamental : une paix civile meilleure qu’avant et qu’après.
Avant ? En simplifiant, on peut dire que cette partie de l’Afrique était meurtrie par des violences tribales ou avec les voisins arabes du Nord. Certaines de ces violences sont « éternelles » et on les retrouve ailleurs qu’en Afrique : rivalité entre nomades (souvent des Peuls) et sédentaires, recherche d’esclaves dans les tribus voisines ou par des Maghrébins, contrôle de certaines voies commerciales…
Après ? Ouvrez vos journaux : les massacres ne manquent pas. On retrouve l’opposition sédentaires–nomades (par exemple Peuls ralliés aux islamistes ou soupçonnés de l’être). Par contre la chasse aux esclaves a en principe disparu, quoique dans certaines régions sous contrôle islamiste ou fermées aux journalistes étrangers, je serais pas étonné que l’esclavage subsiste sous certaines formes…
Mais de nouvelles violences sont apparues, avec de nouvelles raisons. On peut citer la mainmise de certaines ethnies sur le pouvoir central, entraînant des réactions d’opposition et donc de répression, ou des guerres tribales au sens traditionnel du terme.
L’apparition d’un sentiment national (voir les passions pour les équipes nationales de football dans les compétitions internationales) nourrit de nouvelles rancunes, par exemple dans le nord du Mali, dont les habitants Touaregs ne se sentent pas maliens, ce qui est incompris à Bamako.
Il y a aussi et surtout les violences liées à la découverte de nouvelles « richesses » (je préfère parler de malédiction s’agissant du pétrole et d’autres minerais) : prise de contrôle des sites de production ou du trafic en aval… le groupe russe Africakorps (ex Wagner) n’est pas le seul acteur dans ce domaine !
Bref, l’avant et l’après colonisation font ressortir par contraste la paix civile qui régnait alors, au bénéfice de la très grande majorité de la population. On peut faire un parallèle avec la « pax romana » qui a permis le développement économique de l’empire romain, notamment dans sa partie africaine.
Après les indépendances, beaucoup de ces fonctionnaires coloniaux sont restés comme coopérants : c’est la période dite « néo coloniale » qui dans la plupart des pays a été une période de calme et de relative prospérité, contrairement à la connotation négative qu’à ce terme aujourd’hui : taxée de « fausse indépendance » à déblayer par une « révolution ».
Ces « révolutions » déclenchent en général un appauvrissement profond.
J’ai pu observer de près celle de Madagascar, plus ou moins inspirée de l’expérience chinoise et nord-coréenne, qui a entraîné l’écroulement du pays avec le départ d’une grande partie des Français, mais aussi de l’élite malgache. J’ai noté les souvenirs de participants enthousiastes au début, catastrophés ensuite par les résultats.
La Côte d’Ivoire, le Burkina, le Bénin, le Mali … ont aussi perdu au moins des années de développement, sans parler de la Guinée qui a fait cette révolution dès l’indépendance avec l’écroulement et les répressions que l’on sait.
Le contraste avec l’Angleterre
Par contre, une erreur de la colonisation française est d’avoir envoyé comme fonctionnaires des techniciens, certes dévoués aux populations locales, mais qui avaient une vue «administrative » du développement, alors que ce dernier doit se faire de préférence par le secteur privé.
Cette vue « administrative » était celle de la plupart des élites françaises et perdure encore aujourd’hui. Cela s’est traduit par la mise en place d’une administration avec les défauts français, notamment l’idée que c’est l’administration, et non le secteur privé, qui est à la source du progrès économique.
De leur côté, les Anglais ont colonisé bien sûr pour des raisons géopolitiques mais surtout pour y développer le « business » de leurs entreprises. Le cas emblématique est celui de Cecil John Rhodes, magnat notamment des diamants puis homme politique inspirant la colonisation britannique.
C’était une vue plus terre-à-terre que celle des Français mais qui a été plus efficace dans un premier temps.
60 ans après, cette différence s’est atténuée et ce qui distingue aujourd’hui les divers pays anciennement colonisés, c’est la qualité de leur gouvernance.
L’Afrique francophone se développe maintenant mieux que l’Afrique anglophone. C’est une illustration de plus que les conséquences de la colonisation sont maintenant très lointaines.
La Françafrique
Parlons maintenant de la « Françafrique » si décriée.
En fait il s’agit d’une appréciation politique et non économique qui évoque « la consanguinité » entre élites africaines et élites françaises (dont les services spéciaux), et dont le président Senghor est l’exemple le plus accompli.
Le président Senghor français et africain – La traversée du siècle #10
Cette consanguinité vient tout simplement du fait que la plupart des responsables politiques de la période qui a suivi les indépendances avaient commencé leur carrière en France (et se sont souvent mariés à une Française) notamment comme représentants de leur pays alors seulement autonomes.
C’est une combinaison de l’impatience des jeunes de remplacer les Français et les élites d’alors, et l’influence de l’URSS (aujourd’hui relayée par la Russie…) qui explique la fin de la période néocoloniale … Et une bonne partie du sous-développement actuel !
Parmi ce qui est reproché à la colonisation et à la période néocoloniale, il y a le franc CFA et la langue française.
Le Franc CFA
Supprimer le franc CFA est une très ancienne revendication africaine basée sur un fantasme total : leur politique économique serait « entre les mains de la France » et cette dernière « les exploiterait« .
Pourtant les hommes politiques au pouvoir se gardent bien de concrétiser cette revendication. En effet, la « souveraineté monétaire » se concrétise par une difficulté de gestion considérable, comme en témoignent les autres monnaies africaines et notamment celles du Ghana et du Nigéria, deux voisins importants, qui fluctuent et se dégradent rapidement.
L’exemple de la France, qui n’a plus de monnaie et utilise l’euro comme l’Afrique (le franc CFA est une fraction d’euro) montre qu’on peut parfaitement se passer de « souveraineté » dans ce domaine !
Un mot sur la francophonie
La langue française est souvent dénoncée comme coloniale, mais, là aussi on est pour l’instant au stade des simples proclamations. En fait, il y a deux cas :
- Les Etats ayant des dizaines, voire des centaines de langues, comme la Côte d’Ivoire ou le Cameroun, trouvent pratique d’avoir le français comme langue commune. Lorsque plusieurs générations ont été scolarisées en français et que celui-ci est est utilisé dans la rue, il devient une langue familiale puis maternelle.
- Par contre, les Etats où dominent une langue comme le wolof au Sénégal ou le bambara au Mali, sont plutôt sensibles au fait que faire passer une langue locale au statut de langue officielle demande énormément de travail, non seulement pour adapter l’enseignement, mais aussi et surtout pour la mise à disposition en langue locale de l’immense corpus du français (et de quelques autres langues).
On peut ajouter qu’avec l’importance que prennent maintenant les entreprises, la francophonie économique prend un nouveau départ. Et pas seulement du fait des entreprises françaises, mais aussi québécoises ou marocaines, de plus en plus présentes au sud du Sahara.
En conclusion
Ce qu’on peut mettre sur le dos de la colonisation, c’est une gestion plus administrative qu’économique illustrant l’ignorance par les élites françaises des mécanismes du développement.
Mais cette Ignorance était pire avant, et c’est encore plus manifeste aujourd’hui : dans certains pays, les élites au pouvoir sont surtout préoccupées de « mettre la main sur la caisse » des ressources minières ou énergétiques.
Le résultat de leurs turpitudes, et accessoirement de leur ignorance, nourrit la ritournelle de « c’est la faute de la colonisation ».
On pourrait dire que la colonisation ne mérite ni cet excès d’honneur, qu’elle a eu au XIXe siècle et au début 20e, ni cette indignité : ce fut un mélange d’idéalisme civilisationnel et d’impérialisme froid au début, et une organisation du développement ensuite.
Le mythe du fossé Nord-Sud : comment on cultive le sous-développement (2003)
Aujourd’hui la colonisation est taxée d’”horreur coloniale”
On la désigne comme l’origine de tous les maux et c’est une catastrophe pour les Africains, à qui cela cache les vrais problèmes, ceux d’aujourd’hui, qui n’ont plus rien à voir avec la colonisation qui s’est achevée il y a près de 70 ans !
Yves Montenay
Il est ironique de se souvenir qu’à la fin du XIX siècle, la gauche est coloniale dans sa générosité à apporter le progrès à des peuples « inférieurs ». Jules Ferry en est un bon exemple.
A contrario la droite est contre la colonisation : ne pas dépenser les ressources nationales à developper des territoires lointains et au lieu les régions françaises….
Article très sérieux…. Mais pas dans l’air du temps…
La colonisation, tout comme la traite négrière transatlantique (la seule dont il est autorisé de parler aujourd’hui) sont dénoncées comme la source de tous les maux de ces pays, et c’est plus que regrettable. C’est néanmoins compréhensible : les élites actuelles seraient bien en peine d’admettre que s’ils ont du mal à décoller, ce n’est pas à cause d’un croque-mitaine historique, mais à cause de leur propre incompétence et prédation…
Bref, l’Afrique n’est pas sortie de l’ornière où l’ont mise ses élites, et n’en sortira pas tant que les populations croiront cette fable. Une remise en question est peu probable, malheureusement, dans la mesure où les pays qui pourraient remettre les points sur les i (en pratique, les anciens colonisateurs) applaudissent des deux mains ces idées fumeuses…
Merci monsieur Montenay pour ces rappels, plus que salutaires ! Si seulement ils pouvaient être plus diffusés…
Comme évoqué régulièrement par Montenay, le problème de l’Afrique c’est l’explosion démographique apportée par les « médecines » des colonisateurs qui a pulvérisé les équilibres ancestraux. L’Europe du XIXème a connu (sauf la France) son explosion démographique, mais elle a bénéficié de l’industrialisation sans concurrence. L’Afrique, du 21ème même avec des dirigeants plus ? ne peut pas facilement se développer face à la concurrence mondiale actuelle.
Si je comprends bien, l’Afrique ne se développe pas du fait de la concurrence des pays déjà développés. Mais alors pourquoi le Japon, Taiwan, la Corée du Sud, Singapour… ont-ils pu s’industrialiser ? Le mal africain est plus profond. Pour revenir à l’article, la fin de la paix coloniale est une explication partielle, comme en témoigne le relatif succès du Sénégal
Je vous remercie de cette excellente synthèse, à cent lieues des sottises qui constituent l’idéologie dominante sur cette question.
Une observation : la durée de la colonisation constitue un paramètre important, comme le montre notamment le cas du Sénégal. La France était implantée sur la côte (cf. Saint Louis, les 4 vieilles communes) depuis de XVIIe siècle, ce qui a suscité avec les siècles un certain métissage humain et culturel, terreau qui a engendré des hommes remarquables aptes à affronter la modernité, comme Léopold Sédar Senghor ou Abdou Diouf et ce n’est pas un hasard si, sauf erreur de ma part, le Sénégal est le seul pays d’Afrique noire qui n’a jamais connu de régime dictatorial.
L’importance de la durée de la colonisation se mesure aussi dans des pays comme le Togo où les ethnies côtières, comme les Ewe, sont beaucoup plus en phase avec le monde moderne : j’ai eu un ami togolais de cette ethnie (mais ne raisonnant vraiment pas en termes communautaristes) né au début des années 1960, dont les 2 grands-parents avaient suivi des études supérieures et dont une grand-mère avait été une « Mamie Benz » (savoureuse expression africaine pour désigner une femme d’affaires réussissant si bien qu’elle pouvait s’acheter une Mercedes). Mon ami avait effectué de brillantes études d’économie à Paris, tandis que son frère avait obtenu son diplôme d’ingénieur à Sarrebrück, le Togo ayant intelligemment conservé des liens avec son premier colonisateur, l’Allemagne (qui laissa un bon souvenir, ne s’étant pas conduite comme en Namibie, comme quoi, il faut savoir nuancer). Surtout, contrairement à un certain nombre de diplômés africains qui sont mal à l’aise dans des milieux « intellectuels » si radicalement différent de celui dont ils sont issus, mon amis était parfaitement décomplexé, pratiquant magistralement humour et autodérision et dont la grande ouverture d’esprit lui permettait de discuter de tout, pratique de la contradiction comprise. Tout cela était notamment dû à une longue fréquentation de l’extérieur, en l’espèce la France, qui le faisait échapper à une mentalité complexée.
Tout à fait d’accord sur la différence entre la côte et l’intérieur, la première étant scolarisée depuis de nombreuses générations (Sauf dans le golfe de Guinée pour l’immigration musulmane récente).
Vous avez oublié le & ou ET : explosion démographique ET arrivée tardive dans la compétition mondiale. Le Japon a été une exception, en tant que Nation structurée avec une élite organisée … La Chine n’a commencé qu’avec Deng et un début de ralentissement démographique.
????
Bonjour Yves. Excellente perspective, toutefois dans cette « horreur coloniale » il y a quand même très souvent la violence de la conquête, notamment en Algérie ou en Haute-Volta, même si elle doit être contextualisée. Tous les militaires n’étaient pas des Lyautey.
J’ai soigneusement évité de parler du Maghreb, dont les trois pays ont des histoires différentes et complexes. Je me suis borné à l’Afrique subsaharienne où dans l’ensemble, il n’y a pas eu de conquête violente ou en tout cas moins que les violences d’avant et surtout de maintenant.
De vous à moi ..inutile de publier
Vous dites: « Contrairement à ce dont beaucoup d’Africains sont persuadés aujourd’hui, il n’y avait pas de motif économique à la colonisation française […] L’Afrique a coûté cher au trésor français, seules certaines entreprises privées y ont prospéré… et bien d’autres ont coulé. »–> Je n’ai pas votre culture mais cela me parait parfaitement juste. Certes De Gaulle avait une certaine fierté quand il parlait de « l’Empire » et de la culture française exportée en Afrique et en Indochine mais il avait compris qu’il fallait en finir honorablement avec ces colonies qui coutaient plus cher qu’elles ne rapportaient, d’autant plus que les américains après 1945 s’y opposaient (y compris pour l’empire de leurs grands alliés anglais). Le cas de l’Algérie est un peu particulier: Bien que l’indépendance ait été programmée par les français depuis 1936, De Gaulle revenu au pouvoir pour régler ce problème difficile parce que l’Algérie était vraiment considérée comme française au même titre que la Corse par exemple aurait souhaité trouver des solutions qui permettent à la France de collaborer étroitement avec l’Algérie dans l’intérêt des deux pays. Des accords n’ont pas pu aboutir correctement, sabotés par l’OAS c’est à dire par des français d’Algérie qui se considéraient comme chez eux et de plein droit et par l’union soviétique qui soutenait le FLN – c’est de bonne guerre! D’autres paramètres entraient en jeu et retardaient l’échéance d’une entente cordiale: Les investissements pour la recherche de pétrole au Sahara étaient prometteurs (il fallait trouver des compensations aux investissements) et surtout De Gaulle voulait que la France se dote de l’arme nucléaire, (ce qu’elle était en droit d’obtenir) indépendamment des américains. Les premiers essais concluants ont eu lieu dans le Sahara. Le résultat de tout cela a été l’installation d’un gouvernement militaire catastrophique en Algérie, le départ obligatoire de la plupart des « pieds noirs » qui ont perdu bêtement leur situation privilégiée et des algériens incapables de se gouverner qui croient encore que tous leurs malheurs viennent de la colonisation (j’ai l’impression que ça change, mes contacts avec des algériens récemment installés en France me font dire que les nouvelles générations voient les choses plus positivement). De notre coté les choses changent aussi, d’abord parce que notre gouvernement pense (à juste titre je crois) que l’immigration d’africains francophones peut sauver la France. J’en veux pour preuve nos images sur les écrans de télévision: une image publicitaire sur 5 environ fait apparaître un(e) noir(e). Ce n’est pas par hasard. Nous sommes envahis peuvent penser certains !!! mais c’est un bon moyen d’intégration.
Vraiment éclairant, comme d’habitude. A recommander sans réserve….
Excellent article. On remarquera qu’aucun des idéologues dits « post-coloniaux » (supposés anticolonialistes) ne s’appesantit très longtemps sur l’Indochine qui ne fut pas (loin de là) la dernière des colonies françaises (la Guerre dite » d’Indochine », avec ses morts par millions, témoigne de l’importance de ce territoire pour la France). La raison de ce silence est assez simple: les Vietnamiens eux-mêmes (je me restreins à ce pays) n’adoptent pas les slogans réducteurs des « Décoloniaux » français complètement hors-sol : leur coopération avec l’ancien « Maître » politique ne leur pose aucun problème (ni leur abandon de toute revendication acrimonieuse et infantile à l’adresse de l’ancien colonisateur). Les prétendus « Décoloniaux » savent qu’ils seraient en porte-à-faux avec les Vietnamiens s’ils jouaient à ce jeu.
Quelques hypothèses sur cette situation réellement « post-coloniale » (le mot est adapté, ici) de la relation franco vietnamienne.
D’abord: la défaite de la France a signé sa faiblesse. On ne réclame pas aux Faibles.
Ensuite: le raisonnement culturaliste, essentialiste, racialiste (donc raciste) des « Postcoloniaux » est à des milliards d’année-lumière du paradigme vietnamien. Rappel: Hochiminh adorait la culture française, et les Vietnamiens se sont toujours nourris des apports extérieurs venus de « l’Etranger », même par le biais des colonisations subies (la chinoise, par sa violence et sa durée, transforme la française en épiphénomène historique), ou des colonisations imposées aux populations conquises. Exemple emblématique qui a beaucoup des sens: le Rap est devenu une musique vietnamienne, parmi tant d’autres, et il fonctionne très bien dans les bistrots ou les concerts (Les prétendus « décolonialistes », obsédés par la pureté culturelle et les carcans culturels qu’ils attribuent aux peuples, ne peuvent pas comprendre cette réalité réellement post-coloniale)
Enfin: le Vietnam, sorti de la colonisation, a décidé de jouer lui-même dans la cour des pays adultes. Sa réussite économique le dispense d’utiliser l’histoire comme outil d’excuses à ses échecs.
De manière générale, le mot « horreur » n’est pas accolé par les Vietnamiens au colonisateur français, dont ils savent reconnaître certains apports qui sont prolongés aujourd’hui pas des accords de coopération (culturels ou économiques): ce mot, ils l’attribueraient plutôt, si besoin, aux colonisateurs japonais ou chinois.
Merci ! Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dites sur le Vietnam, que je connais bien, notamment pour des raisons familiales. Il est terriblement dommage qu’Ho Chi Minh ait supprimé tout ce qui était français, probablement pour éviter que ne se répandent de « mauvaises idées », alors que le métissage culturel (et physique) était important. Une question technique : le rap dont vous parlez a-t-il ses textes en français ?
Je suis ancien administrateur de la France d’Outre-Mer. J’ai vécu en 1957,8 mois en Guinée, dans le cercle de Dubréka, donc avant l’indépendance.
En outre, j’ai passé 26 mois comme SAS dans les monts de l’Ouarsenis et j’ai vécu en vraie grandeur ce qui s’est passé du 3 octobre 1959 au 18 novembre 1961. Je n’avais, sauf un adjudant, que des moghaznis algériens et je n’ai jamais eu le MOINDRE problème, ni avec mes soldats ni avec la population locale. J’ai gardé longtemps des contacts avec les uns et les autres jusqu’au décès du plus vieux de mes moghaznis et j’ai conservé quelques contacts épisodiques avec leurs enfants. J’ai vécu les putschs et l’aveuglement des Pieds-noirs…A Paris, mon adjoint, collègue et ami algérien travaille avec le CILF depuis 46 ans. Qui dit mieux ?
Je partage volontiers le contenu de l’article d’Yves Montenay. Théodore Monod pouvait faire 800 km à pinces avec un seul chamelier au travers du Sahara, de long en large et le cercle de Dubréka soit 250 000 habitants était protégé par un ménage de gendarmes dont la femme collectionnait les papillons. Il ya vait un commandant de cercle, son adjoint, deux stagiaires dont moi et Claude Silberzahn, le futur patron du SDECE, plus 3 petits planteurs de bananes. Je peux affirmer que notre colonisation était alors totalement débonnaire et que près de 3 millions de Guinéens ont voté avec leurs pieds et sont partis pour éviter le sanguinaire Sékou Touré après notre retrait…
joly78000@gmail.com
Merci pour ce témoignage précis, qui recoupe tout à fait celui de mon oncle agronome au Vietnam, puis au Cameroun
Un ancien … du côté d’Aïn Sefra au temps où; mais aussi un peu avant (Comme stagiaire COGEDEP) à Collo et tout particulièrement dans la SAS de Cheraïa, située « au dessus », dans le col « avancé » du nom, sur la route de la cote 1004 … Nous étions en 1959 … où (!) ça commençait à beaucoup remuer, alors que je fréquentais (Très platoniquement sans doute, et par éducation !), la fille du secrétaire algérien (Sinon Kabyle ?), de la sous-préfecture … qui me valut d’avoir, le reste de mon séjour, toutes les portes des pieds noirs fermées ! (Jeune femme licenciée en Droit de l’Université d’Alger, la jeune femme concernée … et d’un élégance rare; je ne me souviens pas d’avoir vu dans ma vie, et ensuite, une taille et des chevilles aussi fines !) Que dire encore de ce baptême musulman de deux jumeaux où je fus invité .. sous les youyous des femmes … La fermeture n’a jamais rien apporté de très positif, aux rapports … humains. Ceci étant, je me permets de vous adresser mes remerciements très personnels, pour votre témoignage.
Merci par ce témoignage très intéressant, Mais qui concerne l’Algérie, dont l’histoire est très très particulière particulière et très différente de l’Afrique Afrique subsaharienne visée par mon article. En particulier par sa population « pieds noir » d’origine sud-ibérique, sud–italique ou maltaise, c’est-à-dire issue de communautés considérant depuis des sièclesles musulmans comme des ennemis.
Mia Vossen dit:
MERCI pour ce texte clair, réaliste, assez complet…. et qui cite Kakou Ernest Tigori. Et je recommande chaleureusement le dernier livre de cet homme instruit, digne, qui voudrait pouvoir mettre fin aux éternelles plaintes et inciter les hommes à se mettre au travail, à prendre leur avenir en mains!
Merci aussi pour cette mise au point très claire, autant qu’objective, et par le fait … mesurée, si tant est que la mesure accompagne l’objectivité bien sûr.
Et par le fait, toujours un vrai plaisir de vous lire … !
Je crois qu’une des raisons de la lenteur du développement économique des anciennes colonies devenues indépendantes est qu’elles ont souvent adopté le socialisme.
Oui, ou étatisme ce qui revient au même. Cela vient parfois de penseurs « anti coloniaux » du nord et souvent de régimes dictatoriaux
– « Personnellement, je m’efforce de recueillir les témoignages des personnes encore vivantes ayant vécu la colonisation et la période néo coloniale qui a suivi, qualifiée aujourd’hui de « fausse indépendance« . » (Yves Montenay)
Personnellement, je n’ai pas eu la chance (ou la «chance») de vivre ça, mais finalement je me dis que ce que j’en pense vaut autant que ce qu’en pensent Pierre, Paul et Jacques. Ne dit-On pas que toutes les opinions se valent ? En tous cas c’est ce postulat qui sert de base à notre sacro-sainte Démocratie.
Sur le même sujet (de prédilection chez Yves Montenay) j’ai commenté l’article précédent, celui du 30 septembre 2023 (Parution : « Haine du Blanc et Monde Noir » de Kakou Ernest Tigori ).
Le 11 octobre 2023 je commençais donc par les paroles de deux chansons… et plus loin (en réponse à mon contradicteur) je disais que tout ça n’était peut-être… qu’une question de points de vue. Je terminerais donc en chanson, celle de quelqu’un qui, semblerait-il, connaît le sujet mieux que moi :
– « Moi monsieur j’ai fait la colo, Dakar, Conakry, Bamako.
Moi monsieur, j’ai eu la belle vie, au temps béni des colonies.
Les guerriers m’appelaient Grand Chef, au temps glorieux de l’A.O.F.
J’avais des ficelles au képi, au temps béni des colonies.
On pense encore à toi, oh Bwana. Dis-nous ce que t’as pas, on en a.
Y a pas d’café, pas de coton, pas d’essence, en France,
Mais des idées ça on en a, nous, on pense. » [etc. etc.]
( Le temps des colonies par Michel Sardou )
C’est un peu dur pour ceux qui se sont dévoués, mais pas assez pour ceux qui ont abusé. Mais je pense que ces derniers sont moins nombreux que ceux qui abusent aujourd’hui en déformant l’histoire dans leur intérêt
Bien sûr, chacun pourra trouver des diables et des saints comme dans toute période historique. L’important c’est de rappeler des faits quand on les voit déformés
Qui déforme l’Histoire ? Mais peu importe qui… parce que c’est bien ce que je dis. Finalement l’Histoire reste subjective (une affaire de points de vue). De science, elle n’en a que le nom.
C’est là un vieux débat, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Par exemple :
– « L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines.
L’Histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout. » (Paul Valéry – Regards sur le monde actuel (1931)- De l’Histoire )
Philosophiquement la question est complexe. Si l’on croit que les sociétés humaines progressent, il est évident que certaines progresseront plus vite que d’autres. Comment les progrès effectués par un groupe vont ils diffuser vers les autres ? Doit on imposer une diffusion rapide ou simplement laisser faire les choses en s’accommodant de l’existence de groupe arriérés (tant qu’ils ne nous agressent pas bien sur), en faisant éventuellement un peu de commerce de comptoir avec eux mais sans mettre le nez dans leur affaires. Cette position libérale et un peu égoïste (pourquoi consacrer une partie de ma force de travail au bien être de personnes qui me sont étrangères ?), me conviendrait parfaitement mais curieusement ce n’est pas celle de la gauche universaliste, droitdelhommiste et interventionniste qui manque clairement de cohérence intellectuelle. A partir du moment où l’on estime bon de forcer l’évolution dans un sens (mais qui définit ce qui est bien ?), cela implique un asymétrie de domination, c’est à dire une colonisation qui pousse dans la direction souhaitée des colonisés sensés être attardés . Ce n’est pas ma position mais je m’étonne que les « progressistes » universalistes ne soient pas en faveur de la colonisation tout comme ils sont en faveur de la rééducation de ceux qui ne correspondent pas à leur modèle d’homme nouveau !
Merci pour cette analyse, qui dépasse bien sûr mon article ! Je profite de l’allusion au libéralisme pour éclairer ce que j’ai dit dans mon article : « en tant que libéral j’aurais voté contre la colonisation au XIXe siècle ». J’aurais fait plutôt (naïvement ?) confiance dans de libres échanges humains, pas seulement commerciaux. Mais la question ne se pose plus, nous sommes au XXIe siècle.
Cela dit, on n’est plus conscient, au nord comme au sud de l’immense décalage culturel qu’il y avait au XIXe siècle, décalage qui explique des attitudes de part et d’autre incompréhensibles aujourd’hui.
Le commerce n’est pas que l’échange de marchandises, c’est aussi l’échange d’idées. Normalement les grandes avancées (écriture, métallurgie…) finissent par diffuser quand le receveur a pris conscience des avantages que cela procure. Ma conviction est justement qu’il faut attendre cette prise de conscience et une adoption libre des nouvelles idées. Si le receveur n’est pas mur, vouloir l’éduquer de force fait plus de mal que de bien et il ne faut pas alors s’étonner que des agitateurs politiciens du colonisé prennent le colonisateur comme bouc émissaire de tout ce qui ne va pas.
Je suis en gros d’accord, C’est la position libérale, et c’est pour cette raison que je n’aurai pas voté, la colonisation au 19e comme les libéraux de l’époque.
Un bémol est toutefois apparu à l’usage : La colonisation a bousculé la hiérarchie, féodale, locale, suscitant, bien sûr, sa fureur et une opposition qui dure jusqu’à aujourd’hui. Mais elle a permis aussi l’émergence D’individus qui n’avait pas leur chance auparavant.
Malheureusement, les révolution qui ont beaucoup de pays ont liquidé la période néo coloniale ont obligé ces nouvelles élites à fuir vers la France. Au-delà de l’Afrique subsaharienne, c’est aussi le cas du Maghreb, et surtout de l’Algérie et du Vietnam.
Revenons au sujet, si vous me permettez … Je cite la conclusion d’Yves Montenay :
– « On pourrait dire que la colonisation ne mérite ni cet excès d’honneur, qu’elle a eu au XIXe siècle et au début 20e, ni cette indignité : ce fut un mélange d’idéalisme civilisationnel et d’impérialisme froid au début, et une organisation du développement ensuite. »
Pas d’excès d’honneur donc (il n’eut plus manqué que ça), juste ce qu’il faut mais pas plus. Ce qui s’appelle la juste mesure. Pas de quoi non plus s’indigner (ben voyons).
Puisque l’horreur coloniale française au sud du Sahara n’est qu’un mythe… et que l’Histoire (la Vraie) est mal racontée… ces deux récits devraient, peut-être, nous éclairer un peu mieux :
– http://www.telerama.fr/television/congo-ocean-sur-france-5-raconter-l-horreur-coloniale-sur-un-chantier-ferroviaire-meurtrier-7020306.php
– http://www.jeuneafrique.com/1500709/culture/massacres-coloniaux-quand-la-france-decapitait-en-afrique/
Je pourrais en rajouter d’autres, mais je vous laisse le soin de taper seulement deux mots sur votre moteur de recherche (horreur coloniale). Notez en passant qui ose parler de mythe dans cette histoire. Alors bien sûr, on pourra toujours raconter que ce ne sont là que des « points de détail de l’histoire »… et que finalement le bilan est « globalement positif ».
Je le redis, simple question de point de vue.
J’attendais ça depuis longtemps ! « Il y a eu telle horreur, donc ce que vous dîtes est faux ». Toute période historique, surtout si elle dure 70 ans et touche des centaines de tribus a ses réussites et ses drames. Je me suis donc borné à 2 faits massifs et indiscutables : la fin de l’esclavage interne et la paix civile (pensez à ce qui se passe aujourd’hui !)
Je sors d’un débat sur le Mali où s’est reconstituée une société féodale : un descendant d’esclaves internes, malgré ses diplômes, son niveau hiérarchique ou sa fonction, est dans une situation d’infériorité face à un noble
Pour « l’excès d’honneur », lisez ce qui s’écrivait à la fin du XIXe siècle !
Finalement beaucoup de bruit pour rien. Notez que je n’ai jamais dit que ce vous dites est faux, je dis seulement que c’est une question de POINT DE VUE ! Même en ce qui concerne la fin (officielle) de l’esclavage et la paix dite civile (condition sine qua non pour les investissements et le progrès économique, autrement dit pour l’Ordre Établi).
Si certaines tribus arabes, et probablement d’autres, continuent un quasi esclavage clandestin, il ne s’agit plus de l’action coloniale. Quant à la paix civile, c’est d’abord au citoyen de base qu’elle est bénéfique… Voir la situation actuelle au Soudan et dans beaucoup d’autres endroits
Je pense que vous faîtes une lecture militante, et donc erronée, du titre de M. Montenay.
» Puisque l’horreur coloniale française au sud du Sahara n’est qu’un mythe » dîtes vous.
Vous transformez le sens du titre avec votre terme « que », subodorant que ce titre souhaiterait minimiser une « horreur coloniale » passée, ou en faire un détail de l’histoire. C’est un procès d’intention que vous faîtes. Pour ma part, je ne lis pas le mot Mythe comme cela, encore moins comme métaphore du Mensonge (ou de l’Affabulation). Historiquement, les mythes ont existé partout, certes sur des faits potentiellement réels (ou pas), mais surtout pour ce qu’ils permettaient de construire socialement (dans une communauté quelconque: tribale ou nationale) aux temps présents. Grosso Modo, le Mythe c’est le Totem et Tabou de Freud: c’est un discours (élaboré par des catégories sociales dotées d’influence, ou ayant un pouvoir direct sur une communauté) pour organiser aujourd’hui la pensée, et les actes, des membres du groupe à partir d’un discours (mythique) sur le passé (parfois réel, parfois inventé). Les mythes de naissance des peuples, par exemple, qui guident les contemporains. En l’espèce, le « Mythe » de « l’horreur coloniale » est un totem construit par certains militants prétendus « anticolonialistes » pour focaliser l’attention des contemporains sur un seule et unique aspect du passé colonial, français ici (massacres, injustices, etc, que personne ne nie) : il sert de prêt à penser étroit pour ne pas penser plus large. Ce « Mythe » sert donc à focaliser les regards modernes sur un seul point (négatif, pour résumer): c’est là le sens de ce mot, qui ne dit pas autre chose (contrairement à votre suspicion): c’est un Totem. Et qui dit Totem, dit Tabou: les massacres, esclavagismes, viols, tortures sexistes, colonisations, qui ont existé au sein des Tribus ou Empires africains bien avant l’arrivée des premiers explorateurs blancs, des premiers blancs d’esclaves Noirs aux esclavagistes noirs, ou des premiers bataillons d’armées coloniales (avec leurs exactions ou racismes que personne ne conteste). Le Totem ne doit plus faire oublier le Tabou: c’est d’ailleurs ce que beaucoup d’Africains réclament, et que pas mal d’Intellos français prétendus « avant-gardistes », ou « anticolonialistes », leur refusent avec un mépris presque….colonial !
Merci BINH pour cette leçon de sémantique. Et cette histoire de mythe, de totem et de tabou.
J’aurais toutefois préféré que ce soit l’intéressé lui-même qui me dise comment je me devais d’entendre ce mot, « mythe ». Yves Montenay, qui pense que ceux qui ont abusé sont moins nombreux que ceux qui abusent aujourd’hui en déformant l’histoire dans leur intérêt (sic 22 mai 2024 à 11:05). Personnellement je n’ai aucun intérêt dans cette histoire, toutefois je reconnais avoir pris ce mot dans sons sens courant, voire familier, une construction purement imaginaire, une affabulation. Ma lecture militante, et donc erronée… probablement.
Quoi qu’il en soit ce n’est pas moi qui a choisi ce mot, en plus pour le titre d’un article. Peut-être alors aurait-il mieux valu titrer «Le totem de l’horreur coloniale française au sud du Sahara»…
Voire «Le tabou de l’horreur coloniale française au sud du Sahara».
Effectivement, tabou n’est pas mal.
Je crois que vous avez parfaitement compris mon propos : chez vous, cette « horreur coloniale » semble être un Totem. Si non chez vous, du moins chez tous les militants dits « post-coloniaux », obsédés par le passé colonial de la France, et seulement celui de la France, en oubliant au passage, comme un Tabou, la construction des grands empires non occidentaux (africains asiatiques amérindiens et autres) bâtis avec le sang, la colonisation et l’esclavage des Autochtones.
Quant au Tabou de « l’horreur coloniale » , il n’existe absolument pas, bien au contraire: les livres scolaires, les médias, les discours officiels monolithiques proposés au Français depuis des décennies, ne parlent de la colonisation française qu’en terme d’Horreur.
J’ai vécu au « Sud du Sahara » (votre région ciblée), plus précisément au Congo (Pointe Noire, Kinkala et Brazzaville) et au Tchad, et je n’ai jamais entendu sur place (de la part des Africains) l’expression d’un souvenir à ce point horrifié de la colonisation française. On peut être, légitimement, anticolonialiste (c’est votre cas, c’est mon cas), sans être obligé de simplifier à outrance la réalité en pratiquant la technique du Totem et du Tabou ( d’autant que la colonisation française n’est plus d’actualité et qu’elle peut permettre des discours non mobilisateurs, non normatifs, sur notre perception de situations passées).
Je vous note au passage que la colonisation française en Indochine a été tout aussi meurtrière, sinon +, qu’en Afrique (voir mon commentaire plus haut) mais qu’elle ne suscite pas chez les militants français prétendus « post-coloniaux » la même pratique pavlovienne du Totem sur ce passé là: sans doute parce que les contingences contemporaines sur place n’ont plus besoin d’un relai discursif intello français pour réclamer quoi que ce soit à la France (dette, réparation, repentance, culpabilité, etc). Une petite anecdote, vécue, au Vietnam, qui en dit long sur les militants dits « postcoloniaux » en France : je discutais avec un jeune touriste, en uniforme de « Révolutionnaire » prétendu « De Gauche », à la terrasse d’un bistrot, au sujet de l’enfant en face de nous (12 ans) qui cirait des chaussures. Le Français m’a dit: « horreur, esclavage et damnation ! « . J’ai demandé à l’enfant qu’il explique au redresseur de tort (ou « De Gauche »), quasi rééducateur colonialiste, ses motivations de Vietnamien : je suis pauvre, je ne veux pas demander l’aumône à un « Tay » (Occidental), je veux gagner ma vie. Le Français venait enfin de comprendre, hors de ses livres scolaires, ce qu’était vraiment l’anticolonialisme, le sincère et l’efficace.
Le cas du Vietnam est complètement différent. Je connais très bien ce pays (cette précision pour les autres lecteurs). Il y a souvent une osmose réciproque, par considération, toujours réciproque, de civilisation. Bien sûr, il y a eu des femmes de fonctionnaires français qui ont été plus rudes avec leur domestique vietnamienne qu’elle ne l’aurait été en France. Mais la Vietnamienne en question notait néanmoins qu’elle était moins maltraitée et mieux payée que chez, par exemple, un notable chinois.
Ces « mégères » française souvent mise en avant par des anticolonialistes n’étaient pas grand-chose par rapport à un état d’esprit d’ensemble, qui a mené notamment à de nombreux mariages mixtes. Si « l’oncle Ho » avait été plus nationaliste que communiste, il y aurait probablement eu une période « néo coloniale » (un peu comme dans le sud, mais les Américains ne l’ont pas remarqué) féconde. Mais un communiste veut faire « du passé table rase »
Rassurez-vous BINH, je pense avoir très bien compris cette histoire (intéressante) de mythes, de totems et de tabous. Notez au passage que le Sud du Sahara n’est ma spécialement ma «région ciblée», sauf que c’est de cette région dont il est question dans cet article.
Comme je l’ai dit X fois, tout le reste n’est pour moi qu’une question de points de vue.
Vous pourrez toujours dire qu’il s’agit d’orientation politique, idéologique, de militantisme anticolonialiste, voire « post-colonial » etc. Ce qui, je pense, ne nous avancera pas plus.
L’anticolonialisme vietnamien a été très divers. Dès le début du 20ème siècle d’ailleurs (Phan Boi Chau, Phan Chau Trinh, Ho Chi Minh, Tan Da, etc), et ça s’est forcément concrétisé plus tard en régimes politiques opposés (par ex, entre Diem et le Viet Minh). Il est possible d’ailleurs que Ho ait été dépassé, à un moment radical de l’histoire, par ses « amis » politiques staliniens, voire maoïstes. Ce moment radical peut être identifié au coup de force de l’Amiral d’Argenlieu qui pousse De Gaulle au refus de la décolonisation, voire de l’Union Française acceptée par Ho. Tous les camps ont leurs radicaux et leurs simplistes. La « Cancel Culture » des communistes de l’époque (« du passé faisons table rase »), vieille lubie antihumaniste (que la Terreur des prétendus révolutionnaires français de l’après 1789 a illustrée) est surtout à localiser au Nord-Vietnam, dès 1954, mais surtout en 1975 où les maoïstes semblent dominer le PCV et semblent sans limite dans leur haine de l’Occident (c’est un peu la période vietnamienne de la « Révo Cul dans la Chine Pop ») . Mais cette horreur pseudo « anticolonialiste » n’a pas duré longtemps : dès 1986 (Doi Moi) c’est l’inverse qui se produit (attrait de l’Occident), et ça continue encore (sans doute contre l’ancien et réel colonisateur, digne de ce nom, la Chine. Laquelle est devenue plus que colonialiste (elle avait même essayé en 1947 d’envahir le Tonkin…) : elle est maintenant impérialiste et génocidaire, et les Africains risquent de payer leur naïveté à son égard.
À Jacques de répondre éventuellement.
Personnellement, je trouve bizarre de ne pas voir que depuis deux siècles, ce sont les Etats partiellement libéraux qui réussissent beaucoup mieux que ceux qui le sont moins
Voilà quelques anecdotes & considérations sur le « vécu » de mon père qui, dans les années 50, a répondu, ne trouvant pas de travail, à une petite annonce du « Chasseur Français » disant : « Si vous savez lire, écrire le français et compter, les colonies n’attendent que vous ». Après son service militaire, il a reçu une lettre du gouverneur de l’Afrique Occidentale Française, un billet de bateau & 1.000 francs. C’est ainsi qu’il est parti à l’aventure.
Une fois arrivé en AOF, on lui a donné un cheval (remplacé quelques années après par une Land Rover) et affecté deux « boys ». Son rôle était d’effectuer des tournées d’inspection dans son secteur géographique (équivalent à deux départements français en surface) pendant plusieurs semaines, plusieurs fois par an. À chaque village, il libérait les esclaves qui s’y trouvaient parfois et vérifiait que le grenier de subsistance était bien rempli. Il était reçu avec respect par les populations locales, en tant que représentant de l’autorité, mais aussi porteur de bienfaits et d’aide.
Son travail consistait à répandre le progrès : nouvelles techniques de culture, semences améliorées, savoir-faire en irrigation, consignes d’hygiène. Au fil des années, il a appris la langue locale (le Dzherma) et des rudiments d’autres. Certains de ses « boys », profitant de ses conseils et enseignements, ont progressé dans la vie et deux sont même devenus ministres après l’indépendance.
À l’époque, il y avait très peu de Français : une trentaine de couples, deux ou trois missionnaires et quelques gendarmes. On comptait aussi des libanais qui tenaient les commerces, ainsi que quelques sénégalais dans l’administration coloniale. Il m’a rapporté que son sentiment était que les locaux étaient favorable à la situation, y trouvait son intérêt, dans sa grande majorité, sauf éventuellement quelques Touaregs dans le nord.
Après l’indépendance, il est resté quelques années supplémentaires. Cependant, il a décidé de revenir en France pour assurer une meilleure éducation et des conditions de vie plus favorables à sa progéniture. C’est alors qu’en termes géopolitiques, Il a vu des tentatives d’affaiblir l’influence française, notamment de la part de la Chine de Mao et des États-Unis, au moyen du Peace Corps.
Mon père rapporte souvent une réunion au ministère de l’agriculture pour débriefer les démonstrations de culture du riz faites par les envoyés maoïstes. La conclusion était que leur méthode de travail acharné, sans pause ni sieste, était une folie inadaptée au climat local, sans compter que les Nigériens ne se sentaient pas attiré par leur idéologie.
Quant au premier envoyé américain, il a déchargé ses paquets en plein midi sous le soleil. Mon père, en anglais haché qu’il avait appris en écoutant les leçons de la BBC, le soir, lors des bivouacs dans ses tournées dans la brousse, lui a expliqué qu’il fallait se mettre à l’abri et faire la sieste. L’Américain l’a renvoyé sèchement, traitant les Français de faibles. Le soir même, cette personne était morte d’insolation. Il y a eu ensuite tout un programme d’envoi de carterpillars, tracteurs, et autres engins agricoles par les USA, montés sur place avec du personnel américain qui ont formé les paysans. Quelques temps après, par absence de maintenance, il y a eu des pannes, aucun américain n’est venu réparer, et finalement, tous ces engins agricoles sont restés sur place et ont peu à peu été démontés pour récupérer le métal.
Mon père a de nombreuses histoires de sorcellerie troublantes. Il a attrapé diverses maladies tropicales, mais a tenu le coup. Il reste très attaché au Niger, mais est triste de voir le sentiment anti-français actuel, alors que lui et la plupart des Français présents à son époque n’avaient qu’en tête d’apporter le progrès, dont ils pouvaient mesurer les améliorations au quotidien.
Merci pour ce témoignage, qui confirme celui de mon oncle Guillaume, agronome dans les montagnes vietnamiennes puis au Cameroun et qui se serait fait tuer 1000 fois s’il avait été mal vu par les populations locales. Ainsi que celui de Marcel Dolmaire (https//www.clionautes.org/temoignage-dun-administrateur-de-la-france-doutre-mer-en-pays-lobi-haute-volta-1951-1957.html ) et de bien d’autres