Kakou Ernest Tigori, intellectuel et homme politique ivoirien, réfugié en France pour avoir dénoncé des détournements dans son pays, publiait en 2019 « L’Afrique à désintoxiquer : sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme ». Dans son livre, il s’oppose fermement et de façon argumentée à tous ceux qui reprochent l’état actuel de l’Afrique à l’Occident en général, et à la France en particulier.
Je trouve important de voir un Africain dénoncer cette mode catastrophique, surtout pour l’Afrique !
A l’occasion de la parution de son nouveau livre « Haine du Blanc et Monde Noir », je suis donc heureux de lui redonner la parole, au moment où des gouvernements africains illégitimes, ainsi que la Russie et la Chine, excitent l’opinion publique en Afrique francophone.
Kakou Ernest Tigori y accuse un mouvement intellectuel européen d’avoir créé et diffusé ce qu’il appelle dans ce livre « la haine du blanc », cas particulier de la « haine de soi », exposée notamment par Pascal Bruckner, après de nombreux sociologues et philosophes. Et Kakou constate que cette « haine du blanc », a été utilisée pour fausser complètement la vision de l’Afrique par les Africains.
Je lui passe donc la parole
Yves Montenay
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Présentation de HAINE DU BLANC ET MONDE NOIR par Kakou Ernest Tigori
Si HAINE DU BLANC ET MONDE NOIR est, selon l’historien Gabriel Martinez-Gros, « à lire absolument, si on veut poser les bases d’un vrai débat », c’est en raison de la dénonciation argumentée du fait que notre monde fonctionne en grande partie sur la base de poncifs erronés qui le fourvoient de plus en plus dans l’absurde et le chaos… comme l’illustre bien la dérive actuelle de l’attelage entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique noire.
Je propose de remonter aux sources des phénomènes qui dévoient l’opinion, de voir l’enchaînement des idées qui, faisant autorité, conduisent fatalement à toutes les absurdités qu’on peut déplorer.
La haine du blanc… par les blancs
Tout commence à la Renaissance
L’Europe déploie son hégémonie sur l’ensemble du globe terrestre : comme un paradoxe, il s’installe progressivement un mouvement de rejet des bases de la civilisation occidentale par des élites européennes. Ce rejet se matérialise par des critiques à la fois de l’autorité politique et de l’Eglise qui lui est étroitement associée dans la conduite des affaires. L’athéisme y trouve son ancrage.
De toute l’histoire de l’humanité, c’est la première fois que des élites s’attaquent aux fondements de leur société, au moment même où cette dernière surclasse ses rivales dans le concert des nations ! Intellectualiste, cette élite renégate n’est jamais à court d’arguments pour justifier ses opinions les plus marginales…
Et continue avec les Lumières, la Révolution française et le marxisme
Le siècle dit des Lumières ne fera que confirmer et renforcer le rejet de l’ordre établi, pour, dit-on, la quête d’un nouveau monde plus libre.
Pendant la Révolution de 1789, ce rejet se mue en une véritable haine qui se déchaîne contre la Monarchie et l’Eglise, les tenants de l’ancien monde. Désormais, la Haine est manifeste et s’assume !
Antimonarchiste et anticléricale dès ses origines, la Haine trouve dans le prétexte de la misère sociale induite par la Révolution industrielle du XIXe siècle un motif d’être anticapitaliste. Donnée incontournable de la vie publique européenne désormais, se présentant comme le chantre du progressisme pour le bonheur de toute l’humanité, elle se renforce au cours du XIXe s. pour culminer dans toutes les sphères de pouvoir au tournant du XXe s.
Portée principalement par la Gauche révolutionnaire au début du siècle dernier, la Haine finit par se mettre au service de la Révolution mondiale conduite par l’URSS à partir de la décennie 1920. Les communistes occidentaux en deviennent des agents de l’Union soviétique contre leurs propres pays. Agents très disciplinés qui montrent dans la guerre civile espagnole, à partir de 1936, leur grande capacité de mobilisation…
Après la Seconde guerre mondiale
Les Etats-Unis d’Amérique initient un nouvel ordre international qui se concrétise par la Charte des Nations-Unies, une incitation sans équivoque au démantèlement des empires coloniaux des nations européennes. Les Américains croient avoir un droit de préemption sur les futurs territoires libérés.
C’est sans compter avec l’URSS de Staline qui se saisit de cette opportunité pour élargir sa lutte contre l’impérialisme capitaliste à tout le globe…
Le monde ne tarde pas à s’installer dans la Guerre froide qui divise les nations en deux blocs, celui de l’Ouest dirigé par les EUA contre celui de l’Est conduit par l’URSS.
Une majorité des sommités intellectuelles et culturelles de l’Ouest, idéologiquement de gauche et en pamoison devant le maître du Kremlin, s’engage alors contre les intérêts de leur propre pays, offrant à Staline une cinquième colonne qui pose les bases de la manipulation mensongère qui fonde les poncifs encore en cours à ce jour.
En 1967, parlant des communistes et de leurs compagnons de route, le général de Gaulle, à juste titre, les qualifiera de « conjurés de l’entreprise totalitaire qui vise à établir son écrasante et morne dictature ».
Une Afrique noire piégée par la haine
Concernant l’Afrique noire, en vue d’inciter les populations à la révolte et à la précipitation des indépendances, la manipulation s’articule autour de deux points :
- Le Blanc est le responsable exclusif de la traite négrière qui a décimé le monde noir pendant plus de trois siècles ;
- La colonisation de la fin du XIXe siècle, qui poursuit la maltraitance esclavagiste inhumaine infligée au Noir, n’est qu’une entreprise de prédation et d’avilissement sur fond de racisme.
Il est tellement facile de démontrer que ce qui précède est faux qu’on s’en demande comment de si gros mensonges ont pu non seulement passer, mais surtout se maintenir jusqu’à nos jours. En fait, les élites africaines, depuis l’après-guerre, ont trouvé confortable ce statut de la victime…
Il y a aussi l’efficacité redoutable de la machine d’intoxication mise en place pour permettre au progressisme d’exercer un magistère intellectuel et culturel sur l’ensemble de la société : une véritable dictature intellectuelle de la bien-pensance qui, à bas bruit, s’est octroyé l’exclusivité de la liberté d’expression dans la presse, l’édition, les médias publics, les écoles et universités, le cinéma, etc.
Toute personne dont le propos contredit les positions de la bien-pensance progressiste est soit interdite de parole, soit salie et diabolisée jusqu’à l’isolement, soit détruite professionnellement ou socialement… Alors, dans les milieux politiques et intellectuels occidentaux, tout le monde sait la limite à ne pas franchir !
Je ne peux pas me taire
Mon problème est que je suis Africain et que je ne peux pas me taire devant le drame que les mensonges de la bien-pensance occidentale fait subir à l’Afrique et au monde noir en général. Je ne suis pas historien, mais seulement un passionné d’histoire qui, dans sa réflexion politique, en arrive à la nécessité d’une rectification historique pour plus de sens de la responsabilité publique du monde noir… et pas que !
HAINE DU BLANC ET MONDE NOIR, réaffirmation de mes convictions exprimées dans de précédents livres, en survolant les relations entre l’Afrique noire et l’Europe depuis le XVe siècle, se propose d’apporter les éclairages qui démentent les mensonges charriés depuis l’après-guerre :
- La vente d’esclaves noirs a commencé des siècles avant que l’Européen n’arrive en Afrique noire. Après trois siècles de participation à la traite négrière, on peut reconnaître au Blanc d’être celui qui, pendant tout le XIXe siècle, s’est engagé sur le sol africain pour mettre fin à ce fléau, contre les potentats locaux.
- Vu le maillage esclavagiste encore prégnant dans la seconde moitié du XIXe siècle, la généralisation de la colonisation du monde noir est ce qu’il pouvait arriver de mieux pour enclencher une libération des masses et une modernisation du continent. Dans un monde en plein développement de la vie internationale, des élites africaines de l’époque le comprirent, et suscitèrent ou participèrent à l’hégémonie de l’Europe en Afrique. Que ce soit avec les Tswana (Botswana), les Fanti (Ghana), les Mossi (Burkina Faso), les Agni (Côte d’Ivoire) ou les Gen et Mina (Aného au Togo), les exemples sont multiples pour attester que les colonisables demandaient à être colonisés… et que l’entreprise coloniale européenne se généralisa avec une adhésion majoritaire des populations africaines. Comment penser que quelques centaines de Blancs pouvaient coloniser l’immense Congo sans une certaine adhésion des populations autochtones ? (Témoignage d’Yves MONTENAY : j’ai eu un oncle un agronome qui a toujours parcouru seul, dans les années 1930 à 60, des villages de l’Indochine et du Cameroun, pour enseigner de meilleurs techniques agricoles. Si il y avait eu la moindre hostilité, il aurait dû arrêter)
En une poignée de décennies, la colonisation transforme profondément l’Afrique noire, avec la participation et à la grande satisfaction des Africains : unités politiques et territoriales pour des peuples majoritairement émiettés en clans ou tribus, mesures d’hygiène et de santé se traduisant par une explosion démographique, éducation, urbanisation et réalisation d’infrastructures de communication, mise en place d’un système économique moderne, etc.
Peut-être le plus grand développement à une telle échelle de toute l’histoire de l’humanité… En 1958, dans l’espace francophone, malgré la vive campagne d’intoxication contre l’entreprise coloniale, 9 Africains sur 10 ont rejeté l’indépendance !
Il faut marteler ces vérités
Et cela jusqu’à ce qu’elles soient acquises par tout le monde, Noir ou Blanc, aux fins de libérer toutes les énergies positives. Oui, le Blanc n’est pas responsable de la traite négrière et la colonisation européenne fut un bienfait général pour le monde noir !!! Contre tous les mensonges bien établis, je me bats pour La Vérité, faisant mien ce propos de Jean Jaurès : « le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »
Alors, abordant le sujet sous divers aspects, sur la base de données vérifiables, j’invite le lecteur à un succinct survol de cinq siècles d’histoire pour parler, entre autres :
- de Conquête européenne du monde et haine de soi (page 19),
- des raisons du Démantèlement des empires coloniaux européens (page 37) dès l’après-guerre,
- de ce qu’il faut savoir sur l’Esclavage dans le monde et des réalités des traites négrières (page 67),
- d’immersion avec les Akan (page 77) dans un exemple de l’Afrique noire ayant précédé la colonisation européenne,
- des principales Colonisations (page 161)dans la chronologie universelle et de la Décolonisation sous la guerre froide (page 195),
- du contexte et des raisons des allégations mensongères pour salir Leopold II, Souverain du Congo (page 207), ainsi que de l’utilisation actuelle des prétendus crimes du Roi des Belges et fondateur du Congo,
- de la nécessité de se libérer de la manipulation des Africanistes blancs pour Retrouver la vraie histoire de l’Afrique noire (page 269),
- d’une dénonciation générale des dérives intellectuelles liées à la Haine du Blanc (page 333).
Un résultat navrant
La lecture de HAINE DU BLANC ET MONDE NOIR donne des clés pour comprendre les dernières évolutions chaotiques des relations entre l’Afrique francophone et la France :
- On a expliqué aux Africains qu’ils n’avaient aucune responsabilité dans la traite négrière ;
- On a expliqué aux Africains que la colonisation fut un crime ;
- Depuis les indépendances, malgré l’impéritie générale, la corruption des élites et le népotisme qui étouffent la plupart des sociétés africaines et empêche tout décollage, on explique que c’est le néocolonialisme qui ruine l’Afrique ;
- A tous, Noir ou Blanc, on a tellement bien vendu la fiction de la Françafrique que le Blanc, repentant, se sent responsable de la dérive de l’Afrique noire, pendant que le Noir, candide, reproche au Blanc de n’être pas encore développé depuis plus d’un demi-siècle de coopération et d’aide publique au développement.
- Chaque locataire du palais de l’Elysée affiche sa détermination à mettre fin aux supposées relations incestueuses établies par Foccart entre la France et l’Afrique noire… Et malgré la bonne volonté chaque fois réaffirmée – depuis les efforts de Mitterrand qui commit l’intellectuel humaniste Jean-Pierre Cot à cette tâche d’assainissement, reprise sous Sarkozy dont on prétendit que la jeunesse entraînerait la rupture avec les vieilles habitudes, passant par Hollande et son crédit d’apparatchik socialiste porteur de générosité internationale, poursuivie enfin sous Macron dont la naissance après les indépendances et la détermination en feraient l’homme de la situation -, la dénonciation de la Françafrique va croissante pendant que la France perd de plus en plus pied en Afrique noire. Et sous Macron comme jamais auparavant !
- Et plus les conseils des rentiers de la lutte contre la Françafrique (journalistes, intellectuels) sont suivis, plus la Françafrique se renforce dans les esprits.
On devrait peut-être se demander si lutter contre la Françafrique n’est pas une bataille contre des moulins à vent… car basée sur des mensonges.
En effet, si le Noir n’est responsable de rien depuis des siècles, alors le Blanc porte l’entière responsabilité de cette misère qui jette une grande partie de la jeunesse africaine sur les voies périlleuses de l’immigration, à travers Sahara et Méditerranée.
Les rivaux de l’Occident ont beau jeu de manipuler la jeunesse africaine contre l’ancienne puissance coloniale dont la présence ne serait que nuisance pour le Noir.
En conclusion
Quand va-t-on enfin exiger des Etats africains qu’ils assument leurs responsabilités vis-à-vis de leurs populations ? L’Occident, par l’adoption des mensonges, est responsable de son sort actuel en Afrique noire !
Il est urgent d’amener le monde noir à comprendre qu’il est le principal responsable de son destin, et que les Etats africains, et eux seuls, ont vocation à assurer l’intérêt général de leurs populations. Alors, le Noir comprendra-t-il qu’il doit arrêter de perdre son temps en jérémiades contre les autres…
Vous pouvez-vous procurer ce livre en ligne sur le site de la FNAC ou sur AMAZON.
Vous pouvez également aller sur la chaîne YouTube Mature Afrik dont voici la vidéo d’accueil :
Kakou Ernest Tigori, Septembre 2023
Auteur de : Pour la Côte d’Ivoire, Pauvre AFrique, tu te relèveras, Le Souverain noir, L’Afrique à désintoxiquer, Haine du Blanc et Monde Noir
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J’ai vécu de 1978 à 1991, soit 13 ans, au Cameroun. J’y ai connu une femme qui se souvenait que dans sa famille, dans son enfance, il y avait des esclaves et elle osait en parler. Après plusieurs questions, j’ai compris que cela avait été vrai jusque dans les années cinquante, en tout cas dans sa famille. Durant mon long séjour au Cameroun, je me suis entendu dire « sale Française retourne chez toi » sous différentes formulations à plusieurs reprises, mais, finalement, pas si souvent que ça en treize ans. Néanmoins, j’avais déjà le sentiment qu’il ne faudrait pas grand’chose pour que les blancs deviennent des cibles.
Au début de mon long séjour Ahidjo était au pouvoir mais pas pour longtemps. Son premier ministre Paul Biya lui a rapidement succédé. Il est toujours en place.
Merci pour votre témoignage. Il en faudrait beaucoup d’autres. Je viens d’écouter RFI ce matin qui donnait la parole à un historien africain qui réécrivait l’histoire de l’Afrique à sa façon, tout en disant que c’était la bonne… Les Africains que je rencontre sont tout à fait ignorants de l’histoire réelle de l’Afrique, et disent que c’est nous qui le sommes. Je crains que les programmes scolaires ne soient une source de sous-développement, en renvoyant tout ce qui va mal à la colonisation
Il faut diffuser diffuser diffuser et enfin dire la vérité même si elle ne plait pas à nos intellectuels ignorants
Merci Marc !
Mais comment améliorer cette diffusion ? une première façon serait que mes lecteurs en parlent autour d’eux, une autre serait de rejoindre une institution, mais laquelle ?
OUI, ce livre est à lire par toutes les personnes un peu instruites! L’Occident pleure sa « culpabilité », ne bouge pas et tombe dans la décadence…. Heureusement des voix se font entendre dans le sens de la vérité, de la dignité et du progrès pour l’Afrique (et l’Occiident!). J’en suis ravie – MERCI à Ernest Tigori – et j’espère que mon pays, le Congo, bougera, que toute l’Afrique montrera de quoi elle est capable. Tigori démontre que l’Afrique a les moyens et j’insiste: MERCI à Ernest Tigori! Bonne lecture à ceux qui veulent se renseigner!
M. Trigori a bien repéré ce mouvement touchant une partie de l’élite intellectuelle et universitaire blanche et française s’accusant de tous les maux touchant les africains noirs et s’engageant dans des actes attentatoires au Droit et aux libertés sous couvert d’autoflagellation et de repentance. Les exemples sont nombreux : interdiction par les autorités de la Sorbonne de la représentation d’une pièce de théâtre, sous prétexte que les acteurs avaient un masque noir, mesures vexatoires visant Gilles Kepel, à l’école normale supérieure, etc. etc. Des exemples historiques nous empêchent de nous étonner de ce phénomène. Michel Houellebecq avait écrit un livre prémonitoire : Soumission ». Mais l’Allemagne nazie a eu dans le monde universitaire (et artistique) ses plus fidèles suppôts. Dans la France de Vichy, les universitaires comme Sartre, qui n’avait rien tiré de son voyage en Allemagne de 1933, montaient dans la hiérarchie par l’éviction des titulaires juifs.
« Pour en finir avec la repentance coloniale » de Daniel Lefeuvre, paru en 2008, nous retrace tout cela. Ce travail d’historien est à lire de toute urgence.
Personnellement je vois l’histoire de nos repentants de la manière suivant : en 1947, Jdanov proclame la nouvelle doctrine du Kominform. Dans ce début de guerre froide, les communistes s’aperçoivent que la révolution, contrairement à ce qu’annoncé Karl Marx, ne se produirait pas par le fait des ouvriers des pays capitalistes. La clientèle trouvée pour ce grand chambardement, c’était les pays du tiers-monde. Remplacer les prolétaires créateurs de richesses par les sous-développés n’ayant que pauvreté et ignorance, était un tour de passe-passe, curieux, mais profitable. Les prolétaires du XIXe siècle étaient des victimes, les coupable, les capitalistes. Les nouvelles victimes, les habitants des pays pauvres, avaient leurs bourreaux : nous, les Blancs des pays riches. Évidemment, dans ce beau raisonnement, on oublie que des pays considérés comme pauvres, pays d’Afrique, du Nord et du Moyen-Orient furent des exploiteurs au moins aussi cruels. Pourquoi Monsieur Trigori ne parle-t-il pas de l’esclavage musulman transsaharien ?
Je suis en gros d’accord avec tout cela, que vous trouverez d’ailleurs dans les deux livres d’Ernest Tigori et plusieurs de mes articles. Un détail : cette attitude de l’URSS date de Lénine, bien avant Jdanov. D’ailleurs une partie de l’élite occidentale et africaine dont parle Ernest Tigori a été formée par les Soviétiques des années 1920, par exemple Ho Chi Minh et un futur dirigeant communiste chinois étaient en France dans les réunions communistes de 1924
Pierre,
Je suis Kakou Ernest Tigori.
Non seulement je parle de ce que vous appelez « esclavage musulman transsaharien » dans mon dernier livre, mais j’en parle depuis près de 20 ans, dans mes livres précédents.
Pour moi, le Noir, aujourd’hui, n’a pas à reprocher aux seuls Blancs et Arabes les traites négrières des siècles passés, étant donné que les potentats locaux noirs étaient des principaux acteurs de ces commerces… comme Kankan Moussa, le roi du Mali qui, au XIVe siècle, vendit lors de son pèlerinage à la Mecque près de huit mille esclaves.
Pour moi, au lieu de perdre du temps à des accusations anachroniques, il vaut mieux s’atteler à l’éradication d’un phénomène qui existe encore aujourd’hui dans maints sociétés noires…
Ceci étant, on peut parler d’autres choses que des traites négrières des siècles passés!
Merci pour cette précision, qui concerne Pierre
« maintes sociétés », vous avez corrigé !
Mia Vossen dit:
Tidiane N’Diaye parle très bien de cet esclavage musulman dans Le génocide voilé
Merci pour cette info très intéressante.
Kakou Ernest Tigori est une personne remarquable qui, d’ailleurs, exprime ce que beaucoup d’Africains (ou de personnes Noires) pensent.
Un exemple de la sottise, dramatique et dangereuse de surcroît, du « racialisme » en cours chez certains, en France (entre autres pays) : le livre du footballeur Lilian Thuram qui, une fois dans sa retraite dorée, a été encouragé par l’inévitable historien militant (très peu scientifique) Pascal Blanchard, à écrire ce livre intitulé » le Cerveau Blanc » !
On n’est pas loin du racisme (imaginons les réactions en France, si un livre avait été titré « le Cerveau Noir »…).
L’association Biologie et Cultures m’a toujours fait penser au racisme.
Avec ce dit « racialisme » en cours, j’attends le commissaire politique (Thuram ? Blanchard ? Un autre ?) qui me dira dans quel camp de concentration mon cerveau me dirigera, moi qui suis naît en Afrique, ai grandi en Afrique, éduqué dans une famille vietnamienne, puis passé mon adolescence en monde germanique.
La dite « sociobiologie « avait été classée réactionnaire par les gens dits « de Gauche » à une certaine époque: elle revient auréolée de toutes les vertus ou belles étiquettes (« progressistes », « humanistes, etc) par les mêmes, mais de la génération suivante: l’histoire éternelle de toutes les belles affiches politiques qui cachent des réalités plus sombres (les Nazis étaient formellement « socialistes », et l’URSS était formellement « soviétique », et la Chine actuelle est formellement « Populaire »). Un livre témoignage éclairant sur cette « schizophrénie » sociale permanente et terrifiante: « au pays du mensonge déconcertant » de Ante Ciliga.
Merci pour ce témoignage
– « On a le diamant à ciel ouvert, on a l’or à ciel ouvert, la bauxite à ciel ouvert, l’uranium à ciel ouvert. Mais les cerveaux se sont enfuis à tombeau ouvert. Tout évolue, seuls les imbéciles, ne changent pas. Tout change, tout évolue, seuls les imbéciles ne changent pas. On a le fer a gogo, le pétrole à gogo, le cobalt à gogo, le nickel a gogo. J’insiste, je persiste, et je signe, les ennemis de l’Afrique ce sont les Africains » (Les imbéciles – Alpha Blondy )
– « Ils ont partagé le monde, plus rien ne m’étonne, plus rien ne m’étonne. Ils ont partagé Africa, sans nous consulter, ils s’étonnent que nous soyons désunis. Une partie de l’empire Mandingue se trouva chez les Wolofs, une partie de l’empire Mossi se trouva dans le Ghana, une partie de l’empire Soussou se trouva dans l’empire Mandingue, une partie de l’empire Mandingue se trouva chez les Mossi » (Plus rien ne m’étonne -Tiken Jah Fakoly)
Laquelle des deux préférez-vous ? Pour moi les deux amènent à réfléchir.
Kakou Ernest Tigori publiait en 2019 « L’Afrique à désintoxiquer : sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme ». Son dernier livre vient donc en rajouter une couche. La question serait déjà de savoir les causes de cette intoxication. Plus exactement les responsables, les coupables. Puisque de toute façon pour tout et n’importe quoi il n’y a que ça qui nous intéresse. Pour les uns ce sont les Africains eux-mêmes, qui sont alors accusés, entre autre, d’infantilisme, de rentrer dans l’Histoire à reculons etc. etc. Ce qui, je trouve, n’est pas très gentil pour eux. D’un autre côté les responsables ce sont ceux qui se sont partagé le monde, sans les consulter. Et ça non plus ça ne l’est pas. Quoi qu’il en soit, on devine vite que ce genre de question nous amène à la Question Première : Qui de la poule et de l’œuf ? Ou si vous préférez, à des « débats » qui se résument à « Non c’est pas moi c’est toi ! » , et qui permettent seulement d’avoir une idée du degré d’infantilisme des uns et des autres.
Mieux vaut donc, à mon sens, nous intéresser à cette haine. Qu’elle soit du Blanc, du Noir, du Jaune, du Rouge, du Vert ou de n’importe quoi, la haine reste la pire des formes de bêtise qui soient. La haine doit être combattue. Pour cela il vaut mieux commencer par éviter d’en voir partout, de la confondre avec autre chose, l’exaspération par exemple. S’il est urgent d’amener le monde noir à comprendre qu’il est le principal responsable de son destin (sic), il l’est tout autant d’amener ceux qui se sont partagé le monde… et tous ceux qui finalement s’y complaisent, dans ce monde… à changer de paradigme.
Il y a du vrai, mais il faut noter que le partage du monde date de 150 ans (et, d’après Kakou Tigori a été plutôt positif.) alors que les bêtises ont lieu aujourd’hui.
Je rajoute néanmoins que je partage a eu lieu il y a 150 ans (et, d’après Kakou, Trigori, a eu des aspects positifs), alors que les bêtises ont lieu aujourd’hui
150 ans… si on parle de cette conférence de Berlin (1884-1885), de cette compétition territoriale entre les puissances européennes en Afrique, dans ce cadre général des colonisations de la fin du 19ème. Et qu’on appelle «partage de l’Afrique». Maintenant si on parle de néocolonialisme, d’expansionnisme, de Françafrique… là c’est différent. Et à moins de croire que ce ne sont là que des affabulations (de gauchistes bien entendu), là aussi on peut dire que les bêtises ont lieu aujourd’hui. Quant aux aspects positifs, là encore certains pourraient même dire que le bilan est globalement positif. Finalement ce n’est peut-être qu’une question de points de vue. Quoi qu’il en soit, s’il ne s’agit que d’en dire, des bêtises, alors ce n’est pas très grave.
Je ne comprends pas bien. J’ai un peu vécu ce qu’on appelle la FranceAfrique ou la période néo coloniale. C’était un prolongement atténué de la colonisation, y compris ses côtés positifs (inaudibles aujourd’hui), avec par exemple la coopération scolaire et universitaire. C’est d’ailleurs la meilleure période de certains pays sur le plan économique et de l’ordre public
Certains disent même qu’elle est morte, qu’elle fait partie de l’histoire ancienne… la Françafrique. Et en même temps d’autres disent le contraire. Disent même qu’elle se porte bien. Bref, l’affaire est loin d’être réglée. Comme je disais précédemment, ça dépend déjà de quoi on parle. En attendant, moi je crois qu’elle bouge encore.
– « L’Empire qui ne veut pas mourir » : la Françafrique, ce qui change et ce qui reste (La Croix- 08/10/2021)
– Catherine Colonna : « La “Françafrique” est morte depuis longtemps » (Le MONDE 03 septembre 2023)
– « Pour sortir du malentendu sur “la mort de la Françafrique”, il faut abandonner une diplomatie directive » (Aurélien Llorca – Tribune au MONDE 19 septembre 2023)
L’obsession du pouvoir et de la domination chez les intellectuels occidentaux (avec la caricature Bourdieu) a fait de la colonisation (réalité historique évidemment) un point focal ultime négatif de toute réflexion sur les injustices ou les inégalités du monde actuel. Cette obsession avait colonisé les élites des pays du dit « Tiers-Monde », d’abord sous la forme d’un marxisme simpliste éloigné du Manifeste (entre autres) de Marx lui-même, puis sous la forme d’une sociologie d’une oppression immanente attribuée quasi biologiquement à l’Homme Blanc (et à son capitalisme intrinsèque, presque). On en est encore là, en 2023, au point que le concept (un tantinet complotiste) de « Décolonisation » (des esprits, même !) colonise encore l’imagination de nouveaux étudiants qui cherche partout le Mont « pouvoir » ou le Mont « domination » pour dévaler la pente expliquant tout ce qui se passe autour d’eux : réchauffement climatique, crise démographique, Covid19, etc.
Le mot « Françafrique », totalement négatif aujourd’hui (il était plutôt positif chez Senghor) incarne cette obsession. Il suppose un monde international (entre la France et l’Afrique, par ex) dénué de tout rapport de pouvoir, de domination, voire d’inégalités conjoncturelles. Mais où ce monde a t-il déjà existé ?
La colonisation occidentale (par ex française) est un petit moment dans l’histoire des relations internationales, insignifiant presque au regard de toutes les colonisations de nations, de peuples, de tribus ou d’ethnies qui se sont produites sur terre depuis des millénaires, y compris dans les régions colonisées par l’Occident. Constater et contextualiser cette séquence historique, ne veut absolument pas dire qu’il serait souhaitable qu’elle se reproduise, ça va de soi (au passage: le petit pays qu’est la France actuelle ferait bien pitié à vouloir coloniser à nouveau !). Ce constat aide surtout à comprendre que la focalisation sur la colonisation « Blanche » autorise certains esprits (et dirigeants) à faire oublier les colonisations autres (Noires ou Jaunes), et les politiques antisociales et fascistes actuelles de certains oligarques ou dictateurs. Monsieur Tigori le rappelle bien, dans son commentaire (plus haut) : les grands Royaumes d’Afrique ont colonisé et asservi leurs populations bien avant l’arrivée des Occidentaux. En Amérique, les grands Empires précolombiens ont colonisé et génocidé pas mal de monde pour s’étendre et se consolider avant l’arrivée des Espagnols. Et en Asie, la Chine a colonisé et massacré beaucoup d’Asiatiques, pendant des siècles, avant de revendiquer le territoire qu’elle possède aujourd’hui (et elle continue, d’ailleurs, à le faire). Le Vietnam serait mal placé de faire une leçon « postcoloniale » à la France, lui qui a colonisé pendant des siècles : dans ce pays, d’ailleurs, la référence à la « méchante » colonisation française ne marche pas (contrairement à l’Afrique). D’abord parce qu’il a vaincu le colonisateur : malgré des pertes humaines gigantesques pendant sa guerre anti colonialiste (rien à voir avec les pertes africaines) ce pays se positionne en égal de l’ancien colonisateur. Le ressentiment et l’aigreur n’existe pas au Vietnam à l’égard de la France: c’est le contraire même. Ensuite, parce que ce pays ne rejette pas tout ce que la France à fait dans sa colonie asiatique (reconnaître les aspects « positifs » de la colonisation n’a rien à voir avec une approbation de cette dernière : tous les révolutionnaires nationalistes vietnamiens ont utilisé la culture et les droits fournis par la France pour mener leurs luttes anti colonialistes. Ho Chi Minh le disait clairement. Mais aussi Phan Bội Châu, Phan Châu Trinh, et bien d ‘autres). Enfin, parce que les Vietnamiens ont entrepris de développer leur pays eux-mêmes, sans haine du Blanc, avec sa coopération si possible (accords de libre échange en cours), par exemple pour pouvoir vendre leurs voitures électriques (VinFast) sur Lyon. La Haine du Blanc ou de la Françafrique est une posture réactionnaire qui nuit aux populations qu’elle prétend aimer ou sauver. Un exemple supplémentaire du mensonge des idéologues (encore une fois, relire « au pays du mensonge déconcertant » de Ante Ciliga).
Je suis en gros d’accord, même si certains détails sont discutables. En particulier merci pour le rappel des autres colonisations dont il n’est pas à la mode de parler