Données géopolitiques du français en Afrique

Biennale de la langue française 2022

J’ai participé à la Biennale de la langue française qui s’est tenue du 23 au 26 mai 2022 à Berlin, et qui avait deux axes, le français en Allemagne et le français en Afrique.

BIENNALE DE LA LANGUE FRANCAISE

Sur le français en Allemagne, les intervenants ont regretté une baisse du nombre d’élèves ou étudiants apprenant le français. Cela est dû :

  • d’une part, comme ailleurs, à une polarisation vers l’anglais,
  • d’autre part, à la formation des professeurs allemands de français qui est axée sur la littérature française classique et ignore la francophonie, alors qu’une partie des étudiants sont intéressés par d’autres sujets comme la géopolitique ou le français professionnel pratiqué en entreprise pour travailler en France ou avec la France en Afrique.

Sur le français en Afrique, voici mon intervention.

 

Données géopolitiques du français en Afrique

Me fondant sur mon passé de chef d’entreprise ayant travaillé dans une douzaine de pays, je vais prendre comme critère de francophonie pour les pays africains la possibilité pour tout francophone, natif ou non, de travailler en français que ce soit en tant qu’entrepreneur, cadre supérieur, enseignant, militaire… Donc peu importe qu’une partie, même importante, de la population ne parle pas français, ce qui compte c’est que l’activité de cet acteur puisse se réaliser en français. 

Et d’un point de vue économique, ce qui compte pour l’implantation ou le commerce, c’est le PIB.  En effet, il donne une indication rapide mais efficace de l’intérêt d’une implantation commerciale (capacité de consommation), ou des moyens matériels existants sur place dans le cas d’une implantation industrielle ou militaire (capacité de transport, de réparation, fournitures ou services basiques etc.)

Je laisse de côté les pays lusophones dont les principaux sont l’Angola et le Mozambique, bien qu’une partie notable de leurs cadres ait une bonne connaissance du français.

Le cadre géographique

A partir de cette définition, les pays concernés sont, du nord au sud, et de l’ouest à l’est : le Maghreb, le Sahel et de « sub-Sahel », de Nouakchott à N’Djaména, les pays côtiers, les anciennes colonies belges, dont provisoirement le Rwanda, et les îles du sud-ouest de l’océan Indien.

L’histoire à grands pas

A mon avis, la situation culturelle de ces pays, et notamment la formation de leurs citoyens est passée par quatre périodes très différentes :

1) L’époque pré-coloniale, de tradition orale complétée par les écoles coraniques en Afrique du Nord et dans une partie du Sahel, étant précisé que ces écoles axées, comme leur nom l’indique, sur le Coran, sont arabophones alors que l’arabe coranique, comme l’arabe standard n’est la langue maternelle de presque personne dans toute la région. En remontant de nombreux siècles en arrière, on pourrait soutenir qu’il s’agit d’une langue coloniale, mais ça n’a pas grand sens aujourd’hui,

2) L’époque coloniale, et le début du choc culturel avec la christianisation, très variable selon les pays, et l’apparition de l’enseignement à l’occidentale, public ou chrétien, 

3) L’époque néocoloniale, avec l’apparition des Etats actuels et une indépendance ne changeant pas profondément la vie économique, a vu l’adoption officielle de l’enseignement occidental en français avec comme objectif de le généraliser, 

4) L’époque actuelle, qui commence souvent par de graves désordres « anti–néo coloniaux » faisant rechuter le niveau de vie, voit apparaître la massification de l’enseignement, « l’explosion » démographique et la réaction islamiste qui bouleverse l’enseignement dans de nombreux pays, et entraîne un nouveau choc culturel venant de l’extérieur.

Je suis bien conscient que le fait de considérer que la période néo-coloniale est souvent la meilleure de l’histoire de nombreux Etats ne va pas dans le sens du politiquement correct actuel. 

Mais je suis allé dans plusieurs des pays cités, soit à cette période, soit à la période suivante et, dans ce dernier cas, j’ai rencontré les témoins qui m’ont fait part des reculs, voir des effondrements qui ont alors eu lieu. 

Je peux citer par exemple ce qui s’est déroulé lors de la prise de pouvoir de Didier Ratsiraka à Madagascar ou les désordres électoraux auxquels a participé Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Il y a aussi la Guinée où Sekou Touré a plongé le pays dans la récession et le désordre dès l’indépendance.

L’interculturel et le découpage tribus, États, nations…

Les Etats actuels apparaissent donc au moment des indépendances, mais les communautés claniques et tribales, qui ont leurs propres cultures, restent prégnantes, tandis que les Etats s’installent sans représenter une nation, contrairement à la France ou au Japon. Le Maroc et la Tunisie font partiellement exception. 

Ce sont par les compétitions sportives internationales, notamment de football, que la question nationale apparaît ou s’affirme actuellement.

Par ailleurs les clivages anglais/français/arabe complexifient encore la situation culturelle.

Les données « continentales » de l’Afrique francophone

Pour situer les principaux groupes d’États francophones, je vais citer leur population et leur PIB en « PPA » (parité de pouvoir d’achat). Malheureusement ces évaluations surestiment le niveau de vie de certains pays, car ils comprennent des « rentes » notamment pétrolières qui ne bénéficient qu’en partie à la population. Les évaluations qui suivent seront en milliards de dollars américains pour l’année 2000. 

La population de l’ensemble des pays concernés est aujourd’hui de 368 millions, et devrait passer à 813 millions en 2050. Mais cela avec seulement 1706 milliards de dollars de PIB, soit 1,5% du PIB mondial, rentes comprises. 

Par « rentes » j’entends la répercussion dans les statistiques économiques de l’extraction du pétrole ou autres minéraux qui ne bénéficie qu’à une part très restreinte de la population. Ces chiffres reprennent l’évaluation à la mi-2021 de la revue Population et Avenir, après analyse de ceux de l’ONU.

Cela donne donc un potentiel théorique de plus de 800 millions de personnes en 2050 pour la francophonie, potentiel qui ne sera probablement pas atteint à cette date, pour les raisons que nous allons voir.

Le résultat linguistique et culturel d’un point de vue géopolitique

Passons maintenant à la description des différents groupes de pays en évoquant les brassages linguistiques et culturels d’aujourd’hui : langues locales, « nationales » ou non, français, anglais ou arabe.

Le Maghreb

Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie totalisent 93 millions d’habitants, chiffre qui passerait à 117 en 2050, pour un PIB de 900 milliards de dollars aujourd’hui.

Aux langues maternelles, la darija, nom local de l’arabe dialectal, et aux langues berbères/amazigh se sont superposés l’arabe standard et le français avec maintenant l’apparition de l’anglais, chacun ayant son domaine. 

La darija : enfant du triangle français – arabe – tamazigh (berbère)

Juridique et pratique se contredisent : l’arabe standard est officiel et il est notamment la langue de l’enseignement public, bien que n’étant qu’exceptionnellement la langue maternelle. La darija gagne du terrain. Je l’ai du moins constaté au Maroc, dans les manifestations publiques et notamment les chansons, ainsi que dans la presse populaire. 

Le chamboulement des notions de langue officielle, majoritaire ou minoritaire au Maghreb

Les langues berbères se sont également vues récemment baptisées « langue officielle » sans que cela corresponde à une réalité concrète. Remarquez qu’il est curieux de ne pas y préciser de quelle langue il s’agit, alors qu’elles sont nombreuses et parfois très différentes les unes des autres. 

Par ailleurs, du fait de l’opposition entre partisans de l’alphabet latin et partisans de l’alphabet arabe, on a choisi un troisième alphabet, le tifinagh, qui, il y a encore peu de temps, ne servait qu’à de brèves indications topographiques informelles dans la partie du Sahara de langue tamashek, la langue berbère locale. Cet alphabet était donc ignoré par la totalité des berbérophones d’Afrique du Nord. 

C’est une mesure que je trouve artificielle et qui va compliquer encore l’enseignement des langues berbères, peut-être volontairement pour certains partisans de la primauté de l’arabe.

Dans le haut de la pyramide sociale, le français est la langue familiale d’une partie de la population et c’est la langue de travail dans de nombreuses activités, notamment techniques, tandis que l’arabe standard est pratiqué par des officiels et par le milieu juridico-religieux, ces deux domaines n’étant pas séparés en Islam.

Quant à l’anglais, il progresse dans le domaine économique au Maroc avec l’arrivée d’entreprises de pays anglophones. Et il fait l’objet d’une offensive médiatique en Algérie, où l’on va jusqu’à angliciser le nom des bâtiments et l’intitulé des cours universitaires, sans que cela change le fait qu’ils soient donnés en français.

On voit que nous avons toute la gamme de la pluriculturalité et de l’interculturalité, et que tout cela est très politique, voire géopolitique. 

Pour la question géopolitique, on peut penser aux rapports entre la France et l’Algérie ou aux accusations du Maroc par l’Algérie de soutenir un séparatisme kabyle. 

Le Sahel, qui n’existe pas juridiquement, mais …

Rappelons que « Sahel » est un mot arabe signifiant « rivage », en l’occurrence le rivage sud du Sahara. C’est une zone semi-aride victime de sécheresse croissante, mais ce n’est pas une entité politique, n’étant que la partie nord ou centrale des pays suivants : d’ouest en est, la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad dans la zone francophone.

Il n’y a donc pas de chiffres permettant de mesurer la population et le PIB du Sahel, d’autant qu’il est souvent peuplé de groupes culturels différents, parmi lesquels on peut citer des tribus arabes, berbères ou peuhles. Ces groupes sont historiquement opposés à ceux des capitales. Pour cette raison, ou par simple incurie, le Sahel est sous-administré.

Et surtout le Sahel est en guerre, et une guerre ayant une large composante culturelle. Il s’agit d’y mettre en place des Etats islamistes, d’interdire l’école aux filles, de limiter la scolarité de la majorité des garçons à l’école coranique. En pratique, il s’agit de l’apprentissage par cœur du Coran, dans une langue, l’arabe archaïque, qui, non seulement n’est pas parlé mais qui, de plus, diffère fondamentalement aussi bien des langues locales que du français. On imagine donc la catastrophe à moyen terme pour l’avenir professionnel des élèves et à long terme pour le développement de ces pays

 Les djihadistes du nord du Nigéria, qui débordent maintenant largement sur le Niger, le Tchad et le Cameroun utilisent d’ailleurs le nom « Boko Haram » qui signifie « la scolarisation occidentale est impie ». Bref l’islam djihadiste impose par la force l’usage de l’arabe, oubliant  que c’est ce qu’il reproche au français et à l’anglais.

Du point de vue de la francophonie, toute avancée de ces groupes djihadistes est donc un recul. Une partie de la population les fuit et va dans les villes plus au sud pour l’instant épargnées. Théoriquement ils bénéficieront d’une scolarité en français, mais il n’est pas du tout certain que les systèmes scolaires, déjà en difficulté, puissent les intégrer facilement.

À tout cela se greffe un imbroglio géopolitique entre pays voisins, sahéliens ou côtiers, la France, l’Algérie et indirectement certains pays arabes pétroliers. 

Pour ne pas déborder de la géopolitique de la langue qui est notre sujet, notons simplement que cela n’a pas entraîné pour l’instant de réaction quant à la langue officielle, malgré une intense activité sur les réseaux sociaux qui réclament en français (!) le passage à une autre langue.

Il n’y a de chiffres que pour l’ensemble Sahel et « sub-Sahel », à savoir la partie plus densément peuplée , où se trouvent les capitales des pays concernés, dont Bamako au Mali, Niamey au Niger et N’Djaména au Tchad

Cet ensemble totalise une population 90 millions d’habitants, qui seront environ 165 en 2050, pour un PIB très faible de 162 milliards de dollars.

Les pays côtiers, et l’enracinement du français langue maternelle

Les pays francophones qui sont sur la côte occidentale de l’Afrique sont, d’ouest en est, le Sénégal, la « Guinée–Conakry », la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, le Cameroun et le Gabon. La présence occidentale (portugaise, anglaise, hollandaise… puis française) est ancienne sur la côte et a entraîné une christianisation puis une scolarisation en français qui a maintenant touché souvent plus de trois générations dans la bourgeoisie et dans une partie des couches populaires.

Or trois générations scolarisées dans une langue qui est également d’usage à l’extérieur (ce qui n’est pas le cas au Maghreb ou au Sahel) transforme la langue de l’école en langue maternelle. C’est un phénomène que l’on remarque dans le monde entier, qui joue ici en faveur du français, comme il a joué en France, mais qui l’efface dans d’autres parties du monde et notamment de l’Amérique du Nord hors Québec.

J’insiste donc sur ce phénomène mal connu en Occident qu’est la transformation du français en langue maternelle africaine pour des dizaines de millions de locuteurs, chiffre qui s’accroît très rapidement, non seulement du fait de la démographie, moins galopante qu’ailleurs dans les populations concernées, mais surtout au fur et à mesure de l’ancienneté de la scolarisation et de la disparition des membres non francophones de la famille. 

Ce chiffre dépend bien sûr aussi de l’environnement extérieur : la situation n’est pas la même à Dakar où le wolof règne dans la rue, qu’à Abidjan, Douala ou Libreville où la variété des langues locales impose le français comme langue commune. C’est donc dans ses dernières villes que le français est la langue maternelle, y compris dans des quartiers populaires. Voir notamment la célèbre bande dessinée ivoirienne construite autour du personnage de « Aya de Youpougon ».

Ce phénomène d’adoption du français comme langue maternelle existe aussi dans les grandes villes de l’intérieur de ces pays ou du « sub – Sahel » en y étant limité à certains milieux sociaux… mais dirigeants. D’où certaines proclamations « révolutionnaires » du genre « à bas l’élite francophone ».

Notons à cette occasion que le français « se créolise » ou « s’argotise » en variantes locales intégrant du vocabulaire non francophone. C’est le cas notamment du nouchi en Côte d’Ivoire ou du camfranglais au Cameroun. Les discussions sont vives entre enseignants qui veulent revenir à un français standard et les linguistes intéressés par l’analyse, voire par l’officialisation éventuelle de ces « nouvelles langues ». Mon avis personnel est d’éviter une fragmentation supplémentaire des sociétés concernées.

Ces pays côtiers rassemblent 95 millions de personnes, vers 187 en 2050, pour un PIB de 380 milliards de dollars.

Poids du géant démographique économique et culturel nigérian

Les pays voisins du Nigéria, à savoir le Niger, le Bénin, le Tchad et le Cameroun se sentent parfois écrasés par le poids démographique, économique et maintenant djihadiste du Nigéria.

Population 211 millions, vers 400 en 2050, pour un PIB de 1 000 milliards de dollars.

Pour l’instant, les contacts linguistiques de base, notamment pour le commerce de proximité, se font par les langues parlées des deux côtés de la frontière à savoir le yoruba au sud vers le Bénin et le haoussa au nord vers le Niger. Il s’agit de « grandes langues » parlées par un grand nombre de dizaines de millions de personnes contrairement aux « petites langues » dont plusieurs centaines en Côte d’Ivoire ou au Cameroun

Mais dès que l’on monte dans la hiérarchie sociale, ce face-à-face entre le Nigéria et ses voisins devient celui de l’anglais face au français. Il y a un effort très réel du gouvernement nigérian pour l’apprentissage du français, mais le déséquilibre démographique joue en sens inverse.

L’Afrique centrale et l’importance de la francophonie « belge »

Le Congo et la République Centrafricaine

Je vais passer rapidement sur ces deux pays du fait de leur poids démographique et économique secondaire.
Je tiens toutefois à signaler le fractionnement de la République Centrafricaine entre groupes politiques linguistiques et religieux opposés, et son exploitation par le groupe de mercenaires russes Wagner, qui m’évoque les pires aspects de la colonisation. Mon avis personnel est que les élites locales n’ont pas encore réalisé cette contradiction et évoquent « le libre choix d’un partenaire, en l’occurrence celui de nos amis russes »… ce qui me laisse perplexe en tant qu’historien !

Population 10 millions, vers 20 en 2050, pour un PIB de 23 milliards de dollars.

Les ex-colonies belges

Elles sont peu connues en France, mais le sont beaucoup plus en Belgique, du fait des liens économiques et humains restés très importants, et malgré des souvenirs de l’époque coloniale beaucoup plus rudes que ceux de la colonisation française. Sur le plan linguistique, je note néanmoins que les Belges ont eu la sagesse de ne pas y introduire la rivalité française entre français et flamand !

Population 128 millions, vers 261 en 2050, pour un PIB de 140 milliards de dollars 

Il s’agit de trois pays extrêmement différents : 

  • la très vaste « République Démocratique du Congo », en désordre quasi permanent depuis son indépendance. Cela provient notamment du fait du pillage de ses ressources naturelles par les armées les plus variées (il en a momentanément eu 13 !), armées privées ou soutenues par les pays voisins. Le français s’y diffuse avec 51 % de lettrés en français, soutenu par la division en centaines de langues locales, dont quatre ont été décrétées « langues nationales ».
  • Le Rwanda, petit par comparaison, mais très densément peuplé, qui, après le massacre d’une grande partie des Tutsis par les Hutus majoritaires, est maintenant dirigé d’une main de fer, avec un certain succès en matière de développement par Paul Kagamé. Ce dernier, élevé en pays anglophone a supprimé le français de l’enseignement en 2008, ce qui fait que l’on s’adresse en français au Rwandais adultes, alors que les enfants ignorent cette langue. Néanmoins la politique d’apaisement d’Emmanuel Macron, conjuguée à des initiatives locales, maintient un certain enseignement du français. Le problème est néanmoins différent de celui de la RDC puisqu’il n’y a une seule langue locale dans l’ensemble du pays, ce qui limite le rôle du français comme de l’anglais.
  • Le Burundi a beaucoup de points communs avec le Rwanda mais il est resté officiellement plurilingue, tandis que l’état de l’ordre public et du développement rappelle plus le chaos en RDC que la discipline musclée du Rwanda. 

Description rapide des iles de l’océan Indien

C’est un ensemble extrêmement hétérogène rassemblant deux éléments prospères (pour l’Afrique) que sont l’île Maurice et La Réunion, l’île immense et extrêmement pauvre de Madagascar, la république des Comores encore très sous-développée, le département français de Mayotte en voie d’équipement matériel et scolaire rapide et le « paradis touristique » des Seychelles, immense mais très peu peuplé. 

Je vous renvoie pour une description plus complète à mon article sur ce « lac francophone dans l’océan Indien », qui lui-même renvoie à une de mes études décrivant en détail la situation linguistique de chaque île.

Population 31 millions, vers 63 millions en 2050, pour un PIB de 100 milliards de dollars

Le système scolaire et les langues locales

Comme l’ont exposé plusieurs de nos collègues pendant cette biennale, les langues à utiliser dans le système scolaire font l’objet de controverses depuis les indépendances, et même avant. 

Notons qu’aucun des Etats mentionnés ne laisse de place à une langue locale (sauf quelques exceptions très ponctuelles), même pas le Maghreb, puisque l’arabe standard officiel n’est pas maternel. 

Je rajoute que l’arabisation des systèmes scolaires de ces pays a été une catastrophe dont tout le monde convient y compris les partisans de l’arabisation. Mais le problème s’est compliqué avec le poids maintenant important des islamistes.

S’il paraît évident à tous les praticiens qu’au moins les premières années du primaire devraient laisser une place aux langues locales, comme c’est confirmé par de nombreuses expériences, la généralisation de cette pratique pose des problèmes jusqu’à présent insolubles et que j’ai exposés à la Biennale de la langue française qui s’est tenue à Chicago en 2019

Francophonie et francophilie

Yves Montenay Biennale de la langue francaise 2022
Yves Montenay Biennale de la langue francaise 2022

Cet exposé a pour objet la francophonie et non les rapports avec la France. C’est l’occasion de rappeler que la francophonie n’implique en rien la francophilie, surtout actuellement avec le déluge de propagande antifrançaise de réseaux sociaux. 

Cette propagande a toujours existé et avait comme origine une certaine vision de l’histoire, d’ailleurs souvent issue d’enseignants français, et surtout de la croyance commode que leurs difficultés de développement sont « de la faute des autres ». 

Mais cette propagande redouble actuellement du fait de la multiplication probablement « professionnelle » des partisans de la Russie, et accessoirement de la Chine et de la Turquie.

À mon avis, cette évolution s’explique également par le choc démographique et l’arrivée de générations ignorantes du passé et des liens avec la France, notamment familiaux et intellectuels. Mais ce n’est pas notre sujet ici et je m’en tiendrai à ces brèves réflexions. 

Je signale, que contrairement à une réputation tenace venant cette fois de pays anglophones, l’Afrique subsaharienne francophone se développe mieux que d’autres parties de l’Afrique, comme le démontrent les articles du CERMF, qui sont bien diffusés en Afrique.

Et comme nous sommes en Allemagne, je profite de l’occasion pour signaler que, dans les milieux économiques, le pays ayant la meilleure image en Afrique francophone est l’Allemagne, légèrement devant la Chine, qui bénéficie d’atouts que les Occidentaux n’ont pas, notamment en matière de tolérance à la corruption,  qui est maintenant punie dans les pays occidentaux mais qui perdure ailleurs… 

En conclusion, la francophonie est en train de devenir un phénomène de masse en Afrique, malgré des revers dans certains pays.

Et c’est aussi l’occasion de l’apparition d’une nouvelle culture, comme en témoignent les succès des auteurs africains francophones, parmi lesquels Mohamed Mbougar Sarr, sénégalais et lauréat du Prix Goncourt 2021 pour La Plus Secrète Mémoire des hommes.

Yves Montenay

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