On reparle d’un éventuel rattachement de la partie francophone de la Belgique à la France. Ce débat est un serpent de mer qui réapparaît périodiquement (*) parce qu’il a une certaine logique, mais les conditions de ce rattachement sont-elles vraiment réunies ?
La Belgique est profondément divisée, linguistiquement et politiquement et chaque Belge à sa vision passionnée du problème.
Je vais commencer par interroger l’histoire.
La Belgique, française de 1792 à 1814
Vers 1950, jeune collégien, je suis intrigué par la formule « Anvers est un pistolet braqué au cœur de l’Angleterre ». Je tends l’oreille et pose des questions. Voici que je retiens.
La Belgique a été française durant 20 ans sous la Révolution et l’Empire, de 1792 à 1814, elle ne sera rendue au royaume des Pays-Bas qu’en 1815.
Mais ses habitants avaient goûté à la Révolution et n’étaient plus en phase avec les royautés traditionalistes d’Europe. De plus, ils étaient catholiques alors que le reste des Pays-Bas était protestant, ce qui était très important à l’époque. C’est ainsi que quinze ans plus tard, en 1830, la Belgique se révolte et demande son rattachement à la France.
Hélas les Anglais s’y opposent, et ressortent la fameuse phrase sur le pistolet braqué au cœur de l’Angleterre, déjà utilisée pendant la révolution.
Le roi de France Louis-Philippe, qui cultive l’alliance anglaise, accepte alors que la Belgique soit érigée en royaume indépendant. On lui choisit un roi, Léopold 1er, de Saxe-Cobourg-Gotha, qui était lié à la majorité des couronnes européennes, et était notamment oncle de la Reine Victoria, « la communauté internationale », comme on dirait aujourd’hui, étant encore allergique au mot « république ».
Louis-Philippe a donc ainsi manqué une occasion historique de repousser plus loin de Paris la frontière nord de la France, ce qui était pourtant l’objectif séculaire des rois de France. Cela a malheureusement facilité les invasions allemandes, en 1914 et 1940, qui sont passées par cette même Belgique pour entrer en France.
Mais revenons à l’histoire de la Belgique : la question linguistique n’existait pas en 1830 lors de la création du pays.
La situation linguistique en Europe au début de début du 19è Siècle
En France et dans bien d’autres pays européens, il y avait à cette époque une noblesse et une bonne partie de la bourgeoisie qui parlent une langue commune, souvent le français, notamment aux Pays-Bas, mais aussi le hochdeutsch qui deviendra la langue officielle de l’Allemagne et de l’Autriche, mais pas celle des Pays-Bas, ou le florentin, qui deviendra la langue officielle de l’Italie.
Le reste de la population des pays européens est paysanne dans sa très grande majorité, et parle une langue locale comme le provençal en France, le bavarois dans la future Allemagne ou le piémontais dans la future Italie.
En Belgique les langues locales sont, au nord, diverses variétés du flamand, différentes du néerlandais et, au sud, des langues romanes proches du français, dont le picard et le wallon.
Mais l’élite sociale et politique est alors francophone, quelle que soit la langue locale.
L’apparition des Wallons et des Flamands
Comme en France, le français va faire disparaître les langues romanes, ou du moins les renvoyer dans la vie privée d’une minorité toujours plus réduite de la population. Le français va également remplacer le dialecte germanique de la partie proche du Luxembourg.
À la fin de cette évolution, dans le courant du XXe siècle, le mot « Wallon » signifiera « francophone ». Par opposition le terme « Flamand » désignera les habitants du Nord. Nous verrons plus bas le cas particulier des Bruxellois et des germanophones.
Les Flamands sont majoritaires en Belgique, ce qui sera décisif au fur et à mesure de la démocratisation. Or elle va gagner du terrain au XIXe et XXe siècle. On passe à un « suffrage universel pondéré par le vote plural » en 1893, qui favorise les élites et donc le français, puis au suffrage universel masculin en 1921, avant d’adopter le suffrage universel complet en 1948.
Cette démocratisation donne l’avantage aux Flamands, à une époque où les questions nationales, et donc de langue de la majorité l’emportent sur les habitudes de fidélité à des personnes, notamment royales. L’héritage de la révolution française a fini par s’imposer, et triomphe dans le découpage de l’Europe de 1918, construit sur des données linguistiques considérées comme nationales, alors qu’elles n’étaient pas prises en compte au début du XIXe siècle.
Mais l’élite est francophone en Flandre et l’opposition au français va y prendre une tournure sociale.
Le mythe de la colonisation francophone
Pour moi, le mot « mythe » ne renvoie pas à une vérité ou à une légende. C’est un récit auquel une communauté est profondément sensible, peu importe que l’histoire valide ou non ce récit. Le mythe existe et cela suffit.
Ce que je ressens en tant qu’observateur extérieur est un puissant sentiment de revanche de la part des Flamands, en réaction au mythe de la « colonisation wallonne ». Cette « colonisation » est perçue à plusieurs points de vue : sociale, comme nous avons vu, mais aussi économique, parce que les gisements de charbon de Wallonie avaient généré une puissante industrie métallurgique qui contraste avec une Flandre relativement rurale et moins riche.
Du coup, les Flamands se répètent des récits de brimades par les francophones, véritables ou légendaires, la plus répandue étant celle de l’officier wallon s’exprimant en français à ses troupes flamandes pendant la première guerre mondiale et responsable de ce fait de la mort de certains soldats qui n’ont pas compris les ordres. Cette anecdote paraît surprenante vu de l’extérieur, tous les Flamands ayant appris le français à l’école…
À cela s’ajoute la « tache d’huile » bruxelloise, c’est-à-dire la constatation que Bruxelles et ses environs bien que situés géographiquement en Flandre, comme l’illustre la toponymie, deviennent francophones probablement du fait de son rôle de capitale du pays, où se regroupent les élites et où le travail se fait en français. Bruxelles et certaines communes de la périphérie sont maintenant en quasi-totalité francophone (à 85 % ou 95 % pour Bruxelles, simple évaluation car il n’y a plus de recensement linguistique).
Les Flamands avaient donc l’impression que leur territoire se rétrécissait. C’était ressenti comme une menace qui s’ajoutait à la domination économique et sociale des francophones.
Enfin, « pour peser plus lourd » c’est le néerlandais qui est choisi comme langue officielle en Flandre, et non l’un des dialectes flamands.
Cela explique la célèbre phrase d’un politicien belge à son roi : « sire, il faut vous dire la triste vérité : il n’y a pas de Belges, mais seulement des Wallons et des Flamands » dont une des variantes est « vous êtes le seul Belge du royaume ».
il n’y a pas de Belges, mais seulement des Wallons et des Flamands
Les Flamands ont inversé la situation
Aujourd’hui, le problème s’est inversé.
Le déclin de l’industrie sidérurgique belge, parallèle à celui de la sidérurgie française et d’autres pays européens, a appauvri la Wallonie tandis que la Flandre s’industrialisait, ce qui a inversé le poids économique des deux parties du pays.
Les Wallons rappellent avoir « porté les Flamands financièrement quand les mines fonctionnaient et finançaient l’Etat belge, alors que les Flamands étaient pauvres. Maintenant que le rapport financier s’est inversé, ils refusent de nous rendre la pareille. C’est pour cela qu’ils sont séparatistes ».
Les Flamands majoritaires et maintenant supérieurs économiquement vont multiplier les mesures juridiques « de défense de notre langue face au français », qui sont devenus aujourd’hui, à mon avis, une brimade du français en Flandre.
Les Flamands commencent par fixer une frontière linguistique en 1921 qui vise dans un premier temps les activités communales et découpe le pays en trois régions :
- les communes du nord doivent désormais utiliser exclusivement le néerlandais,
- celles du sud le français,
- la région bilingue de Bruxelles étant privée de certaines banlieues.
Les lois des 8 novembre 1962 et 2 août 1963, établissent un unilinguisme général, par exemple au travail et non plus seulement au communal, en Flandre et en Wallonie, et le bilinguisme dans l’agglomération bruxelloise.
Stopper l’avancée du français
Les Flamands ont limité puis interdit l’usage du français dans les entreprises. Y veille le VEV (Vlaams Economisch Verbond) Association économique flamande fondée 1926, devenue le VoKa en 2004 suite à sa fusion avec huit chambres de commerce flamandes.
Pour les Flamands, cette frontière a pour but de stopper l’avancée du français. Ils interdisent corrélativement les recensements linguistiques qui pourraient amener à en changer le tracé.
Cela laisse notamment côté flamand les communes francophones de la banlieue bruxelloise, « communes à facilités » (pour le français), dont les élus protestent régulièrement devant diverses instances internationales, dont la cour européenne des droits de l’homme.
Louvain, une université coupée en deux
Le sort de l’université millénaire de Louvain, proche de la frontière linguistique, mais du mauvais côté, illustre la pression flamande.
En 1968, les étudiants et professeurs néerlandophones défilent aux cris de » Walen Buiten » (Les Wallons dehors !) pour protester contre la décision de conserver le bilinguisme de l’Université.
Les étudiants et enseignants francophones quittent alors Louvain pour fonder Louvain-la-Neuve, à Ottignies, 30 kilomètres plus au sud, donc en terre francophone, qui bientôt rattrape et dépasse sa concurrente flamande en nombre d’inscrits, tandis que les mauvaises langues ironisent sur l’anglicisation de Louvain « la vieille ».
Les Wallons désormais en minorité
Bref c’est au tour des Wallons de se sentir « minorisés » et de réagir parfois violemment comme Jacques Brel autrefois dans ses chansons plus qu’ironiques (Les Flamandes en 1959 et Les Flamingands en 1977).
Les Flamands y sont décrits de comme catholiques traditionalistes à forte fécondité, ce qui s’oppose à l’image des Wallons laïques, voire « rouges », avec leur électorat ouvrier ou ex-ouvrier de l’industrie lourde votant socialiste.
Un mythe battu en brèche aujourd’hui : la fécondité flamande est tombée à 1,57 en 2020 en Flandre, tandis que les églises se vidaient.
Les Flamands restent néanmoins vexés : français et néerlandais sont enseignés dès le primaire – techniquement comme une langue étrangère – mais si les Flamands ont une bonne connaissance du français, les Wallons n’ont pas le même niveau en néerlandais, perçu comme une langue moins utile que le français. Ou, pour parler comme Jacques Brel, les Wallons ne veulent pas « aboyer flamand ».
Le séparatisme flamand
Ce séparatisme est alimenté par le Vlaams Belang, qui prône un Etat flamand avec Bruxelles comme capitale. Il avait 18% des voix en Flandre lors des élections fédérales, régionales et européennes du 26 mai 2019. Inutile de dire ce qu’en pensent les Bruxellois !
Un autre parti flamand, le N-VA, Nieuw-Vlaamse Alliantie, libéral, préconise une sécession dans le cadre d’une confédération partagée entre deux entités Wallonie et Flandres, avec Bruxelles pour capitale, ne se retrouvant que mensuellement pour traiter de quelques rares questions spécifiques. Aux mêmes élections il a obtenu 25 % des voix en Flandre.
Les partis séparatistes ne rassemblait donc que 43 % des électeurs de Flandre. Selon un sondage de décembre 2019, seuls 37% de ceux-ci souhaiteraient une séparation d’avec la Wallonie.
Le cas de Bruxelles freine le séparatisme flamand
Nous avons vu que Bruxelles était francophone en terre flamande, or « la terre flamande est sacrée » et les militants flamingants ne veulent pas l’abandonner. Certains militants disent que Bruxelles n’est pas wallonne puisque composée largement de Flamands francisés et d’immigrés et de leurs descendants, notamment marocains et turcs, aujourd’hui largement francophones.
La Flandre a néanmoins obtenu une égalité entre la minorité flamingante et la grande majorité francophone.
Cela se traduit par un bilinguisme officiel. La parité des langues, soit 50 % de flamand et 50 % de français, s’applique pour la Cour d’arbitrage, le Conseil d’État, la Cour de cassation, le Conseil supérieur de la justice, etc., et un nombre important d’autres organismes gouvernementaux.
Cela donne aux Flamands une capacité scolaire excédentaire. Certains militants flamands font donc « la cour » aux descendants d’immigrés : « venez dans les écoles flamandes, où les conditions matérielles sont meilleures et l’enseignement du français est présent », ce dernier point étant indispensable pour trouver du travail en ville.
Du côté francophone, il y a eu un regroupement entre Bruxelles et la Wallonie avec la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB).
Elle représente 4,8 millions de francophones, dont 1,2 million pour Bruxelles.et concerne l’enseignement et la recherche scientifique, la culture, l’éducation sanitaire et la médecine, l’aide à la jeunesse et la politique sportive ainsi que les maisons de justice
La communauté germanophone
La séparation des langues en 1932 a entrainé la création d’une communauté germanophone de 78 000 habitants (en 2020). Ces germanophones furent intégrés à la Belgique en 1919 à la suite de la victoire des alliés sur l’Allemagne. La raison en a été « la récupération » de la ville allemande mais francophone de Malmédy. Cette annexion fut élargie aux territoires germanophones environnants pour des raisons de meilleure défense militaire.
Je suis allé voir sur place, et il me semble que le français y progresse : je parle allemand et j’ai abordé les habitants dans cette langue mais on m’a toujours répondu en français.
Cela recoupe mes lectures sur un progrès du bilinguisme dans les zones germanophones, et une disparition des dialectes, particulièrement du francique au profit du français
D’où la question : un éventuel rattachement de la Wallonie à la France comprendrait-elle partie de la petite « région germanophone » ?
Qu’en pensent les Wallons et les Français ?
Les derniers sondages « rattachistes » effectués en Wallonie en 2008, 2010 et 2011 n’accordent que respectivement 49, 32 et 38 % de sondés en faveur de l’annexion de la Wallonie par la France avec, dans les deux derniers cas, un nombre majoritaire d’opposants.
La variation des résultats montre que les sondages n’étaient pas très sérieux, avec un échantillon limité à 500 sondés à chaque fois. Par ailleurs les Bruxellois ne semblent pas avoir été interrogés, ce qui est quand même surprenant, s’agissant de la capitale !
Notons que les Français sont prêts à accueillir la Wallonie à une assez forte majorité, de 60 à 66 % suivant les sondages.
Conclusion : une Belgique sans Belges
On est encore loin d’un éclatement de la Belgique et plus loin encore du rattachement de la Wallonie à la France, ce qui ne veut pas dire que ça ne se fera jamais.
Il faut en effet d’abord que les Flamands décident l’indépendance de la Flandre. Il faudrait ensuite une majorité wallonne pour un rattachement à la France.
Et quid de Bruxelles ? Les Flamands feront le maximum pour la garder.
À l’issue de cette épreuve suivra-t-elle la Wallonie vers la France ? Préférera-t-elle être une ville libre, à statut européen par exemple ?
En attendant, « la Belgique sans Belges » continue…
Yves Montenay
(*) Tribune de Jules Gheude, écrivain belge et militant wallon prônant le rattachisme, le 7 mai 2022 dans Le Monde : « Et si, en 2024, la Wallonie devenait française ? »
Excellent : delenda est Belgica, comme aurait dit Caton (?).
Excellent comme toujours et bien agréable de lire un sujet différent de l actualité actuelle !
Toujours enrichissant
Merci pour ce passionnant éclairage, très….actuel ! Les articulations politiques, voire les confusions idéologiques entre les langues et les territoires, c’est un phénomène bien connu et bien manipulé par les démagogues de tout poil et de tout temps (en gros: Langue =Terre). Souhaitons que ces populations ne rencontrent pas de Poutine, Mao, Hitler, etc, local qui les envahisse pour les rattacher à la « nation mère »…
Quant à Bruxelles, il faut écouter la belle chanson de Dick Annegarn » Bruxelles ».
C’est fait, merci
Bien que non Bruxellois, j’adore cette ville, capitale d’un improbable État lotharingien, dont j’ai arpenté pendant près de quarante années les rues, les musées, les marchés, les restaurants [une pensée émue pour le poulet à la bruxelloise servi dans feu Le Stekerlapatte, rue aux Prëtres 4 : la qualité est-elle toujours la même ?], etc. sans jamais me lasser. Et je garde un souvenir impérissable des ces gens souvent d’une désarmante gentillesse, faussement simples (car il suffit de regarder une peinture d’Ensor ou de lire Le chagrin des Belges pour sentir les tourments et la complexité de cette civilisation et découvrir des gens plus fins qu’il n’y paraît au premier abord) …
Mais, en pratique, on ne peut se contenter de chanter Bruxelles, laquelle est placée dans une situation absurde, fausse capitale de la Flandre dans la banlieue de laquelle certains manifestants hurlent » Franse ratten uw de matten ! » [littéralement » Il y a des rats français (francophones) sur vos tapis ! » = Dehors, les francophones !]. C’est aux Wallons d’en décider, y compris de vouloir sauver la Belgique : mais dans ce dernier cas, ils doivent apprendre le flamand car on ne peut demander à poursuivre une cohabitation en refusant d’apprendre la langue de l’autre au motif qu’ » elle ne sert à rien « .
Sinon, il me semble que la seule solution raisonnable serait d’abolir les régions et de redécouper le territoire de la Belgique en 30 ou 40 cantons linguistiquement homogènes, sur le modèle suisse, de sorte à éviter que des gens qui ne s’aiment guère soit obligés de cohabiter tous les jours, que ce soit au sujet des papiers de la voiture ou de la langue enseignée dans l’école où on envoie ses enfants. Mais voilà : les Flamands sont enfermés dans une logique » Blut und Boden » qui interdit de toucher aux » frontières sacrées » de la Flandre … Cette solution suisse, sans pertinence pour un pays globalement homogène comme la France, aurait pu sauver la Yougoslavie et pourrait constituer une solution acceptable pour la Belgique, même si la dissolution de ce pays reste une option.
Je vous cite: « la plus répandue étant celle de l’officier wallon s’exprimant en français à ses troupes flamandes pendant la première guerre mondiale et responsable de ce fait de la mort de certains soldats qui n’ont pas compris les ordres. Cette anecdote paraît surprenante vu de l’extérieur, tous les Flamands ayant appris le français à l’école… »
Et les Wallons aussi apprenaient le flamand, mais auraient-ils pu comprendre des ordres en cette langue ? J’ai personnellement fait l’expérience d’une prise d’armes où les commandements étaient donnés en flamand: notre peloton n’a su que faire, provoquant une réaction cinglante du colonel qui commandait (1974).
Ce ne sont pas les Wallons qui brimèrent les Flamands mais leur bourgeoisie, comme l’écrivait S.M. le Roi Léopold III dans son testament politique:
« Après une longue période d’inégalités et d’injustices indéniables, nos populations flamandes, fières de leur magnifique passé et conscientes de leurs possibilités futures, ont résolu de mettre un terme aux brimades d’une minorité dirigeante égoïste et bornée, qui se refusait à parler leur langue et participer à la vie du peuple. »
Je veux encore signaler qu’il n’y a pas une Wallonie unie et intégralement rouge et anticléricale car qu’y il a-t-il de commun entre les paysans catholiques des provinces de Namur et de Luxembourg avec les ouvriers socialos-communistes du Borinage et des mines liégeoises. En 1950, 7 provinces sur 9 ont dit OUI au Roi.
Mais voilà, la Belgique belge et catholique a disparu, son territoire étant ouvert à tous les peuples et à toutes les religions du monde.
Si vous voulez dire que beaucoup de Wallons ne comprennent pas le flamand bien que l’ayant appris à l’école, c’est tout à fait exact (Voir la réflexion de Jacques Brel dans l’article). Par contre, pendant la première guerre mondiale, donc avant la période de diffusion générale du flamand, Le français était donc seulement appris à l’école mais aussi pratiqué pas beaucoup de gens, au travail par exemple. Il y avait sûrement des exceptions, mais cette anecdote m’a néanmoins surpris. Toujours pendant la première guerre mondiale, la plupart des Français parlaient leur langue locale, les ordres étaient en français (appris à l’école) et cela n’a pas été considéré comme une humiliation.
Quelque soit le pays ou la langue, je crois que c’est d’abord une question de réflexes, lesquels s’acquièrent par un entraînement suffisant : si c’est le cas (régularité, durée), les soldats ont les réflexes salvateurs : car, en situation de guerre, il s’agit de cela et non d’analyse + compréhension + application ; si on met plus que 1 ou 2 secondes pour se jeter à terre quand on vous commande » Couchez-vous ! « , on meurt souvent …
Bien qu’insuffisamment entraînées avant 1914, les troupes françaises effectuaient quand même des périodes de rappel, si bien que, dans un certain nombre de régiments, les soldats étaient formés et, parfois, connaissaient une partie de leurs sous-officiers ou officiers.
Je ne sais pas quelle était la situation dans l’armée belge.
Bonjour,
Je découvre ce fil longtemps après.
En tant que Wallon de souche, je voudrais ajouter que le français fut imposé aux Wallons aussi : nombreux étaient les Wallons à parler un dialecte hennuyer ou picard ou autre.
En fait, la vérité est que les Flamands ont toujours été racistes au dernier degré envers les Wallons, beaucoup plus que l’inverse.
A ma connaissance, il n’y a jamais eu de milice armée en Wallonie pour chasser les Flamands alors que l’inverse n’est pas vrai. D’autre part, de nombreux Flamands ont fait une carrière politique en Wallonie (les Onkelinks par exemple) alors que l’inverse ne serait pas pensable.
Il serait tout aussi impensable (et à raison) de parler des Juifs, des Noirs ou des Arabes comme la Flandre (et Bruxelles) se permet de le faire des Wallons. C’est un fait. Et l’inverse n’est pas vrai, encore une fois.
Je suis trilingue (anglais, néerlandais, notions d’allemand) et apprendre le néerlandais m’a appris à connaître la *haine* que ces gens-là éprouvent pour nous.
Certains voudraient imposer le néerlandais dans l’enseignement en Wallonie alors que la Flandre envisage la suppression du français. Eh bien, soit… Apprendre le néerlandais ouvrirait peut-être les yeux des Wallons sur ce que ces gens-là pensent de nous.
De toute manière, le destin de la Wallonie est scellé : pour sauver la Belgique, c’est nous qui allons disparaître, avec le français, remplacé par d’autres langues, dont l’anglais.
Wallon depuis des centaines d’années et ayant fait de nombreuses recherches dans les archives, j’affirme que tous mes ancêtres – des gens du peuple – pratiquaient le français, mal, certes, et tous les actes rédigés dans les seigneuries sont rédigés en français.
Vous évoquez la « haine » flamande ». Je ne l’ai jamais ressentie en Flandre.
Mais, j’ai honte de le dire, quand j’étais jeune, je travaillais dans un état-major de l’armée, et je n’ai jamais fait le moindre effort pour parler en flamand à mes camarades Flamands, alors que tous, même s’ils n’avaient pas fait beaucoup d’études, me parlaient dans un français impeccable, avec beaucoup de bienveillance.
A l’époque, c’est moi, Wallon, imbu d’une supériorité imbécile, qui étais un porteur de haine.
Que les Flamands aient un ressentiment: je le comprends. Les délinquants Flamands furent jugés en français jusque vers 1874 et la constitution belge ne fut traduite en flamand qu’après la Grande Guerre.
Mais leur problème ne vient pas des Wallons. Comme le disait SM Léopold III dans son testament politique, du refus des élites flamandes de pratiquer la langue de leurs compatriotes.
Concernant le » profil bas » adopté par Louis-Philippe en 1830, même si je suis d’accord avec vous dans l’absolu pour regretter la perte de cette chance … je pense que, en l’espèce, ce n’en était pas vraiment une en ce sens que, 15 ans après Waterloo et le Congrès de Vienne, 12 ans après la fin de l’occupation par les troupes de la coalition (Anglais, Autrichiens, Prussiens et Russes) de la France napoléonienne vaincue, notre pays » sentait encore le soufre » pour toutes les grandes puissances européennes plus ou moins regroupées dans la Sainte Alliance : en particulier, après le tragique épisode (qui fut une désastreuse erreur) des Cent Jours, une nouvelle » éruption » de la France aurait certainement été considérée comme une nouvelle provocation de l’insolente » Grande Nation » à laquelle on ne pouvait décidément pas faire confiance.
En outre, la grande puissance qui se serait sentie – à tort ou à raison, peu importe – la plus » agressée » par le rattachement de la Belgique à la France aurait été l’Angleterre, la plus grande puissance du monde de par son avance industrielle [les Anglais tirèrent les premiers schrapnels contre Napoléon de 1808 à 1815 et on peut craindre que, en 1830, leur avance technique, y compris militaire, se soit accrue], qui avait été l’âme et le financier de toutes les coalitions contre la France napoléonienne, mais qui avait joué un rôle globalement modérateur lors du Congrès de Vienne dans un souci de maintien d’un équilibre entre grandes puissances européennes continentales. En cas de volonté ferme de la France d’intégrer la Belgique, il aurait été possible que ce soit l’Angleterre qui aurait » ameuté » les autres puissances européennes contre la France : et ce ne sont pas la Prusse ni la Russie – ni même l’Autriche, ex-maîtresse de la Belgique avant la Révolution, qui auraient joué un rôle modérateur.
Ajoutons que Louis-Philippe venait d’arriver au pouvoir [Lieutenant-général du royaume le 31 juillet 1830, roi des Français le 09 août 1830] en » se faufilant » habilement entre monarchistes légitimistes, bonapartistes et républicains : son pouvoir tout récent était donc fragile.
Enfin, quinze ans après la fin des guerres de la Révolution et de l’Empire (1790-1815) qui avaient coûté à notre pays 1 million de soldats tués, chiffre énorme, quasiment sans précédent à cette époque, il est douteux que beaucoup de Français aient été disposés à combattre une nouvelle et puissante coalition européenne …
En résumé, cette attitude » peu glorieuse » de Louis-Philippe était, à mon avis, la seule envisageable dans ces circonstances.
Luis-Philippe fut toujours aussi prudent, lors de l’affaire Pritchard en 1844 : la France expulsa de Tahiti un missionnaire anglais qui intriguait contre nos intérêts (en travaillant évidemment pour ceux de l’Angleterre) en poussant la reine de Tahiti à rejeter le protectorat français (ce qui aurait ouvert la voie à celui de l’Angleterre).
Le Gouvernement britannique s’émut, le très impérialiste et belliciste Premier Ministre, Lord Palmerston, proféra de sérieuses menaces.
Pour contenter les exigences de Londres, Louis-Philippe fit des excuses, accepta – provisoirement – le retour au statut de protectorat et le versement d’une indemnité au pasteur Pritchard pour la spoliation de ses biens … mais la France garda Tahiti.
En gros, au prix d’une petite » humiliation » permettant à Palmerston de sauver la face, Louis-Philippe conserva l’essentiel de l’objectif recherché, à savoir une implantation durable de la France à Tahiti. Bien joué, vu le jeu dont il disposait à ce moment-là. On est à l’opposé de la sotte et criminelle jactance du Gouvernement de la France en 1870 qui entraîna le désastre que l’on sait.
PS : il ne faut pas oublier le principal scandale entraîné par la domination des Néerlandais sur les Belges entre 1815 et 1830, à savoir la prééminence donnée aux coupables de la pire gastronomie d’Europe [les Néerlandais : demandez aux Flamands ce qu’ils en pensent. Je me souviens encore des féroces commentaires d’un charmant vieux Gantois qui me pilota bénévolement pendant tout une matinée dans cette belle ville en 1989, époque à laquelle l’agressivité des Flamands ne visait que les Wallons mais pas les Français] sur une population de gourmets [les Belges] lesquels, entre autres, connaissent les vins de France souvent mieux que les Français ; et c’est un des rares points communs entre Wallons et Flamands car, entre deux odieuses injures francophobes, ces derniers préparent une cuisine aussi délicieuse que celle des Wallons !
Merci pour ce complèment