Alerte au vieillissement en Chine et en France

Alerte au vieillissement en Chine et en France

Voici que la Chine, le pays le plus peuplé du monde s’inquiète de la baisse de sa population et de ses répercussions sur son économie et plus généralement de sa puissance. Sans être aussi dramatique, la situation française est néanmoins préoccupante.

Rappelons que le phénomène du vieillissement se fait par le haut et par le bas de la pyramide des âges : par le haut, avec l’augmentation de l’espérance de vie, et par le bas, par la diminution du nombre de naissances.

Vue d’ensemble sur la Chine et la France

Le vieillissement en Chine

Pour la Chine, le vieillissement se fait par le haut avec une meilleure survie des seniors, avec la fin des famines maoïstes, et plus généralement par le retour à une situation normale sur le plan sanitaire et économique. Je parle des 40 dernières années et non pas de l’épisode du Covid19.

Ce vieillissement a été aggravé par le bas avec la politique de l’enfant unique menée à partir de 1979.
32 ans plus tard, les générations correspondantes sont rétrécies, notamment celle des jeunes actifs, et chaque année, c’est une génération de plus qui maigrit.

C’était une évidence pour les démographes, mais, pour reprendre Alfred Sauvy : « la démographie, c’est dire qu’un enfant de 9 ans en aura 10 l’année prochaine. C’est trop simple pour être intéressant, et donc ça n’intéresse personne ». Je rajouterai que quand cela intéresse enfin les responsables, il est trop tard pour réagir.

En l’occurrence, le président Xi Jinping semble n’avoir pris la pleine mesure du problème démographique que lors du recensement publié en 2022, qui a constaté que la population chinoise avait diminué cette année-là de 850 000 personnes.

Le vieillissement en France

La France, elle, a subi un vieillissement accéléré depuis la deuxième partie du XIXe siècle.

Dans les années 1930, c’est encore Alfred Sauvy qui s’en inquiétait, reprenant le flambeau des premiers lanceurs d’alertes. Il est un de ceux qui ont ouvert la voie aux politiques natalistes des années 1940 et suivantes, qui ont momentanément arrêté le vieillissement.

Mais comme à partir de 1974, et particulièrement sous les gouvernements de gauche, les politiques natalistes ont été progressivement réduites, la baisse de la fécondité a généré des générations inférieures aux précédentes, conduisant au vieillissement d’aujourd’hui.

Ces lanceurs d’alerte furent à l’origine de l’association « Alliance nationale Population et Avenir », créée en 1911, dont je suis administrateur et qui édite une revue et des articles à renommée internationale.

Avant de donner plus de détails sur la Chine et la France, donnons quelques précisions sur des mécanismes en cours.

Rappel des mécanismes démographiques

Prenons un pays imaginaire où, depuis un siècle, le nombre d’enfants par femme est stable à 2,1 et où les générations se remplacent donc parfaitement. Supposons également que tous travaillent à 20 ans, prennent leur retraite à 60 et que l’espérance de vie soit constante. La population est stable et la composition pyramide des âges ne change pas.

Maintenant, supposons que dans ce pays imaginaire, la fécondité tombe d’un seul coup de 2,1 à 1,2. Les vingt premières années, personne n’y prêtera attention car ce ne sera pas bloquant : la baisse de la natalité signifiera moins d’enfants donc une population scolaire en baisse et, avec elle, une baisse du nombre d’enseignants.

Si l’on considère que le budget du pays est par ailleurs équilibré, les économies engendrées permettront un allègement de la rigueur budgétaire et de répondre à certaines revendications, pour la satisfaction de tous. Donc personne ne voit le danger.

Je l’ai personnellement constaté dans une réunion de démographes à Bruxelles où l’on disait : « Les économies sur les enfants permettront de financer des retraites », ce qui est une absurdité à long terme.

Durant les 40 années qui suivent la baisse de la fécondité dans notre pays imaginaire, le nombre de personnes en âge de travailler diminuera, et la population active avec lui.

Si la productivité est stable, cette baisse engendrera une diminution de la production et une baisse des cotisations de retraite. Plus important, certains produits et services n’étant plus produits en quantité suffisante, les retraités seront obligés d’y renoncer.

Pour corriger la situation, le gouvernement de notre pays imaginaire pourra être tenté de relancer la production en distribuant de l’argent aux particuliers. Mais cela ne fera que générer de l’inflation.

La pénurie de main-d’œuvre se faisant de plus en plus sentir au fil des ans, dans tous les domaines, 60 ans après le début de la baisse de la natalité, le pays se retrouverait dans une situation critique dont il pourrait ne pas se relever.

La fable du roi et des retraites

Sauf immigration massive bien sûr, mais on aborde alors d’autres sujets.

Bornons-nous seulement à dire qu’une population ayant peu de jeunes adultes et beaucoup de vieux, dont une partie sont dépendants, aurait du mal à encadrer et assimiler une population immigrée.

Les pays conscients de ce mécanisme devraient avoir politique d’immigration dès maintenant, pour ne pas se retrouver dans cette situation une quarantaine d’années plus tard, et varier l’origine des migrants pour ne pas créer de minorités trop importantes.

Pour prendre un exemple, aujourd’hui en France, on voit mal une immigration chinoise et indochinoise faire bloc avec des islamistes.

Le vieillissement des comportements

En plus de cet impact économique, déjà dramatique, y a-t-il d’autres conséquences pour un pays du vieillissement de sa population ?

Empiriquement, nous pouvons constater que la jeunesse est plus encline à l’ouverture d’esprit, à de nouvelles expériences et à différents chemins de pensées que leurs aînés.

Elle sera aussi plus encline à innover, à remettre en cause les systèmes existants et à casser les codes.

C’est bien dans leurs jeunes années que Steve Jobs, Bill Gates, Mark Zuckerberg ou Jeff Bezos ont imaginé les produits et services qui allaient leur permettre de bâtir leurs empires.

En sens inverse, le vieillissement pousse à la stabilité politique.

Par exemple, en 2007, les électeurs âgés ont très majoritairement voté pour Nicolas Sarkozy, à l’opposé de la majorité des plus jeunes qui a choisi son adversaire socialiste censé être plus réformateur, voire révolutionnaire, fantasme bien français malgré les exemples catastrophiques donnés par l’histoire.

Le contraste entre ces deux groupes d’âge se retrouve à toutes les élections présidentielles depuis 1965.

Sur l’ensemble de la période, les seniors forment un groupe politiquement assez homogène, caractérisé par son conservatisme politique, ce qui n’est pas forcément un défaut à mon avis. 

Plus de données sur le vieillissement en France

Voici un extrait d’une étude du Sénat

« En 2040, la population active compterait 26 millions de personnes, soit le même nombre qu’en 1993, après avoir frôlé les 28 millions en 2006. Cependant, la composition démographique de la population active aura changé : les femmes en représenteront 48 % au lieu de 45 % en 1993 et les jeunes actifs de moins de 25 ans ne compteront plus que pour 7 % contre 10 % encore en 1993. »

Cette évolution intègre notamment la baisse de la fécondité depuis 2014. Elle est alors passée de 2 à 1,8 en 2022. En 2040 les enfants nés en 2014 auront 26 ans, ce qui veut dire que la baisse de la population active va se poursuivre les années suivantes.

Et cette cause du vieillissement ne génèrera pas d’économie. En effet si l’éducation nationale s’attend à perdre 500 000 élèves (sur 12 millions aujourd’hui) entre 2022 et 2027, son budget devrait néanmoins augmenter du fait des revalorisations salariales demandées et partiellement acceptées, les salaires d’une partie des enseignants se rapprochant du SMIC.

Une autre conséquence de la baisse de la natalité concerne le financement des retraites et l’équilibre des comptes sociaux.

Selon l’Insee, le nombre d’actifs cotisants pour chaque retraité était de 2,6 en 1990, de 2,02 en 2004 et s’établit à 1,67 aujourd’hui, malgré les réformes successives des retraites qui ont freiné cette baisse.

La réforme en débat aujourd’hui vise à retarder l’âge de départ : des cotisants en plus, des bénéficiaires en moins, soit 4 ans de gagnés si l’on passe de 60 de 64 ans (je passe sur les différentes atténuations projetées, qui diminueront ce « gain »).

Personnellement, j’estime le problème mal posé : ce n’est pas une question de cotisations et de pensions, mais de maintien de la population active pour pouvoir alimenter l’ensemble des Français, retraités ou non, en biens et services, comme expliqué dans un de mes précédents articles.

Débat sur les retraites : revenons aux fondamentaux !

 

Le problème est bien plus aigu dans le reste de l’Europe qu’en France, comme le souligne Ilyes Zouari (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone) CERMF) dans un récent article au titre volontairemùent alarmiste : « Démographie : 9 bombes d’Hiroshima larguées sur l’Union européenne en 2021 ».

 

Plus de données sur la situation chinoise

La population chinoise a diminué de 850 000 personnes en 2022, du jamais vu depuis les grandes famines résultant de la folie révolutionnaire maoïste. Selon les projections les plus pessimistes, elle pourrait n’avoir que 587 millions d’habitants en 2100, soit moins de la moitié qu’aujourd’hui (source : Institut national d’études démographiques).

Cette baisse intervient malgré l’assouplissement de la politique de limitation des naissances ces dernières années, qui a relevé la limite de un à trois enfants par famille… Les raisons principales de la baisse semblent être le coût du logement et celui de l’éducation privée qu’il faut donner aux enfants en plus de l’éducation publique.

En 2019, l’ONU estimait encore que la Chine n’atteindrait son pic de population qu’en 2031-2032. Mais depuis, le taux de fécondité chinois s’est écroulé à 1,15 enfant par femme en 2021 !

« Le déclin et le vieillissement de la population auront un impact profond sur l’économie chinoise, d’aujourd’hui à 2100 », prévient Xiujian Peng, chercheuse spécialiste de la démographie chinoise à l’Université du Victoria (Australie) citée par La Tribune.

Selon les projections de son équipe, sans réforme du système de retraite, le paiement des pensions pourrait représenter 20% du PIB en 2100 – contre 4% en 2020 et 14 % en France, chiffre élevé en Occident.

De toute façon, la production chinoise va baisser faute de producteurs et sera de plus en plus tournée vers la consommation des personnes âgées ce qui va peser directement sur la puissance économique du pays.

À très long terme sur sa puissance militaire aussi, mais, en attendant, elle pourra être utilisée pour déclencher un conflit afin de faire oublier les problèmes économiques à la population.

Avec un taux de fécondité aussi bas, le vieillissement chinois est rapide : en 2010 les seniors ne représentaient que 8,9 % de la population, part qui devrait être multipliée par trois et atteindre les 27,5 % en 2050 d’après l’ONU. On n’ose faire de prévisions pour 2100 !

Sur un plan purement mathématique, on pourrait penser que les choix et revirements de la politique sanitaire chinoise s’expliquent par les révélations explosives du recensement : pour les mauvaises langues, tout se passe comme si avoir choisi des vaccins locaux moins efficaces que les vaccins occidentaux, puis un brusque déconfinement, avait comme finalité cachée une forte mortalité des plus âgés afin d’alléger ce fardeau démographique ! Je plaisante bien sûr !

Quelles solutions ?

Pour régler le problème du vieillissement, on pense tout d’abord à réactiver une politique nataliste, comme cela est tenté en Chine depuis peu, même s’il faut tout de même rappeler qu’aucun pays n’est parvenu à relancer sa fécondité à ce jour.

De toute façon, les effets d’une politique nataliste ne pourraient se ressentir au mieux que progressivement de 20 à 60 ans après sa mise en œuvre.

L’immigration constitue une autre solution. C’est le choix fait par l’Allemagne qui s’apprête à adopter la politique d’immigration la plus accueillante d’Europe.

Si en France, la question de l’immigration reste source de polémiques, notre pays accueille chaque année un flux régulier de populations immigrées, le plus souvent jeunes, qui viennent augmenter la population active du pays, donc les cotisations et surtout la production. Des chantiers aux banques en passant par l’hôpital, leur absence serait catastrophique.

Pour la Chine, l’immigration n’est pas une solution car il faudrait des centaines de millions de personnes pour rétablir la pyramide des âges. Une telle réserve n’existe qu’en Afrique subsaharienne et je vois mal le président Xi décider de la déverser massivement en Chine !

La productivité

C’est mathématiquement une solution, mais son augmentation ne se décrète pas. La Chine a d’énormes ambitions en la matière, mais va à mon avis subir au contraire une dégradation ou une moindre croissance de sa productivité, du fait de la maoïsation du régime.

Vent de révolte en Chine : le retour du maoïsme ?

En France, la productivité augmente moins vite que dans le reste de l’Occident, notamment du fait de la dégradation de l’enseignement public tant en français, ce qui pèse sur les compétences générales, qu’en mathématiques, ce qui pèse sur le nombre et le niveau des personnes compétentes en sciences et techniques.

Enfin la productivité est en partie liée à la jeunesse de la population (adaptabilité, familiarité avec le numérique…) ainsi que je l’évoquais lors de ma conférence sur la démgraphie et les retraites à l’IRDEME-EPLF :

Les retraites et la fécondité en débats à l’IRDEME-EPLF

En conclusion

A part quelques exceptions comme le général De Gaulle qui a brillamment redressé la France lors de son second règne de 69 à 79 ans, le tonus d’un pays est largement lié à sa jeunesse.

Mais le temps ne coule que dans un sens, et s’il manque des jeunes aujourd’hui, il manquera des adultes d’âge mûr demain, et on se trouvera avec une forte proportion de personnes âgées à soigner et servir, au détriment de l’ensemble de la population.


En effet, ceux qui refusent de travailler plus longtemps, et souhaitent même partir plus tôt, oublient que leur travail n’est pas seulement leur problème, mais est aussi un service rendu aux autres. Les en priver leur portera gravement préjudice avant de porter le même préjudice à ceux qui protestent aujourd’hui lorsqu’ils seront retraités. Autrement dit, ils manifestent contre ce dont ils auront besoin, lorsqu’ils seront vieux.

Tout cela au détriment de notre puissance économique et militaire, nécessaire non pas par orgueil national, mais du fait de la situation géopolitique !

Yves Montenay

5 commentaires sur “Alerte au vieillissement en Chine et en France”

  1. « Pour la Chine, l’immigration n’est pas une solution », certes, mais l’expansion territoriale et l’annexion de nouvelles populations proches (en Asie du Sud-Est, dans l’Himalaya, en Mongolie) ….peut-être ! Il y aurait 200 à 300 millions d’asiatiques à récupérer (kidnapper, transférer, déplacer, etc) !
    L’augmentation de la productivité ne se décrète pas, certes (dans les faits) mais Jospin a déclaré que si: en baissant officiellement (administrativement) le temps de travail il a augmenté théoriquement (mécaniquement) la productivité du travail: on appelle ça une entourloupe. Dans les faits, cette productivité a coûté cher humainement: vague de suicides à France Télécom….

    1. Bonjour
      Vous parlez de la population active.
      Qu’entendez vous par là ?
      Nombre de – de 60ans où nombre de travailleurs de – de 60ans ?

  2. La natalité est devenue une affaire de femmes
    //////////////
    Bonsoir Mesdames,

    Il me semble que les femmes sous-estiment leurs capacités de négociations avec la société et les citoyens.

    Autrefois la natalité était la conséquence inévitable des relations intimes entre les hommes et les femmes.
    « Une nuit de Paris réparera tout cela », aurait dit Napoléon après une bataille meurtrière.

    Cela n’est plus vrai depuis les années 80 en France.
    Et les sociétés découvrent que leur survie est directement liée à l’envie d’enfants des femmes qui peuvent porter des enfants , leur donner vie et les élever le mieux possible.

    Il semble (doigt mouillé) que 1/3 des femmes, avec de bonnes raisons bien légitimes, ne veulent pas avoir d’enfants , mais il en resterait donc 2/3 pour porter en moyenne les 3 enfants
    nécessaires à la pérennisation stable des populations de nos sociétés.

    Les femmes ont donc un pouvoir potentiel immense de négociation avec la société sans faire appel , peu efficace, aux bons sentiments égalitaires des hommes, des politiques, des entreprises…

    Un livre décrivant les conditions nécessaires dès l’adolescence pour donner envie d’avoir des enfants et de les élever dans l’intérêt de la société me semble nécessaire et « facile » si les rédactrices évitent de se plaindre des restes devenus invalides de toutes les règles et pratiques de l’ancien ordre des choses,
    et se concentrent sur ce qui est bon pour engendrer de bons participants à la société..

    La mutation sociétale qui en découlerait serait un énorme progrès pour les mères, les enfants et les membres de la société.

    Bien évidemment ce livre doit être piloté par des mères exigeantes et …
    des femmes qui savent pourquoi elles n’ont pas eu ou moins d’enfants.

    1. Ça m’a toujours paru évident. Les organisations qui essayent de limiter la très forte fécondité de certains pays africains nuancent toutefois un peu cette constatation en disant que l’on progresse plus vite lorsque l’on convainc aussi le mari.
      Toutefois, dans la majorité des pays du monde, le problème n’est plus la sur-fécondité, mais la sous-fécondité

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