Colonisation et population musulmane en Algérie

Colonisation et population musulmane en Algérie

Cet article de 2013 analyse comment la colonisation française de l’Algérie s’est auto-détruite en multipliant la population musulmane. Il est destiné à ceux qui veulent connaître les raisons profondes de l’évolution de l’Algérie et des politiques françaises à son égard. En ouverture, une rapide mise à jour en 2023.

Remarques préliminaires

Les frontières géographiques de l’Algérie

Une remarque géographique pour commencer : la carte ci-dessous montre que l’Algérie s’étend très largement loin de la côte méditerranéenne, sur « les hauts plateaux » et le Sahara où se trouve aujourd’hui le gaz et le pétrole algérien :

Situer la Kabylie en Algérie

Ces deux immenses régions ne faisaient pas partie en 1830 de la zone d’influence de la régence turque d »Alger, zone qui rassemblait les « tributaires », tribus redevables d’un impôt annuel à cette régence d’Alger, elle-même sous l’autorité assez théorique d’Istanbul.

Ces régions ont été rajoutées par la France qui a fixé les frontières actuelles, lesquelles sont demeurées dans le cadre d’accords interafricains disant que l’on ne touchait pas aux frontières issues de de la colonisation.

La démographie algérienne se porte bien

Je vous partage quelques éléments démographiques récents : l’Algérie a actuellement 44 millions d’habitants, notamment du fait d’une reprise de la fécondité qui est remontée autour de 3 enfants par femme. Cela contrairement à ses 2 voisins marocain et tunisien, qui ont gardé une fécondité modérée proche de 2.

Des conversations informelles avec des collègues algériens suggèrent que c’est l’argent du pétrole qui expliquerait cette reprise de la fécondité. En effet cet argent assure pour l’instant un niveau de vie plus important qu’au Maroc et en Tunisie et diminue le coût de l’enfant.

Bien sûr tout est relatif, ce niveau de vie reste médiocre, et s’ajoute au manque de libertés pour pousser une partie de la population à l’exil, notamment auprès de proches installés en France, en Belgique, au Québec et maintenant un peu partout dans le monde.

Pour plus de développements politiques et économiques sur l’Algérie d’aujourd’hui, je vous invite à consulter mes précédents articles sur le site. 

Si l’Algérie était restée française…

Les Algériens sont donc maintenant 44 millions. Certains en concluent que l’ensemble « France + une Algérie restée française » aurait une population où les musulmans seraient en train de devenir majoritaires en ajoutant à ces 44 millions, 5 millions de résidents français algériens ou d’origine algérienne (sur plusieurs générations) et au moins le même nombre de résidents marocains et tunisiens, sans parler de quelques millions de musulmans d’autres origines,

Ce calcul est très théorique puisque l’islam ne se transmet que partiellement d’une génération à l’autre. Ironie de l’histoire, ce calcul est fait par beaucoup de gens d’extrême droite qui, du coup, donnent raison à de Gaulle d’avoir « abandonné l’Algérie française », après l’avoir critiqué et tenté de le tuer pour cet abandon.

Place maintenant à mon article de 2013.

Colonisation et population musulmane en Algérie

Communication d’Yves MONTENAY à la « Conférence générale sur la population/International Population Conférence » (organisation bilingue) qui tenait son 27e congrès à Pusan en Corée du Sud les 25-31 août 2013.

Présentation

Cette communication sera principalement axée sur la période « Algérie française » au sens administratif du terme, avec un aperçu rapide des conséquences au-delà de l’indépendance.

Son objet sera la démographie politique, en l’occurrence l’influence du politique sur l’évolution démographique et, plus brièvement, le choc en retour.

Après un rapide rappel des données controversées précédant cette période, et un exposé succinct de l’évolution de la mortalité pendant les 80 ans suivants, nous analyserons comment la situation politique a maintenu une fécondité élevée, alors que certains déterminants de sa baisse étaient théoriquement en place, le principal étant la baisse de la mortalité (Jean-Claude Chesnais).

Cette baisse de la mortalité a été accompagnée par un début d’urbanisation et par la cohabitation avec une population moins féconde (les « Pieds-noirs »), facteurs qui auraient dû jouer eux aussi dans le sens d’une baisse de la fécondité.

Cela nous amènera à évoquer ce qui a lié mortalité et fécondité en Europe et n’était pas transposable à l’Algérie, notamment du fait de la situation coloniale. Une des conclusions de cette analyse illustre en démographie la constatation opérée dans d’autres disciplines selon laquelle cette époque coloniale était minée par ses propres contradictions.


Cette communication n’est pas une étude de l’évolution quantitative de la population musulmane algérienne, mais un essai sur les mécanismes de cette évolution. Notre thèse est que c’est la colonisation elle-même, telle qu’elle a été pratiquée en Algérie, notamment par ce que l’on peut appeler « l’Algérie française au sens administratif » qui a involontairement permis la croissance rapide de la population musulmane, par une action directe sur la mortalité et une action indirecte sur la fécondité.

Nous nous bornerons donc à citer les chiffres significatifs, les statistiques complètes étant accessibles par les liens que nous signalons. Nous suivrons une approche chronologique, en évoquant tout d’abord quelques données précoloniales, puis la période de la conquête. Nous arriverons aux années 1870 où commence cette « Algérie française au sens administratif » et enfin observerons brièvement la façon dont le mécanisme démographique colonial s’est prolongé après l’indépendance avant de disparaître une génération plus tard.

Le poids de l’histoire

La démographie se comprenant sur longue période, rappelons brièvement l’histoire antérieure.

Le Maghreb a eu une histoire politique et économique, donc démographique, chaotique depuis l’Antiquité (1).

Les invasions, guerres et épidémies se sont succédées

La première invasion fut celle des Vandales, et la plus marquante celle des Hillaliens, nomadisant plusieurs siècles en détruisant l’agriculture, affamant les villes et faisant donc disparaître les élites urbaines locales, notamment chrétiennes, latinisantes (depuis l’empire romain) ou hellénisantes (depuis son relais par l’empire byzantin).

Cette destruction des élites, profondément « sous-développante », semble avoir été également le fait des Almohades via les guerres (2) et les persécutions religieuses qu’ils ont générées.

La partie centrale du Maghreb, la future Algérie, n’a ainsi pas connu de régime stable suffisamment longtemps pour un renouvellement démographique.

Les villes côtières changèrent de mains un grand nombre de fois, ballottées entre les diverses dynasties ou tribus locales et leur conquête par des pays du Nord, Espagne surtout.

Et la splendeur momentanée d’Alger et d’autres villes « barbaresques » autour du XVIIIè siècle n’a pas gagné le reste du pays, tandis que l’administration turque se contentait de lever tribut sur la majorité du territoire, qui fut donc soumis aux famines faute de cohésion politique et d’infrastructures.

Enfin, les désordres de toute nature évoqués ci-dessus, et l’affaiblissement corrélatif de l’état physique de la population, ont favorisé les épidémies, dont celles de peste.

Rappelons par exemple qu’au cours des 160 ans qui suivirent la Peste Noire de 1343-1349, l’Afrique du Nord fut à vingt-huit reprises frappée cette maladie (3). Philippe Fargues estime donc l’espérance de vie à environ 29 ans autour de 1830, à l’arrivée des Français (4).

Une inconnue : les conséquences démographiques de la conquête

On sait que la conquête française fut une entreprise militaire sanglante. Mais son évaluation démographique est extrêmement controversée, et peut-être impossible, car les différentes d’évaluation servent à proclamer des thèses opposées sur la colonisation, querelle encore vive aujourd’hui, d’autant que la position officielle du gouvernement algérien s’appuie sur des chiffres démographiquement indéfendables, mais qu’il est néanmoins prudent de citer dans certaines circonstances.

Nous n’entrerons pas ici dans ces querelles, et nous bornerons à exposer les raisons pour lesquelles il est très difficile de trancher. Les seuls chiffres véritablement connus sont les pertes de l’armée française, que certains auteurs multiplient par 10 ou 15 pour avoir une évaluation des pertes de la population musulmane en se fondant sur l’analyse de tel ou tel engagement particulier, ce qui paraît un peu rapide.

Rappelons qu’il ne s’agit pas d’une guerre de 40 ans (la dernière grande insurrection est celle de la Kabylie en 1871), mais d’opérations locales très discontinues, d’ailleurs pas toutes menées par les Français, puisqu’Abdelkader en eut sa part en se taillant un « royaume » avec l’appui des Français dans un premier temps, avant de prendre contre eux la tête d’une partie du futur pays.

De plus pendant cette période où l’administration française ne s’implantait que très progressivement sur le territoire, les épidémies (notamment celles récurrentes de cholera) et les famines ont continué comme pendant les siècles précédents.

Faut-il mettre leurs victimes au débit de la colonisation, alors que le Maroc et Tunisie indépendants étaient également sévèrement touchés les mêmes années ? Or ces épidémies et famines ont généré bien davantage de victimes que les opérations militaires.

Cela est particulièrement criant pour la crise alimentaire (5) et donc démographique des années 1865–1868 (voir ci-après) où il n’y a pas eu d’opérations militaires.

Bref, lancer un chiffre élevé en 1830 (3,5 millions par exemple), puis le comparer au recensement de 1872 (2,1 millions après un plateau autour de 2,6 millions de 1861 à 1866) gonfle les pertes humaines de la période intermédiaire, ce qui alourdit le bilan de la colonisation.

Inversement, si on choisit le bas de la fourchette des évaluations de 1830 (moins de 2 millions, évaluation basée sur les 2,028 millions du dénombrement de 1845), on diminuera d’autant les pertes humaines dues à la conquête, à la famine et aux épidémies.

Dans le premier cas, on accusera l’armée française d’être restée indifférente dans une optique génocidaire pendant les famines ; dans le deuxième cas, elle sera créditée d’avoir sauvé des vies en collectant des céréales en France (voir les statistiques du port de Bordeaux) pour les distribuer en Algérie (6).

De toute façon, la mortalité, notamment infantile, était très importante comme pendant les siècles précédents, ce qui est un des facteurs d’une fécondité élevée.

Les illusions démographiques du début de « l’Algérie française »

Napoléon III avait suscité l’hostilité de nombreux futurs Pieds-noirs par son début de mise en œuvre d’un « royaume franco-arabe », par la mise en place d’une administration militaire ressentie comme limitant l’emprise des colons et par son souci d’égalité, attesté par le Senatus Consulte du 14 juillet 1965 qui propose la citoyenneté française aux trois ensembles de la population algérienne qui ne la possédaient pas encore, à savoir les musulmans, les juifs et les étrangers.

Les futurs Pieds-noirs se voulaient donc « républicains », c’est-à-dire opposants à l’empire et furent donc considérés comme des interlocuteurs «légitimes » par la IIIe République. Ils réussirent à « vendre » au gouvernement français le concept « d’Algérie française », qui les soumettait aux lois de la République et non plus à une administration jugée « proarabe », et atténuait leurs craintes de voir le territoire échapper à leur autorité, notamment municipale, en annulant une partie de l’accès aux « pleins droits » pour les musulmans initiée par Napoléon III pour ces derniers mais aussi pour les juifs, accès qui leur sera confirmé, AVANT la IIIe République, par le décret Crémieux du 24 octobre 1870.

Nous entrons ensuite dans la période que nous appelons ici « l’Algérie française au sens administratif », ce terme précisant que nous allons nous intéresser au fonctionnement concret, et non à « la nature » française ou autre de l’Algérie, discussion évidemment totalement dépassée aujourd’hui.

Cette période commence au début des années 1870 avec la fin de la dernière grande révolte, la naturalisation de la communauté juive et l’application de l’organisation juridique et administrative française, à d’importantes nuances près.

L’Algérie française se fera en gros sans les musulmans, réputés avoir refusé la naturalisation pour des raisons religieuses (l’adoption du droit civil français entraîne-t-elle une renonciation de fait à l’islam comme le disaient les oulémas ? Cette controverse n’étant pas démographique est donc hors de notre sujet, mais ses conséquences, elles, sont démographiques comme nous le verrons plus bas).

En raison de leur refus quasi-général, les musulmans furent soumis au code de l’indigénat et largement privés du droit de vote. Les juifs, par contre, finirent par accepter la naturalisation et rejoignirent la future communauté Pied noir, non sans se faire traiter de « traîtres » côté musulman, et en étant mal accueillis dans un premier temps par les colons chrétiens.

Le pourcentage « d’Européens », le terme désignant les chrétiens et Juifs, monté à près de 20 % vers la fin du XIXe siècle (montée stimulée par différents événements dont la guerre franco-prussienne de 1870-1871 déclenchant une émigration d’Alsaciens-Mosellans vers l’Algérie)  et la constatation d’une forte mortalité musulmane entretint chez certains l’illusion d’une francisation de l’Algérie, par ailleurs illustrée par l’assimilation à la nation française des Juifs et des chrétiens étrangers (espagnols, maltais…) qui finirent par former la communauté pied-noir.

Source : le tableau des recensements issu du livre ‘‘La population de l’Algérie » aux éditions CICRED

Le « paradoxe algérien »

Cette période d’implantation relativement calme de l’administration française permit des progrès de l’hygiène et de la circulation de la nourriture en période de disette. D’où un déclin de la mortalité musulmane, et notamment de la mortalité infantile (chiffes et analyse sur ce même document du CRICED).

Or on sait qu’un tel déclin est considéré par les démographes comme un déterminant puissant la baisse de la fécondité, puisque ce qui intéresse beaucoup de parents c’est le nombre d’enfants survivants quelques décennies plus tard pour subvenir à leurs besoins pendant leur vieillesse. Citons Jean-Claude Chesnais : « et si à l’origine de la laïcisation, de l’épargne, de la diffusion de l’instruction, habituellement désignées comme étant les causes de la baisse de la fécondité, il n’y avait avant tout, simplement, que la baisse de la mortalité ? » (7).

Le paradoxe algérien est que la fécondité musulmane n’a pas baissé deux ou trois décennies après la mortalité comme ce fut le cas dans la plupart des autres pays du monde. Ce décalage algérien a duré au moins un siècle, puisque la fécondité n’a vraiment baissé qu’en 1986 soit une génération après l’indépendance, ce qui conforte la thèse que nous allons maintenant exposer et qui s’appuie également sur nos travaux antérieurs (8).

Notre hypothèse est que si la baisse de la fécondité succède en général à celle de la mortalité, c’est parce qu’elles sont toutes les deux des conséquences d’une évolution économique et sociale : meilleur niveau scolaire, meilleures informations générales, notamment sur l’hygiène, progrès du niveau de vie, changement de genre de vie et notamment travail des femmes, déclin relatif des tâches agricoles, urbanisation…

Tout cela se déroulant « spontanément », c’est-à-dire vécu par chacun comme le résultat de sa propre action, au fur et
à mesure d’une scolarisation s’étendant à l’ensemble de la population comme c’était le cas en Occident et notamment en France, et plus tard dans une grande partie du reste du monde.

Or en Algérie, la population musulmane n’a pas connu cette évolution « spontanée ». En particulier, sa scolarisation a été considérablement freinée par la double opposition des Pieds-noirs et des cadres musulmans traditionalistes, notamment pour les filles qui sont justement les futurs acteurs de la baisse de la fécondité.

Ce n’est donc pas le changement le genre de vie qui a fait baisser la mortalité (changement qui aurait fait AUSSI baisser la
fécondité), mais un « corps étranger », l’administration française : les famines ont disparu grâce à l’amélioration des transports, les progrès de l’hygiène publique ont fait disparaître le choléra, la vaccination a été décrétée à partir de 1890, ainsi que la professionnalisation des sages femmes avec une influence directe sur la mortalité infantile (9).

Les autres innovations économiques, sociales et informationnelles modifiant le genre de vie de la communauté pied-noir comme celui des populations occidentales et notamment françaises, se sont diffusées beaucoup plus lentement du fait de la séparation entre les communautés.

La population musulmane était isolée de la population « européenne » de multiples façons : code de l’indigénat, profonde coupure religieuse, voire « nationale » (au sens « ethnique » du terme, donc bien avant que n’émerge l’idée nationaliste algérienne). En particulier, le fait que des lois françaises de généralisation de la scolarisation lancées par Jules Ferry aient été déviées par des municipalités contrôlées par « les Européens » (10) est une traduction de la situation coloniale qui a encore accru l’isolement musulman, freiné son évolution économique, et empêché la mise en place des déterminants de la baisse de la fécondité.

Bref c’est l’impact de la colonisation qui a multiplié la population musulmane en favorisant d’une part, la baisse de sa mortalité et, d’autre part, en découplant cette baisse de celle de la fécondité. Le choc en retour de la démographie sur la politique a été très visible, avec le recul à environ 10 % de la population non musulmane, et la fin corrélative du rêve de francisation, donc, pour un nombre croissant d’acteurs, algériens comme français (dont de Gaulle), la nécessité de l’indépendance.

Un retour à la normale après l’indépendance

L’indépendance, prolongeant un « plan de Constantine » (plan de développement économique accéléré de l’Algérie lancé par De Gaulle à partir de 1958) trop bref pour avoir des conséquences démographiques, a permis « l’intériorisation » des évolutions menant à la baisse de la fécondité (généralisation de l’enseignement, urbanisation rapide, début – timide – du travail féminin…). Elle contenait donc en germe des ingrédients de baisse de la fécondité.

Et l’on constata effectivement une baisse progressive et continue de la fécondité au Maroc et en Tunisie après l’indépendance. Mais, malgré de profondes ressemblances humaines entre ces trois pays, la fécondité algérienne demeurera élevée jusqu’en 1985 avant de se rapprocher brutalement de celle des 2 voisins à partir de 1986.

Notre hypothèse est d’abord que ce retard d’une décennie était peut-être humainement nécessaire pour pouvoir « intérioriser » (ou « nationaliser ») les évolutions (mortalité, scolarité, urbanisation…) et en tirer les conséquences personnelles en matière de fécondité.

Cette inertie a probablement été accentuée par le caractère rentier de l’économie, et par l’euphorie momentanée, émotionnelle d’une part, mais aussi due à l’impression que l’on pouvait bénéficier des actifs « européens » tant en logements qu’en emplois (la distribution de la rente permettant de garder « artificiellement » ces emplois et de gonfler les « entreprises
nationales »).

On cite également souvent la politique nataliste de Boumediene, mais notre opinion est que les politiques démographiques officielles ont peu d’impact (11). De toute façon, un des facteurs de l’évolution de la population est le nombre de parents, et ces derniers, pendant les premières décennies d’indépendance, sont nés à l’époque coloniale et traduisent donc le potentiel démographique accumulé pendant cette dernière.

Dans un deuxième temps, la pression démographique satura ces logements supplémentaires, l’échec économique devint patent, la rente pétrolière s’effondra en 1985 lors le contre-choc pétrolier et le lien entre baisse de la mortalité et de la fécondité se trouva analogue à celui existant dans les pays voisins, d’où la convergence des pays du Maghreb vers
le seuil de remplacement, à peu près atteint depuis l’an 2000.

La reprise très récente de la fécondité algérienne n’est bien sûr plus liée à l’histoire coloniale, mais peut-être à la distribution massive de la rente pétrolière résultant tant de la hausse des cours que de l’inquiétude des autorités.

Nous sommes donc, depuis le milieu des années 1980, dans une période où les conséquences démographiques de colonisation ont disparu, et nous terminerons sur le passage de 2 à 23 millions d’habitants de la population musulmane algérienne, de 1872, début de «l’Algérie française au sens administratif », à 1986 à la fin de ses derniers effets induits, soit
grossièrement une multiplication par 10 en un siècle.

Yves Montenay

Télécharger l’étude : Colonisation et population musulmane en Algérie -Yves Montenay – août 2013

Notes

1) Voir Dumont, Gérard-François, Les populations du monde, Paris, Éditions Armand Colin, 2004.

2) Dont celles avec les berbères. Voir Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères. Sur l’analyse de la situation actuelle de l’Algérie en terme de démographie politique, voir Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses, 2007. Concernant l’ensemble du Maghreb, voir Dumont, Gérard-François, Montenay, Yves, « Le Maghreb, une géopolitique éclatée », Géostratégiques, n° 32, juillet
2011

3) Voir notamment La démographie de l’Algérie avant et pendant la période Française

4) FARGUES (Philippe). “Démographie et Politique dans le monde arabe”. Population, Vol n° 2, Paris, 1992.

5) Thèse : Le Royaume arabe : la politique algérienne de Napoléon III 1861-1870 / Annie Rey-Goldzeiguer / Alger : SNED , 1977 et http://lire.ish-lyon.cnrs.fr/ESS/biographie.html

6) Ce paragraphe évoque notamment la querelle entre Daniel Lefeuvre (Pour en finir avec la repentance coloniale, Flammarion, 2006) et Olivier Le Cour-Grandmaison (Coloniser, exterminer : Sur la guerre et l’État colonial, Paris, Fayard, 2005) auquel on peut associer des ouvrages co-dirigés par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, ainsi que le Livre noir du colonialisme. Des considérations sur la validité de tous ces chiffres et la description de leur contexte peut être trouvée dans l’étude du CICRED sur la Population de l’Algérie.

7) BOSERUP Ester, CHESNAIS, Jean-Claude, 1991. Actes du colloque du Congrès de la Société de Démographie Allemande de mars 1988, Population, vol. 47, no 5.

8) Qui débutent avec notre thèse de doctorat « Démographie politique des pays arabes d’Afrique », université de Paris-Sorbonne (Paris IV), félicitations du jury. Ce travail décrit la fermeture de la société algérienne comparée à celle de ses deux voisins, fermeture dont nous tirons une des conséquences ici.

9) Dumont, Gérard-François, « Le rôle de la France dans l’évolution démographique de l’Algérie », Panoramiques, n° 62, 1er trimestre 2003.

10) Rappelé par Yves Lacoste dans « Géopolitique de la langue française », Hérodote, 3è trimestre 2007, p. 17 à 34, avec les référence des ouvrages-sources, dont L’école en Algérie : 1830-1862, Publisud 2001.

11) Pour une étude plus détaillée de l’évolution démographique depuis l’indépendance, voir notamment Montenay,
Yves, Lahlou, Mehdi, « Économie, Politique et Démographie au Maghreb », Annuaire du Maghreb , IREMAM,
1998.

2 commentaires sur “Colonisation et population musulmane en Algérie”

  1. Aucun commentaire avant celui-ci? On ne refait pas l’histoire. Depuis tjrs , les dominants croient pouvoir bénéficier d’une forte natalité des dominés, jusqu’à ce que celle-ci leur échappe. L’intelligence de l’auteur n’existait pas au 19ème et début du 20ème. Actuellement, je n’envie pas les 44 millions d’habitants d’Algérie, et je ne saurais pas quoi leur conseiller.

    1. –  » Depuis tjrs , les dominants croient pouvoir bénéficier d’une forte natalité des dominés, jusqu’à ce que celle-ci leur échappe.  »
      Oui, et ce dans un sens comme dans l’autre. Autrement dit trop à un moment, ici ou là, et pas assez à un autre. Ce qui fait que les dominants ne sont jamais contents. Comme il est dit dans l’article (c’est également ce que je pense) les politiques démographiques officielles ont peu d’impact (11). S’il est possible d’agir sur la mortalité, là encore dans les deux sens (pour moi il y en a un bon, un souhaitable, et un mauvais, un méprisable), autant il est illusoire de pouvoir agir sur la natalité. Beaucoup trop de facteurs entrent en jeu, l’Algérie est un bon exemple.
      Le problème reste pour moi cette question de dominants-dominés.

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