Algérie un siècle de crises

Algérie : un siècle de crises

L’Algérie est mal connue en France et évoque des souvenirs que l’on préférerait oublier. Cet article a pour objet de combler ce vide. 

♦ English version : Algeria one century of crisis

Je suis un contemporain de la « guerre d’Algérie » que j’ai suivie de très près, en me documentant sur ses causes.

Du côté algérien, la France est un point de repère important, ne serait-ce que parce qu’une partie de sa population est à cheval sur la Méditerranée : les résidents en France vont souvent « au pays » et les résidents algériens se rendent souvent en France, pour des raisons professionnelles ou familiales… sans parler de ceux qui voudrait s’y installer sans pouvoir le faire, faute de visa !

Pour la France, l’importance de l ’Algérie moins évidente et j’ai souvent constaté une ignorance du passé proche, qui empêche de comprendre cet important voisin.

La France a débarqué en Algérie en 1830, la conquête a duré une vingtaine d’années, avec des soubresauts jusqu’en 1870.

Il y a eu ensuite une période de calme dans le cadre d’un régime juridique original : « l’Algérie française » : mêmes lois qu’en France, sauf le droit de vote refusé aux musulmans et réservé aux 10 à 20 % (selon les époques) de Pieds-noirs.

Puis les problèmes sont accumulés depuis les années 1930.

Depuis l’indépendance en 1962, l’Algérie va de crise en crise : crises économiques, culturelles, politiques.

La malédiction pétrolière explique la plupart des problèmes

Les racines de l’indépendance

Historiquement le Front de Libération Nationale (FLN) a été constitué par une élite francophone, dont les membres avaient été déçus par le refus de l’égalité des droits avec les Pieds-noirs.

Je dispose personnellement des photocopies de leurs archives, qui ont été éditées en Algérie : elles sont en français et le ton pourrait être celui d’un parti politique occidental.

La carrière du meneur nationaliste Fehrat Abbas, est exemplaire : il a d’abord revendiqué l’égalité c’est-à-dire en pratique l’assimilation, mais le refus de toute réforme par les Pieds-noirs, bien relayés à Paris, l’a fait devenir nationaliste et il a été le premier président de l’Algérie indépendante.

En effet, cette élite algérienne a subi une série de rebuffades durant les 20 dernières années avant l’insurrection :

  • échec en 1936 de la réforme Blum-Violette, qui prévoyait un octroi très progressif de la pleine nationalité française aux élites musulmanes,
  • fidélité des soldats maghrébins à leur chef français pendant la 2e guerre mondiale, dans une ambiance d’égalité entre les soldats, égalité perdue au retour au pays,
  • massacres de Sétif en 1945 en représailles à une manifestation nationaliste,
  • trucage des élections de 1947, le premier gouvernement de Gaulle ayant accordé un droit de vote limité aux musulmans…

L’insurrection a été lancée en 1954, avec, dans un premier temps, la consigne de ne pas s’en prendre aux Européens. Mais, très vite, il est apparu que pour s’imposer à la masse de la population, il fallait brandir le drapeau de l’islam et de l’arabité, et utiliser le terrorisme tant envers les musulmans que « les Européens ».

Ce terme était en usage pour désigner les Pieds-noirs en grande majorité « méditerranéens », souvent de nationalité française depuis 2 générations seulement puisque d’origine espagnole, maltaise … ou juifs indigènes devenus français grâce au « décret Crémieux » de 1870.

L’indépendance et le poids de l’armée 

Pendant la guerre d’indépendance, un fait nouveau va transformer la future Algérie : la découverte d’importants gisements de pétrole au Sahara.

J’utilise le terme « guerre d’indépendance » qui est neutre, et non le terme algérien officiel de « guerre de libération », certains Algériens estimant qu’ils n’ont toujours pas de liberté politique puisqu’en fait, c’est l’armée qui gouverne depuis l’indépendance. 

Le général De Gaulle, ne voulant pas partir d’Algérie sur une défaite militaire, avait mis les moyens pour gagner militairement la guerre, ce qui fut fait en 1961.

Cela a entraîné le putsch des généraux du 21 avril 1961, également appelé putsch d’Alger : pourquoi accorder l’indépendance alors que nous avons gagné la guerre ?

Aujourd’hui, les plus fervents partisans de l’« Algérie française » sont obligés d’admettre que, si nous avions gardé l’Algérie au sein de la nation française, la population de la France ainsi élargie serait largement musulmane.

La guerre a donc été militairement gagnée et un cessez-le-feu devenait honorable. Ce fait historique est peu connu, la plupart de mes interlocuteurs disant : « si la France a quitté l’Algérie c’est qu’elle a été battue ».

Mais le FLN profita du cessez-le-feu pour encadrer politiquement le pays, au besoin par la terreur.

Et les Pieds-noirs, se sentant trahis par de Gaulle, se lancèrent dans les actions terroristes de l’Organisation de Armée Secrète (OAS), tuant aveuglément des musulmans ainsi que « les traîtres gaullistes envoyés par Paris », rendant impossible leur maintien en Algérie indépendante.

La négociation des accords d’Évian avait pourtant pour but de leur donner des garanties pour leur avenir sur place…

La crise économique derrière la prospérité pétrolière

L’Algérie indépendante s’est voulue socialiste. Pourquoi ?

D’une part, c’était un peu la mode dans le monde dans les années 1960, d’autre part, l’URSS avait été un allié important pendant la guerre avec la France.

Un des premiers gestes du gouvernement a donc été de créer une industrie nationale, industrie lourde à l’image URSS.

Il a fallu tout faire venir de l’étranger, les équipements et la main-d’œuvre. Finalement cette industrie n’a jamais été compétitive. 

De la même façon, la nationalisation de l’agriculture a nécessité d’importer de la nourriture. On disait même à cette époque « depuis que le Sahara est devenu socialiste, il a fallu importer du sable ». 

Heureusement, l’argent du pétrole et du gaz payait toutes les erreurs. Un ministre retraité m’a ainsi déclaré un jour : « Le Maroc se développe mieux que nous parce qu’il ne peut se permettre de faire des erreurs, alors que nous avons l’argent du pétrole pour payer les nôtres ».

Mais, d’erreurs en erreurs, l’Algérie s’est vue contrainte de faire appel au Fonds Monétaire International (FMI) en 1994, qui a prêté ce qu’il fallait, à la condition que le pays renonce au socialisme, ce qui a été fait très lentement et très partiellement.

Une partie des massacres entre islamistes et populations civiles après cette date auraient été liés à des rivalités concernant le foncier à privatiser.

L’important pour les détenteurs de fait du pouvoir, c’est-à-dire les cadres supérieurs de l’armée, est de garder la main sur les licences d’importation et la rente pétrolière.

Bref, l’idéal pour le pouvoir, c’est une économie limitée à la distribution des importations. C’est de notoriété publique. 

Ce qui fait qu’en Algérie, une grande partie de l’économie se résume à payer des importations avec l’argent du pétrole.

En période de prix bas, la cessation de paiements peut venir en quelques mois, mais jusqu’à présent les cours sont chaque fois remontés à temps.

Depuis la guerre en Ukraine, l’Algérie peut même se payer le luxe de se présenter comme « un pont » (formule officielle) de livraison de gaz à l’Europe, pour remplacer partiellement le gaz russe. 

La crise politique et le Hirak

Nous avons vu qu’au moment du cessez-le-feu de 1962, il ne reste pratiquement plus de forces indépendantistes à l’intérieur de l’Algérie.

À l’indépendance, c’est donc « l’armée des frontières » qui était en Tunisie et au Maroc depuis des années, sans avoir pu entrer en Algérie, et donc qui ne s’est jamais battue, qui est arrivée et a imposé le régime militaire.

Je passe sur les événements qui auraient pu déclencher une évolution démocratique, mais qui ont tous échoués. 

Il s’agit d’un point psychologiquement fondamental : cette armée n’ayant pas combattu n’avait donc aucune légitimité.

Elle a tenté d’en acquérir une, qui est maintenant officielle : « nous représentons les combattants qui ont libéré le pays, et nous devons toujours lutter contre la France ».

L’Algérie : une armée en quête de légitimité

De 1999 à 2019, le pouvoir était officiellement entre les mains du président Abdelaziz Bouteflika, de plus en plus malade et affaibli.

L’écho des printemps arabes de 2010 et la maladie du président ont déclenché une série d’énormes manifestations, « le Hirak ».

Le président a fini par démissionner et l’armée a organisé des élections présidentielles et législatives, qui ont porté à la présidence Abdelmadjik Tebbouneex-Premier ministre de Bouteflika.

Algérie : tout s’écroule et le régime attaque la France et le français

Le Hirak a été interrompu par le Covid et n’a pas repris ensuite. Beaucoup de ses animateurs sont en prison.

Des problèmes culturels instrumentalisés

L’Algérie a comme langue officielle l’arabe, en pratique l’arabe standard, qui n’est pas tout à fait l’arabe littéraire et encore moins l’arabe coranique, mais elle n’est la langue maternelle de personne.

Une partie du haut de la pyramide sociale parle français, le reste de la population parle la darija (arabe dialectal) ou des langues berbères dont la plus important est le kabyle.

J’ai parfois entendu le slogan « un francophone est un traître, un berbèrophone est un séparatiste ».

L’Algérie a mal à la Kabylie

La religion officielle étant l’islam, et le Coran n’étant valable qu’en arabe, cette langue est non seulement officielle, mais également religieuse et dans une certaine mesure sacrée. 

L’anglais prend une place croissante, d’une part comme partout dans le monde et pour les mêmes raisons, d’autre part parce que l’État le favorise pour diminuer le poids du français.

Le français reste encore largement en usage dans les entreprises publiques ou privées, à l’écrit et, dans une moindre mesure, à l’oral.

La question linguistique s’ajoute donc à l’organisation économique pour limiter le développement du pays.

Les recettes pétrolières masquent jusqu’à présent le sous-développement mais il est probable que la vérité économique finira par se faire jour, d’une manière ou d’une autre.

La question des langues berbères, et surtout du kabyle, a évolué récemment. Il est très irritant pour le pouvoir que la deuxième langue des kabyles soit le français.

Comme au Maroc, on a donc fait un tour de passe-passe que l’on peut résumer ainsi : « les langues berbères deviennent officielles (sans que l’on précise laquelle), elles seront transcrites non pas en caractères latins comme en Kabylie ni en caractères arabes, mais dans un alphabet inconnu il y a quelques années, le tifinagh ». (voir la deuxième partie de mon article sur la Kabylie).

Et pour bien illustrer cela, les inscriptions officielles, par exemple les panneaux de signalisation, les frontons des administrations… sont écrits en tifinagh à côté des caractères arabes et des caractères latins.

Panneaux de signalisation bilingue français arabe
Panneaux de signalisation bilingue français arabe

Cette mesure, qui est censée satisfaire des berbérophones, ne protège absolument pas leur langue : ce qui compte c’est l’apprentissage à l’école primaire dans des caractères usuels, latins en Kabylie, arabes ailleurs.

Cela supposerait un gigantesque programme de formation des instituteurs, qui à ma connaissance n’est pas vraiment engagé, alors qu’il aurait été beaucoup plus simple d’utiliser l’important corpus des textes kabyles en caractères latins.

Bref la politique d’arabisation des Kabyles continue. D’où régulièrement des troubles dans cette région, comme le Printemps berbère en 1980.

Tout cela n’est donc pas favorable à une réconciliation franco-algérienne, qui n’est d’ailleurs pas désirée à Alger.

Pour illustrer, je citerai Algérie54, qui se présente comme un « journal électronique algérien d’information traitant de l’actualité algérienne et internationale » et n’hésite pas à traiter notre président de la république d’«apprenti dictateur », l’accuse de racisme car voulant relancer la fécondité « des blancs », le tout assorti de multiples commentaires négatifs ou agressifs.

Remarquez au passage le nom même de ce journal qui fait référence à l’insurrection de 1954. On en revient toujours au même sujet…

Côté français des efforts de réconciliation 

Emmanuel Macron rêve d’un voyage en Algérie assorti d’un grand succès populaire, comme Jacques Chirac le fit en son temps. Mais il faut d’abord une réconciliation, de toute façon nécessaire, ne serait-ce que du fait de l’importance de la communauté d’origine algérienne en France.

Administrativement, en France, les citoyens algériens sont environ 900 000, auquel il faut ajouter quelques centaines de milliers de la 2e génération. Vu d’Alger, ils sont plus de 5 millions car « on ne peut pas perdre de nationalité algérienne ».

Il serait intéressant de savoir combien se sentent français ou se sentent algériens, mais comment ? Il y a quelques dizaines d’années, la droite française pointait les demandes de dispense du service militaire français sous le prétexte « je vais le faire en Algérie », ce qui aurait prouvé un rattachement prioritaire à ce pays.

Mais en fait, pour des raisons diverses, ils ne le faisaient pas non plus en Algérie (où c’était plus long et plus dur qu’en France), et ça ne prouvait donc rien.

Les autres raisons d’avoir une bonne relation avec l’Algérie sont de limiter les dégâts en matière de francophonie, et des relations économiques qui ne sont plus très importantes. 

Dans cet esprit, la France a entrepris des gestes symboliques. Mais malgré la bonne volonté au moins apparente du président Teboune, rien n’aboutit du fait du poids de l’armée, opposée à la réconciliation.

Emmanuel Macron peut-il nous réconcilier avec l’Algérie ?

Le contraste avec le Maroc est frappant

Pour conclure, je vais faire le parallèle avec son voisin, le Maroc, où je me rends souvent et depuis longtemps, comme en Algérie. 

Pour beaucoup d’étrangers, le Maroc est une sorte d’Algérie pauvre, faute de pétrole. Chaque fois que les cours montent, l’Algérie s’enrichit et le Maroc s’appauvrit.

Les mêmes questions linguistiques (darija, français, langues berbères) se posent dans les deux pays.

 Mais la réalité est différente :

– d’abord, l’ambiance politique, sans être excellente, est bien meilleure qu’en Algérie, notamment en matière de liberté de l’information nationale et étrangère, avec un moindre poids des islamistes, 

– les Marocains sont restés en bons termes avec les entreprises françaises, contrairement à l’Algérie. Ils produisent et exportent des produits très variés, de l’automobile aux fruits en contre saison, et vivent ainsi de leur travail et non de la manne du pétrole comme les Algériens.

Par ailleurs, Marocains et Algériens sont presque en guerre à propos du Sahara occidental, dont la plus grande partie est rattachée de fait au Maroc, tandis que l’Algérie entretient une armée d’indépendantistes sahraouis.

En s’efforçant de rester neutre dans ce conflit, la France s’est fâchée avec les deux pays.

Tout récemment la France, constatant la grande difficulté des relations avec l’Algérie, s’est mise à pencher côté marocain, et à solder le contentieux (à mon avis très secondaire) avec ce pays.

L’exemple marocain montre ainsi que l’évolution algérienne aurait pu être bien meilleure.

Yves Montenay

 

 

Image à la Une : Mémorial des Martyrs (de la guerre contre la France) à Alger

13 commentaires sur “Algérie : un siècle de crises”

  1. Algérie : un siècle de crises !
    Résumons… La France a débarqué en Algérie en 1830, la conquête a duré une vingtaine d’années, avec des soubresauts jusqu’en 1870. Il y a eu ensuite une période de calme…
    Puis les problèmes se sont accumulés depuis les années 1930. (sic Yves Montenay)
    Maintenant imaginons… et refaisons l’Histoire. Si…. la France n’avait pas débarqué en Algérie en 1830… si elle avait su faire durer cette période de calme… notamment en accordant le droit de vote aux musulmans… si en 1945, à Sétif, à cause d’une histoire de drapeau… ce policier n’avait pas tiré et tué ce jeune musulman, etc. etc. Alors, logiquement, l’Histoire eût été différente.
    Peut-être plus heureuse, ou pire, qui sait.
    Quoi qu’il en soit, qui d’autre que la France est responsable de toutes ces crises ?
    Du moins jusqu’à l’indépendance en 1962, après c’est autre chose.
    L’Algérie indépendante s’est voulue socialiste. Pourquoi ? Yves Montenay dit que c’était un peu la mode dans le monde dans les années 1960. Comme on sait les modes ça va ça vient, les pattes d’éléphant reviennent à la mode. Aujourd’hui c’est plutôt le vert (le brun aussi), parions que demain ce sera le rouge. D’autre part, l’URSS avait été un allié important pendant la guerre avec la France (sic). Donc encore la France. Et comme en logique binaire les ennemis de mes ennemis sont mes amis, il était peu probable qu’il en soit autrement. Alors va pour la mode !
    Mais qui donc a montré aux Algériens ce qu’est le capitalisme ? L’exploitation, des hommes et de la nature, la violence, la guerre, la Compétition, le Business, le Pognon etc. Après tout pourquoi pas… mais bien sûr à condition d’être des plus forts.

    Bien sûr aussi, Yves Fontenay n’est ni le seul ni le premier à tenter d’expliquer les causes des problèmes en Algérie.
    – « Peut-on traiter l’Algérie cinquante ans après l’indépendance autrement que sur le mode de l’échec, ou pour être plus précis, sans céder à l’attraction sidérante qu’exercent le discours et la thématique de l’échec qui dominent outrageusement le sujet ? » (Abdelatif Rebah – 2012)
    https://www.persee.fr/doc/rint_0294-3069_2012_num_93_1_1267

    1. j’ai pas compris ce que vous auriez dit à ma place. Personnellement je trouve que les Pieds-noirs ont été aveuglés par un sentiment de supériorité et par l’idée qu’ils pourraient toujours compter sur l’armée française. Pourtant Napoléon III et de Gaulle (et bien d’autres) leurs avaient dit : « vous ne pouurrez rester dans ce pays qu’avec l’accord de la majorité de la population »

      1. Sachez d’abord que j’ai trouvé votre article intéressant. Ce que j’aurais dit à votre place ? Autrement dit si… j’étais Yves Montenay. La même chose pardi ! Et si vous ou moi étions à la place d’Abdelatif Rebah, nous aurions écrit exactement la même chose que ce qu’il a écrit. (J’espère que vous avez lu l’intégralité de ce texte de 2012.)
        Comme toujours, tout ça n’est qu’une question de point de vue. Notamment en Histoire, comme ici. Personnellement je ne suis jamais allé en Algérie, je connais juste un peu son histoire, et quelques Algériens. Je ne connais donc pas l’Algérie. En tous cas beaucoup moins que vous. Ou que le camarade Abdelatif Rebah.

        https://www.sitecommunistes.org/index.php/publications/documents/1031-algerie-apres-trois-decennies-de-marche-forcee-a-l-economie-capitaliste-une-crise-de-recomposition-du-systeme-politique-une-interview-du-camarade-abdelatif-rebah

        https://algerie-infos-saoudi.over-blog.com/2021/07/economie.abdelatif-rebah-pres-de-six-decennies-apres-l-independance-la-question-de-la-voie-a-prendre-est-toujours-en-jeu.html

        1. Lu avec grand intérêt. Le vocabulaire est totalement différent mais je ne vois pas ce que ça change sur le fond et notamment comment cela pourrait éclairer le futur. Et ça paraît très indulgent pour la période qui a suivi l’indépendance

          1. Votre article a pour objet de combler ce vide (sic), à savoir l’histoire de l’Algérie, mal connue en effet. Abdelatif Rebah (comme d’autres) ne fait ni plus ni moins que la même chose que vous. Dans son interview du 5 juillet 2021 il dit :  » Il est important de savoir qu’en 2021, plus de neuf Algériens sur dix sont nés après l’indépendance. » Pour dire que cette population n’a toujours entendu qu’un seul son de cloche. Le sien est bien sûr diffèrent. L’histoire c’est le passé, et bien sûr il est toujours bénéfique de bien le connaître, ne serait-ce que pour anticiper le futur. Ne pas reproduire les mêmes erreurs, prendre la Bonne, ou la Meilleure Voie…

  2. Le problème majeur – que vous connaissez bien mieux que moi – lorsque l’on veut s’exprimer sur l’histoire de l’Algérie est de la resituer honnêtement et sérieusement, bref en faisant de l’Histoire, dans son contexte, notamment antérieur à 1830 : en particulier, si on traite des relations franco-algériennes, on doit, entre autres, rappeler que, pendant les 3 ou 4 siècles qui ont précédé 1830, l’Algérie n’était qu’une expression géographique, contrairement au Maroc, et que la réalité géopolitique essentielle de cette région du Maghreb était l’existence d’une série de ports qui constituaient, entre autres, autant de bases de pirates esclavagistes razziant régulièrement des esclaves sur la rive nord de la Méditerranée (les historiens sérieux parlent de 1 à 3 millions de personnes en plusieurs siècles), de l’Andalousie à la Sicile en passant par la Provence. Régulièrement, suite à des « expéditions navales punitives » de puissances chrétiennes, notamment l’Espagne puis la France, le raïs d’Alger ou de tout autre port ainsi « châtié » signait un traité par lequel il s’engageait à cesser ces raids esclavagistes… et le violait avant que l’encre soit séchée. Au début du XIXe siècle, la toute jeune marine des États-Unis procéda également à une expédition punitive de ce type parce que les navire marchands de cette nation étaient, eux aussi, régulièrement victimes d’actes de piraterie.

    Autrement dit, cette région du Maghreb était constamment un foyer d’insécurité maritime de plus en plus en contradiction avec le développement du commerce maritime et, plus généralement, la régulation par le droit international des « actes de guerre ». Il ne s’agit pas de diaboliser les Algérois, Oranais et autres marins de Salé mais, encore une fois, de rappeler un élément important du contexte dans lequel l’intervention de 1830, conçue à l’origine comme une nouvelle expédition punitive, ouvrit un nouveau chapitre des relations franco-algériennes.

    Problème fondamental : alors que, depuis au moins 150 ans et encore plus au cours des dernières décennies, il est possible en France de traiter ces questions sous l’angle historique, c’est-à-dire par des historiens au plein sens du terme (formation poussée, connaissance des langues, application d’une méthodologie rigoureuse demandant des années de formation, etc.) travaillant et s’exprimant librement sans interférence du pouvoir politique, il en va autrement en Algérie parce qu’elle est dirigée depuis 1962 par une dictature militaire kleptocrate, laquelle, comme vous l’expliquez fort bien, entretient un discours falsificateur francophobe pour masquer ses innombrables échecs , en particulier sur le plan économique. ET que ne nous tympanise pas avec la « malédiction du pétrole » pour ne pas parler de la responsabilité de dirigeants incompétents et corrompus ! Que l’on sache, la présence d’hydrocarbures à Lacq, en Écosse ou en Norvège n’a jamais constitué une « malédiction ».
    Certes, un certain nombre d’intellectuels algériens ont une vision lucide du passé – et on pourrait parler aussi de certains excellents caricaturistes comme Dilem – mais ils ne peuvent s’exprimer librement. Et une censure certaine des « décolonialistes » et assimilés en France contribue à bloquer une réflexion historique honnête : à titre d’exemple, dans la version en anglais de Wikipédia, il est indiqué que « According to Robert Davis, from the 16th to 19th century, pirates captured 1 million to 1.25 million Europeans as slaves. » [Selon Robert Davis, entre les XVIe et XIXe siècles, les pirates capturèrent 1 à 1,25 millions d’Européens pour les réduire en esclavage] (Source : « British Slaves on the Barbary Coast » [Les esclaves britanniques de la Côte barbaresque]. BBC, 17 février 2011). Pas un mot de cela dans la version en français : est-ce un hasard ? Ce n’est pas en pratiquant chez nous l’autocensure mâtinée de repentance et d’autoflagellation, voire un agressif terrorisme intellectuel qui dégrade nos recherches africanistes et islamiques, que l’on fera avancer la question ! À titre d’exemple, le traitement infligé par l’École Normale Supérieure de Paris à Gilles Kepel, l’un de nos plus grands orientalisants, est aussi honteux qu’inquiétant.

    Dans ces conditions, toute « réconciliation » solide entre la France et l’Algérie est malheureusement impossible : a contrario, celle entre la France et l’Allemagne a globalement réussi parce que, après de décennies de très nombreux travaux et d’échanges approfondis de qualité et d’indépendance croissantes d’historiens de ces deux pays, Charles De Gaulle et Konrad Adenauer surent engager un dialogue franc prenant en compte un passé douloureux mais sachant le surmonter sans l’oublier. On est hélas très loin du compte en ce qui concerne les relations franco-algériennes et c’est particulièrement malheureux parce que, indépendamment de son régime actuel, l’Algérie est un grand pays ayant naturellement vocation à être un partenaire important de la France et réciproquement.

    1. Bien d’accord, bien que vous soyez moins « diplomate » que moi. Néanmoins ce que vous dîtes concerne plus le régime que les Algériens eux-mêmes. Le dialogue est quasi impossible avec le régime actuel. Durera-t-il éternellement ?

      1. Vous avez raison d’écrire que je suis moins « diplomate » que vous ! Je l’assume : on doit la franchise aux peuples que l’on respecte et le scalpel est nécessaire pour débrider des plaies purulentes afin de pouvoir les soigner.

        Ce régime nécrosé et les idiots utiles – y compris un triste individu qui osa dire, infâme ânerie, que la colonisation a été un crime contre l’Humanité – qui en sont objectivement complices en France sont des obstacles à un dialogue fructueux entre Français et Algériens. Tous ces gens-là font perdre un temps précieux et perpétuent un climat de rancœurs malsaines reposant sur une présentation falsifiée du passé. Tant que ce régime sera en place et que ses relais français auront le pouvoir de bloquer un dialogue ouvert, les tentatives de « réconciliation » seront vouées à l’échec : on a tout vu et entendu depuis 1981, des « coups au cœur » naïfs de M. Cheysson aux repentances des autres destinées à décrocher un marché ou à rafler des voix dans les cités du 9-3.

        Pleurnicher sur son sort et attribuer tous ses malheurs à la « colonisation », surtout 62 ans après l’indépendance, c’est admettre implicitement que l’on est incapable de prendre son destin en main : la féroce et courageuse justesse des caricaturistes algériens montre la sottise de cette posture haineuse, victimaire et rancunière.

        Au passage, les Coréens qui ont subi au cours du dernier siècle la brutale colonisation japonaise, 3 ans d’une guerre qui ravagea presque intégralement leur pays, une partition avec un régime brutal et menaçant au nord un redémarrage de 1953 à 1961 sous la dictature corrompue et inefficace de Syngman Rhee, alors que cette nation n’a jamais agressé quiconque, les Coréens seraient bien mieux « qualifiés » pour se contenter de se lamenter sur leur sort en expliquant avec de solides arguments que « c’est la faute de tous les autres ». Or, avec l’énergie sauvage que vous savez, les Coréens ont fait passer leur demi-pays d’un tas de ruines fumantes à une des nations les plus modernes du monde… et sans pétrole ni autre ressource naturelle. Cela ne les empêche pas de protester vigoureusement contre le scandaleux négationnisme du Japon en matière historique mais ils ne se croient pas pour autant dispensés de faire progresser leur pays, y compris en commettant certaines erreurs environnementales ou démographiques.

        Vouloir limiter la pensée et l’expression des Algériens à des postures victimaires infondées n’est donc pas leur rendre service. C’est un beau pays qui a un grand potentiel et un peuple intéressant qui peut et doit pleinement s’épanouir, notamment en rejetant le dolorisme, en reconnaissant la multiplicité des apports qui l’ont construit et en acceptant de dialoguer librement.

        1. Je ne limite en rien les Algériens.Ceux avec qui j’échange à Paris ou en Algérie tiennent des propos qui n’ont rien à voir avec ceux de leur gouvernement. Malheureusement c’est ce dernier qui gouverne

          1. Nous sommes d’accord. Et, pour dissiper tout malentendu, je n’ai jamais pensé un seul instant que vous déformiez le sujet ! J’apprécie trop votre grand savoir et votre constante honnêteté intellectuel pour vous calomnier, fût-ce involontairement, et je vous prie d’accepter mes excuses si mes propos ont pu donner cette impression.
            Simplement, avec une franchise brutale assumée, en « mettant les pieds dans le plat », j’ai essayé de compléter votre exposé, même si mes connaissances sont moins étendues.

            Respectueuses salutations,

  3. Ma thèse est que nous avons perdu l’Algérie en 1870 quand napoléon III a été fait prisonnier à Sedan. L’idée du Royaume arabe aurait pu déboucher sur un « détricotage » mesuré au fiur et à mesure que nous aurions donné davantage de droits aux Algériens. Le décret Crémieux a braqué les musulmans et l’aveuglement des Pieds§noirs a fait le reste sans parler de la révolte de kabylie de 1871, de Sétif en 45 ou de l’OAS plus tard. Je ne crois pas que M. Tebboune cherche une réconciliation avec la France. Il perdrait son fond de commerce…

    1. Comme chacun de vos articles. Juste. Vos recherches et connaissances acquises sûrement par des affrontements de vos détracteurs, ont donné de vos écrits une richesse intense sur notre histoire…humaine.
      Que ceci puisse se propager dans des esprits en demande. Merci à vous.

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