Le 14 juillet 1790, pour l’anniversaire de la prise de la Bastille, la Nation, déjà présente dans les esprits, remplace officiellement la féodalité en France . En1848, « le printemps des peuples » est une tentative de relais de la Révolution française à l’échelle européenne. Ce « printemps », malgré son échec, va être une des causes de la première guerre mondiale qui va diffuser « la nation » en Europe au détriment des élites féodales.
Une tentative de réaction mènera à la deuxième guerre mondiale, dont la suite verra la notion de nation se répandre dans le monde.
L’héritage de la Révolution française
La Révolution française puis les guerres napoléoniennes, bouleversent intellectuellement et socialement l’Europe. La monarchie absolue n’est plus intouchable, la notion de nation va remplacer les allégeances féodales. C’est une révolution identitaire qui va peu à peu toucher le monde entier.
Mais le Congrès de Vienne (1815), qui suit la défaite de Napoléon, réinstaure l’ordre traditionnel. La Sainte-Alliance, composée de la Russie, de l’Autriche et de la Prusse, réprime toute tentative de changement révolutionnaire.
Néanmoins les idées demeurent :
- en Italie et Allemagne, pour l’unité
- dans l’Empire austro-hongrois et l’empire ottoman pour l’émancipation des peuples : les Grecs, puis les autres nationalités balkaniques au sud, la Bohême et la Hongrie en Europe centrale.
- puis, au XXe siècle, cela gagne une grande partie du monde
Par ailleurs le début de l’industrialisation voit l’apparition de la classe ouvrière et la montée de la bourgeoisie libérale. Les deux réclament la fin des privilèges, obtenue en France le 4 août 1789.
Les prémices : 1830-1848
En France, la révolution de 1830 chasse Charles X et instaure une monarchie constitutionnelle avec Louis-Philippe, mais Victor Hugo témoigne dans Les Misérables que les tensions restent vives.
En Italie, les mouvements Carbonari militent pour l’unité. Des révoltes éclatent en Pologne contre la domination russe.
Aucune de ces révoltes n’aboutit, sauf celle des Belges qui se séparent des Pays-Bas en 1830.
Les événements de 1848
C’est encore la France qui lance le mouvement. En février 1848, des manifestations éclatent à Paris, Louis-Philippe abdique, et la Deuxième République est proclamée.
Les soulèvements s’étendent dans toute l’Europe : revendications nationales, aspirations démocratiques et demande de réformes sociales.
En mars 1848, une insurrection à Vienne oblige Metternich à fuir. La Hongrie réclame l’autonomie, et des soulèvements éclatent en Bohême et en Croatie.
En Allemagne, on réclame l’unité nationale et la démocratie. Le Parlement de Francfort, tente de rédiger en mai 1948 une constitution pour une Allemagne unifiée. Les monarchies bloquent le mouvement.
En Italie, il s’agit de chasser les Autrichiens et d’unifier le pays. Des insurrections éclatent en Lombardie, en Vénétie et dans les États pontificaux.
Les Polonais, les Tchèques et les Roumains se soulèvent également pour réclamer des droits nationaux et politiques.
L’échec des révolutions
Partout, les armées restent fidèles aux régimes en place.
En France, la Deuxième République écrase en juin 1948 le soulèvement des ouvriers parisiens.
En Autriche, l’armée impériale, aidée par la Russie, réprime les insurrections en Hongrie et en Italie.
L’unité italienne et allemande
En Italie, l’unification se réalise progressivement sous la direction du royaume de Piémont-Sardaigne et l’action de Giuseppe Garibaldi, avec l’appui de Napoléon III, qui reçoit en échange Nice et la Savoie… mais pas la vallée d’Aoste francophone, du fait du dogme des « frontières naturelles ».
En Allemagne, c’est la suprématie de la Prusse, qui réalise l’unité. Après les victoires prussiennes contre le Danemark, l’Autriche et la France, l’Empire allemand est proclamé en 1871.
C’est le « deuxième Reich », le premier étant le Saint empire romain germanique, et le troisième celui d’Adolf Hitler une soixantaine d’années plus tard.
Les succès hongrois et balkaniques
Dans l’Empire d’Autriche, les Hongrois sont promus en 1867 égaux des germanophones et se partagent avec eux la tutelle des autres peuples.
On peut rattacher à ce mouvement général les guerres balkaniques qui voient l’indépendance puis la fixation en 1913 des frontières des pays des Balkans au détriment de l’empire ottoman : Grèce, Serbie, Albanie, Roumanie et Bulgarie.
La révolution industrielle
Parallèlement aux idées nationalistes, la révolution industrielle qui se généralise favorise les mouvements socialistes. Rappelons que les partis socialistes sont largement marxistes, la scission entre communistes et socialistes n’ayant lieu qu’après la première guerre mondiale, en 1924.
La première guerre mondiale, revanche des peuples
La Première Guerre mondiale réveille les tensions nationales, et la paix permet à de nouveaux peuples d’accéder à l’indépendance et à une certaine démocratie.
En Autriche-Hongrie : les Hongrois, les Tchèques et les Croates désintègrent le vieil empire. C’est l’apparition de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie.
Mais les Hongrois sont victimes de l’animosité des Serbes, des Roumains et des Slovaques et la Hongrie se voit réduite à sa taille actuelle, une partie des Hongrois restant dans les pays limitrophes.
Tchèques et Slovaques se sépareront pacifiquement à la fin du XXe siècle.
La Yougoslavie, création de la guerre, rassemble les peuples slovaques, croates, bosniaques, kosovars, serbes, moldaves et macédoniens. Ce patchwork de civilisations et de religions antagonistes ne tiendra que sous la férule d’un gouvernement central royal puis communiste (à partir de 1945) et finira par éclater finira à la fin du XXe siècle.
Dans les Balkans, outre la Yougoslavie, apparaît la Turquie sur une partie de l’empire ottoman. Mais ce nouvel Etat va massacrer les Arméniens et expulser les Grecs, pourtant présents depuis bien avant les Turcs.
L’empire russe disparaît au bénéfice de l’URSS avec la résurrection de la Pologne et la création de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie.
En URSS une vieille aristocratie disparaît et, après une phase de mondialisme rêvé, Lénine et surtout Staline reviennent à un fondement national.
La vieille aristocratie russe n’avait pas su gérer la montée de la bourgeoisie et des classes ouvrières, très loin de leur vision traditionnelle du monde.
Un deuxième éclatement a lieu à la chute du communisme en 1990.
En Europe c’est une réaffirmation des nationalismes face à la disparition des communistes.
En Asie, c’est également une affirmation nationale des musulmans d’Asie centrale, et c’est le drapeau national qui est brandi par Ho Chi Minh en 1945, et par les différents camps de la guerre civile chinoise.
Au Japon, en 1945, l’empereur proclame qu’il n’est pas un dieu et l’allégeance en sa personne est remplacée par un système démocratique.
Plusieurs objectifs de 1848 ont donc été atteints, encore souvent du fait des idées françaises : l’indépendance de nombreux peuples et l’apparition de démocraties.
Mais nous avons vu que de nouveaux problèmes se sont posés : minorités ethniques et regroupements contre nature.
Plusieurs pays vont virer au totalitarisme : la Russie au communisme, l’Italie au fascisme et l’Allemagne et plusieurs pays d’Europe centrale au nazisme. C’est largement une réaction à la réorganisation du monde de 1918.
Il aura donc fallu une maturation de plus d’un siècle pour que certains de idéaux de la Révolution française se réalisent malgré « le printemps » de 1848. On ne peut supprimer des idées mais les générations doivent se succéder pour pouvoir les mettre en place.
Aujourd’hui, nous constatons l’échec des « printemps arabes ». Espérons qu’il faudra moins d’un siècle pour faire évoluer les régimes actuels de cette région, dont certains sont particulièrement conservateurs, voire sanglants.
Cela vient d’être fait pour la Syrie, mais après les dégâts matériels et humains épouvantables du régime précédent et une inconnue quant au comportement des nouveaux dirigeants islamistes.
Le triomphe de la notion de Nation
Aujourd’hui, il paraît évident pour la plupart des peuples du monde, que l’on adhère (ou non) à une nation et non à une hiérarchie féodale fondée sur la fidélité personnelle. C’est un des apports fondamentaux de la Révolution française.
Évidemment il reste quelques traces de la féodalité dans certains pays à structure clanique (les druzes du Liban, telle ethnie africaine…), ou, plus souvent, des manœuvres politiciennes s’appuyant sur une origine locale (le « groupe de Shanghai » en Chine).
Mais, officiellement du moins, la plupart des gouvernements s’abritent maintenant derrière la notion de nation.
Et parfois ils en abusent : appeler à « l’unité nationale » peut cacher un désir de répression.
Yves Montenay