20 ans de relations France Afrique

20 ans de relations France – Afrique

À l’occasion d’un bref bilan de 20 ans de relations entre la France et l’Afrique établi pour la revue Conflits, je propose à mes lecteurs une analyse plus détaillée sur la géopolitique de l’Afrique, avec un focus particulier sur l’Afrique francophone.

L’Afrique est vaste, pas moins de 54 États souverains, extrêmement différents les uns des autres.

Dans ce qui suit je vais distinguer trois groupes de pays :

  • l’Afrique anglophone, dont je dirais seulement quelques mots
  • l’Afrique du Nord, du Maroc à l’Égypte
  • l’Afrique francophone du Sénégal à la RD Congo, auquel il faut ajouter Madagascar et les autres îles de l’océan Indien francophone (île Maurice, Comores, Seychelles et les départements français de la Réunion et de Mayotte).

Commençons par l’Afrique francophone, qui est source d’inquiétude pour le gouvernement français avec l’arrivée de la Chine, de la Russie, de la Turquie et des islamistes.

Chine, Russie, Turquie et Arabie à l’assaut de l’Afrique

La Chine en Afrique

La Chine a fait une percée spectaculaire en Afrique ces 20 dernières années. D’abord accueillie à bras ouverts pour l’argent qu’elle apportait et sa complicité avec les pouvoirs en place, elle est maintenant plus discutée. Mais sa mainmise est très forte, notamment sur les médias et par sa position de créancier.

Aujourd’hui, elle a notamment des parts de marché très supérieures à celles de la France et peut-être même des autres principaux partenaires de l’Afrique. Et l’immigration chinoise ne comprend pas seulement des expatriés travaillant dans la construction d’infrastructures confiées à des entreprises chinoises, mais aussi probablement plusieurs millions d’individus installés à leur compte, en général dans le petit commerce, ce qui commence d’ailleurs à agacer les commerçants locaux.

Et sa position de créancier commence à être à double tranchant.

Dans un premier temps, les pays africains négociaient d’une main des réductions de dettes occidentales et acceptaient de s’endetter auprès de la Chine. Bref les Occidentaux finançaient indirectement la Chine. Cette période semble terminée, la Chine faisant face à son tour à des difficultés de remboursement par les Africains et commençant à participer au club des créanciers de l’Afrique.

Par ailleurs le montant de la dette générée par les infrastructures payées commence à être discuté, car ces infrastructures se sont révélées beaucoup plus coûteuses que prévu, ce qui laisse supposer non seulement une mauvaise gestion mais aussi une cascade de commissions.

Mais tout cela gêne plus l’Africain de base que ses gouvernants… et l’influence de la Chine dans les médias africains retarde la prise de conscience.

La Russie en Afrique et le groupe Wagner

La Russie intervient par l’intermédiaire du Groupe Wagner. Ce groupe est théoriquement une armée privée, ce qui permet à Vladimir Poutine de dire qu’il n’y est pour rien, mais les observateurs ont remarqué que sa logistique est assurée par l’aviation russe.

La situation est juridiquement d’autant plus curieuse que tant en droit français qu’en droit russe, une armée privée ne peut exister, ce qui permet toutes les dénégations. Le groupe rassemble des sociétés privées souvent de droit local, mais dans l’actionnaire final serait l’oligarque russe Evgueni Prigojine, qui en a confié la direction à Dmitri Outkine, un ancien officier du renseignement militaire russe.

Ce « groupe » est d’abord apparu en 2014 en Ukraine, puis en Syrie où il a continué à sauver le régime de Bachar El-Assad, puis en Libye pour appuyer le maréchal Haftar, où il a dû reculer devant les drones turcs, et au Mozambique où il n’a pas été très efficace contre les djihadistes.

En Centrafrique, Wagner est présent depuis plusieurs années. Il s’est distingué par des brutalités envers la population, avec 200 exactions documentées par l’ONU, et leur service n’est pas gratuit : il est rémunéré par un prélèvement de 25 % sur les activités minières.

Wagner serait en train de s’installer au Mali, ce que dément mollement la junte au pouvoir, dont plusieurs membres ont bénéficié de la coopération et de la formation avec la Russie. Et il y a un puissant mouvement d’opinion en faveur des Russes.

Pourquoi les Maliens rêvent-ils des Russes ?

Parce que des influenceurs sur les réseaux sociaux (que je suis un peu) les dépeignent comme le remède à tout, et notamment aux djihadistes. Pourtant l’expérience de la Centrafrique a mis en lumière leur brutalité et leur pratique du viol, ainsi que leur avidité. Et puis, les manifestations en faveur du groupe au pouvoir sont largement payées (1,5 à trois euros par personne et par manifestation) les influenceurs probablement également. Bref il n’est pas certain que le soutien de l’opinion malienne soit aussi massive qu’on lui dit.

Mon avis est que Wagner ne servira qu’à protéger les gouvernants putschistes du mécontentement prévisible de la foule, bref, feront office de garde prétorienne. Ce mécontentement apparaîtra lorsque la population demandera un peu de démocratie et sera déçue par l’absence de miracles sécuritaires ou économiques.

Notons que ces gouvernants maliens viennent de se faire confirmer par un « dialogue national » boycotté par les partis d’opposition et qui renvoient les élections promises pour février 2022 à « six mois à cinq ans ».

Notons aussi que les forces françaises sont gratuites, qu’elles agissent directement dans l’opération Barkhane, ou via la « task force Takuba » européenne et les troupes du « G5 Sahel ».

La rémunération du groupe Wagner va impliquer soit un contrôle des mines d’or souvent informelles, ce qui va braquer une partie de la population, soit des concessions pour ouvrir de nouvelles mines… Toutefois d’après les réseaux sociaux, n’est pas du colonialisme, mais de l’amitié !

Quant aux djihadistes, tout le monde se demande comment quelque milliers de Russes ignorant le terrain, les langues locales et le français pourront renverser la situation sans l’appui aérien français ni les renseignements américains.

La Turquie en Afrique : nostalgie impériale et drapeau de l’islam

Le débarquement de la Turquie en Afrique, notamment en terre francophone, s’accélère. Il y a une raison conjoncturelle : le bas cours de la monnaie nationale favorise les exportations, et la détérioration accélérée de la situation économique les rend plus indispensables que jamais.

C’est illustré par le forcing pour la vente de drones au Niger, que je suis sur les réseaux sociaux, et qui donnent lieu à des fantasmes sur le renforcement de l’armée du Niger « alors que la France n’arrive pas à nous débarrasser de l’insécurité ».

Mais au-delà de cette nécessité conjoncturelle, il y a une volonté « impériale » de la part du président Erdogan.

D’une part, il a toujours regretté la fin de l’empire ottoman, comme Vladimir Poutine regrette celle de l’URSS, continuation de l’empire russe.

D’autre part il a besoin de succès internationaux pour masquer ses échecs intérieurs qui commencent à s’accumuler et se traduisent par de très mauvais sondages pour la présidentielle de 2023.

C’est la raison profonde de son action en Libye, ancienne province ottomane, notamment par le biais de mercenaires syriens, que les remous de la géopolitique mettent en face de ceux de Wagner !

Il se sert du drapeau de l’islam dans les pays musulmans, ceux du Sahel pour commencer. Il ne faut pas s’étonner cependant de le voir dans le camp anti-djihadistes, car ces derniers sont indirectement soutenus par un rival de la Turquie pour la direction du monde sunnite : l’Arabie.

L’Arabie et les islamistes

Certes, l’Arabie ne soutient pas directement les djihadistes du Sahel, qui se réclament plutôt de l’État islamique ou d’Al Qaïda. Ça n’engage pas à grand-chose car la direction de ces deux mouvements est devenue fantomatique.

Mais à l’échelle mondiale c’est bien l’Arabie qui est la principale pourvoyeuse d’argent aux mouvements islamistes, à l’exception des Frères musulmans, qui sont plutôt dans le camp turco-qatari.

Je ne sais pas si c’est le gouvernement saoudien lui-même, qui le dément, ou si cela passe par des fondations privées agissant sincèrement ou hypocritement « pour le bien de l’islam ». Mais c’est bien l’argent du pétrole saoudien qui circule ainsi, comme pour le financement de mosquée ou d’écoles en arabe jusqu’en Côte d’Ivoire.

Les conséquences sur les positions françaises en Afrique francophone

D’abord, qu’appelle-t-on l’Afrique francophone ? L’usage courant est de se borner à l’Afrique subsaharienne, car si le français est d’usage courant au Maghreb, à partir d’un certain niveau social, il n’est pas officiel.

Cette Afrique francophone se divise en trois groupes de pays 

  • les pays côtiers, autres que la République Démocratique du Congo, très différents des pays de l’intérieur pour avoir été christianisés depuis longtemps et être relativement développés. Cela à l’exception de Madagascar, christianisée également mais profondément désorganisée. À l’exception également du Sénégal musulman à 95 % mais que l’ancienneté de la colonisation et un encadrement en partie chrétien permettent de rattacher à ce groupe.

Ces pays n’ont pas de problèmes graves avec la France, même si certains comportements peuvent agacer Paris, comme la tentation du Gabon pour le Commonwealth. Mais la partie musulmane de leur population n’est pas à l’abri de ce qui se passe au Sahel – Boko Aram compris pour le Cameroun-  et de la propagande wahhabite,

  • La République Démocratique du Congo est une ancienne colonie belge qui n’a pas eu de rapport avec la France. La colonisation belge a été infiniment plus brutale que la colonisation française, avec notamment comme slogan « pas d’élite, pas d’ennuis » contrairement à l’attitude assimilationniste de la France.

Aux yeux de beaucoup d’observateurs, la RD Congo est le prototype de l’État prédateur ne prêtant aucune attention aux problèmes de population, y compris l’ordre public élémentaire. La population ne voit pas de différence entre les viols et confiscations des bandes armées, des armées étrangères, des armées privées et ceux de l’armée nationale.

Ce pays est un monde à lui seul avec ses 92 millions d’habitants, et la francophonie semble y être bien implantée, notamment grâce un important secteur scolaire chrétien. Cela malgré une fantaisie du président Kabila père, qui avait décrété l’anglais langue officielle, ce qui n’a eu aucune conséquence pratique, avant que cette décision ne soit effacée. Il y a eu un épisode analogue à Madagascar.

  • restent les pays du Sahel, et le cas particulièrement difficile du Mali, qui sont incapables de faire face à l’offensive djihadiste et dont la partie la plus bruyante de la population accuse la France de tous les maux. Néanmoins j’ai des échos différents d’une autre partie de la population qui a des liens intellectuels ou de coopérations ou familiaux avec la France

Un peu d’histoire

Retour sur le néocolonialisme

Je vais remonter 70 ans en arrière. On est alors passé insensiblement de la période coloniale à une période que l’on appelle néocoloniale.

Le terme est techniquement justifié, par contre sa connotation négative ne l’est pas du tout, puisqu’en général cette période néocoloniale a été la meilleure pour la majorité de ces pays, comme l’illustrent par exemple Madagascar et la Côte d’Ivoire.

J’ai été témoin de cette époque néocoloniale au cours de laquelle beaucoup d’administrateurs français sont passés de la position de cadre à celle de conseil.

Auparavant, et contrairement à ce qui se dit aujourd’hui, la fin de la période coloniale était celle d’un développement peut-être paternaliste, mais souvent bien meilleur qu’actuellement.

La période néocoloniale qui a suivi s’est souvent terminée par des révolutions, des coups d’Etat ou des guerres civiles, laissant une situation très dégradée.

Cela a été particulièrement net à Madagascar, qui ne s’en est jamais relevée, et en Côte d’Ivoire où la prospérité, qui était due en partie à la présence des PME françaises brutalement expulsées, n’est pas complètement revenue.

Il est exact que cette période néocoloniale s’est également traduite par une influence politique de la France, qui s’est notamment traduite par des votes en sa faveur à l’ONU et par des interférences dans le choix des dirigeants des pays africains.

Mais cette époque est révolue depuis longtemps et les héritiers de l’influence politique française, par exemple au Gabon au Cameroun ou au Tchad sont libres, et d’ailleurs leur comportement autocratique est mal vu à Paris… qui toutefois n’intervient pas.

Mais pour pouvoir accuser la France et l’Occident, on les accuse de maintenir le sous-développement par « le pillage »

Un pillage imaginaire

Ce que les réseaux sociaux appellent « le pillage » est le terme populaire pour la notion tiers-mondiste, maintenant abandonnée, de « détérioration des termes de l’échange ».

Selon cette théorie, les matières premières paieraient de moins en moins la même quantité de biens industriels ce qui expliquerait le sous-développement.

À ce compte, la France pillerait le Japon en lui vendant du vin à un prix quasi stable et en lui achetant du matériel électronique dont le prix baisse très vite. Produits qui ont cependant fait la prospérité du Japon, lequel est brillamment sorti sous-développement.

NB : l’étude économique de la colonisation et la critique la notion de « pillage » sont développés dans mon livre Le mythe du fossé Nord-Sud, et comment on cultive le sous-développement

Une coupure générationnelle

On oublie que les indépendances ont maintenant environ 65 ans et que tous les intéressés ont disparu. On oublie également les succès économiques de cette période néo coloniale, surtout comparée à la situation d’aujourd’hui.

Donc l’usage de cet argument dans la propagande anti-française aujourd’hui s’appuie sur l’ignorance des jeunes générations.

Cette coupure générationnelle est aggravée par la scolarisation dans l’enseignement supérieur sur place, et non plus en France.

Il y a donc méconnaissance de cette dernière, sans parler du rôle de certains enseignants qui ont cherché à « se poser en s’opposant » ou des cadres formés dans les pays hostiles évoqués plus haut, auxquels on peut ajouter les universités islamistes, dont celle de Riyad.

Le sentiment anti-français des étudiants provenant de ces universités se colore d’une hostilité à la langue française (la « vraie » langue étant l’arabe) et à l’Occident « décadent » en général.

Deux mots sur l’Afrique anglophone

La France n’y a jamais été très présente, malgré la période « mondialiste et anglophone » du MEDEF.

D’ailleurs cette région, contrairement à sa réputation se développe plutôt moins bien que l’Afrique francophone, à l’exception du Ghana et du Kenya. Le poids-lourd, l’Afrique du Sud, est certes le pays le plus développé d’Afrique, mais il stagne depuis maintenant longtemps.

Le poids-lourd, avec 210 millions d’habitants, est le Nigéria, qui dispose théoriquement d’une manne pétrolière. Mais on sait que cette soi-disant manne est en fait un handicap qui exacerbe les rivalités tribales, nourrit la corruption et pèse sur son développement.

On pourrait dire que le Nigéria est à la fois un état côtier chrétien et relativement développé au sud, tandis que la grosse moitié musulmane du pays, au nord, reste particulièrement sous-développée et en partie désorganisée par Boko Aram et ses rivaux.

Mais le succès de ces djihadistes est, comme dans le reste du Sahel, la conséquence de la non gouvernance de ces régions loin de la capitale.

L’Afrique du Nord

Le Maghreb approche les 100 millions d’habitants, auxquels on peut ajouter les quelques 100 millions d’Égyptiens.

La croissance démographique, jugée très rapide vue de France, y est en fait plus faible qu’au sud du Sahara, où le seul Nigéria a dépassé l’ensemble de la région.

C’est par ailleurs la partie de l’Afrique la plus développée, bien que cette comparaison n’ait pas grand sens, vu les disparités régionales, au nord comme au sud du continent

Au Maghreb, les trois pays, humainement et historiquement assez semblables, ont continué à diverger, mais les principales données n’ont pas changé depuis 2001 :

  • un Maroc partant de plus bas que les autres, mais en progression solide avec une bonne base industrielle et agricole aux critères européens et une liberté politique et religieuse supérieure au reste du monde arabe, Tunisie exceptée. L’enseignement public est déplorable, mais le privé, largement francophone, avec néanmoins un progrès de l’anglais, fournit les cadres moyens. Sauf incident ponctuel, les relations avec la France sont bonnes.
  • une Tunisie qui partage beaucoup de caractéristiques avec le Maroc, mais part de plus haut en matière de niveau de vie et de démocratie, malgré les échecs récents.
  • une Algérie qui au contraire a du mal à se sortir du socialisme et du non développement, les recettes pétrolières étant largement confisquées. Ces recettes permettent une économie basée sur les importations avec peu de production nationale, même si la privatisation de l’agriculture et une relative libéralisation industrielle ont permis de petits progrès. Bref un échec économique et politique flagrant, dont la responsabilité est attribuée contre toute évidence à la France. Ce qui s’est traduit en économie par une éviction des exportations françaises au bénéfice notamment de la Chine et sur le plan culturel par une pression sur la partie francophone de la population.

Quant à l’Égypte, elle a quasiment fait un tour complet dans les 20 dernières années : la dictature militaire de Moubarak a fait place à une démocratisation qui a amené les Frères musulmans au pouvoir. Leur échec a généré une nouvelle contestation, qui s’est terminée par le retour de l’armée qui les réprime plus que vigoureusement.

La position de la France, prépondérante jusqu’en 1956, a été détruite par l’affaire de Suez et le socialisme nassérien a ruiné le pays.

L’Egypte ne s’en est que partiellement remis et son équilibre économique précaire ne tient qu’à l’aide américaine, les redevances du canal de Suez, un peu de gaz et de pétrole et les envois des expatriés en Arabie Saoudite.

L’image de la France reste bonne, mais nos intérêts économiques ne sont plus très importants et la francophonie s’est réduite à une partie des milieux privilégiés

La francophonie

Contrairement au Commonwealth, l’Organisation internationale de la francophonie n’a jamais eu d’objectifs économiques et se borne à une action culturelle.

Ce qui me paraît important, ce n’est donc pas cette organisation, l’OIF, mais la diffusion de la langue française. Cette dernière s’est beaucoup élargie depuis 2001, pour trois raisons.

La première est le progrès de la scolarisation en français et notamment des écoles privées de la maternelle à l’université. Certes il n’y a pas d’écoles partout, et certaines ne sont composées que d’une classe unique encadrée par un instituteur mal payé, voire pas du tout, et donc nourri par les parents. Mais il ne faut pas oublier le grand nombre d’écoles fonctionnant normalement.

La seconde est que la bourgeoisie locale en est de plus en plus souvent à la troisième génération scolarisée, ce qui fait du français sa langue maternelle. Le français n’est donc plus une langue étrangère pour cette bourgeoisie mais la langue véritablement nationale.

La troisième raison, mieux connue, est la croissance démographique rapide de l’Afrique. Cette croissance démographique mènera l’ensemble des pays francophones vers 750 millions vers 2 050 … si les événements politiques ne viennent pas interrompre la scolarisation en français.

Enfin le milieu littéraire parisien, notamment celui des éditeurs, aurait longtemps sous-estimé les écrivains francophones. Cette période semble terminée comme l’illustre l’attribution du dernier prix Goncourt à Mohamed Mbougar Sarr, romancier sénégalais, pour son livre « La Plus Secrète Mémoire des Hommes« .

Mais bien sûr, qui dit francophonie ne dit pas forcément francophilie. Les opposants à la France les plus virulents s’expriment en français.

Tout cela mène-t-il à la fin de la présence française en Afrique ?

Pour conclure, il est frappant de voir resurgir la diabolisation de la colonisation, alors que cette dernière a plus de 60 ans, et n’est donc pour rien dans les problèmes africains actuels.

Pour rajouter au pessimisme, citons la vente par le groupe Bolloré de sa filiale qui a eu le grand mérite de gérer sérieusement les ports africains. Il l’a vendue à une entreprise suisse basée à Gênes, qui a comme langue de travail l’anglais à l’international. Espérons que cette concession à la mondialisation ne descendra pas jusqu’à l’Africain de base dans chaque port.

Et maintenant, on déplore une campagne remontant jusqu’à l’ONU, pour accuser une autre de ses filiales  « d’accaparer des terres »… alors que la Chine en achète à grande échelle !

Le groupe Bolloré est depuis longtemps la cible non seulement des allergiques à la France mais aussi de la gauche française, pour qui il était devenu le symbole du néocolonialisme.

J’imagine mal les Chinois tolérer que certains de leurs citoyens militent contre leurs intérêts à l’étranger !

Bref cette diabolisation de la colonisation a beaucoup plus de succès qu’au moment des indépendances, peut-être justement parce que les témoins ont disparu. Et qu’ils ne peuvent contredire les proclamations « anti coloniales » des concurrents de la France et de l’Occident en Afrique.

Cela alors que la Russie et la Turquie ont été longtemps des colonisateurs sanglants, et que la Chine n’a pas été tendre avec les Manchous, les Mongols et les Tibétains, et plus récemment avec les Ouighours.

Il reste à espérer que ces trois puissances perdront de leur attrait au fur et à mesure de la perception par les Africains qu’ils ne feront pas de miracles, tandis que réapparaîtront les multiples liens de coopération avec la France, dont sont bien conscients les générations africaines un peu moins jeunes.

L’action des diasporas sera importante également.

Mais dans tous les cas l’Afrique se sera mondialisée et la France ne sera qu’un interlocuteur parmi d’autres… néanmoins privilégié par une langue commune.

Yves Montenay

5 commentaires sur “20 ans de relations France – Afrique”

  1. Très bel exposé. L’Afrique bouge. Ce continent sort de ces 3 périodes d’avant la colonisation, souvent mal connue, de la colonisation souvent difficile et orageuse, d’après la colonisation souvent avec ses influences marxisantes ou capitalistiques et son difficile équilibre politique, financier, civilisationnel et humain. L’Europe commence à s’y intéresser et le prochain sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine de février 2022 est porteur de beaucoup d’espoir pour l’aider à fonder de nouvelles normes; sans doute propres à l’Afrique, en vue d’une prospérité africaine, différente, sans doute, en fonction des pays concernés, tenant compte des particularités géographiques et culturelles de chacun. Bon vent à l’Afrique et tous mes vœux à tous.

  2. C’est dommage que l’analyse consacrée à l’Afrique du Nord soit relativement courte bien que vous reconnaissez que cest la partie la plus développée du continent.
    En second lieu on aurait voulu que l’Afrique du Nord soit inclue dans vos observations sur la francophonie en Afrique

    1. Sur ces deux points, j’ai déjà écrit de nombreux articles. Vous pouvez aller sur mon site et taper « Maghreb » ou un nom de pays sur le moteur de recherche à droite.
      Voici l’un d’entre eux : https://www.yvesmontenay.fr/2019/12/05/anglicisation-au-maghreb-une-erreur-strategique/
      et je pense en écrire d’autres.
      Mes articles sont déjà un peu longs, et je ne peux pas tout développer. Je préfère faire un nouvel article.
      Dans la rubrique du site sur les livres que j’ai écrits, il y a « le français dans le monde arabe »

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