L'Couverture du livre L'Eurasie de Michel Bruneau

L’Eurasie – Un ouvrage de Michel Bruneau

Le 17 janvier 2022, aux Cafés Géographiques (*), Michel Bruneau a présenté son livre :

« L’Eurasie. Continent, empire, idéologie ou projet »

Voici ce que j’en ai retenu.

L’idée générale est de comprendre que l’Europe et l’Asie forment un seul continent et notamment que les Etats ou les empires (une vingtaine) ont souvent été à cheval sur les deux. Les plus connus sont ceux d’Alexandre, l’empire romain puis byzantin, ceux des turco-mongols dont l’empire ottoman, et la Russie.

carte de l'Eurasie
Carte de l’Eurasie – Crédits : Aquaportail.com 

La géo-histoire

Michel Bruneau commence par une rapide description géographique du continent, en signalant l’importance des chaînes montagneuses Est-Ouest, chaînes qui déterminent la grande coupure désertique. Leurs piémonts serviront de base aux grandes routes commerciales, évoquées sous le nom de « routes de la soie » bien que ce nom ne leur aurait été attribué qu’au XIXe siècle. Y circulaient des biens à forte valeur ajoutée comme la soie mais aussi les métaux et la poudre à canon. Ainsi que les idées et notamment le christianisme nestorien.

Les remous politiques des Etats de ce continent, avant la colonisation et la mondialisation, avaient déjà impacté la côte orientale de l’Afrique et les îles de océan Indien, ainsi que l’Afrique du Nord, territoires que certains rattachent donc à l’Eurasie.

À partir de la Renaissance apparaissent les empires maritimes, portugais, hollandais, anglais et français.

La Russie a structuré son espace eurasien en deux temps, d’abord par le transsibérien qui suivait la frontière chinoise et terminé en 1904 puis la ligne ferroviaire Magistrale Baïkal-Amour (ou BAM), plus au nord par prudence, terminé en 1931.

La structuration contemporaine

C’est la Chine qui la met en œuvre.

D’abord par un axe vers le Kazakhstan et l’Europe occidentale, un autre par le Pakistan vers le port de Gwandar sur l’océan Indien, un autre encore vers la Birmanie, ainsi que le TGV Chine – Bangkok via Vientiane au Laos.

Si les routes et chemins de fer chinois structurent effectivement le territoire, ils sont secondaires économiquement par rapport à la route maritime de l’océan Indien (détroit de Malacca, canal de Suez).

En effet, s’il faut 12 à 16 jours de train pour aller de Pékin à Londres contre 48 jours par la mer, les débits ne sont pas comparables car un seul navire gros-porteur de conteneurs est l’équivalent de 25O trains. Et le dégel de l’océan Arctique ramène la durée du transport maritime à 33 jours.

Il faut remarquer que dans les deux cas, les containers reviennent souvent à vide, la Chine produisant nettement plus de produits finis qu’elle n’en importe (NDR :  la différence vient des importations chinoises de pétrole, de charbon et de minerais qui ne voyagent pas par conteneurs)

On remarque que l’Inde est totalement entourée par les routes « chinoises » terrestres et maritimes, ces dernières s’appuyant par exemple sur un port du Sri Lanka que ce pays a dû concéder à la Chine ne pouvant rembourser la dette qui a servi à le construire.

La conclusion de Michel Bruneau est que la Chine est maintenant la principale puissance de l’Eurasie.

Les questions de l’auditoire

Première question : « La structuration physique (chemin de fer et routes) n’est-elle pas plus importante pour l’histoire à long terme que la route maritime, même si cette dernière est aujourd’hui plus économique ? »

Réponse de l’auteur Michel Bruneau : « L’histoire à long terme éclaire le passé, mais pas forcément l’avenir »

Deuxième question : « Toutes ces actions chinoises supposent des capitaux gigantesques, d’où viennent-ils ? »

Réponse de l’auteur : « Ces capitaux viennent du développement chinois et notamment de l’excédent de son commerce extérieur ».

J’ai fait une réponse complémentaire : « La consommation chinoise est faible, autour de 50 % du PNB contre 85 % dans les pays développés (chiffres de mémoire). Ce financement vient donc de la différence entre le niveau de vie chinois tel qu’il pourrait être du fait du développement du pays et le niveau de vie réel. C’est la même réponse, éclairée d’une autre façon » (NDR j’aurais dû ajouter que les grandes entreprises chinoises se sont largement financées sur les marchés internationaux notamment à New York ou via Hong Kong).

Un auditeur fait remarquer que les différences de largeur de voie ferrée à plusieurs frontières du continent obligent à des transbordements de marchandises, ce qui handicape encore davantage la voie ferrée par rapport à la voie maritime.

Enfin l’orateur a dit ne pas pouvoir répondre à ma question sur les conséquences à long terme des faiblesses démographiques de la Chine et de la Russie.

Yves Montenay.

(*) Association Les Cafés Géographiques

1 commentaire sur “L’Eurasie – Un ouvrage de Michel Bruneau”

  1. « L’histoire à long terme éclaire le passé, mais pas forcément l’avenir ». On pourrait en dire autant de la géographie, puisque la technologie a quand même transformé le monde en « village planétaire » (la distinction de Eurasie avec l’Afrique ou l’Amérique devient de + en + formelle, avec les media modernes), puisque les migrations humaines font de la géographie une réalité humaine autant que géologique, puisque aussi la tectonique des plaques est en train de rassembler certains continents (la Méditerranée va disparaître, et l’Australie va coller à l’Asie). Quant à l’Eurasie elle même, son unité est pour le moins formelle, en tout cas en 2022, pour le citoyen de base (à la différence d’un universitaire): ce que la Russie essaie de récupérer territorialement, ce que la Chine aussi essaie de récupérer territorialement, nous prouvent que l’Eurasie est un continent sacrément explosif et peu homogène (avec une UE qui donne envie de pleurer quand on voit ses prétentions géostratégiques et le vide de ses moyens réels pour jouer un rôle dans cette Eurasie en chantier….)

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