Voici un choix très personnel de ce qu’il faut retenir de 2017 pour mieux comprendre 2018, choix dans lequel vous reconnaîtrez mes engagements.
La francophonie rebondit mais reste minée de l’intérieur
D’abord, parlons de la francophonie, qui me tient particulièrement à cœur.
Tous les précédents présidents lui ont donné un coup de chapeau, mais n’ont pas fait grand-chose, y compris le plus littéraire de tous qu’était François Mitterrand.
Emmanuel Macron est également un littéraire, mais il est en même temps un « mondialisé », ce qui ne devrait pas être contradictoire mais suppose un pilotage délicat. Par exemple être attentif à ne parler anglais que lorsque le contexte est à la fois unilingue anglophone et relativement privé (pas d’interprète ou de traduction simultanée). Bref illustrer le français sans tomber dans l’arrogance ou le mépris apparent de l’interlocuteur. Cela pour le symbolique.
Mais le symbolique n’est rien si les Français d’une part et les pays francophones d’autre part décrochent. Et là il y a un dialogue de sourds, illustrée par l’ambiguïté de la phrase « il faut parler anglais ».
Tout le monde s’accordera à dire qu’il est positif de savoir parler anglais, mais certains pensent qu’il faut s’exprimer dans cette langue même entre francophones, comme c’est maintenant courant dans de nombreuses entreprises françaises.
C’est un stupide gâchis de compétences pour l’entreprise, une occasion d’injustices multiples pour le personnel et un mauvais signal envoyé à l’extérieur. Hors des entreprises, on assiste également un déferlement de publicités et de formules en anglais, ce qui nous ridiculise aux yeux des Québécois et des Africains.
Et c’est là que nous passons aux pays francophones.
2017 est en effet l’année où les Français ont repris conscience de leurs liens avec l’Afrique francophone, bizarrement oubliée depuis quelques décennies, notamment par les entreprises, alors qu’une langue commune simplifie considérablement les contacts, l’implantation et la gestion du personnel.
Mais la francophonie représente bien davantage qu’un atout pour nos entreprises, puisque c’est la chance de survie de notre langue et de notre culture qui, outre leur intérêt propre auquel je suis très attaché, est le seul moyen d’éviter d’être des citoyens de seconde zone dans un monde modelé par l’anglo-américain, le mandarin, ou plus vraisemblablement le « globish», ce qui serait une régression pour tous.
La montée des dictatures
Contrairement aux années qui ont suivi la chute du mur de Berlin, et où l’on voyait « la fin de l’histoire », c’est-à-dire le triomphe des démocraties libérales, nous assistons à la multiplication et au durcissement des dictatures.
Le temps est loin où, pendant la guerre froide, les Occidentaux considéraient comme bonne toute dictature anticommuniste. Le temps par contre est proche où les mêmes Occidentaux considéraient comme bonne toute dictature anti-islamiste.
Résultat, les présidents tunisien et égyptien, Ben Ali et Moubarak se sont faits renverser par les démocrates qui ont servi de marchepied aux islamistes. La Tunisie s’en est à demi tirée par des élections libres, mais l’Égypte a dû appeler un nouveau dictateur, le générale Sissi, pour s’en dégager. Ce qu’il a fait, mais en réprimant également des démocrates.
Toujours au Moyen-Orient, la Turquie est passée d’un régime semi démocratique à une dictature islamiste, le président Assad, un des pires bouchers dans une liste déjà longue, semble avoir été remis solidement en selle par ses alliés russes et iraniens et les Occidentaux n’excluent plus de lui parler.
En Iran, le président Rohani, élu comme modéré, se retrouve coincé entre les conservateurs islamistes, qui ont la réalité du pouvoir, et le peuple déçu par l’inaction de son élu.
En Afrique, le président Kabila en République Démocratique du Congo n’a pas démissionné le 31 décembre 2017 comme il s’y était engagé après la médiation de l’église catholique.
Le président du Burundi, Pierre Kurunziza, a eu un deuxième mandat contesté et un troisième qu’il n’a « remporté » qu’après une répression sanglante, qui dure encore.
Deux bonnes nouvelles toutefois : la chute de Yahya Jammeh, l’inamovible président de la Gambie, et de Robert Mugabe au Zimbabwe, deux experts en répression sanglante et en catastrophe économique. Mais si le nouvel homme fort, Emmerson Mnangagwa, est un vieux complice de Mugabe, et devra prouver qu’il s’est effectivement converti à la démocratie.
En Asie « la plus grande démocratie du monde », l’Inde, dérape vers une sorte de racisme religieux en faveur des hindouistes.
Plus à l’est, en Chine, Xi Jiping a vu son pouvoir consolidé par le dernier congrès du parti communiste, et s’est empressé de ficher sa population en contrôlant chaque individu par reconnaissance faciale, et en ouvrant un dossier sur lui où seront notés ses qualités et défauts, évalués par ses interlocuteurs.
En Europe, l’Ukraine tente de mettre au pas les activistes anticorruption et même des pays de l’Union Européenne comme la Pologne et la Hongrie voient leur démocratie ébréchée.
En Amérique latine, le Venezuela opprime et affame sa population, tandis que la réforme traîne à Cuba, toujours sous la férule de Raul Castro, qui a déjà désigné son successeur, communiste comme lui.
Les doutes sur la globalisation et le libéralisme
La globalisation, à ne pas confondre avec la mondialisation, phénomène purement technique symbolisé par Internet, a toujours eu mauvaise presse, notamment parce qu’elle était assimilée au « capitalisme financier » et aux « multinationales ».
En face, elle avait aussi ses partisans, dont le grand argument est la sortie de la misère d’environ un milliard de Chinois, et de quelques centaines de millions de personnes dans d’autres pays. Mais le déclassement corrélatif d’une partie des travailleurs occidentaux et la transformation des Chinois de « pauvres » en menace mondiale a fait évoluer les plus enthousiastes. Et comme beaucoup de politiques et d’intellectuels occidentaux confondent allègrement la globalisation, la simple gestion sérieuse et « le libéralisme » ce dernier est plus décrié que jamais.
C’est bien sûr à mon avis une erreur totale d’analyse, qui risque de conduire à des politiques erronées et ruineuses. Le Venezuela, après Cuba, en est l’exemple le plus parlant, mais l’on entend de plus en plus les sirènes appeler des peuples à se jeter à la mer.
Et toujours la démographie
Cette donnée fondamentale de la géopolitique est à évolution lente. Comme l’an dernier il faut noter l’aggravation de la situation de l’Asie de l’Est (Japon, Chine, Formose, Corée), et celle de l’Europe où la France est de moins en moins exceptionnelle avec une nouvelle baisse de la fécondité, peut-être due aux mesures anti familiales du président précédent.
Tous ces pays voient diminuer leur nombre d’adultes et on se demande qui nourrira les vieux quel que soit le système de retraite. Ceux qui refusent l’immigration, comme le Japon, semblent avoir amorcé leur disparition, tandis que ceux qui l’acceptent plus ou moins se trouvent face à des problèmes politiques et sociaux ardus.
La démographie africaine a été très en vue, du fait des controverses ayant suivi la déclaration du président Macron sur la difficulté du développement lorsque lorsqu’il y a plus de sept enfants par femme. On a vu fleurir des réactions indignées que l’on peut résumer par : « C’est faux, et de quoi se mêle-t-il ? C’est du néocolonialisme ! ».
Avec le recul, on s’aperçoit qu’il avait évoqué le cas extrême du Niger, où il est revenu offrir un appui au planning familial. Mais de toute façon, le reste du continent, avec actuellement ses cinq ou six enfants par femme, soit un doublement tous les 20 ou 25 ans, va faire face à une démographie explosive. Cela entretient la crainte d’une forte augmentation des migrations vers l’Europe.
Voilà donc quelques observations qui pourraient avoir des conséquences en 2018.
Pour ce qui concerne la France, notre président vient de nous rappeler qu’il a un programme précis et qu’il l’appliquera mordicus. L’incertitude est donc théoriquement moins forte qu’ailleurs. Mais l’attitude des Français offre de temps en temps quelques belles surprises… Nous allons fêter cette année le 50e anniversaire de mai 68, épisode ou opérette (à mon avis), qui a été porté aux nues, mais qui en fait nous a terriblement plombé.
Yves Montenay
Intéressant et décapant, « as usual »… merci !
Je suis bien d’accord Cher Yves avec ce que tu dis dans ta dernière phrase. Par contre et contrairement à toi j’ai l’espoir que l’Europe sorte de son enlisement grâce aux pays de l’est dont la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie et maintenant l’Autriche en plus. Et comme me le disait ce matin une dame de 45 ans, j’ai cru en Macron parce qu’il est jeune, mais je vois maintenant qu’il est en fait le plus vieux Président que ayons jamais eu. Je pense comme elle, sauf que Pompidou était jeune !
Il y a me semble-t-il une prise de conscience des gens que l’immigration exclusivement musulmane est mauvais pour la cohésion nationale. Elle finira peut-être par atteindre nos gouvernants.s’ils veulent se faire réélire.
Même et peut-être surtout avec une démographie mondiale explosive, la démocratie n’est que de moins en moins une solution pour demain.
Alors, plus de collectivisme castrateur ou un individualisme liberalisateur où le seul rôle de l’Etat serait de faire respecter la vraie propriété privée ?
Quel est dans ces conditions le rôle de l’homme sur Terre ?