Le malaise, le pessimisme et parfois la panique semble avoir envahi beaucoup d’économistes. Ils annoncent des catastrophes, tant mondiale et nationale que pour certaines grandes entreprises et des secteurs entiers de PME. Ce n’est pas mon avis.
Mon relatif optimisme vient de ce que la population active et les infrastructures ont été très peu touchées. On devrait retrouver le niveau antérieur dès que les contraintes seront levées.
Cela suppose néanmoins qu’il n’y ait pas d’erreur de pilotage national ou européen ni de perturbations venant de l’extérieur et notamment de Chine. Nous allons voir que c’est loin d’être gagné.
En sens inverse, je vois 2 éléments favorables : une accélération de l’innovation technique et sociale, et la baisse des prix du pétrole.
L’action du gouvernement français
Jusqu’à présent, l’État a mis l’accent sur la politique budgétaire. Il va alimenter massivement l’économie par une série de mesures pour permettre aux entreprises de survivre jusqu’à la concrétisation de la reprise, et donc aux salariés de garder leur emploi.
C’est un premier point positif qui doit être accompagné par une amélioration du climat psychologique qui, en ce 29 avril, est largement négatif. Or le sentiment de confiance est nécessaire pour que l’économie reprenne. Pour l’instant, les Français épargnent.
Autre point négatif, le climat social décourage des entreprises françaises ou étrangères qui voudraient redémarrer d’investir et d’embaucher, notamment dans le cadre du remodelage des lignes d’approvisionnement en France pour moins dépendre de la Chine.
La multiplication des préavis de grève et de menaces de poursuites judiciaires, voire de poursuites effectives (voir Amazon par exemple) entretiennent le blocage psychologique des entrepreneurs.
Et les mesures finalement adoptées entraînent souvent une perte de productivité qui va affaiblir l’entreprise au détriment de tous. Il faudrait faire confiance au dialogue local, plutôt que perdre du temps à négocier des règles générales très strictes au niveau national ou professionnel.
Dans ce contexte, il paraît important de suspendre la responsabilité pénale des chefs d’entreprise en plein redémarrage, paralysant et inadaptée à cette situation nouvelle. Voire d’attaquer en dommages-intérêts les fauteurs de grèves abusives, comme cela s’est déjà fait.
Ces dernières sont d’autant plus regrettables que les informations qui remontent du secteur privé montrent un bon consensus direction–employés.
Dans les syndicats du secteur public, qui ont une tradition plus dure du « dialogue social », comme à la SNCF ou la RATP par exemple, peuvent retarder ou entraver la reprise.
Dans les Échos du 30 avril, Bruno Lemaire, ministre de l’économie et des finances rappelle que tout retard dans la reprise du travail va entraîner des pertes définitives de marché notamment à l’exportation, au bénéfice de ceux qui rouvrent plus rapidement, comme la Chine, les États-Unis et certains pays européens.
En attendant la France doit financer son déficit et emprunter. L’Italie et l’Espagne aussi. Ce qu’elles font toujours le jour, mais les sommes prévisionnelles à trouver dans les prochaines semaines sont telles que l’on se tourne vers la Banque centrale européenne.
La politique monétaire européenne
Cette dernière est prête à « faire preuve d’imagination » pour créer massivement de la monnaie.
Je passe sur les problèmes techniques qui ne sont pas le sujet ici, mais mon impression est que les responsables politiques, et même monétaires, ne les maîtrisent pas.
Supposons le problème résolu. Reste à ce que l’argent « créé » aille effectivement à l’économie, ce qui n’a pas été le cas lors de la récession de 2008 selon l’essayiste libéral Henri Lepage qui craint, dans sa tribune « Enter the coronavirus » que l’un des « tuyaux » allant des banques centrales aux entreprises ne fonctionne pas.
Parallèlement les pays européens les plus endettés font pression à Bruxelles pour que les nouvelles dettes soient mutualisées. Cela se heurte bien entendu aux pays « économes » comme les Pays-Bas ou l’Allemagne. Et aujourd’hui encore, l’accord n’est pas trouvé.
Faute d’accord, chaque pays devra continuer à emprunter seul, ce qui, à partir d’un certain montant de dettes, sera de plus en plus difficile : à terme, il faudra payer des intérêts plus élevés pour trouver de l’argent.
On se trouverait vite dans une spirale « à la grecque » obligeant à des plans d’austérité draconiens pour pouvoir emprunter et rembourser la dette ensuite
Le contexte mondial et notamment chinois
Si le financement de la dette est résolu, encore faudra-t-il que les entreprises aient des clients. Pour les clients nationaux, la politique budgétaire devrait suffire.
Mais pour les clients étrangers tout dépend de leur propre reprise. Pour l’Europe et les États-Unis c’est l’inconnu, et les yeux se tournent vers la Chine qui est sortie il y a plusieurs semaines de l’épidémie et dont l’économie redémarre.
En effet le rôle de la Chine avait été très positif en 2008 avec un très vigoureux plan de relance qui aidé l’économie mondiale à redémarrer.
Malheureusement, ça ne semble pas être le cas en 2020 car l’économie chinoise ne reprend très progressivement du fait de la faiblesse de la demande du reste du monde : une raison supplémentaire de déconfiner raisonnablement vite ?
Fin avril, les indicateurs physiques chinois sont à 80 à 100 % de la normale mais avec une productivité plus faible du fait des mesures de sécurité sanitaire interne.
Et ce redémarrage est encore ralenti par la coupure des contacts physiques avec l’étranger.
De plus, à moyen terme, l’économie chinoise souffrira de sa démographie et de la réimplantation nationale à son détriment des lignes internationales d’approvisionnement dans les pays européens, qui avait d’ailleurs commencé avant la pandémie et qui va certainement s’accélérer.
Par ailleurs la Chine est déjà extrêmement endettée.
Autre différence, les nations se tournent aujourd’hui le dos alors qu’elles ont coopéré en 2008. Il faut faire un cessez-le-feu des accusations réciproques.
Ça ne sera pas facile quand la propagande chinoise rejette maintenant la faute de l’épidémie sur l’Occident et vante sa supériorité dans la gestion de la crise de manière de plus en plus agressive.
Il y a heureusement également des points positifs
L’accélération de l’innovation et la baisse des prix du pétrole
Comme dans toutes les crises le redémarrage favorise les meilleures entreprises, et cela devrait être encore plus accentué cette fois-ci quand on voit les multiples innovations apparus à une vitesse éclair à l’occasion du confinement.
La plus remarquée est l’essor du télétravail qui sera à l’avenir un grand « économiseur » de multiples coûts.
Il y a eu aussi une pression à la simplification des procédures, même en France.
Les Chinois sont très fiers de leur télé obtention de prêts bancaires « 3–1–0 » par les PME en 4 minutes (trois pour remplir un formulaire, une pour la réponse et zéro pour créditer le compte).
En France on peut signaler la plateforme de crédits 100% en ligne à l’initiative de Bpifrance en partenariat avec la région Auvergne Rhône-Alpes pour faciliter l’accès des TPE/PME aux prêts « rebonds ».
Il serait également intéressant de sélectionner le meilleur de « l’école à la maison », le coût de l’enseignement dans tous les pays étant un frein considérable à sa qualité.
Quant à la baisse des prix du pétrole, j’en ai déjà exposé les bienfaits pour la France et la plupart des pays occidentaux, ainsi que pour la Chine Japon. Certes certains pays producteurs sont en grande difficulté, mais à moyen terme c’est une chance pour eux de sortir de cette drogue catastrophique.
En conclusion, les données physiques et humaines permettent une reprise rapide et même de meilleure qualité que précédemment. Mais les obstacles politiques et intellectuels restent très puissants.
Yves Montenay
Excellente analyse.
Adopté le 15 mars 1944 après plusieurs mois de négociations, le programme du Conseil national de la Résistance pour la rénovation économique et sociale dont la tâche, pour De Gaulle, nécessitait une action d’Etat, va suivre les principes communistes, admirés à l’époque, de l’économie planifiée et du pouvoir populaire pour une économie administrativement dirigée et contrôlée par l’Etat. Nous avions une foultitude de problèmes essentiels: Toute notre industrie était à recréer, nos villes souvent de construction trop ancienne étaient très endommagées, les campagnes totalement sous-équipées, la production agricole en jachère, nos prisonniers à réinsérer.
Travail immense dans lequel la lutte contre le fascisme tenait une place essentielle notamment pas ceux mêmes qui avaient contribué à la résistance, avec un Pol Tanguy signataire de la reddition de Paris, et son anticapitalisme primaire jusqu’au-boutiste qui transforma la CGT en fer de lance du combat marxiste avec les socialistes, type Guy Moquet, en frères amis jusqu’en 1981, mais pénétra profondément une administration, souvent très efficace, convaincue d’être la seule bonne solution. Les dérives d’une administration déjà courtelinesque entre les deux guerres se sont accumulées et nous avons créé le plus bel exemple qui soit d’une société semi-libérale bloquée par ses administrations et ses règlements parisiens ou bruxellois. Le traitement du virus a débloqué les jeunes esprits qui vont forger notre avenir.
Merci !
Bel optimisme et qui ne date pas d’hier…
Il y a pourtant des indications qui montrent que comme en 2008 des situations d’inégalité vont se manifester. La première d’entre elles sera en Europe, dont la partie sud vient de s’illustrer par une mortalité hors norme, accompagné d’un confinement destructeur non financé.
L’Allemagne qui du fait de ses politiques raisonnables avait déjà nettement divergé de la France en dix ans a les moyens de se relancer. Pas la France, qui va payer en pauvreté ses errements. Incapable de se gérer elle va plonger.
Je ne vois absolument pas comment l’Europe pourra y résister.
Mais vous avez raison d’être optimiste, les pays sous développés vivent très bien: il règne dans les bidonvilles non subventionnés une sorte de joie étrange. Ca nous changera de l’abominable dépression que nous cause l’actualité.
Je résume : ni les infrastructures ni la population active nous sont touchées. Si on ne revient pas rapidement à la normale ce serait du fait de fausses manœuvres. Elles peuvent bien sûr avoir lieu, mais les acteurs devraient alors hurler
Si je comprends bien, vous considérez comme négligeables ou non-existants:
1. La montée inexorable de la dette mondiale (étalon-dette), qui va encore s’accélérer du fait des mesures de QE (ou helicopter money) qu’impose la pandémie en cours,
2. Le changement climatique trop rapide pour que les écosystèmes aient le temps de s’adapter,
3. La saignée imposée par les paradis fiscaux sur les recettes fiscales (80 milliards en 2020 pour la seule France) qui continue à augmenter,
4. L’incapacité de la biosphère à s’adapter à une production-consommation d’énergie artificielle trop forte, dépassant sa capacité naturelle
???
Pour les points 2,3 et 4, ce n’est pas l’objet de l’article, et il n’y a pas de lien direct avec le mécanisme de la reprise qui est une analyse de la situation française à quelques mois.
Je suis d’accord sur le point 1, mais ça ne change pas la description des mécanismes décrits dans l’article. De plus, comme signalé par Henri LEPAGE (voir mon article) personne, y compris les acteurs, ne maîtrise les mécanismes de la création et de la circulation monétaire.
Excellente analyse qui détonne par rapport aux poncifs répétés en boucle partout ailleurs. Quelques points que je voudrais ajouter pour en finir avec le discours ambiant qui empêche de réfléchir et d’analyser:
1 « une crise pire que celle de 1929 » => à l’époque, le Franc, étant indexé à l’or, n’a pas connu de dévaluation et l’inflation, comme la croissance était très faible.
2 « la crise la pire depuis 1945 » => après la deuxième guerre mondiale, la France et les pays occidentaux ont connu 30 ans de croissance ininterrompue, chose inédite dans l’Histoire de l’humanité et facteur de plein emploi.
3 Pas plus que le zéro CO2, zéro nucléaire ne pourraient être les seuls objectifs en matière d’écologie, le zéro Covid (« aplatir la courbe ») ne peut être une politique de santé qui se résumerait au confinement de la population an attendant que la tempête passe. Plusieurs mois après le début de l’épidémie, on a encore du mal à voir quels sont les facteurs favorisant sa propagation ou son extinction. Le Ministre de la Santé Olivier Véran a fait part de son agacement de l’échec relatif de la France à contenir son épidémie alors que les Grecs font mieux et dans des propos officieux rapportés par le Canard Enchaîné, évoque des prédispositions génétiques au virus. Dans ces conditions, que faire? Quelle sont les possibilités d’action pour le politique?
4 Les » pays pauvres » semblent épargnés par le virus et quand on sait que c’est un virus qui est létal pour les personnes âgées, on voit qu’étant donnée la pyramide des âges de ces pays, la jeunesse de ces peuples n’a pas de soucis à se faire.
5 L’expression « infrastructures » utilisée par Yves Montenay revoie à une ère industrielle, or les délocalisations entamées dans les années 1990 nous ont fait basculer dans une ère post-industrielle. Les activités non délocalisables comme le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, et tout ce qui touche à la société des loisirs comptent pour environ 20% du PIB de la France et le retour à la normale n’est envisageable qu’en l’absence de circulation du virus. Sans vaccin ni immunité, certains experts imaginent un horizon de 3 ans alors que d’autres parient sur le caractère saisonnier d’une épidémie qui sera de l’histoire ancienne au début de l’automne. D’ici là, toute période avec circulation du virus entrainera une récession de plusieurs points de PIB.
6 « Le Monde d’après » auquel fait référence Macron suppose qu’on s’intéresse au monde d’aujourd’hui, où les fleurons de l’industrie, comme Airbus et Air France vivent de subvention. En fait c’est peu s’avancer que de dire que la filière aéronautique mondiale n’est pas rentable hors subvention. Ça ne veut pas dire qu’elle est inutile mais cela donne à réfléchir aux moyens de financer une France réindustrialisée, autosuffisante pour des productions essentielles comme les médicaments ou les masques.
J’espère ne pas avoir été hors sujet.
Bigre ! Il y a matière à de nombreux articles à partir de votre commentaire.
Je vais me borner aux infrastructures, parce que cela jouer un rôle important dans mon article. Pour moi, ce terme est très général. Il correspond à ce que comptable appelle des « immobilisations » c’est-à-dire ce qui dure au-delà de l’exercice en cours. Cela comprends notamment les logiciels (ce virus là ne les a pas détruit)
Deux points supplémentaires à discuter.
1 Les GAFAM de la Silicon Valley ont été les grandes absentes du confinement et n’ont pas proposé de nouveaux outils pour lutter contre le virus ou favoriser le télétravail ou le télé-enseignement. Paradoxalement, elles n’ont pas montré leur capacité à innover et imaginer un nouveau monde.
2 L’effondrement des cours du pétrole n’est pas une catastrophe pour notre économie mais n’est pas non plus une bonne nouvelle. Un pétrole très bon marché décourage les innovations visant à s’en passer, et on peut parier sur la fin du mirage de la voiture électrique, des éoliennes et de l’économie décarbonée.
1) C’est exact. Elles pourraient répondre que ce n’est pas leur rôle, et que si elles s’occupaient de tout, on les traiterait de « pieuvres ». C’est plutôt le rôle des « jeunes pousses », rôle qu’elles ont plutôt bien rempli. En tant qu’ancien patron du PME, j’ajouterais « plus on est gros, plus on est bête »
2) Nous ne sommes pas dans la même échelle de temps. Je parle de la reprise, c’est-à-dire des mécanismes des mois prochains.