Depuis 2020, guerre et pandémie semblent bouleverser la planète. Mais à long terme, ce n’est rien par rapport aux mouvements démographiques.
Même les dictateurs sont gouvernés par la démographie
Le recensement chinois de 2021 n’a pas apporté de surprise aux spécialistes, mais a frappé le grand public. Il confirme les conséquences de « la politique de l’enfant unique », à savoir que les générations creuses arrivent à la trentaine, progressant évidemment d’un an chaque année, diminuant à la fois la population active et le nombre de parents potentiels, ce qui va accentuer le problème.
Le fait nouveau est la prise de conscience du président Xi, qui plaide maintenant pour trois enfants et la femme au foyer !
Pour l’instant il n’y a aucun signe de réussite de cette politique, et même en cas de succès, la diminution de la population active continuera pendant plus de deux décennies, puisque les classes pleines continueront à partir à la retraite.
Une augmentation de l’âge de départ serait alors mathématiquement souhaitable, mais politiquement délicate, et aurait pour inconvénient de diminuer les possibilités de garde d’enfants par les grands parents… et donc risquent de freiner les naissances !
Un autre fait nouveau est que l’Inde arrive maintenant un niveau de fécondité permettant tout juste le renouvellement des générations. Sa population va continuer à augmenter et dépasser celle de la Chine, mais uniquement par vieillissement.
Et il y a bien sûr la guerre en Ukraine et l’émigration de 5 millions d’Ukrainiens vers l’Europe centrale.
Ce chiffre est faible par rapport au déséquilibre européen, même s’il est plus important à certains endroits comme à Varsovie : 200.000 refugiés ont rejoint les 500.000 habitants de la ville ! Il est par contre catastrophique pour la démographie ukrainienne, déjà difficile.
Notons que la Russie, qui est également en déclin démographique, a vu partir peut-être 500 000 personnes, souvent très qualifiées, vers l’Occident et la Turquie.
Enfin, je remarque la persistance de l’aveuglement français sur les retraites.
Le projet du président Macron de repousser le départ en retraite à 65 ans (contre 62 aujourd’hui) a soulevé un tollé et lui a fait perdre beaucoup de voix. Ses opposants ont rassemblé contre le projet de larges manifestations et ils soutenaient au contraire qu’il fallait abaisser l’âge de la retraite et revenir aux 60 ans de François Mitterrand.
La presse nationale continue à parler du « problème » du financement des retraites, alors que ce n’est pas une question d’argent : même si l’Arabie nous faisait cadeau de son pétrole, cela ne créerait pas les boulangers et les infirmières nécessaires pour s’occuper de nos anciens.
L’actualité nous rappelle sans cesse l’impact considérable des mouvements démographiques, mais comme la démographie et ses contraintes restent méconnues du grand public, je vous propose un tour d’horizon pour situer le débat.
Le poids géopolitique de la démographie
Qu’est-ce que la démographie ? Commençons par un petit rappel étymologique : si la démocratie c’est le pouvoir du peuple, la démographie, c’est écrire (graphie) les peuples, c’est-à-dire les décrire. Les compter d’abord, globalement puis par tranche d’âge. Et, en principe aller plus loin : étudier les langues, les races etc. mais sur ce point on se heurte souvent à des obstacles politiques.
Alfred Sauvy, père de la démographie
Reprenons l’illustration d’Alfred Sauvy (1898-1990) : « la démographie c’est très simple : c’est constater qu’un enfant de 9 ans en aura 10 l’année suivante. Mais c’est tellement simple qu’on n’y fait pas attention ».
Alfred Sauvy est le père de la démographie opérationnelle en France et probablement dans le monde entier, bien que la deuxième guerre mondiale ait mis en avant les démographes américains. J’ai travaillé avec Sauvy à la fin de sa vie lorsqu’il était au Collège de France, institut accueillant des personnalités non universitaires. Avec Gérard François Dumont, nous avons aidé au fonctionnement de sa chaire lorsque sa santé a décliné.
Alfred Sauvy était en effet un polytechnicien, donc un matheux non-universitaire. Il est à l’origine de la création de l’INSEE et de l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques), suite au constat que les gouvernants, à l’époque du Front populaire, n’avaient aucun chiffre à leur disposition tant en économie qu’en démographie.
Des évolutions lentes
La démographie, ça devrait servir à prévoir.
Une population qui augmente de 2 % par an, ça ne dit pas grand-chose au grand public ? Et pourtant cette évolution apparemment faible bouleverse totalement une nation : la population est multipliée par 8 en un siècle, par 40 en 2 siècles.
C’est par exemple le cas de l’Égypte qui comptait 2,5 millions d’habitants d’après le recensement lancé par Napoléon en 1800 et qui a maintenant 100 millions d’habitants.
Si la France avait suivi la même évolution en même temps nous serions bien plus de 800 millions…
Or, en général, la puissance économique et militaire d’un pays est liée à sa population, si le gouvernement est sérieux. « Puissance » pouvant s’entendre au sens positif courant, mais aussi à celui de « capacité de nuisance » ou de « problème ingérable ».
6,3 enfants par femme : la population triple à chaque génération
Notez qu’à 6,3 enfants par femme, soit le triple nécessaire pour le simple renouvellement (2,1 enfants par femme), chaque génération est le triple de la précédente, à mortalité constante… or la mortalité diminue et il y aura trois fois plus de parents, donc beaucoup d’enfants, même si la fécondité baisse. Il faudrait qu’elle soit divisée par trois pour que le nombre d’enfants reste constant et la population continuerait néanmoins à augmenter au fur et à mesure du vieillissement des parents.
Ce triplement à chaque génération était le cas général en Afrique il y a peu, et reste encore vrai dans certains pays.
1,4 enfants par femme : la population diminue de moitié en 2 générations
Voyons maintenant ce qui se passe en cas de faible fécondité, par exemple à 1,4 enfants par femme au lieu de 2,1, c’est à dire ce qui est aujourd’hui le cas fréquent en Europe et en Asie.
Les générations ne sont alors remplacées qu’aux deux tiers et donc diminuent de plus de moitié (2/3×2/3) en deux générations … et ce problème démographique est aggravé par le fait que ces générations creuses doivent supporter un nombre disproportionné de « vieux », nés à l’époque où les générations étaient plus importantes.
Des évolutions irréversibles
Or ces évolutions sont pratiquement irréversibles : au « Nord », où la fécondité est basse, il y aura moins de parents une génération plus tard, faisant donc mathématiquement encore moins d’enfants, et il faudrait que la fécondité remonte énormément pour revenir à l’état antérieur. Et cela seulement pour les enfants de moins d’un an. Pour que la population active se reconstitue un peu, il faudrait que cette plus forte fécondité dure 20 ans, et même 65 ans pour reconstituer complètement cette population active.
La basse fécondité, et la diminution corrélative de la population active a d’importantes conséquences… il ne s’agit pas seulement d’économie, mais de puissance militaire et de capacité à nourrir les vieux … ou à assimiler des immigrants qu’on aura bien été obligé de faire venir !
C’est en gros le cas de l’Allemagne et de bien d’autres pays où ce problème devient aigu.
En fait la situation est encore pire car non seulement « les vieux » sont mathématiquement plus nombreux à mortalité constante, mais en fait ils le sont encore plus du fait de l’augmentation de la durée de la vie. Et, quel que soit le système de retraite, répartition ou capitalisation, ce sont les jeunes qui nourrissent les vieux.
La retraite par capitalisation peut-elle s’affranchir de la démographie ?
Le cas de l’Allemagne
On comprend donc pourquoi une partie de la population allemande est partisan d’une forte immigration, à commencer par les chefs d’entreprise, qui sont les premiers à voir leur main-d’œuvre diminuer et vieillir.
Bien sûr cette idée se heurte au fait qu’une autre partie de la population est choquée par la différence de culture avec les nouveaux arrivants.
En tout cas, même en mettant de côté l’immigration musulmane à laquelle je viens de faire allusion, l’Allemagne ne tient que grâce à un afflux d’immigrés, d’abord de Russes d’origine allemande après la chute du mur, puis d’Italiens et de citoyens de l’Europe de l’Est et des Balkans. Ce qui ne fait qu’aggraver la situation déjà catastrophique de ces pays.
L’Europe est globalement dans la même situation, même si certains pays comme la France ou la Grande-Bretagne se portent moins mal.
La « transition démographique », un modèle américain dépassé
Pendant que les démographes français, des pionniers mondiaux, quittaient la scène internationale du fait de la deuxième guerre mondiale, les Américains ont inventé « la transition démographique » (graphique ?).
Cette dernière est définie par l’INED comme « le passage d’un régime traditionnel où la natalité et la mortalité sont élevées et s’équilibrent à peu près, à un régime où la natalité et la mortalité sont faibles et s’équilibrent également ».
Selon ce schéma, la mortalité décroît rapidement avec la modernisation, alors que la fécondité ne baisse que progressivement. La population croit donc rapidement dans un premier temps et dans un deuxième temps, elle cesse d’augmenter lorsque la fécondité atteint 2,1, niveau auquel elle est censée rester. Les projections de l’ONU ont longtemps été faites sur ce modèle.
Les démographes français de l’avant-guerre ne voyaient aucune raison pour laquelle la fécondité ne baisserait plus à partir de 2,1 et parlaient d’un « régime démographique moderne » où les populations finiraient par diminuer continûment.
La fin du 20e siècle et le début du 21e leur a donné raison, et l’ONU a fini par en tenir compte.
Les grands bouleversements démographiques de l’histoire
La chute de l’Empire romain
Ce grand empire, un des fondateurs de « l’Occident », avec la Grèce antique qu’il a absorbée et transmise, s’est alarmé de son déclin démographique à partir de 300 après J.-C. Faute de recrues « internes », l’armée romaine a été obligée de prendre un grand nombre d’auxiliaires « barbares », puis leurs familles, puis de leur offrir des terres. C’est ainsi que les Francs, et bien d’autres, se sont installés.
Les « grandes invasions » sont un résumé un peu sommaire d’une longue évolution, qui s’est terminée par la constitution, à l’intérieur de l’empire, de royaumes « barbares » en principe alliés, mais bientôt plus puissants que ce qui restait de Rome. La véritable invasion aurait plutôt été celle des Huns d’Attila qui a été stoppée en 451 par le général romain Aetius soutenu par ses alliés Wisigoths (mot à mot : Germaniques d’Occident) et plusieurs peuples germaniques dont les Francs.
Aetius dut en contrepartie reconnaître pleinement les royaumes germaniques, qui remplacèrent donc l’empire romain. Les Wisigoths se sont finalement installés en Espagne tandis que les Vandales faisait de même au Maghreb et que les Francs consolidaient leur installation dans la future France.
Depuis maintenant 17 siècles, on se demande quel a été la cause de cet effondrement démographique de l’empire romain qui a totalement modifié l’Europe. Cet effondrement est parallèle au développement du christianisme, mais pourquoi ? Certains accusent le plomb très présent dans la vaisselle romaine d’avoir stérilisé la population …
La France domine l’Europe puis s’y noie
Dès la deuxième partie du Moyen Âge, la France était démographiquement « l’homme fort » de l’Europe, probablement du fait d’une agriculture favorisée par un climat modéré et d’un ordre public moins catastrophique qu’ailleurs. Je parle géographie et laisse de côté les changements de frontières liées aux péripéties féodales.
L’apogée de cette période se situe probablement sous Louis XIV. Napoléon a aussi bénéficié de cette situation démographique, alors moins nette, et a dû compter autour de 1810 sur des contingents étrangers, notamment des Etats alliés de la future Allemagne … qui justement ont fait défection lors de la « bataille des nations » de 1813.
Parallèlement, notre premier empire colonial – dont les deux tiers de l’Amérique du Nord ! – a été perdu pour des raisons démographiques : cet empire était peu peuplé car les Français, relativement prospères, avaient moins de raison de s’expatrier que les Anglais, moins favorisés par la nature.
Cet empire colonial français a donc été mangé par les Anglais en moins d’un siècle, et Napoléon s’est résolu à vendre ce qui en restait, la Louisiane, aux États-Unis, faute d’une assez nombreuse population française sur place.
La fécondité française a continué à se détériorer contrairement à celle de nos voisins, et en 1870 la France s’est trouvée en infériorité numérique face à l’armée prussienne. En 1914, c’était pire et « l’entente cordiale » avec l’Angleterre avait été conclue pour cette raison. Situation analogue en 1940.
Entre-temps l’Amérique et l’URSS avaient pris un poids démographique important qui explique leur pouvoir sur l’Europe…
La période coloniale est d’abord démographique
Les colonisations au sens moderne du terme datent du XIXe siècle.
En Égypte, nous avons vu que Napoléon avait trouvé 2,5 millions d’habitants environ, alors que la France en avait alors 29.
La France a débarqué en Algérie en 1830, et a avalé une par une des tribus dont la population totale était estimée dans une fourchette de 2,5 à 3,5 millions d’habitants, soit environ 10 fois moins que la France. L’actuelle Afrique Noire francophone était pratiquement vide. Si la colonisation a eu de multiples raisons, la démographie européenne l’explique largement !
Aujourd’hui, la France a certes 67 millions d’habitants, grâce à sa reprise démographique, mais l’Égypte en a environ 100, l’Algérie 45, et l’Afrique francophone 200 ! Il n’est pas étonnant que la colonisation ait disparu.
Parallèlement, cette Europe encore féconde au XIXe siècle et au début du 20e (il faudrait nuancer fortement suivant les pays) s’est déversée en Amérique du Nord, dans une grande partie de l’Amérique latine, en Australie, en Nouvelle-Zélande … et le centre de gravité du monde s’est déplacé dans cette direction… du moins pour l’instant.
Car l’actualité est en évolution permanente.
L’actualité démographique mondiale
Et aujourd’hui ? Je vais me borner aux grandes lignes, le cas des principaux pays étant détaillé dans mes autres articles que vous pourrez explorer sur ce site.
Déclin général de la fécondité, surtout en Asie de l’Est
Dans le monde entier, la fécondité baisse, mais le résultat ne s’en remarque que des décennies plus tard, lorsque les générations creuses arrivent à l’âge actif.
Dans les pays à très forte fécondité (sept à huit enfants par femme il y a quelques décennies) c’est plutôt un soulagement. Soulagement relatif car la mortalité ayant beaucoup baissé, le fait d’être « tombé » à quatre ou six enfants par femme maintient une augmentation très rapide de la population.
C’est le cas de l’Afrique subsaharienne et de quelques autres peuples : les Palestiniens, les Afghans, les Haïtiens…
Par contre la baisse de la fécondité dans les autres pays du monde est une catastrophe, qui frappe surtout l’Asie de civilisation chinoise (Japon, Taiwan, Corée du Sud, Singapour… et Chine), mais aussi l’Europe orientale et toute la rive nord de la Méditerranée.
Elle commence par la baisse du nombre d’enfants, ce qui n’est pas un problème pour les politiques, d’où leur absence de réaction.
J’ai même entendu le témoignage stupéfiant d’un ministre belge : « Dépenser moins pour des enfants moins nombreux permet de dépenser plus pour les vieux ».
Mais que se passera-t-il plus tard quand il n’y aura plus assez de jeunes adultes pour entretenir les vieux ? Bref c’est un peu « après moi le déluge » ou, plus concrètement : dans 30 ans je n’aurai plus besoin de me faire réélire.
Et quand les générations moins nombreuses atteignent l’âge adulte alors que le nombre de vieux s’est multiplié, nous avons vu plus haut qu’il est déjà trop tard !
Le « rattrapage » africain
Nous avons évoqué rapidement la situation démographique de l’Afrique.
Illustrons-le par le cas du Nigéria dont la population va dépasser celle des États-Unis pour atteindre 400 millions d’habitants en 2050.
Comme le reste du monde est en déclin, la population noire représentera une proportion rapidement croissante de la population mondiale. Ce qui ne déplaît pas à plusieurs gouvernements africains qui pensent « puissance » et non « développement ».
À cela s’ajoutent les idées populationnistes des variantes locales de l’islam et des églises chrétiennes.
Certains Africains disent même : « L’augmentation de notre population est un rattrapage justifié, après le dépeuplement dû à l’esclavage et à la colonisation ».
S’il est exact que l’esclavage a pesé sur la population africaine, il faut rappeler que c’est principalement du fait de la traite arabe.
Quant à la colonisation, elle a au contraire relancé la croissance démographique en abolissant l’esclavage, en arrêtant la traite arabe ainsi que les guerres tribales et en lançant un début de diffusion de l’hygiène et de la médecine.
Un vieillissement généralisé
La conséquence de la baisse générale de la fécondité est le vieillissement de la population, encore accentuée par les progrès sanitaires qui ont allongé l’espérance de vie.
Donc ce vieillissement se manifeste dans le monde entier, même dans les pays où la fécondité reste forte : en 2050, 24 % de la population mondiale en aura plus de 65 ans !
C’est au Japon que le processus de vieillissement est plus avancé. Les retraites sont donc très faibles, et obligent les habitants à chercher un nouveau travail pour compléter leurs revenus souvent jusqu’à 80 ans. L’alternative est de s’expatrier et d’aller vivre dans les pays pauvres et donc bon marché comme les Philippines.
Le cas le plus important de vieillissement de la population à l’échelle planétaire est celui de la Chine. La stabilité de sa population à 1,4 milliards d’habitants est trompeuse : la pyramide des âges se vide par le bas, mais gonfle par le haut.
La proportion de « vieux » va doubler, passant de 15 % en 2015 à 30 % en 2050.
De plus en plus de familles chinoises, drastiquement réduites par la politique de l’enfant unique, doivent loger et nourrir les parents et les grands-parents, souvent directement, les retraites n’étant pas généralisées et les établissements médicaux spécialisés ne pourraient accueillir que 3 % des intéressés.
Par ailleurs, la diminution de la population active va finir par freiner le développement, alors que l’Inde va démographiquement dépasser la Chine, avec une population beaucoup plus jeune.
En Europe, si la France se maintient à peu près du fait de sa fécondité et de son immigration, le reste du continent non seulement vieillit vite, mais voit sa population active se diriger massivement vers l’Allemagne.
Je vois venir le moment où l’on demandera à l’Europe de soutenir les retraités italiens, est-européens et balkaniques, qui n’auront plus de cotisants pour les nourrir.
L’Europe demandera donc de verser à ces pays une partie des ressources des caisses de retraites des pays où il y a d’avantage de cotisants, c’est-à-dire principalement les caisses françaises et allemandes, pourtant déjà en difficulté.
Vous avez remarqué que je ne parle pas des migrations, qui sont un phénomène limité à l’échelle mondiale.
Par exemple la grande majorité des migrants africains se contentent d’aller dans le pays d’à côté.
Selon le dernier rapport de l’OCDE, seuls 300 000 Africains sont arrivés dans les pays de l’organisation en 2018, obligeant à corriger les images fausses d’une Europe envahie (Le Monde, 18 septembre 2019).
Mais le peu de migrants (par rapport à l’ensemble de population mondiale) qui finit par arriver dans les pays développés perturbe leur politique intérieure, tandis que dans les pays pauvres, la politique intérieure est bouleversée par la forte croissance de la population depuis un siècle.
La démographie pèse également sur les politiques intérieures
Le poids de la démographie sur la politique américaine
Aux États-Unis, la population blanche d’origine européenne ne se renouvelle pas, et sa proportion est donc grignotée un peu par la population noire (en fait de plus en plus multiraciale, comme l’illustre la nouvelle vice-présidente du pays), et surtout par les Asiatiques et par les « Latinos » ces deux dernières catégories bénéficiant d’une forte immigration.
Précisons que les « Latinos » sont une catégorie culturelle et non raciale, principalement composée de blancs et de métis euro-amérindiens.
Les Etats-Unis sont donc en train de passer d’une population à 90 % blanche avec une petite minorité noire et mulâtre à un ensemble très bigarré.
Le parti démocrate deviendra-t-il structurellement majoritaire de ce fait ?
Ce n’est pas certain, car les Noirs, les Asiatiques et les Latinos deviennent progressivement républicains au fur et à mesure de leur embourgeoisement.
La démographie a également bouleversé la politique intérieure des pays arabes.
J’ai signalé plus haut son explosion démographique avec l’exemple de la multiplication par 40 en 200 ans de la population égyptienne.
La fécondité arabe a maintenant beaucoup baissé, mais, comme nous l’avons vu, cela n’empêche pas la hausse rapide de la population pendant quelques décennies supplémentaires.
Cette augmentation très rapide de la population qui s’est généralisée depuis un siècle a mis une forte pression sur les campagnes où se trouvait la majorité de la population. L’exode rural donc été massif, et Le Caire, par exemple compte au moins 15 millions d’habitants. Les immeubles haussmanniens de la bourgeoisie cosmopolite partie en 1956 sont surpeuplés, et même les cimetières sont envahis.
L’ancien modèle était rural : chaque jeune était cultivateur, se construisait un logement et trouvait un conjoint à proximité. Il n’était souvent pas scolarisé et avait une pratique religieuse réduite aux principes moraux universels.
Le nouveau modèle est urbain et totalement différent.
Chômage, travail informel misérable, célibat de longue durée, logement minuscule, enfants scolarisés souvent selon un modèle islamiste, adultes à portée de toutes les sollicitations médiatiques, en grande majorité islamistes, accessoirement gouvernementales et minoritairement occidentales. Ces dernières déclenchent les « printemps » pro démocratie, mais n’entraînent pas la majorité de la population, ne serait-ce que pour des raisons linguistiques.
D’où des gouvernements populistes, souvent prédateurs et ignorants, indifférents aux conditions du développement… Et le pétrole, après avoir corrompu des dirigeants par sa hausse, va ruiner les peuples par sa baisse.
Remarquons que la Tunisie et le Maroc, où la fécondité a baissé plus tôt et plus profondément que dans le reste de l’ensemble arabe, s’en tirent nettement mieux. Certes, ils ont leurs problèmes de pauvreté rurale et urbaine, sans parler de la ruine de leur tourisme par la pandémie, mais l’ambiance politique et sociale y est « moins pire ».
Remarquons également qu’ils ont gardé une bonne partie de leurs liens avec la France et l’Occident. Ceci explique largement cela, non seulement intellectuellement et économiquement, mais aussi démographiquement d’après mes propres travaux : la diffusion du français et de l’influence des cousins vivant en France est une des causes de la baisse précoce de leur fécondité.
En conclusion, que dira la démographie à nos descendants ?
N’ayez pas peur de la Chine, regardez et étudiez l’Inde et l’Afrique noire. Tentez de limiter le naufrage du monde arabe en brisant son isolement intellectuel, par exemple en multipliant les médias audiovisuels dans SES langues qui sont non seulement l’arabe standard, mais aussi la darija (le maghrébin) et les langues berbères, sans oublier à ses frontières le turc et le kurde.
Il faut rendre la monnaie de leur pièce à ceux qui inondent nos citoyens de prêches véhéments.
La démographie mène à la politique. D’ailleurs ma casquette universitaire est « la démographie politique », ce qui intrigue mes collègues démographes « tout court ».
Yves Montenay
Docteur en démographie politique
NB les données démographiques citées proviennent de l’Organisation des Nations Unies (ONU).
« N’ayez pas peur de la Chine » ? Je ne comprends pas bien. Si c’est à cause du déclin démographique en cours, il n’en reste pas moins que l’on peut envahir, exterminer ou asservir d’autres populations voisines avec seulement quelques dizaines de millions d’habitants. Avec la population chinoise actuelle, la marge de manœuvre de la Chine (de ses dirigeants, plus précisément) est immense: cette marge de manœuvre démographique, articulée à une élite totalitaire agressive depuis quelques décennies, a de quoi inquiéter. D’autant que les faits sont là : ce qui se passe au Tibet, absorbé par la Chine communiste et nettoyé ethniquement et démographiquement (sinon…racialement) par l’Etat chinois actuel, doit au contraire nous inquiéter pour quelques temps encore (le temps d’être envahi ou dominé, au moins par cet Etat et ses armées chauffées à blanc en ce moment). Je pense cette inquiétude fondée parce que je suis, justement, tout à fait d’accord avec ce que vous écrivez, à savoir: la puissance économique et militaire d’un pays est liée à sa population… »Puissance »
pouvant s’entendre au sens..de « capacité de nuisance »… Et tous les voisins asiatiques de la Chine en savent quelque chose !
Je suis en gros d’accord. Je précise qu’en tant que démographe, je raisonne à très long terme en pensant à une Chine qui aura beaucoup vieilli. Mais à court terme, tout peut arriver, le pire, ou un changement politique
Qu’est qui est le plus inquiétant pour nous Européens, le vieillissement de notre population ou l’explosion incontrôlée de l’Afrique noire (à l’exception de quelques pays conne Ruanda ou Kenya qui commencent à s’en occuper). Une immigration massive de noirs africains créerait un choc de cultures du moins à la première génération.
Le vieillissement est mortel à long terme. Donc quelque soit les inconvénients, il ne reste que la deuxième solution.
Mais explosion ne signifie pas forcément émigration : personne ne souhaite quitter son pays, sauf si il y a désordre ou famine. Et même dans ce cas là, on préfère aller dans les pays voisins comme 90 % des africains le font actuellement.
Cela dit, je ne suis pas prophète
Excellente synthése. Merci
Petit bemol. La fécondité allemande s’améliore depuis quelques années grâce à l’action de Madame Von der Leyen qui , comme Ministre de la famille ,s’est inspirée de la politique familiale française. A contrario, depuis 2015, la fécondité française décroit, probablement du fait son rabotage depuis les années 70 et un peu pour des raisons structurelles.. On devrait observer environ 700 000 naissances en 2020 en France métropolitaine soit une chute de 10% en 5 ans. De ce fait l’Allemagne compte plus de naissances que la France depuis deux ans.
Merci pour cette précision.
Cet article avait pour seul objet de brosser les très grands traits de la situation mondiale, et surtout ses mécanismes.
Par exemple la fécondité française subit actuellement la diminution du nombre de parents
Passionnant. Tu nous nourris d’informations et d’analyses précises qui confirment nos intuitions vagues et informulées. Et je suis donc entièrement d’accord. Mieux : je me sens intellectuellement comblé comme lorsqu’étudiant j’assistais au cours d’un professeur aussi brillant qu’intéressant.
Merci Jean-Louis. Si je reçois trop de compliments, je vais me prendre au sérieux !
Bonjour, j’avais entendu parler de ce 2.1 au college sans qu’il soit attribue a l’ONU. C’est interessant sur l’histoire des preconceptions des démographes, qui sont peut être requises pour que l’Etat providence mis en place au 20e siecle ne soit pas un Ponzi. Il faudrait peut etre accompagner l’article de quelques graphes pour montrer l’evolution de cette fécondité/mortalite ou population dans les différentes nations dont vous parlez.
Bonsoir,
je viens de lire avec beaucoup d’intérêt votre article dont j’ai apprécié le rappel de l’évolution des populations dans le passé et son impact sur les flots migratoires. L’immigration en Amérique, au siècles XVIII et XIX, a été importante, venant de notre Europe. On trouve assez facilement sur la Toile des listes de navires accostant dans les ports américains à cette époque. J’ai l’exemple d’un cousin germain de mon arrière-grand-père paternel, parti du Havre en 1838 en compagnie d’une dizaine de compatriotes de mon village de Basse-Alsace et d’environ deux cent allemands, tous ayant débarqué du même « vessel » (dont j’ai oublié le nom, il faudrait que je fouille mes archives) à New York le 18 juillet 1838, la plupart inscrits comme « bavarois », « farmer », dans le but de s’installer en Ohio. L’un de ses nombreux descendants (plusieurs dizaines) habitant aux EUA (traduction française de USA !) m’a contacté récemment dans le cadre de nos recherches généalogiques.
A propos de la belle citation de Alfred Sauvy au début de votre article, je me suis toujours étonné, au cours de ma longue carrière de professeur, lorsque l’administration se rendait compte, subitement, qu’il manquait à la prochaine rentrée tant de classes de sixième, tant de professeurs, et qu’il fallait recruter en urgence, comme si les responsables ignoraient ceci : si X enfants naissaient un année N, environ X enfants entreraient au collège l’année N+11 ! Cela laisse tout de même un peu de temps pour construire des classes et former des enseignants. Pareil pour le nombre de médecins à former, les gens à la fois plus âgés et plus riches fréquentant plus souvent les cabinets médicaux.
Voici une brillante synthese qui semble englober toutes les interrogations liees aux articles precedents et y repondre en bloc. L’annee 2021 commence en fanfare !
Petit bemol : la puissance n’est pas seulement fonction de la demographie, mais aussi de la technologie, et on peut, sous cet angle, observer une » correlation » » inversement proportionnelle entre le poids demographique et l’evolution technologique ( le marxisme avait oublie cette donnee dans son analyse materialiste de l’economie capitaliste). Il n’est pas impossible que l’evolution des moeurs vienne a l’avenir combler le retard demographique grace a la possibilite pour les couples de meme sexe d’avoir des enfants. Deja, on sent chez eux une irrepressible envie de « procreer » grace a la technologie. Idee folle ? Peut-etre, tant que les dernieres barrieres ne sont pas levees dans ce domaine.
Merci. Pour votre bémol, mon avis est que la technologie peut se transmettre, régulièrement ou frauduleusement, mais pas la démographie ! Même par immigration parce qu’il faudrait des centaines de millions d’immigrants pour rééquilibrer la pyramide des âges chinoises … de plus il y a un très fort racisme anti – africain en Chine
Si on pense la « Puissance » comme « capacité de nuisance » (« nuisance » dans un sens positif ou négatif) il semble que certains Etats « petits » (démographiquement) sont alors assez « puissants » du fait de leur possession de technologies avancées : Israël, Corée du Nord, voire…France ! (petit pays démographique….). La Chine hyper-peuplée (mais peu développée économiquement) du début du 20ème siècle (ou l’Inde, même) était-elle « puissante » ? Et l’Afrique, démographiquement imposante, devrait-elle, à coup sûr, devenir une puissance économique ? Les USA sont moins peuplés que l’UE, sont-ils moins « puissants » qu’elle ? Un Etat doté d’une population nombreuse, mais sans technologie et sans croissance économique (verte ou pas), deviendrait automatiquement « puissant » ?
A court terme vous avez raison, mais la démographie est une discipline du long terme. Retournez à l’article : pour l’empire romain ou la France l’évolution s’étale sur plusieurs siècles
Tout cela et bel et bien bon ! Mais ça n’est qu’analyse, projective et synthèse aussi bien soient-elles présentées il manque, me semble-t-il le principal. Deux nombres mis côte à côte ne font pas une addition…il faut le petit plus (+) pour obtenir un résultat.
Sans avoir fait Saint-Cyr il est évident que la démographie est « le Problème », quelle est donc la solution ? C’est la solution qu’il faut apporter…Auriez-vous une ou des solutions à proposer ? Je crois qu’elles existent mais la volonté politique internationales n’est pas au rendez-vous ! Et cela pour de multiple raisons…cependant nous pourrions commencer en Europe à mettre en application certaines règles simples et profitables.
Votre remarque est trop vague. À quoi pensez-vous ? En attendant je vais vous faire une réponse aussi vague : la fécondité est l’affaire des couples, et les gouvernements n’y peuvent pas grand-chose. La mortalité est largement affaire de comportement personnel (hygiène par exemple, ou respect des gestes barrières) et les gouvernants n’y peuvent pas grand-chose non plus. L’exemple africain montre que malgré une infrastructure médicale très insuffisante, les progrès de l’hygiène ou diminué considérablement la mortalité
La fécondité est l’affaire des couples dites-vous, et vous avez malheureusement raison ! Cependant pour réguler les naissances, incitation à avoir des enfants ou incitation à réduire le nombre d’enfants, selon les besoins de la nation concernée, il suffirait d’adapter des moyens financiers suffisants. pour le profit des couples et de leurs enfants ! Il me semble, sans toucher aux sacrés « Droits de ‘Homme », au sacré tout court, et à la fécondité, que l’affaire des couples se définirait alors, et uniquement, en fonction de leurs intêrets financiers….mieux vivre en faisant moins d’enfants d’un coté ou mieux vivre en faisant plus d’enfants d’un autre coté selon les besoins de la nation et de son peuple…dans le seul but d’éviter une surpopulation et permettre un bien vivre chez soi…Les Etats ne sont pas toujours à la hauteur pour décider de ce qui est bien ou pas pour les couples et même dirais-je que l’Etat est souvent à coté de la plaque…Pour finir juste sur le principe des droits de l’homme, qui sont souvent utilisés à contre-sens et parfois pour n’importe quoi et par n’importe qui, ou se niche ce principe quand des millions, des centaines de milllions de femmes, d’enfants, d’hommes crèvent de faim parceque justement dans certains pays la démographie est galopante et que dans d’autre ce concept est totalement ignoré, comme nous le savons dans un certain nombre de pays arabo-musulmans ou bien d’autre comme la Chine et l’Inde mais aussi chez nous en Europe les Roms ou encore chez nous dans nos HEPAD ou le Rivotril et le Redemsivir à fait florés ! Vous m’excuserez mais j’aime bien vous lire même si je ne suis pas toujours d’accord avec vous j’apprend toujours quelques bonnes choses et souhaite vous remercier pour cela !
Merci, mais vous Aborder tellement de sujets que je ne peux pas répondre à tous.
Je ne suis pas un démographe, mais si j’en comprends le rôle et les évolutions de population parfois inquiétantes je ne me sens pas capable de transformer les courbes en prévisions à plus ou moins long terme car trop de facteurs essentiels sont d’un avenir incertain. Mon métier m’a prévenu contre ce qui ne peut arriver et survient quand même dans une série de circonstances dont l’improbabilité de la concomitance faisait considérer le risque comme voisin de zéro. Votre présentation simplifiée est très complète et parfaite. Elle retrace bien ce que nous vivons depuis une décennie, mais je ne ferai pas totalement miens tous vos commentaires..Poutine est un grand chef largement chatouillé par des USA incapables de sortir de leur axe du mal et qui sont les grands fauteurs des troubles moyen-orientaux. Si le président sortant fut une sorte de clown il faut se souvenir de la vie qu’on lui a fait mener et que l’héritage était catastrophique sur bien des points. Je crois que ce pays a beaucoup changé et que les latinos peuvent avoir aussi beaucoup de talent, comme tous ses habitants quelle que soit leur couleur de peau dans la mesure où leur formation y a contribué. L’islam va nous préoccuper de plus en plus, mais tous mes amis d’AFN me répètent sans cesse que les chiites ne sont pas des musulmans. Cette opposition peut aller très loin, mais peut-on prédire jusqu’où? on ne peut que constater qu’Israël progresse dans ses relations sunnites, mais que la Turquie joue un jeu dangereux dont le dernier épisode ne sera pas forcément favorable au Grand Turc. En Chine les Ouïgours turbulents n’ont que ce qu’ils méritent, alors que les pauvres pacifistes tibétains sont écrasés par le rouleau compresseur chinois. Marx était athée, mais heureusement , lui, n’a jamais pris le pouvoir. Un dernier mot sur les retraites qui devraient combiner un minimum obligatoire par répartition généralisé et étatisé, combiné avec le minimum vieillesse pour les plus démunis, avec la liberté pour chaque corporation de compléments personnels capitalisés par fonds de pension ou choix individuels, comme cela se pratique déjà bien souvent dans la réalité avec de nombreux retraités propriétaires bailleurs ou autres qu’il conviendrait d’ailleurs de mieux protéger. Meilleurs voeux 2020.
Vous posez beaucoup de questions et je ne pourrai pas répondre à toutes ! Pour les retraites, je suis pour la liberté et constate comme vous que l’immobilier est une amorce important de capitalisation. Mais lisez mon article sur ce sujet, et vous verrez que même l’immobilier dépend de la démographie !
Quant aux prévisions démographiques, elles sont beaucoup plus stables que les militaires ou les géopolitiques. Sauf bouleversement, le bébé d’aujourd’hui est là pour 85 ans et des tables de mortalité, jusqu’à présent un peu plus prudentes que la réalité, sont respectées
J’ai omis de souligner que votre « démographie politique » est beaucoup plus passionnante que la simple analyse des tables de mortalité et leurs mouvements induits qui ne sont que l’étude de chiffres vérifiés par le passé et probables pour l’avenir, ce qui n’enlève évidemment rien aux qualités et mérites des uns ou des autres, et je ne peux m’empêcher de rappeler cette réponse d’Alfred Sauvy à Télé 7 Jours le 26 avril 1986 : « La question du terrorisme venant du Proche-Orient est dérisoire à côté du déséquilibre qui se profile en Méditerranée occidentale. On oublie totalement l’effondrement de la natalité en Espagne et en Italie, encore beaucoup plus grave que celui de la France. À côté de cela, l’Algérie et le Maroc doubleront leur population dans vingt-cinq ans (…). Il y aura bientôt une disproportion dangereuse non seulement dans les nombres mais aussi les âges. D’un côté, des peuples jeunes, exubérants et, de l’autre, des vieux pensant à leur retraite et à leur tranquillité. D’où un déséquilibre dangereux et la tentation de s’assurer un espace vital. » Qu’en dire aujourd’hui?
Merci !
Depuis l’analyse d’Alfred Sauvy, la situation démographique s’est beaucoup détendue en Tunisie et au Maroc, mais nettement moins en Algérie. Mais du fait de l’inertie démographique (évolution du nombre de parents…) la population continue à y croître. Par contre la situation de l’Italie et de l’Espagne s’est encore détériorée. L’Italie se vide de ses jeunes, l’Espagne bénéficie par contre d’une forte immigration d’Amérique du Sud… et du Maroc.
La technologie est aussi une variable qui doit, à mon avis, être prise en compte dans l’équation à long terme de la « puissance ». Rome a certes disparu parce que sa population native était devenue trop faible par rapport à l’étendue de son empire et qu »elle ne pouvait donc plus contrôler elle-même les » Marches » face aux migrations « barbares », mais aussi parce que sa technologie ( militaire, économique, marchande, artisanale) n’était plus supérieure à celle des « barbares », ne serait-ce qu »en raison du transfert technologique et culturel ( et on revient ainsi à la question chinoise). Le plus inquiétant en vérité, c’est le changement climatique qui va accélérer les migrations sud/nord, plutôt que les différentiels démographiques. C’est de ce côté là qu »il faudrait chercher la solution.
Merci ! Mais justement parce que les technologies se transfèrent, ce qui « reste » de particulier à chaque nation, c’est la démographie. Et dans le cas de la Chine, la technologie étant transférée, c’est actuellement son importante population, mais ce sera demain la fonte de la partie active de cette population (logiquement il faudrait donc prévoir une augmentation de la retraite qui annulerait cette évolution pour longtemps, mais quantitativement plus que qualitativement… je m’arrête là, sinon cela va devenir un nouvel article)
Mais quid des échanges futurs de technologie si la Chine s’isole ? Je suis en train de rédiger quelque chose sujet, rendez-vous bientôt
merci pour cet article ,très complet dans le cadre d un simple mail.il me semble que la demographie s ajoute
a d autres donnèes techniques ,psychologiques, geographiques, etc si bien qu elle ne peut pas a elle seule
« prévoir » l avenir des nartions du monde; la prévision est elle une science?
Tout à fait d’accord ! La prévision n’est pas une science. Quant à la démographie, elle ne suffit pas à déterminer l’avenir. Je veux dire dans cet article qu’elle impose des contraintes fortes, souvent insurmontables et qu’elle doit donc être prise en compte à côté des autres facteurs.
Je crains que la préoccupation démographique « population=croissance » soit essentiellement liée à un type de développement et à un type d’ordre mondial (fondé sur l’Etat-Nation). Evidemment cet ordre-là existe et pour quelque temps encore: mais, puisque la démographie est un raisonnement à long-terme, il peut être utile de penser AUSSI l’Etat-Nation sur le long terme. Si la Chine a un problème démographique sur le long terme, son affaiblissement économique (en terme de croissance) n’est pas si évident que ça: elle trouvera (je parle de l’Etat chinois) ses consommateurs ou ses producteurs…dehors ! Sa stratégie de domination financière sur la planète avec ses prêts « toxiques » (exemple différent mais intéressant de Médiapro, exemple risible quant à la naïveté française, mais si parlant quant aux rapports du monde avec l’Etat chinois) pourra résoudre son « problème » démographique (et financier, donc) pour quelques temps. Et son extension territoriale en Asie du Sud-Est, voire en Asie de l’Est (Taïwan) ou du Sud (vers l’Inde) lui compensera (sur le long terme) sa perte de population, toute relative. Au point où elle en est, la Chine a un coussin de réserve qui lui assure un bel avenir! Le jour où cette nation (Han) sera réduite à quelques millions d’individus, la France aura déjà disparu et le monde entier sera peut-être une possession chinoise (un monde intégré dans un nouvel Etat « multinational » chinois: sur le modèle du Tibet). Et les E.T. auront peut-être déjà débarqué sur terre…Je ne suis pas rassuré par l’affaiblissement démographique de la Chine: au contraire, même ! Si elle construit une nouvelle « Muraille de Chine » sur son flanc Sud, c’est qu’elle essaie déjà d’éviter une fuite de sa population, justement parce qu’elle a bien compris le problème. Et donc, elle réagit maintenant, et elle en devient nerveuse ou agressive. Les dictatures sont rarement affaiblies par des problèmes démographiques ou économiques: c’est plutôt l’inverse qui se passe. Ces problèmes-là les confortent ou les consolident. Et la maîtrise technologique, d’ailleurs, dans ce type de situations, est très utile aux dictatures (quand elles savent user de l’insouciance des démocraties). Rappelons quand même qu’il s’en est fallu de peu, technologiquement parlant, que Hitler vienne à bout de la résistance britannique aux fusées nazies: où en serions nous aujourd’hui si la technologie avait été mieux maîtrisée par l’Allemagne, démographie favorable ou pas pour elle ?
Je suis d’accord sur certains points. Par contre, je n’ai jamais dit que la démographie était l’unique facteur d’évolution. Je pense qu’elle pose des problèmes incontournables, ce qui n’est pas pareil. Le plus difficile à articuler avec les autres facteurs est la différence de calendrier : en démographie, les étapes sont 30 ans pour changer de génération, 65 ans pour parcourir la pyramide des âges avant la retraite (ou 60 ans comment Chine sauf erreur), 90 ans pour disparaître. Alors que dans beaucoup de pays, l’étape suivante, ce sont des élections dans quelques mois
Sur ce sujet un livre très approfondi et passionnant « La planète vide » (Darrell Bricker et John IbbitsonLes Arènes, Paris, 2020)
Merci, mais donnez-nous en quelques lignes de conclusions de ce livre SVP
La thèse de ce livre est que notre bonne vieille terre n’atteindra jamais les prévisions à 11 milliards d’êtres humains, contrairement aux prévisions « officielles » de l’ONU. La baisse de la fécondité est constatée quasiment partout dans le monde, même la femme africaine n’acceptera plus d’avoir une dizaine d’enfants. Ils analysent la situation continent par continent, presque pays par pays. Tout est sérieusement étayé. Des paradoxes apparaissent.
Et, pour finir, ils pensent que le plafonnement de la population mondiale pourrait arriver plus vite que prévu et que les inconvénients entraînés par le vieillissement de la population mondiale (problèmes économiques, déclin de l’innovation,…) relègueront au 2ème plan les problèmes écologiques.
https://www.scienceshumaines.com/planete-vide_fr_42186.html
Merci ! Bref c’est exactement ce que je dis, sinon que dans mon dernier article je passe un peu vite sur la baisse de la fécondité en Afrique. En effet comme le taux de remplacement dans ce continent s’approche de 2,1, et qu’il y a un nombre élevé de parents, la croissance de la population africaine ne s’atténuera que lentement, et donc accumulera les surplus en valeur absolue pendant encore des décennies. Mais à long terme, je suis d’accord… et bien sûr immédiatement pour les mondes blancs et jaunes (dispensez-moi des périphrases soi-disant anti racistes à la mode). Autrement dit la baisse de la population « blanche et jaune » va être plus que compensée dans un premier temps par la croissance de la population noire, avant que cette dernière ne baisse à son tour. Mais je ne serai plus là pour le voir
Bonjour
Je me demande si les prévisions de l’ONU tiennent un peu compte de la physique…
Même en défrichant toutes les forêts tropicales, l’Afrique peut elle nourrir trois ou quatre milliards d’êtres humains ?
Une partie importante du continent est désertique, et les régions fertiles paraissent déjà bien pleines (Rwanda: 480 hab/km², Nigeria: 230 hab/km²).
Et l’Egypte, par exemple, doit déjà être assez loin de l’autosuffisance alimentaire, le système tient tant qu’il y a suffisamment de ressources à exporter pour acheter la nourriture ailleurs.
Vous avez raison, mais exporter pour payer la nourriture importée est le cas de nombreux pays. Celui de la Suisse je suppose, qui est pourtant le meilleur pays du monde économiquement. L’Afrique peut faire d’immenses progrès en productivité agricole, mais ça suppose une sécurité physique, juridique, des infrastructures et de l’éducation … De toute façon, comme je le dis dans mon article, en démographie il faut des dizaines d’années pour changer quelque chose… dans le meilleur des cas !
Bonjour. Il ne me semble pas possible de tenir un raisonnement solide sur la démographie sans prendre en compte le réchauffement climatique, qui est la principale toile de fond du siècle à venir, même si on refuse d’adhérer à la thèse de l’effondrement.. Au regard du réchauffement, et plus généralement des enjeux environnementaux, l’humanité est déjà en forte surpopulation qui en est un facteur majeur. En comparaison aux conséquences du réchauffement, les questions de puissance de tel ou tel pays, d’équilibre des retraites ou autres deviennent secondaires. Mais peut-être êtes-vous climatosceptique vous-même ? Si c’est le cas, pardonnez mon intrusion et acceptez mes salutations attristées.
Je ne suis pas climatosceptique, mais démographe et à ce titre je sais que la seule façon de diminuer rapidement la population est d’en tuer une partie. Je suis également économiste et à ce titre je sais que ce sont les vieux qu’il faudrait tuer (et moi le premier vu mon âge). C’est d’ailleurs la conclusion de mon livre de démographie qui a maintenant 15 ans (https://www.yvesmontenay.fr/2006/09/26/retraites-familles-et-immigration-en-france-et-en-europe-2006/) et où j’imagine qu’un président chinois (Xi était encore inconnu) fait un appel au patriotisme : pour la grandeur de la Chine je demande à tous les plus de 75 ans de sauter immédiatement par la fenêtre.
Pour revenir aux choses sérieuses, la seule façon de diminuer la population sans tuer tous les vieux est de limiter les naissances. Mais on peut pas y aller trop fort, sinon les vieux meurent de faim et de toute façon c’est extrêmement lent, car il faut au moins 85 ans pour renouveler une pyramide des âges. C’est en train de se faire dans le monde blanc et jaune, ça va se faire dans le monde noir. Pour le monde blanc et jaune, la diminution se fait trop vite pour garantir le niveau de vie des vieux, pour le monde noir elle se fait trop lentement. Mais de toute façon on n’y peut pas grand-chose, donc pour le climat, il faut trouver autre chose : technologie (ça avance bien) et conviction des gouvernements et des masses, et d’abord en Inde !
Votre article est passionnant à lire et à relire.
Je ne sais pourquoi, tout d’un coup, je ne me sens pas d’accord avec la définition textuelle d’A. Sauvy. Il me semble qu’il aurait fallu écrire:
« la démographie c’est très simple : c’est constater qu’e tous les enfant de 9 ans en auront 10 l’année suivante, sauf ceux qui seront décédés ».
Il semble que le temps à l’échelle humaine se raccourcisse et que les grandes évolutions soient plus rapides. Les progrès fantastiques de la science n’y sont pas pour rien, notamment dans le domaine de la communication qui permet à chacun de vivre de plus en plus par l’image et le son où bon lui semble, avec qui il le souhaite et contre quoi il s’élève. Ce brassage fantastique modifie les règles du jeu et les divers mouvements sociétaux qui parfois nous agacent restructurent les sociétés sans qu’aujourd’hui l’on sache très bien si l’on va vers de nouveaux conflits ou vers une harmonisation de la vie au quotidien dans les environnements les plus divers. Sans doute les deux, mon Général,. Le sport est devenu mondial et le « Dakar » se dispute dans les sables d’Arabie.
Merci ! Il est tout à fait exact qu’on ne voit plus très clair… Sauf pour la démographie, voir ma réponse à Philippe Waldteufel.
Un des sujets importants qui semble au cœur de la démographie est la dépendance alimentaire des pays à forte population de pays à agriculture de haute technologie. Si les « Termes de l’échange » (pétrole, matières premières, etc..) changent (et ils devraient changer en fonction de la pénurie énergétique future et du changement climatique), on peut penser que le retour des grandes famines est inévitable, et donc des flux migratoires massifs et conflictuels. Cela est-il gérable par anticipation autrement que par des actions fortes auprès des pays à démographie galopante ?
La démographie n’est pas galopante, au contraire, dans les pays « à agriculture de haute technologie ». Il n’est pas évident non plus que les termes de l’échange vont se dégrader car la réaction au changement climatique devrait au contraire diminuer la consommation d’intrants, tant d’énergie que de matières premières.
Quant à la démographie « galopante », ce sont les couples intéressés qui vont décider de se rapprocher ou non de deux enfants par femme, pas une « action forte » de l’étranger. Dans ce domaine il y a des actions divergentes : les talibans et autres djihadistes, mais aussi le pouvoir turc et plusieurs pouvoirs africains aussi bien chrétiens que musulmans poussent directement ou indirectement à une forte fécondité (on oublie souvent que les chrétiens africains ressemblent plus aux Européens d’il y a quelques siècles qu’aux chrétiens occidentaux d’aujourd’hui). En sens inverse, l’urbanisation et le coût de la scolarisation poussent à la diminution des naissances, comme naguère en Occident et aujourd’hui en Asie. Mais rien de tout cela ne peut être téléguidé par l’étranger
Je suis climato réaliste et conseille à Philippe W. X60 , de lire le dernier livre de son ancien Gérondeau X57Ponts62 auteur de la phrase « jamais autant de monde n’a été trompés par si peu » et de « Les 12 mensonges du GIEC, L’Artilleur, 2022 » .
Pour les climato réalistes laisser l’Afrique sans électricité est un crime : comment lire sans éclairage ni accès à l’internet ? comment tuer 4 millions de personnes par an avec les mauvaises énergies produisant du CO mortel.
Les 2 points qui me semblent absents de cette remarquable synthèse :
1/. l’age n’est pas un indicateur de capacité à « travailler » , comme le montre l’auteur et ses lecteurs => travailler plusieurs années après 65 ans déplace le curseur , notamment pour apporter une partie des soins aux vraiment âgés dépendants , mais pas que.
2/. le coût de l’énergie , facteur bcp plus important que la croyance que les énergies fossiles ont une influence importante sur le climat . Oui les énergies fossiles sont un problème … de coûts. On arrêtera d’émettre du CO2 quand les énergies alternatives seront moins chères . Les intermittentes font déjà économiser 20-25% des combustibles fossiles des centrales pilotables nécessaires aux jeunes et aux vieux. Mais dans les pays densement habités elle ne font pas le job. Heureusement les techno nucléaires seront probablement là d’ici 2100 pour de l’énergie pilotable abondante à moins de 100€ actuels le MWh.
La combinaison de 1 et 2 ce sont les robots de plus en plus puissants et nombreux et que n’avaient pas les romains dont on peu dire que leur production d’esclaves n’était pas à la hauteur.
Oui, l’inversion des courbes de natalité n’est pas facile ni rapide… Tout est encore (en attendant les couveuses éventuelles au XXII ème siècle) dans le désir d’enfant de la femme qui les porteront. Il y aura tjrs un % non négligeable de femmes qui ne voudront pas d’enfants et les contraintes associées … Mais quand je vois et entend les autres … La société française et européenne a bcp à faire pour ne plus dépendre de la natalité non contrôlée d’autrefois. Revenu universel pour l’enfant dès sa conception et accueil inconditionnel des mamans et de leurs bébés…
Je ne suis pas inquiet.
Bien d’accord sur le fait que l’âge n’est pas un indicateur de capacité à travailler. D’ailleurs j’ai écrit quelque part qu’il fallait que le cumul emploi retraite soit sans limitation ni demande d’autorisation, y compris avec l’employeur précédent. Son cumul a été libéralisé récemment, mais il faut aller à la libéralisation totale.
Le désir d’enfant va continuer pour une majorité de femmes. Par contre le fait même qu’il existe une retraite indépendamment du nombre d’enfants dissuade une minorité, ce qui suffit à faire basculer la fécondité de chaque pays du mauvais côté.
Pour l’énergie je vous renvoie à deux prochains articles, dont le premier très bientôt
excellent article qui englobe le monde entier!
une remarque sur les latinos americains qui sont en majorité d origine europèenne et metis d indiens deja présent a l arrivèe des blancs; ils peuplaient tout le sud des usa ce sont donc des américains d origine.
Oui et non. Oui car une partie d’entre eux était là avant les Américains. Non car une grande partie sont des immigrants arrivés ensuite
Le désir de procréer est un sentiment insondable, caché au plus profond des êtres, voire même une capacité instinctive.
Quand on voit les milliers de km parcourus par certaines espèces animales, au risque de leur vie, pour se reproduire envers et contre tous, et qu’on compare cet état de fait à notre pauvre espèce humaine, on se dit qu’on est quand même mal barré!
J’ai travaillé pendant plusieurs années avec des allemands et leur pessimisme m’a marqué.
Pourquoi faire des enfants dans un monde voué à l’échec, disaient-ils.
Quand j’en vois certains qui croient qu’une allocation familiale ou un revenu universel pourrait inverser le cours des choses…
Je crois que c’est le contraire.
Je pense que l’enthousiasme vital et par voie de conséquence le désir de procréer réclament une certaine insouciance, et aussi une certaine crainte (de disparaître), une difficulté à vivre (de nombreux combats nécessaires), et peut-être même une certaine ignorance.
Le fait que l’homme d’aujourd’hui, surtout depuis qu’il maîtrise sa fécondité, imagine avoir tout compris et dominé, croit qu’il n’a plus grand chose à craindre, ou même à inventer.
Il s’emm…de.
Il n’accepte plus le moindre risque (on lui interdit même d’en prendre). Ce n’est plus un combattant, c’est un joueur vidéo.
Et il meurt, de plus en plus.
Merci ! Je suis tout à fait d’accord à la fois sur un plan général et techniquement : un des grands obstacles à la fécondité est l’existence des retraites, qui font que certains comptent sur les enfants des autres … heureusement la majorité reste sensible au désir et à la joie de procréer