Les événements géopolitiques conduisent la plupart des observateurs à conclure à un déclin de l’Occident. Mon avis est beaucoup plus nuancé.
En disant « Occident », on pense à un groupe de pays qui perdrait du terrain en géopolitique, en économie et en démographie. Ça me semble très exagéré !
De plus, je pense que l’Occident est une idée, une civilisation, plutôt qu’un ensemble d’Etats, et que cette civilisation garde tout son attrait.
La perception exagérée d’un recul géopolitique
La géopolitique est à la mode, et c’est d’abord dans ce domaine que la presse mondiale voit la preuve du déclin de l’Occident
Or qu’appelle-t-on « l’Occident » quand on parle de géopolitique ?
En simplifiant, on pense aux Etats constituant l’Union européenne et aux pays anglo-saxons : les États-Unis et le Commonwealth développé (Grande-Bretagne, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), soit environ un milliard de personnes sur une population mondiale d’environ 8 milliards. Leur population y est encore majoritairement d’origine européenne, mais de moins en moins.
Personnellement, j’y ajoute le Japon, Taïwan, la Corée du Sud et Singapour, qui sont des pays libres et développés, avec notamment un enseignement supérieur qui diffuse les mêmes valeurs scientifiques et humaines. Je n’utilise pas le mot « libéralisme », car il est souvent l’objet de contresens.
Comme illustration géopolitique du déclin de l’Occident, on cite souvent le poids de la conférence des BRICS* (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ou de l’Organisation de coopération de Shanghai** regroupant des Etats totalisant 3 milliards d’habitants.
Or, ces pays n’ont rien en commun, ni comme objectifs, ni comme puissance, ni comme systèmes politiques ou économiques. Et les deux plus importants, la Chine et l’Inde, sont même militairement ennemis. Or, avec leurs 2,8 milliards d’habitants, ce sont ces deux pays qui font l’essentiel des groupements géopolitiques considérés comme illustrant le déclin de l’Occident.
De plus, certains des pays de ces groupes sont partiellement occidentaux, notamment le Brésil par la formation intellectuelle d’une grande partie de sa population,
Donc, quelles que soient les déclarations de ces groupes, je ne vois pas ce que ce qu’ils peuvent faire de concret qui soit anti-occidental. C’est donc à tort que l’on se laisse impressionner et que l’on en déduit un déclin de l’Occident.
Sur ce thème, vous pouvez lire, par exemple, l’analyse du politologue Zaki Laïdi dans Le Monde « Sommet des BRICS : « Une fois les récriminations anti-occidentales exprimées, chacun déroule son propre agenda »
La confusion de la géopolitique actuelle s’explique par la disparition du duo URSS – USA qui avait le mérite de la simplicité.
L’URSS est aujourd’hui remplacée par la Russie, mais entre-temps la Chine a pris la deuxième place, tandis qu’émergent d’autres pays comme l’Inde ou l’Indonésie. Ou encore l’Iran, non par sa puissance économique mais par sa capacité de nuisance : approche de l’armement nucléaire, perturbation de l’Irak, de la Syrie et du Liban via la partie chiite de leur population, soutien au Hamas et fourniture massive de drones à la Russie.
La géopolitique n’est pas tout, et ceux qui s’inquiètent ou se félicitent du déclin de l’Occident parlent aussi de ses supposées faiblesses économiques et démographiques.
Faiblesse économique ?
Commençons par sa perte de poids économique.
Là aussi, il faut distinguer évolution naturelle et déclin : ce n’est pas parce qu’un pays non occidental se développe que l’Occident décline. C’est plutôt le contraire, car sa croissance bénéficie à tous : il n’y a qu’à voir l’inquiétude des financiers et des économistes sur les répercussions mondiales négatives du ralentissement chinois !
Le développement est une invention occidentale, mais ce n’est pas un secret et certaines de ses composantes, notamment techniques, se diffusent facilement, là aussi au bénéfice économique (mais pas forcément géopolitique) de tous.
Ces techniques ont souvent été implantées dans des pays concurrents, dont la Chine, par des entreprises occidentales, notamment de Taiwan : fabrication d’avions, de voitures, de turbines, de puces électroniques…
Bref c’est l’Occident qui est à l’origine du développement. Il peut être géopolitiquement nié mais ce n’est pas une illustration de son déclin économique.
Plus généralement, voir certains pays se développer est plutôt un succès qu’un échec pour l’Occident. Mais pour se développer complètement, il leur faudrait s’occidentaliser davantage, d’abord en permettant la libre circulation des idées et des hommes.
La réaction à la pandémie en est une illustration intéressante : c’est en Occident que la réaction a été la plus rapide et la plus efficace.
La Chine a non seulement été moins efficace médicalement, mais s’est auto-paralysée, ce qui a nui à sa réputation économique et géopolitique.
Et il semble que bien d’autres pays, à commencer par la Russie, ont été bien plus sévèrement atteints que l’Occident, même s’ils cachent soigneusement leurs statistiques de mortalité…
En général, on illustre le déclin économique de l’Occident en citant la montée de la Chine. Or depuis plusieurs années, j’insiste sur le fait que le développement de la Chine est en partie un phénomène naturel : le rattrapage. Lorsque le l’Europe de l’après deuxième guerre mondiale à elle aussi fait son rattrapage, ce qui a réduit le poids relatif des États-Unis, personne n’en a tiré l’idée d’un déclin de ces derniers.
Ce rattrapage chinois provient du retour à l’ordre public après le désastre maoïste et de l’adoption de quelques mesures occidentales comme l’adoption d’une économie (partiellement) de marché. Mais son refus de plus en plus proclamé des valeurs occidentales va faire plafonner son économie à l’avenir.
La prise de conscience tardive de ces deux mécanismes, auquel s’ajoute une catastrophe démographique, fait qu’on ne parle plus du dépassement de l’économie américaine par l’économie chinoise, bien que ce pays soit 4 fois plus peuplé !
En attendant, les économies occidentales poursuivent leur progression, qui paraît lente à leurs habitants, mais qui, replacée dans une perspective long terme, reste importante. D’autant plus que la pandémie venue de Chine les a gênées pendant plusieurs années.
L’inflation actuelle me semble passagère, sous l’effet de la guerre en Ukraine et du “quoi qu’il en coûte” français et de ses équivalents étrangers.
Faiblesse militaire ?
Comme pour le développement, des matériels militaires relativement simples se diffusent facilement, ou peuvent se fabriquer localement, comme certains drones.
Tandis que le matériel plus sophistiqué fait l’objet de contrats de vente d’armes qui font la fierté des États-Unis et même de la France avec ses canons Caesar et ses Rafales. Ces armes sont ensuite probablement copiées par le reste du monde.
Donc voir désormais des pays très moyens, et à fortiori la Chine, gagner en puissance me paraît inévitable et naturel. Ce n’est pas l’illustration d’un déclin.
D’ailleurs, que valent aujourd’hui les armées non occidentales ?
L’armée russe, censée naguère être la deuxième du monde, a étalé ses faiblesses et doit aujourd’hui se réfugier derrière des lignes Maginot pour se protéger de la petite Ukraine et importer une partie de son matériel de Turquie et d’Iran.
L’armée chinoise impressionne par son arsenal nucléaire, la quantité de son matériel, l’importance de sa flotte, mais personne ne sait ce qu’elle donnerait dans un conflit réel.
Rappelons que le budget militaire américain est 4 fois celui de la Chine et 10 fois celui de la Russie.
Faiblesse démographique ?
On pointe à juste titre le vieillissement de l’Occident et la baisse de sa fécondité. J’ai toujours été nataliste, alors que ce terme a été déconsidéré, mais revient actuellement un peu en grâce face à l’écroulement démographique de la majorité du monde.
Cet écroulement est peut-être le phénomène mondial le plus important actuellement, mais les pays les plus touchés aujourd’hui ne sont pas l’Europe ou les Etats-Unis, mais le Japon, la Chine, Taïwan et la Corée du Sud, qui sont ou seront bientôt suivis par l’Amérique latine, l’Inde, le Vietnam, la Thaïlande….
Pour l’instant, les pays occidentaux sont mathématiquement moins touchés du fait d’une forte immigration. Cette immigration leur évite de sombrer comme l’Asie orientale, non seulement démographiquement mais aussi économiquement.
J’ai bien conscience des craintes politiques et culturelles face à cette vague.
Mais mon avis, que j’avoue être à contre-courant, est que ces craintes sous-estiment l’assimilation au fil des générations, du fait des mariages mixtes et de la réussite professionnelle, notamment décrite par Arnaud Lacheret dans son livre Les intégrés – réussites de la deuxième génération de l’immigration nord-africaine.
La fécondité de la diversité est maintenant évidente pour les entreprises. Reste à la gérer aussi bien dans les administrations ou la société dans son ensemble. Il est vrai qu’il est plus facile de faire respecter l’ordre public dans une entreprise privée que dans une société démocratique.
Et c’est justement cette immigration qui illustre l’autre face de l’Occident : Il n’est pas seulement un objet géopolitique, il est d’abord une civilisation.
L’Occident en tant que civilisation
Pourquoi cette vague migratoire ? Pour avoir un meilleur niveau de vie, certes, mais pas seulement.
Déjà, ce meilleur niveau de vie est un coup de chapeau à l’efficacité du système occidental !
Mais il s’y mêle pour beaucoup le désir d’une vie plus libre, y compris sur le plan intellectuel : malgré un niveau de vie important sur place, une bonne part des notables non occidentaux viennent séjourner en Europe ou aux États-Unis, où leurs enfants se fixent souvent.
Et parmi les migrants plus modestes, beaucoup fuient les dictatures, les islamistes, et plus généralement l’insécurité physique ou intellectuelle.
C’est l’occasion de se demander ce qu’est intellectuellement l’Occident.
Résumons Raymond Aron : l’Occident est un modèle de civilisation, et un système de valeurs contingent et fragile.
Philippe Nemo l’a bien décrit dans son ouvrage « Qu’est-ce que l’Occident ? » : la combinaison de la Grèce classique, du juridisme romain, du christianisme, de la Renaissance, du protestantisme et des Lumières, tout cela permettant une vie intellectuelle libre et innovante.
Or ce résultat est redoutable pour les dictatures de toute espèce, et, comme le dit très clairement le président chinois, « les valeurs occidentales sont l’ennemi » et sont coupables d’impérialisme culturel.
Cela explique largement la situation géopolitique et les déclarations anti-occidentales des autocrates.
Mais ces derniers, et notamment la Chine, vont devoir se renforcer économiquement sans la liberté de l’information et la concurrence des idées.
Je pense qu’ils ne réussiront pas, et le retournement des anticipations sur le développement de la Chine montre que nombre d’experts se sont désormais rangés à mon avis, même s’ils ont une approche trop financière de l’économie, alors que je pense que l’échec chinois est surtout démographique et politique.
Par ailleurs, l’Occident est souvent victime de sa tendance à l’autoflagellation. Mais pour moi, c’est le défaut d’une qualité.
L’autocritique, faiblesse à court terme, force à long terme
Historiquement, l’Occident a progressé notamment par sa faculté d’autocritique :
- autocritique intellectuelle, par exemple la Réforme ou les Lumières, origine de la Révolution. Elles ont sur l’instant causé des désordres sanglants, mais ont permis dans un deuxième temps la liberté de conscience et la liberté politique. Le marxisme est l’une de ces autocritiques, ainsi que les nouvelles modes décoloniale ou woke. J’espère que la libre discussion permettra d’en sortir par le haut, comme pour les deux premières.
- autocritique scientifique, chaque nouvelle idée remettant en question les connaissances passées. Cela à l’inverse des traditions qui ont paralysé les autres pays, traditions sur lesquelles beaucoup d’autocrates s’appuient pour garder leur pouvoir au détriment de leurs citoyens.
L’autocritique découle de la liberté de penser, pilier fondamental de la culture occidentale, et si j’ai placé ci-dessus l’intellectuel avant le scientifique c’est que le premier est une condition du second.
Cette attitude intellectuelle est résumée par le mot “humanisme”, et les lecteurs intéressés peuvent consulter une analyse du récent livre « Pourquoi les humanités sauveront la démocratie » d’Enzo Di Nuoscio dans ce domaine.
C’est cette remise en question permanente qui a permis les progrès dans tous les domaines, et qui inquiète bien sûr les pouvoirs en place.
En conclusion
Finalement, au-delà des proclamations, les actions anti occidentales concrètes sont rares, à l’exception notable de l’agression russe en Ukraine et du succès des talibans en Afghanistan. On voit bien néanmoins que dans ces deux cas, c’est l’agresseur qui en sort finalement affaibli, qu’il gagne ou qu’il perde.
On constate également que l’économie de nos pays est plutôt moins menacée que d’autres. Et si quelques États se développent assez rapidement, cela ne se fait pas au détriment de l’Occident, comme on l’a à posteriori constaté pour le développement du Japon. Enfin, la crise démographique mondiale menace moins l’Occident que bien d’autres pays.
Il y a quelques années, mon propos aurait été inaudible. Mais l’échec chinois, et celui de l’agression russe en Ukraine ont ouvert les yeux de beaucoup sur les faiblesses des anti occidentaux.
Surtout si, comme je le pense, ces faiblesses proviennent de leur rejet des idées occidentales, plutôt que des considérations financières que l’on trouve dans les magazines économiques.
Un bémol toutefois pour nuancer ma position, qui vous paraîtra probablement trop optimiste : les gouvernants qui fixent les programmes scolaires du Sud imprègnent les jeunes d’anti occidentalisme, aidés en cela par certains enseignants du Nord.
Et cela vire localement à un nationalisme aigu ou à un endoctrinement religieux, qui peuvent générer des catastrophes, comme on le voit aujourd’hui de la part d’Israël et des Palestiniens. Et cela pourrait engendrer demain une invasion de Taïwan ou des succès islamistes, notamment au Sahel face à des gouvernants pensant vaincre seuls ou avec l’appui de quelques mercenaires russes brutaux et ouvertement pillards.
Ces catastrophes sont possibles, mais les problèmes des autocrates demeureront : l’Occident est d’abord une idée, et on ne peut pas tuer une idée.
Yves Montenay
* BRICS : Avec une population totale de 3,24 milliards d’habitants, les BRICS représentent 40 % de la population mondiale et une part du PIB mondial estimée à 26 % (26 billions de dollars). Les 4 pays fondateurs sont aujourd’hui parmi les 15 plus grandes puissances économiques mondiales : la Chine 2e, l’Inde 5e, la Russie 8e, et le Brésil 11e. L’Afrique du Sud qui les a rejoint en 2011 est quant à elle à la 39e place.
Pour s’affranchir de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, les BRICS ont créé en 2014 la Nouvelle Banque de développement (NBD) qui, depuis sa création, a prêté 30 milliards de dollars aux États émergents pour leur développement.
Porte-voix d’un monde non occidental, les croissances florissantes des BRICS rendent le club attractif et une vingtaine de pays souhaitent le rejoindre. Fin août 2023, les BRICS ont annoncé accueillir 6 nouveaux membres dès janvier 2024 : l’Iran, l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes.
** Organisation de coopération de Shanghai : créée en 2001 par la Chine, la Russie et 4 pays d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan), l’OCS s’est progressivement élargie à l’Inde et au Pakistan en 2016, et, depuis 2021, à l’Iran. La Mongolie, la Biélorussie et l’Afghanistan sont membres observateurs.
Les buts de cette organisation sont avant tout géopolitiques. Elle vise plus globalement à stabiliser la région centrasiatique en luttant contre les mouvements fondamentalistes et séparatistes. Elle s’élargit à une coopération économique et commerciale.
L’OCS participe à la stratégie diplomatique chinoise qui cherche à donner la priorité depuis le début des années 1990 à la mise en place de « partenariats stratégiques » avec tous les pays qui comptent et au premier chef ceux qui pourraient faire contrepoids à la puissance américaine.
Bon article, merci, qui s’inscrit dans la ligné de celui d’Amin Maalouf.
Cordialement
lm
Bonjour Yves,
Article très instructif car prenant le temps de montrer en quoi l’Occident ne se limite pas à des politiques d’Etats mais à une idée toujours attractive.
Reste que cette idée que l’on peut relier à l’aspiration continue des peuples à la liberté se heurte à la volonté de puissance des autocrates nationalistes, réactivée depuis quelques années avec la montée d’Etats émergents qui cherchent à reconstituer ou à consolider leur empire (Chine, Russie, Turquie, Iran).
Je serais donc moins optimiste au vu de la tendance à la diminution du nombre de pays démocratiques et à l’attrait que peuvent représenter pour certains dirigeants le modèle chinois.
2nd point : quel avenir pour l’UE – confédération d’Etats restant souverains et donc ovni politique – dans la résurrection de la confrontation éternelle du faible au fort ?
Bonjour Jean-Michel,
Il y a hélas beaucoup de vrai dans ce que tu dis, et l’histoire nous montre qu’il est rare que des aspirations des peuples renversent les autocrates. Il a fallu 70 ans et un changement de génération des dirigeants pour que ça arrive (puis rechute) en URSS, tendis que pour Cuba et bien d’autres, on ne voit pas la fin arriver. Un léger espoir serait la fin du prestige chinois, à laquelle je m’efforce de participer (minusculement) depuis longtemps.
Quand à l’avenir de l’UE, je n’en sais bien sûr rien. Théoriquement 450 millions et peut-être 500 dans quelques années de citoyens relativement libres et développés, ça devrait poser lourd. Mais il leur manque essentiel : le sentiment national qui est pour l’instant purement … national
– « Mais on oublie trop souvent qu’il n’est aucune idée plus consubstantielle à l’Occident que celle du déclin de l’Occident. Qu’elle fleurisse encore et toujours est donc plutôt un signe de bonne santé ! » (Pierre-Henri Tavoillot, philosophe – Déclin de l’Occident : mythe ou réalité ? Tribune 25 mars 2011)
On peut toujours se le faire croire. En attendant… ce qui finira bien par arriver, et qu’on le veuille ou non… on peut toujours lire «Le Déclin de l’Occident» d’Oswald Spengler, et «Décadence» de Michel Onfray, Et tant d’autres, Nietzsche, Houllebecq et j’en passe.
Au niveau individuel, passé un certain âge… pour moi un signe de bonne santé, mentale, c’est déjà d’accepter qu’on est sur le déclin. Que même s‘il nous reste encore de beaux jours à vivre, les meilleurs sont derrière nous. C’est accepter que rien n’est éternel, que tout a un début et une fin. Les êtres vivants, les espèces, les amours, les modes, les idées… Même les planètes et les étoiles. Alors pensez donc les civilisations. Penser le contraire, prendre ses désirs ou ses fantasmes pour des réalités, comme se faire croire qu’on est encore à son apogée alors qu’on totalise 60 voire 80 balais au compteur, ça par contre pour moi ce n’est pas un signe de très bonne santé, mentale.
Maintenant, si c’est le mental d’une civilisation qui fait sa vitalité… alors force et de constater que la notre est bien fatiguée. Il y a longtemps déjà que la lumière est éteinte, qu’on a perdu le sens des limites, comment alors ne pas sombrer dans l’hubris ? Sur pratiquement tout et n’importe on ne croit plus en rien, ou alors en n’importe quoi ce qui revient au même, nihilisme.
En attendant… on ne tire aucune leçon du passé. On persiste, on innove, on pompe, même s‘il ne se passe rien. En se disant que plus ça rate et plus on a de chances de réussir. Mais bon, on peut toujours se dire que penser comme ça c’est plutôt un signe de bonne santé !
Définition du mot déclin : État de ce qui diminue de valeur, de grandeur, d’éclat, de puissance. L’Occident est en déclin de puissance et d’éclat depuis ? la guerre de 14-18 ? la décolonisation commencée en 1950? Les États Unis du XXème siècle ont remplacé le Royaume Uni du XIXème , mais ont buté sur pas mal de résistances soutenues par l’URSS. Au XXIème, l’Occident est contesté de partout et il ne peut imposer sa volonté aussi facilement qu’au XIXème. Le déclin de l’Occident est partout, même s’il bouge encore.
Mais, à toutes les périodes de la domination occidentale sur le monde, il y avait de grandes différences entre les régions. La région « creuset » qui brillera plus que les autres dans la suite du XXIème siècle peut émerger de bcp d’endroits. Et sera probablement un métis de la vieille et ramollie civilisation occidentale.
Sa puissance sera différente de celle du royaume uni et ses canonnières … Mais elle nous est impensable et ne relèvera pas plus de la volonté consciente que les civilisations précédentes de l’histoire qui ont émergé du fait de conjonctions fortuites de ressources qui lui apportaient une surpuissance sur ses voisines.
Plutôt d’accord avec tout ça. Nietzsche voyait le nihilisme (qu’il associait à la décadence) dans la musique de son ex ami Wagner. Donc déjà avant 14-18. Quoi qu’il en soit, même si l’Art restera toujours difficile à définir, comment ne pas voir que dans ce domaine le meilleur est derrière nous ? Faut vraiment que toutes les lumières soient éteintes pour voir de l’art dans une pissotière (l’urinoir de Duchamp). Et ne plus savoir différencier une vessie d’une lanterne pour en arriver à comparer un Johnny à Mozart. Et encore s’il n’y avait que l’art.
Mais bon, pour se rassurer on peut toujours se dire qu’il bouge encore, l’Occident. On peut aussi voir de la grandeur dans sa démesure, de la vitalité dans sa vieillesse et sa mollesse. En attendant, plus de deux milles ans pour une civilisation… c’est quand même un bel âge, non ?
Quant à la suite, espérons déjà qu’elle entrera dans l’Histoire. C’est à dire qu’il restera encore longtemps du monde pour la raconter. Et pour en tirer des leçons.
On pourrait écrire le même livre qu’Edward Saïd (« Orientalism »), mais sur l’Occident : une construction rêvée (une idée, comme vous le dîtes) par ceux qui fantasment sur lui : mais rêver d’un objet réel ne le rend pas réel, pour autant. La Vague migratoire que vous évoquez prouve quelque chose, en effet : oui, les populations souhaitent vivre mieux, en Occident, mais « à l’Occidentale » ce n’est pas sûr (certains Immigrés en Occident ne le veulent pas). Vous vous référez constamment à « l’assimilation au fil des générations » : elle ne relève pas d’une loi scientifique, elle dépend du contexte (international et national). Nous ne sommes plus au milieu du 20ème siècle, encore moins au 19ème siècle : aujourd’hui, l’Etat français (entre autres) a perdu toute volonté d’assimiler, et la mondialisation (armé de son culte des identités transfrontalières) a promu le changement de territoires, sans adhésion aux Nations. L’UE en a rajouté une couche. La migration est devenue un libre-service matérialiste sur le mode Fastfood : du coup, l’Occident est en train de changer son logiciel mental (sur la laïcité, par ex).
Le fameux argument du nombre est dérisoire et pathétique : 10 personnes sont capables d’interrompre un concert dans une salle de 5000 personnes, quelques groupes de nazis sont capables de mettre Hitler au pouvoir (avec seulement 30 % aux élections, de surcroit) et 2 assassinats de profs tétanisent tous les éducateurs de France qui s’autocensurent sur certains sujets enseignés.
Qui symbolise le mieux ce qu’est devenue, aujourd’hui, cette « assimilation » que vous idéalisez au point de la croire automatique, et inévitable : le syrien Omar Youssef Souleimane ou le Tchétchène Mohammed Mogouchkov ? Lequel de ces 2 « modèles » fabrique réellement la France » d’aujourd’hui ?
Vous pensez la Russie ou la Chine fragiles : à entendre certains responsables politiques ou « Intellectuels » souhaitant négocier avec Poutine son invasion de l’Ukraine, on mesure la tentation pérenne de l’Occident à la « collaboration » avec l’envahisseur. Quant à la Chine, vous vous trompez : le « conflit réel » avec elle existe. Dans la « Méditerranée Asiatique » (Mer dite « De Chine ») l’invasion est acquise et quasiment terminée : sans réaction occidentale (sauf de la Cour de La Haye dont la Chine se moque). De fait, la Chine a envahi beaucoup plus que la Russie, dernièrement !
Vous affirmez « on ne peut pas tuer une idée ». OUI, mais une belle idée peut côtoyer tous les plus grands charniers du monde (même, parfois, les justifier) : les camps nazis affichaient « Arbeit macht frei », l’URSS se disait « soviétique » et égalitariste, et la Chine se déclare encore « populaire ». De surcroit, pour survivre, une idée doit être défendue (l’Occident le fait-il ?) et les autocrates doivent être rejetés par leurs sujets : vous voyez ça en Russie, en Chine, en Iran, etc ? On peut toujours y croire (dans 50 ans ?), mais entre-temps la naïveté occidentale, son irénisme et son autoflagellation auront simplifié la vie des autocrates. D’autant que, comme disait Lénine, les capitalistes vendront aux dictateurs la corde que ces derniers utiliseront pour les pendre (et pendre d’abord les populations où vivent ces capitalistes). Exemple : l’invasion chinoise du Pacifique a été négociée par Nixon, en 1972, en échange du marché offert par Chou En Lai aux capitalistes américains. La première annexion date de 1973, et l’US Navy, juste à côté, n’a pas bougé (marché oblige). Les Vietnamiens et les Cambodgiens ont payé la facture en 1975, par une invasion communiste qui a fait de leurs pays les plus pauvres du monde à la fin des années 70. L’Occident résiste ? Aujourd’hui, les caisses du fasciste Poutine sont encore alimentées par des entreprises occidentales, et les prétendues « sanctions » occidentales contre la Nomenkaltura russe ont oublié ses villas ou bateaux de luxe qui paradent en Europe. Sans oublier l’argent de l’UE donné (indirectement) au Hamas. L’Occident, une idée qui se défend ? Voir ça avec le maire de Francheville harcelé parce qu’il refuse de cautionner le port du Hijab dans son collège, ou avec les Suédois qui découvrent que d’anciens de Daech travaillent dans leur Education….
Pour enrayer le déclin de l’Occident et que les demandeurs d’asile n’y retrouvent pas ce qu’ils ont fui, il va falloir que l’Occident perde sa naïveté et sa foi dans le prétendu pacifisme de la société de consommation. Durant les « années folles », personne ne le croyait, mais… les « catastrophes sont possibles », en effet !
Il y a trop d’idées dans votre intervention pour les discuter une par une. Je reste sur mon idée de base qui est la distinction entre immigration (2 ou 300 000 personnes par an, extrêmement variées) et 10,100, 1000 terroristes. L’immigration est vitale, notamment pour des pays comme Italie ou l’Allemagne, même si les gouvernements proclament le contraire. C’est ça ou disparaître. Quant aux terroristes, ce sont des criminels ou des criminels potentiels à éliminer comme n’importe quels autres criminels.
Comme je vous l’ai déjà dit, cette idéologie de l’immigration au seul prétexte qu’elle est utile aux entreprises frise le pillage sordide du Tiers monde, et (quand j’aurai le temps) je vous donnerai les références de déclarations d’officiels ou d’Intellectuels africains (Mali, Maroc, Sénégal) qui en ont marre de cette démagogie humaniste occidentale qui fait du vrai trafic d’êtres humains en toute bonne conscience, comme le faisaient les colonialistes d’antan armé de leur catéchisme chrétien. La caricature de cette hypocrisie humaniste occidentale, on la trouve bien sûr chez les PDG (Les personnes Prétendues De Gauche) qui refusent de voir que les migrants qu’ils encouragent à venir en Occident finissent en quantité phénoménale aux mains des entreprises…des mafieux capitalistes de la drogue, comme chaire à canons pour tuer ou être tué. Quant à l’argument « c’est ça ou disparaitre », il est terrifiant : que reste t-il d’une civilisation si elle est prête à rétablir un véritable esclavage (sans le reconnaître, évidemment) pour garder son PIB ? Triste. L’Occident qui attirait hier les étrangers du monde entier parce qu’il avait des valeurs, certes en + de la richesse, existe de moins en moins, parce qu’il s’appauvrit d’abord mais aussi, ensuite, parce qu’il est en train de perdre ses valeurs attractives (laïcité, ordre et paix, nation, résistance aux conflits communautaires, assimilation et antiracisme): ça ne va pas durer. Les immigrés sont les premiers à souffrir du communautarisme dans certaines cités ou certains quartier (ceux qui glorifient le racialisme et les replis identitaires ne vivent pas là !). L’immigration est un beau projet quand il inclut réellement (c’est à dire quand il en a les moyens matériels, et quand il veut fabriquer des Français égaux), mais c’est un mensonge monstrueux quand il fabrique des mendiants ( à Toulouse, au Mirail. Ou à Paris, à Stalingrad) ou quand il ne s’intéresse qu’à maintenir des entreprises debout, sans aucun projet collectif national et moral. Ceux qui fuyaient le Vietnam communiste dans les années70, fuyaient la misère mais aussi la déliquescence d’un monde livré à l’individualisme et à la magouille, en sachant que l’Occident offrait , à contrario, un univers harmonieux et pacifique. Cette attirance a disparu, parce que cet Occident là commence à disparaitre. C’est d’ailleurs sur cette réalité que surfent un bon nombre de dictateurs démagogues, parce qu’ils savent que les gens (leurs populations) sont sensibles au Bien Commun, et au Bien Vivre Ensemble. Le Déclin de l’Occident, ça fonctionne bien chez Poutine (ou Chez Xi Jin Ping) parce que l’Occident fait exactement tout ce qu’il faut pour donner cette image du déclin au monde entier (aves ses conflits communautaires, avec son incapacité à combattre la criminalité et les mafias capitalistes, avec son juridisme bureaucratique qui poussent les individus à porter plainte pour le moindre rhume, etc).
Essayez de faire des commentaires plus brefs et de ne pas vous répéter. Et n’oubliez pas qu’il s’agit de départs volontaires et qu’ils sont la conséquence d’une mauvaise gouvernance du pays d’origine.
Certes il y a beaucoup d’idées dans tout ce que raconte Binh, mais il y a quand même du vrai.
Je ne dirais pas que le fameux argument du nombre est dérisoire et pathétique (sic), mais quand 10 personnes sont capables d’interrompre un concert dans une salle de 5000 personnes, c’est qu’il y a effectivement un problème. Et quand des millions de gens se laissent séduire par un fou, là c’est qu’il y a un sacré problème ! Seulement que fait-on pour empêcher ça ? Dans certaines réunions, notamment dans le «beau monde», ce genre de premier problème est vite réglé, manu militari. Et finalement ne perturbe pas grand chose. Pourquoi alors y aurait-il deux poids deux mesures ? Alors certes on peut dire qu’il en a toujours été ainsi, et partout, qu’une poignée de malfaisants suffit à semer le chaos, qu’on ne peut pas mettre des flics partout etc. Sauf que derrière les actes terroristes (comme ceux qui lui sont assimilés, exemple à la mode l’«écoterrorisme») il y a toujours un message politique, des revendications etc. Et là encore que fait-on pour y répondre ? Alors bien sûr, à ce stade on peut dire que le ver est dans le fruit, que le contexte économique, la situation internationale et blablabla, et que finalement… TINA. Autrement dit on continue comme ça et on verra bien. Et en attendant, la maison brûle. Et de tous les côtés. En attendant on parle d’écologie et en même temps on fait le beau sur le jet-ski. On dit que la guerre c’est pas bien et en même temps on vend des Rafale. etc. etc. etc. !
Je regrette, mais si cette hypocrisie, ce laxisme, cette surdité, cet aveuglement et tout ce qu’on voudra, si tout ça n’est pas un signe de décadence, alors c’est quoi ?
C’est tout simplement éternel, comme vous le dites vous-même. Une situation n’est jamais noire ou blanche, je réagis simplement contre la mode qui suscite tous ces articles sur le déclin de l’Occident, alors que le reste du monde accumule des problèmes plus graves
Éternel je ne crois pas, dans l’air du temps je veux bien. Comme cette fameuse grande peur de l’An Mil. Comme la Grande Peur qui s’est répandue en France à l’été 1789 pour se prolonger au-delà. Et comme plus récemment cette crainte du Bug du passage à 2000, qui personnellement ne m’a pas empêché de dormir. La «mode» actuelle est en effet au pessimisme, catastrophisme, à l’exagération, à la confusion etc. Pour moi ce n’est pas un signe de bonne santé.
Des problèmes plus graves, dites-vous ? Ben oui, seulement on ne veut pas les voir. À moins qu’on ne puisse pas, les voir. Déni ou cécité ? De toute façon ça revient au même.
– Un rapport de l’ONU alerte sur six risques catastrophiques pour la planète (Le Monde 25 octobre 2023)
Et encore s’il n’y a avait que ces six là… Mais bon, peut-être vaut-il mieux ne pas le dire…