Il y a un an, j’exposais dans un article les données de l’invasion possible de Taiwan par la Chine et cela a malheureusement été confirmé par l’actualité récente.
En effet, le voyage de Nancy Pelosi, troisième personnalité politique des États-Unis, après le président et la vice-présidente, a été considéré comme une insulte par Pékin et a déclenché des manœuvres militaires ainsi que d’autres représailles.
Commençons par exposer le fondement de cette situation telle qu’elle se présentait dans un calme relatif il y a un an :
La guerre pour Taïwan ? Précédents historiques et risques militaires
(cet article a récemment été repris par Conflits, la Revue de Géopolitique et par Contrepoints )
La réaction chinoise
Lorsqu’il a appris l’annonce du voyage de Nancy Pelosi, le président Xi a lancé : « Ceux qui jouent avec le feu en mourront » (Those who play with fire will perih by it).
Puis Nancy Pelosi est arrivée le 2 août à Taiwan et en est repartie le 3, sans réaction particulière ces jours-là.
Mais, après son départ, des missiles ont été lancés par-dessus Taiwan. Par ailleurs, des navires de guerre et des avions ont dépassé la ligne médiane du détroit la séparant de la Chine, et ont simulé un blocus en se plaçant tout autour de l’île.
On peut comprendre cette démonstration de force ainsi : « vous n’avez plus qu’à capituler, nous avons coupé la route à tout renfort américain, sauf à ce que les États-Unis tirent sur nos navires déclenchant une guerre nucléaire ».
Parallèlement, et c’est peut-être le plus dangereux, la Chine a rompu les contacts militaires avec les États-Unis, contacts qui étaient destinés à empêcher une guerre en cas d’incident ou de malentendu.
Enfin, la Chine a arrêté sa participation aux efforts de réduction du réchauffement climatique alors qu’elle est le principal pays pollueur.
Une réaction contre-productive ?
Pour Virginie Robert, dans Les Échos du 7 août, la Chine veut effacer « la ligne médiane » qui limite vers le large les opérations de son armée. Il est probable qu’en réaction les Américains, les Britanniques, et les Français enverront des navires de guerre dans le détroit.
Par ailleurs empêcher la circulation des cargos dans ce détroit où passe une grande partie du commerce mondial nuirait d’abord aux grands ports chinois, puis à l’ensemble du commerce international, d’où une hostilité croissante du monde extérieur envers la Chine.
Enfin une invasion de Taiwan entraînerait la paralysie de ses usines, notamment de semi-conducteurs, et c’est l’économie chinoise qui en pâtirait en premier lieu.
Enfin il est probable que cette action va encore accroître l’hostilité des Taïwanais envers la Chine, d’autant que, depuis mon article l’an dernier, la répression s’est intensifiée à Hong Kong, donnant un avant-goût de ce que serait une prise du pouvoir par Pékin.
À l’inverse, l’exemple ukrainien semble montrer qu’un petit pays peut faire face efficacement à un plus grand. D’autant que l’armée chinoise devrait traverser l’océan, puis contrôler une île très montagneuse, contrairement à la plaine ukrainienne sans limites naturelles avec la plaine russe.
Le contexte du troisième mandat du président Xi
Il faut dire que cette affaire tombe un moment très délicat pour le président. Les principaux notables du parti se réunissent actuellement informellement pour préparer les décisions de l’automne.
La plus attendue est la reconduction du président pour un troisième mandat, ce qui était interdit jusqu’à ce que l’intéressé impose ce changement.
Une sinologue, Jude Blanchette, envisage une solution intermédiaire où il obtiendrait ce troisième mandat, mais sans pouvoirs, du fait de l’opposition des cadres intermédiaires.
Cette opposition a été nourrie par la politique anti Covid forcenée menée par le président, avec ses confinements massifs et la paralysie d’une partie de l’économie.
Il est possible également qu’on lui reproche son soutien à la Russie dans l’affaire ukrainienne qui a accentué la coupure avec l’Occident et donc est une menace de plus pour l’économie chinoise.
Or l’économie chinoise est déjà menacée par une violente crise immobilière : une faillite des principaux promoteurs qui empêche l’achèvement de logements déjà payés.
La violente réaction du président est aussi une raison politique : il cherche à s’appuyer sur le sentiment nationaliste en illustrant la puissance de l’armée. Mais cette réaction ne devrait pas avoir de lendemain. On peut même espérer qu’elle donne des arguments à ses opposants, qui lui reprocheront vraisemblablement de multiplier les choix négatifs pour la Chine.
Donc le président doit à la fois se montrer très ferme, mais ne pas risquer d’entraîner la Chine dans une crise supplémentaire.
Le problème est qu’il a chauffé à blanc le nationalisme chinois sur les réseaux sociaux, allant jusqu’à laisser croire que la Chine pouvait à tout moment régler le problème par la force.
Que faire maintenant ?
Valérie Niquet, chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique, estime dans Le Monde daté du 9 août qu’il ne faut surtout pas accepter le discours chinois qui assimile cette visite à une provocation inacceptable, et donc ne pas renoncer à de futures visites à Taiwan.
Ce serait encourager la Chine à agir non seulement contre Taiwan, mais aussi en mer de Chine du Sud et ailleurs.
Le conflit dépasse sa dimension géopolitique déjà grave, en ce qu’il met en jeu les valeurs occidentales, déjà attaquées par de nombreux autocrates au désespoir de leurs peuples.
Yves Montenay
Il faut défendre Taïwan pour plein de raisons. D’abord parce que les Taïwanais ne veulent pas vivre sous un régime fasciste, raciste et expansionniste. Ensuite, parce que les Pays d’Asie du Sud-est (ceux de l’ASEAN, par exemple les Philippines, le Vietnam ou la Malaisie. Entre autres) ne veulent pas devenir des colonies chinoises (voire des territoires chinois). Enfin parce que le monde entier serait perdant si Taïwan était envahie par XiJinPing: le Pacifique deviendrait, alors (plus ou moins rapidement) une possession chinoise, et les impacts économiques seraient dévastateurs pour tous.
Sans oublier, bien sûr, les impacts politiques et diplomatiques généralisés : tous les apprentis dictateurs au monde se lanceraient alors dans la conquête de leur voisins immédiats, pour des motifs futiles, sinon inventés (comme la fameuse carte des » 9 Traits » dans le Pacifique, sortie par les staliniens chinois d’un vieux placard pourri d’une ambassade féodale rêvant éveillée de conquête impériale victorieuse sur l’Asie….!). Il faut défendre Taïwan pour arrêter de confondre Chine et Asie.